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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/953/2022

ATA/975/2022 du 27.09.2022 sur DITAI/207/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/953/2022-ICCIFD ATA/975/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2022

4ème section

 

dans la cause

Monsieur A______
représenté par Mes Pierre-Alain Guillaume et Yacine Rezki, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du 12 avril 2022 (JTAPI/374/2022) et la décision du 25 avril 2022 (DITAI/207/2022) rendus par le Tribunal administratif de première instance



EN FAIT

1) Monsieur A______, homme d'affaires né en 1963 à Genève, a déclaré être domicilié à Singapour à partir du 1er janvier 2009.

2) Trois procédures fiscales le concernant étaient ouvertes au début de l'année 2022 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) :

- A/2714/2020 : cette procédure concerne des décisions sur rappel d'impôt et soustraction fiscale reprochée à l'intéressé pour les années 2005 à 2008, durant lesquelles son domicile fiscal à Genève n'est pas contesté ;

- A/3579/2021 : par décision du 7 octobre 2021, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé de donner suite à une demande de décision préjudicielle portant sur l'étendue de l'assujettissement à Genève de M. A______ pour les années 2009 à 2015 ; par jugement du 12 avril 2022, le TAPI a rayé la cause du rôle, considérant que le recours était devenu sans objet dès lors que l'AFC-GE avait rendu une décision sur réclamation le 18 février 2022 qui englobait la question de l'assujettissement, et qui avait elle-même été portée devant le TAPI ;

- A/953/2022 : par décisions sur réclamation du 18 février 2022, l'AFC-GE a confirmé l'assujettissement illimité du contribuable à Genève entre 2009 et 2015, ainsi que ses bordereaux de rappel d'impôt et d'amende concernant les années précitées ; par acte du 23 mars 2022, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre les décisions sur réclamation précitées.

Procédure A/3579/2021

3) Par acte posté le 16 mai 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 12 avril 2022 rayant la cause du rôle, concluant principalement à l'annulation dudit jugement, à sa réformation en ce sens qu'il était enjoint à l'AFC-GE de rendre une décision préjudicielle sur son assujettissement, et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le prononcé d'une décision préjudicielle d'assujettissement permettait d'éviter une instruction très importante, puisque lui-même avait fourni 17 classeurs de pièces et demandé l'audition de 20 témoins, et que l'AFC-GE avait produit plus de 6'500 pages de pièces.

Le prononcé d'une telle décision préalable était un droit garanti par les art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 3 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), 35 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), et 49 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ce que confirmait la doctrine qu'il citait, ainsi que les travaux préparatoires relatifs à la LPFisc.

4) Le 17 juin 2022, l'AFC-GE s'en est rapportée à justice.

La question de l'assujettissement de M. A______ serait de facto traitée dans le cadre de la procédure A/953/2022. L'art. 35 LPFisc ne s'appliquait pas au cas d'espèce, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Selon la jurisprudence relative à l'art. 49 al. 2 LPA, il n'y avait pas d'intérêt digne de protection à obtenir une décision constatatoire lorsque le prononcé d'une décision formatrice était possible. Enfin, une décision de justice dans la cause A/953/2022 permettrait d'éviter inutilement une procédure longue et coûteuse au contribuable et une multiplication des procédures, l'ensemble des questions pouvant être tranchée de manière unifiée.

5) Le 28 juin 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 22 juillet 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

6) Le 12 juillet 2022, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations à formuler.

7) Le 22 juillet 2022, M. A______ en a fait de même, si bien que la cause a été gardée à juger.

Procédure A/953/2022

8) Dans le cadre de la procédure n° A/953/2022, M. A______ a conclu préalablement à la suspension de la cause jusqu'à droit connu dans la procédure n° A/3579/2021.

9) Par décision du 25 avril 2022, la présidente de la composition du TAPI appelée à statuer a refusé de suspendre la cause. Il n'existait pas de motif de suspension au sens de l'art. 14 LPA, le litige pouvant être tranché sans délai, ce d'autant plus que la cause n° A/3579/2021 n'était plus inscrite au rôle. Une suspension au sens de l'art. 78 LPA n'était pas envisageable en l'absence d'accord des parties, l'AFC-GE s'étant opposée à la demande de suspension.

10) Par acte posté le 6 mai 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant préalablement à ce qu'elle dise que le recours avait effet suspensif et ordonne au TAPI de suspendre l'instruction de la procédure, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, au prononcé de la suspension de la procédure n° A/953/2022 jusqu'à droit jugé dans la procédure n° A/3579/2021 et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il avait transféré son domicile fiscal à Singapour dès le 1er janvier 2009. Depuis cette date, il avait été assujetti à l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et à l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) à titre limité seulement, en raison des biens immobiliers qu'il détenait en nom dans le canton de Genève.

Le recours était dirigé contre une décision incidente, mais était néanmoins recevable au sens de l'art. 57 let. c LPA, la décision attaquée lui causant un préjudice irréparable. En effet, si la suspension venait à être refusée, il serait irrémédiablement et définitivement privé du droit d'obtenir une décision préalable sur l'étendue de son assujettissement durant les années concernées, alors que ce droit était garanti par la Cst. et par la loi. Par ailleurs, si les instances judiciaires devaient lui donner droit et juger qu'il n'était assujetti entre 2009 et 2015 qu'à titre limité, la procédure aurait été inutilement alourdie par tous les éléments portant sur les éléments imposables.

L'analyse des normes dont la violation était invoquée (soit les art. 29a Cst., 3 LIFD, 35 al. 2 LPFisc et 49 LPA), était identique à celle développée dans le recours concernant la procédure A/3579/2021. Par l'effet conjugué de la radiation du rôle du recours dans cette dernière cause, et du rejet de la demande de suspension dans la cause A/953/2022, le TAPI l'avait de fait privé de son droit d'obtenir une décision préalable sur son assujettissement à Genève.

11) Le 24 juin 2022, l'AFC-GE a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

La suspension en vertu de l'art. 78 let. a LPA n'était pas envisageable, car elle s'y opposait. L'art. 14 al. 1 LPA ne prévoyait pas une suspension systématique, ladite suspension ne devant être prononcée que lorsque le sort de la procédure en dépendait. Il était contraire à l'économie de procédure d'attendre la décision d'une autre autorité si le litige pouvait être tranché de manière autonome, ce qui était le cas en l'espèce.

À l'intérêt du contribuable d'obtenir une suspension dans l'attente d'un jugement sur sa demande de décision préalable d'assujettissement devait être opposé celui de la collectivité publique à recouvrer ses créances, en particulier en l'espèce où les sommes en jeu étaient considérables et que la prescription était imminente pour les années les plus anciennes.

La suspension se justifiait d'autant moins que la revendication d'une décision préalable n'était pas fondée au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, ainsi que de la chambre administrative concernant l'art. 49 LPA, la décision de taxation en jeu dans la procédure A/953/2022 s'étant prononcée sur l'assujettissement illimité de M. A______.

12) Par décision du 5 juillet 2022, la présidence de la chambre administrative a refusé de constater ou de restituer l'effet suspensif au recours, et a rejeté la demande de mesures provisionnelles.

13) Le 7 juillet 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 29 juillet 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14) Le 13 juillet 2022, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations à formuler.

15) M. A______ ne s'est quant à lui pas manifesté, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l'espèce, les procédures A/3579/2021 et A/953/2022 concernent les mêmes parties et le même complexe de faits, les questions juridiques posées par les deux recours étant en outre – comme le souligne en substance le recourant – fortement imbriquées. Il se justifie ainsi de joindre ces causes.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours du 16 mai 2022 contre le jugement de radiation du rôle dans la procédure A/3579/2021, lequel est une décision finale, est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) a. La décision de refus de suspension rendue le 25 avril 2022 par le TAPI dans la cause A/953/2022 est quant à elle une décision incidente.

b. Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

c. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018 p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

d. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

e. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

f. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une décision de suspension de la procédure peut causer un préjudice irréparable lorsque le justiciable se plaint, pour cette raison, d'un retard injustifié à statuer sur le fond constitutif d'un déni de justice formel ; il faut à cet égard que le grief fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_908/2020 du 23 mars 2021 consid. 1.2.2 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 4.4.1). Ainsi, lorsque la suspension critiquée intervient à un stade de la procédure où il apparaît évident que le principe de célérité n'est pas violé, ou lorsque le recourant ne démontre pas qu'un tel risque apparaîtra nécessairement à terme, la jurisprudence s'en tient aux exigences de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 IV 175 consid. 2.3 ; arrêt 2C_804/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1.2 et les références citées).

g. À l'inverse, le refus de suspendre une cause dans l'attente d'une autre procédure et, par conséquent, la poursuite de l'instruction de la cause pendante n'exposent pas le justiciable à un préjudice irréparable de nature juridique dès lors qu'une décision finale qui lui soit favorable sur le fond du litige n'est pas exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_25/2018 du 19 janvier 2018 consid. 2.3).

h. La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l'instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3 ; 1C_205/2011 du 16 mai 2011 consid. 2 ; ATA/365/2010 du 1er juin 2010 consid. 4c). Pour qu'une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2014 consid. 2 et les références citées). Tel peut être le cas lorsqu'il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins, ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 10d et les références citées).

i. Les juridictions administratives peuvent rendre des jugements sur partie, ce qui leur permet d'examiner prioritairement des questions préalables telles que leur compétence. La chambre de céans rend régulièrement de tels arrêts (ATA/653/2022 du 23 juin 2022 ; ATA/66/2020 du 21 janvier 2020 ; ATA/912/2019 du 21 mai 2019 ; ATA/2/2018 du 5 janvier 2018), et aucune règle procédurale n'empêche le TAPI de faire de même (ATA/793/2022 du 9 août 2022 consid. 6), quand bien même le jugement n'est pas mentionné comme étant « sur partie » (JTAPI/1078/2020 du 7 décembre 2020, sur une problématique d'accès à des pièces).

4) En l'espèce, la question de la recevabilité sous l'angle tant du préjudice irréparable que de la possibilité d'éviter une instruction longue et coûteuse est intimement liée à l'examen du fond du litige, si bien que les deux doivent être examinés en parallèle.

5) Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 et la jurisprudence citée).

6) Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. La norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes physiques ou morales (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 143 I 344 consid. 8.2 et les arrêts cités). Ces droits et obligations ne découlent pas de la garantie de l'accès au juge elle-même, mais de ceux et celles que confère ou impose à l'intéressé un état de fait visé, notamment, par la Cst., la loi ou encore une ordonnance (ATF 136 I 323 consid. 4.3). L'art. 29a Cst. garantit l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 137 I 235 consid. 2.5). Il ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 précité).

7) a. Une personne est assujettie de manière illimitée en Suisse si elle y séjourne ou si elle y est domiciliée. Elle est considérée comme séjournant en Suisse au regard du droit fiscal lorsque, sans interruption notable, elle y réside pendant au moins trente jours en y exerçant une activité lucrative, ou pendant nonante jours au moins sans y avoir une telle activité (art. 3 al. 1 à 3 LIFD ; art. 3 al. 1 et 2 LHID). Elle est considérée comme ayant son domicile en Suisse selon le droit fiscal lorsqu’elle y réside avec l’intention de s’y établir durablement (Philippe KENEL, L’imposition d’après la dépense en Suisse, in Revue générale du contentieux fiscal 2018/6 489-507, p. 492).

b. Les éléments de fait constitutifs de la détermination du domicile fiscal doivent être clarifiés d'office par les autorités (maxime inquisitoire, art. 19 LPA ; ATF 138 II 300 consid. 3.4). L'obligation d'enquêter de l'autorité fiscale est toutefois contrebalancée par l'obligation de collaborer du contribuable (art. 42 al. 1 LHID).

c. Lorsqu'une personne conteste son assujettissement à l'impôt dans un canton, ce dernier doit, en règle générale, prendre une décision préjudicielle sur l'assujettissement avant de poursuivre la procédure de taxation ; la décision fixe le domicile fiscal du contribuable (ATF 134 I 303 consid. 1.1 ; 131 I 145 consid. 2.1 ; 125 I 54 consid. 1a ; 123 I 289 consid. 1a).

d. Si un assujettissement illimité est contesté, il n'existe par contre pas de droit à une décision préalable au sujet du domicile fiscal lorsqu'un assujettissement limité est de toute façon donné, car il ne s'agit que de l'étendue de l'assujettissement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2017 du 18 septembre 2018 consid. 4.1, avec plusieurs références doctrinales). Dans un arrêt plus ancien, le Tribunal fédéral avait déjà indiqué qu'il n'y avait pas place pour une décision constatatoire préalable lorsque le contribuable devait de toute façon remplir une déclaration fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2011 du 26 avril 2012 consid. 3.2).

Le principe selon lequel il n'existe pas de droit à une décision préalable lorsqu'un assujettissement limité est incontestable a été réaffirmé encore très récemment par le Tribunal fédéral, signe qu'il ne s'agit pas d'un arrêt isolé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_588/2021 du 2 juin 2022 consid. 3.1.2). Plusieurs auteurs le citent en outre sans formuler de critiques particulières à son égard (Denis BERDOZ/Marc BUGNON, La procédure mixte en matière d'impôts directs, in OREF [éd.], Les procédures en droit fiscal, 4e éd., 2021, 501-724, p. 520 ; Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH/Daniel DE VRIES REILINGH [éd.], Interkantonales Steuerrecht, 2021, § 40 n. 17 in fine).

e. Au surplus, en matière d'impôt fédéral direct, la loi ne prévoit pas de décision constatatoire (Markus REICH, Steuerrecht, 3e éd., 2020, § 26 n. 60), et le Tribunal fédéral considère qu'il y a lieu de se montrer restrictif en la matière (ATF 126 II 514 consid. 3e).

8) a. Toute personne qui, ayant reçu une formule de déclaration, estime ne pas être soumise à l’impôt dans le canton, comme ne remplissant pas les conditions prévues par la législation fiscale, doit la retourner au département, en exposant les motifs pour lesquels elle estime ne pas être astreinte à l’impôt (art. 35 al. 1 LPFisc). Le département statue sur la demande (art. 35 al. 2 LPFisc).

b. L’autorité compétente peut, d’office ou sur demande, constater par une décision l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations fondés sur le droit public (art. 49 al. 1 LPA). Ladite autorité ne donne suite à une demande en constatation que si le requérant rend vraisemblable qu’il dispose d’un intérêt juridique personnel et concret qui soit digne de protection (art. 49 al. 2 LPA).

Une autorité ne peut rendre une décision en constatation que si la constatation immédiate de l’existence ou de l’inexistence d’un rapport de droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait auquel ne s’opposent pas de notables intérêts publics ou privés, à la condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé par une décision formatrice, c’est-à-dire constitutive de droits ou d’obligations (ATF 129 V 289 consid. 2.1 ; 126 II 300 consid. 2c). Il n’y a, en règle générale, pas d’intérêt digne de protection à obtenir (ou à rendre) une décision en constatation lorsque le prononcé d’une décision formatrice demeure possible en temps utile ; en ce sens, le droit d’obtenir une décision en constatation est subsidiaire, tout comme celui de l’autorité de prononcer d’office une telle décision (ATA/687/2021 du 29 juin 2021 consid. 7 ; ATA/1258/2017 du 5 septembre 2017 et les références citées).

Le principe de subsidiarité n’est toutefois pas absolu. Dans les cas où l’intérêt digne de protection du requérant est mieux servi par une décision en constatation que par une décision formatrice ou condamnatoire, notamment si la décision constatatoire tranche une question juridique essentielle et permet d’éviter une procédure complexe, l’autorité saisie ne se montrera pas trop stricte sur la question de la subsidiarité. De même, un intérêt digne de protection peut déjà être reconnu si la décision en constatation de droit permet au recourant d’éviter de prendre des mesures qui lui seraient préjudiciables, ou de ne pas prendre des dispositions qui lui seraient favorables (ATA/892/2015 du 1er septembre 2015 et les références citées).

9) En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir été assujetti à l'impôt dans le canton de Genève entre 2009 et 2015, mais soutient ne l'avoir été que de manière limitée, et non illimitée. Dans cette mesure, l'art. 35 LPFisc ne trouve pas application dès lors qu'il vise le cas des personnes ne s'estimant pas du tout soumises à l'impôt à Genève, et ne devant donc pas remplir de déclaration.

S'agissant du droit allégué à l'obtention d'une décision préalable sur son assujettissement, il découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée que, pour la même raison – à savoir son assujettissement au minimum limité –, le recourant n'a pas de droit à une décision préalable portant sur l'étendue dudit assujettissement, le droit – au demeurant non inconditionnel, comme en témoigne l'emploi de la formule « en règle générale » dans les arrêts du Tribunal fédéral – à une telle décision étant réservé aux litiges portant sur le principe même de l'assujettissement. L'art. 3 LIFD n'a donc pas été violé par le TAPI.

La question de l'assujettissement limité ou illimité du recourant a été examinée dans les décisions de taxation à l'origine de la procédure A/953/2022 et sera examinée par le TAPI dans son jugement au fond clôturant la procédure précitée. Dès lors, l'art. 29a Cst. ne trouve pas application en l'espèce, la contestation faisant l'objet d'un accès au juge, et l'art. 49 LPA – applicable par le truchement de l'art. 2 al. 2 LPFisc – n'est pas davantage violé, une décision formatrice ayant été prise.

Il résulte de ce qui précède que le TAPI était fondé à déclarer la procédure A/3579/2021 sans objet, ce d'autant plus que même si le recourant avait pu revendiquer le prononcé d'une décision préalable, celle-ci aurait pu être rendue par le biais d'un jugement sur partie dans la procédure A/953/2022. Le recours contre le jugement de radiation du rôle doit ainsi être rejeté. Il en découle logiquement que le TAPI n'avait pas à suspendre la procédure A/953/2022 jusqu'à droit jugé dans la procédure précitée, devenue sans objet. En l'absence par ailleurs de droit à l'obtention d'une décision préalable sur l'étendue de l'assujettissement, on ne peut retenir que la décision de refus de suspension causait au recourant un préjudice irréparable, ni que l'admission du recours puisse conduire à éviter une procédure longue et coûteuse, si bien que le recours contre la décision incidente de refus de suspension doit être déclaré irrecevable, conformément du reste au principe général prévalant en matière de refus de suspension.

10) Au vu de l'issue des deux litiges, un émolument de CHF 2'050.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/3579/2021 et A/953/2022 sous le numéro A/953/2022 ;

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2022 ;

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2022  ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 2'050.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Pierre-Alain Guillaume et Yacine Rezki, avocats du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :