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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2603/2022

ATA/927/2022 du 16.09.2022 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2603/2022-EXPLOI ATA/927/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 septembre 2022

sur effet suspensif et suspension de la procédure

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Oana Stehle Halaucescu, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



Vu, en fait, la décision rendue le 7 juillet 2022 par le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS) ordonnant à Madame A______, sous la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la fermeture immédiate et définitive du salon de massage « B______ » (ci-après : le salon) sis __, chemin ______ à Genève, interdisant à Mme A______ d’exploiter tout autre salon de massage ou agence d’escorte pendant dix ans, ces points étant déclarés exécutoires nonobstant recours, et lui infligeant une amende administrative de CHF 5’000.- ; elle faisait l’objet d’une procédure depuis 2018 ; il lui était reproché d’avoir servi de prête-nom à ses parents pour l’exploitation du salon ; d’avoir introduit ou autorisé de la drogue dans le salon et accepté que des prestations non protégées soient pratiquées pour un prix majoré, en violation des mesures de lutte contre le Covid-19 et l’art. 12 let. c de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) ; d’avoir exploité le salon en violation de l’art. 12 let. d LProst s’agissant notamment du temps à disposition des travailleuses du sexe et de leurs conditions de travail ;

vu le recours interjeté le 18 août 2022 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par Mme A______ contre cette décision, concluant à son annulation ; elle contestait les reproches ; une procédure pénale était en cours d’instruction ;

qu’elle a requis la restitution de l’effet suspensif, la décision attaquée la privant de revenus et de la possibilité de payer le loyer, et l’exposant à une résiliation du bail pour non-paiement, la contraignant à « mettre à la porte » neuf travailleuses du sexe enregistrées qui se trouvaient ainsi dans une situation de fragilité et notamment sans logement ; les faits étaient contestés et le DSPS avait attendu vingt-et-un mois depuis les derniers faits graves avant de fermer son salon, de sorte que la mesure ne pouvait remplir son objectif ; elle était maman depuis peu, n’avait pas d’économies et plus de revenu et le paiement de l’amende de CHF 5'000.- lui avait déjà été réclamé ;

qu’elle développerait ultérieurement la demande de suspension de la procédure administrative comme dépendant de la procédure pénale ;

que le DSPS a conclu le 29 août 2022 au rejet de la requête ; le rapport de la brigade contre la traite des êtres humains et la prostitution (ci-après : BTPI) du 18 novembre 2021 analysant le téléphone de la recourante et suggérant que de la cocaïne était régulièrement présente dans son salon n’avait pu lui être communiqué que le 28 janvier 2022 ; un nouveau contrôle du 10 avril 2022 avait révélé la présence d’une travailleuse sans permis ; la recourante avait sollicité plus d’une fois la suspension de la procédure administrative, ce qui lui avait été refusé ; le DSPS avait traité et instruit l’affaire sans désemparer ; l’intérêt public au maintien de l’ordre, en présence de distribution de cocaïne et de tolérance de pratiques sexuelles à risque, l’emportait sur l’intérêt privé de la recourante au maintien de son activité économique, celle-ci ne démontrant pas sa situation prétendument difficile et étant parvenue à assainir dans un très bref délai sa situation auprès de l’office des poursuites ;

que le 8 septembre 2022, la recourante a répliqué sur effet suspensif et persisté dans ses conclusions ; le DSPS violait la présomption d’innocence en affirmant que de la drogue était présente dans son salon ; la fermeture du salon la privait de sa seule source de revenus ; le salon avait continué d’être exploité durant près de deux ans après les événements de 2020, et il avait été rouvert après la fermeture imposée à la même époque par le médecin cantonal ; si le DSPS considérait que la poursuite de l’exploitation n’était plus compatible avec l’intérêt public, il lui appartenait de fermer le salon sans attendre ; le DSPS n’avait évoqué, deux ans durant, que la fermeture définitive du salon, et non sa fermeture immédiate, ce qui ne lui avait pas laissé le temps de se préparer à cette éventualité ;

que le 8 septembre 2022 également, la recourante a encore déposé un complément à son recours, développant ses arguments à l’appui de la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé au pénal ; elle contestait tous les reproches, et elle devait encore être confrontée à ses accusatrices au Ministère public ; elle avait été mise en prévention le 28 janvier 2022 d’encouragement à la prostitution, d’avoir employé une travailleuse sans permis, omis de percevoir et verser les cotisations sociales, participé à un important trafic de stupéfiants portant sur au moins 120 gr de cocaïne et contrevenu à de réitérées reprises aux prescriptions en lien avec la pandémie de Covid-19 ;

que le 15 septembre 2022, les parties ont été informées que la procédure était gardée à juger sur effet suspensif et sur suspension de la procédure ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

que selon l’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10), lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions ;

qu'aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/288/2021 du 3 mars 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que lors du prononcé de mesures provisionnelles, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que selon l'art. 10 LProst, la personne responsable d'un salon doit remplir les conditions personnelles suivantes : être de nationalité suisse ou titulaire de l'autorisation nécessaire pour exercer une activité indépendante en Suisse (let. a) ; avoir l'exercice des droits civils (let. b) ; offrir, par ses antécédents et son comportement, toute garantie d'honorabilité et de solvabilité concernant la sphère d'activité envisagée (let. c) ; être au bénéfice d'un préavis favorable du département, confirmant que les locaux utilisés peuvent être affectés à une activité commerciale ou qu'une dérogation a été accordée (let. d) ; ne pas avoir été responsable, au cours des dix dernières années, d'un salon ou d'une agence d'escorte ayant fait l'objet d'une fermeture et d'une interdiction d'exploiter au sens des art. 14 et 21 LProst (let. e) ;

que selon l’art. 12 LProst elle doit par ailleurs tenir constamment à jour et disponible le registre (let. a), s’assurer qu’elle ne contrevient pas à la législation, notamment sur les étrangers (let. b), empêcher toute atteinte à l’ordre public (let. c), contrôler que l’exercice de la prostitution est conforme à la législation (let. d), intervenir et alerter les autorités en cas d’infractions (let. f) et exploiter de manière personnelle et effective le salon (let. g) ;

que selon l’art. 14 LProst, l’autorité prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction, (a) l'avertissement, (b) la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois, et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue ou (c) la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans ;

qu’en l’espèce, la requête de restitution de l’effet suspensif tend à permettre à la recourante de continuer l’exploitation du salon ;

qu’à teneur du dossier, plusieurs actes d’instruction accomplis par la BTPI (auditions de témoins, visites domiciliaires, exploitation de supports numériques) entre 2018 et novembre 2021, les derniers parvenus à la connaissance du DSPS le 28 janvier 2022 seulement, ont fait naître le soupçon que la recourante aurait entre autres participé à la distribution de cocaïne au sein du salon, toléré des pratiques sexuelles à risque et omis de prendre des mesures Covid-19 et aurait ainsi créé un danger pour la santé des travailleuses, et porté atteinte à leurs conditions de travail ;

qu’il apparaît ainsi, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, que le DSPS pouvait considérer, sur le vu des seuls soupçons rapportés par la BTPI, qu’une situation de trouble sérieux à l’ordre public, dont la persistance et l’ampleur ne pouvaient être mesurées pleinement que début 2022, appelait l’exécution immédiate de la mesure de fermeture et d’interdiction d’exploitation ;

que la recourante, qui fait valoir un intérêt privé, certes important, à la poursuite de l’exploitation, ne démontre pas que sa situation financière serait mise en péril par la fermeture immédiate du salon ;

que l’amende de CHF 5'000.- qu’elle affirme ne pas pouvoir acquitter n’a quant à elle pas été déclarée exécutoire nonobstant recours par la décision attaquée ;

qu’il apparaît enfin, à première vue, que le DSPS n’a pas désemparé ;

que par ailleurs les chances de succès du recours n’apparaissent pas prima facie si grandes qu’elles justifieraient l’octroi des mesures provisionnelles sollicitées ;

que l’intérêt public au rétablissement immédiat d’une situation contraire à l’ordre public doit ainsi, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, prévaloir sur l’intérêt privé de la recourante ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif au recours sera rejetée ;

que la demande de suspension de l’instruction de la cause sera également rejetée, le DSPS devant encore répondre sur le fond, et les mesures contestées ne paraissant pas à ce stade, et sans préjuger de la suite de l’instruction, devoir dépendre du résultat de la procédure pénale ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette les requêtes de restitution de l’effet suspensif et de suspension de la procédure ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Oana Stehle Halaucescu, avocate de la recourante ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

 

Le vice-président :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :