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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/350/2022

ATA/751/2022 du 26.07.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL;ORDONNANCE ADMINISTRATIVE;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.5.al3; Cst.9; Cst.29.al2
Résumé : Recours d’un maître assistant contre le refus de prolonger son contrat à durée déterminée en application de la directive adoptée le 20 mai 2020 par le rectorat de l’université de Genève et intitulée « prolongation des engagements, contrats ou bourses de durée déterminée des collaborateurs et collaboratrices de l‘enseignement et de la recherche ». Le recours est rejeté les conditions de cette directive permettant une prolongation de l’engagement, en l’espèce de deux mois, n’étant pas remplies.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/350/2022-FPUBL ATA/751/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juillet 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Arnaud Thiery, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Le 14 janvier 2019, par un contrat individuel de travail de droit privé conclu pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2020, Monsieur A______ a été engagé par l’Université de Genève (ci-après : université) en qualité de maître assistant à l’Institut B______ (ci-après : institut) au sein de la faculté C______ (ci-après : faculté). Son taux d’activité était de 100 %.

Selon son cahier des charges, daté du 18 décembre 2018, son taux d’activité était partagé à 65 % pour l’enseignement et à 35 % pour la recherche. Ce dernier taux était consacré au développement d’une ligne de recherche sur des thèmes de santé publique, en collaboration avec les responsables du « Master of advanced studies » (ci-après : MAS), et à la collaboration à des projets de recherche en lien avec le MAS en santé publique.

2) Le contrat a été reconduit jusqu’au 31 janvier 2021. Il prenait fin, même sans résiliation préalable, à la date prévue, sauf reconduction écrite des parties.

3) Le 20 mai 2020, le rectorat de l’université (ci-après : rectorat) a adopté une directive intitulée « prolongation des engagements, contrats ou bourses de durée déterminée des collaborateurs et collaboratrices de l’enseignement et de la recherche » (ci-après : directive), entrée en vigueur ce même 20 mai 2020.

Le ch. 1 de la directive, sous l’intitulé « contexte », retient que « la crise sanitaire liée à l’épidémie Covid-19 a fortement affecté les activités de recherche suite à la fermeture des bâtiments de l’université entre le 17 mars et le 11 mai 2020 en application des recommandations des autorités fédérales et cantonales. Cette situation provoque un retard dans les travaux de recherches de tous les membres de la communauté, avec un impact particulièrement fort pour les jeunes chercheuses et chercheurs financés de façon temporaire, et dont la progression de carrière s’appuie sur les résultats obtenus pendant cette période définie de financement. Le rectorat souhaite prolonger les contrats des jeunes chercheurs dont les travaux ont été interrompus ».

Selon le ch. 2 de la directive, « l’objectif est de mettre en place un dispositif permettant de prolonger l’engagement, le contrat ou le subside des jeunes chercheurs financés temporairement, c’est-à-dire les doctorants, post-doctorants, maîtres assistants et boursiers, quel que soit le type de financement. Cette prolongation, en principe de deux mois, vise à compenser les conséquences de la fermeture de l’université, c’est-à-dire le retard pris dans les travaux de recherche, et des besoins accrus en terme d’enseignement.

Le dispositif prend en compte la diversité des situations comme des sources de financement (fonds provenant de l’État de Genève [fonds DIP], fonds national suisse de la recherche scientifique [FNS], fonds européen ou autre fonds tiers, bourses octroyées par un tiers) pour respecter pleinement le principe d’équité qui s’applique à tous les membres de la communauté universitaire. Pour tous ces collaborateurs, la prolongation de l’engagement de deux mois, voire jusqu’à six mois dans quelques cas dûment justifiés, sera liée à l’interruption de leurs activités due au cas de force majeure que représente l’épidémie Covid-19 ». Les maîtres assistants, entre autres, peuvent demander à bénéficier de ce dispositif (directive, ch. 3).

Le ch. 4 de la directive est consacré au dispositif. Sous l’intitulé « motifs », il est prévu au ch. 4.1 que « seront considérées pour une prolongation de l’engagement, du contrat ou de la bourse, les demandes basées sur un des motifs suivants :

1. Les activités de recherche du collaborateur ont été impactées matériellement par les circonstances : il a rencontré une impossibilité à récolter les données nécessaires à son projet de recherche, à accéder aux infrastructures - laboratoires, animaleries, plateformes, logiciels et outils spécialisés -, aux bases de données, aux ressources de la bibliothèque ou aux archives. Par ailleurs ses données peuvent avoir été perdues ou dégradées.

2. Les conditions familiales ou personnelles du collaborateur ont été peu ou pas compatibles avec le télétravail, ne permettant pas l’avancement de ses travaux de recherche. Sont principalement pris en considération les tâches d’éducation ou de garde de ses propres enfants résultant de la fermeture des écoles, ou l’assistance à des personnes vulnérables au sens de l’ordonnance 2 COVID-19 du 13 mars 2020.

3. Le collaborateur a dû contribuer à des tâches exceptionnelles, distinctes de ses activités de recherche, soit liées à la gestion de la crise par l’université telles que la mise en place d’enseignements en ligne, la préparation des sessions d’examen à distance, les interactions accrues avec les étudiants-es suite à cette réorganisation, soit liées au service à la communauté suite au recrutement par les hôpitaux, à la mobilisation par l’armée ou la protection civile dans le cadre des mesures de lutte contre le Covid-19.

4. Le collaborateur s’est retrouvé dans l’impossibilité de respecter les délais pour rendre son travail pré-doctoral suite aux perturbations liées au Covid-19.

Les dispositions du règlement sur le personnel de l’université concernant les autres motifs de prolongation des engagements restent inchangées ».

Le ch. 4.2 de la directive prévoit qu’une « demande de prolongation peut être déposée par les personnes des statuts et fonctions défini-es ci-dessus, dont la situation liée à l’épidémie de COVID-19 a impacté l’avancée des recherches personnelles, au bénéfice d’un engagement ou d’une bourse en cours au 1er avril 2020.

Cette demande doit être effectuée d’ici le 31 juillet 2020 au plus tard si l’engagement ou la bourse se termine d’ici le 31 octobre 2020, et quatre à six mois avant la fin de l’engagement ou de la bourse s’il ou elle se termine après le 1er novembre 2020 ». La personne remplit une demande de prolongation qu’elle envoie à son responsable hiérarchique. Elle peut choisir de transmettre sa demande à son responsable direct, au directeur de son école doctorale, de son département ou président de sa section afin que ce responsable préavise la demande dans un délai de sept jours et adresse ensuite à l’administrateur de sa faculté ou de son centre interfacultaire les documents liés à la demande de prolongation préavisée pour validation par le décanat ou la direction du centre.

Le ch. 4.3 de la directive prévoit notamment que le décanat ou la direction du centre interfacultaire examine les demandes de prolongation préavisées, motive sa décision de validation ou de refus et informe le responsable hiérarchique de sa décision. Le responsable concerné informe par courrier électronique le collaborateur de la validation ou du refus. En cas de refus de la demande de prolongation, le collaborateur peut transmettre son dossier complet auprès du rectorat qui statue.

La durée de la prolongation est dans la règle de deux mois (directive, ch. 4.4). La prolongation est effectuée au terme de l’engagement ou de la bourse en vigueur au moment de la demande et selon les conditions contractuelles en vigueur au moment de la prolongation (directive, ch. 4.5).

4) Le 30 novembre 2020, le professeur D______, responsable hiérarchique de M. A______, lui a adressé un courriel dans lequel il confirmait, à la suite d’une conversation qu’ils avaient eue le jour même, que son contrat de travail ne serait pas renouvelé et qu’il prendrait fin le 31 janvier 2021.

5) Le 7 janvier 2021, M. A______ a transmis à un autre de ses supérieurs hiérarchiques, le professeur E______, une demande de prolongation de contrat de travail ou de bourse pour compenser l’impact de l’épidémie sur les travaux de recherche.

Des tâches exceptionnelles liées au Covid-19 avaient affecté sa recherche. En charge de la coordination du MAS en santé publique, il avait dû renoncer à son temps de recherche afin de mettre en place des enseignements en ligne. Dans ce cadre, il avait non seulement dû veiller à se former aux nouveaux outils, mais également s’assurer de la mise à niveau des autres enseignants et de l’adéquation de chaque solution proposée avec les contraintes spécifiques à ce MAS, le programme s’adressant à des personnes souvent situées dans des zones disposant d’une mauvaise connexion à internet.

6) Ne recevant pas de réponse de la part du prof. E______, M. A______ s’en est inquiété auprès de son employeur par courriel du 15 janvier 2021.

7) Le 27 janvier 2021, M. A______ a déposé une demande d’ouverture d’une procédure d’investigation pour suspicion de harcèlement psychologique au sein de l’institut. Une procédure en lien avec cette demande est en cours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) sous le n° A/70/2022.

8) Le 1er mars 2021, M. A______ a écrit au rectorat qu’en parallèle à sa demande d’ouverture d’une procédure d’investigation pour suspicion de harcèlement psychologique, il se voyait contraint de contacter le rectorat afin d’obtenir une réponse formelle à sa demande de prolongation de son contrat de maître assistant du 7 janvier 2021. Le silence opposé à sa demande était contraire aux dispositions fixées dans la directive 0335. Il était aussi de nature à l’empêcher de disposer d’un dossier complet à faire suivre au rectorat.

Il mettait le rectorat en demeure de lui transmettre une décision formelle et toutes les pièces à sa disposition afin que les voies de recours prévues par la directive 0335 puissent être utilisées le cas échéant.

9) Le 25 mars 2021, le recteur a répondu que, renseignements pris tant auprès de la direction de l’institut que du décanat de la faculté, il semblait que personne n’avait connaissance, ni trouvé trace, de la demande de prolongation. Il remerciait donc M. A______ de bien vouloir lui adresser une copie de celle-ci.

10) Le 9 avril 2021, M. A______ a fait suivre au recteur sa demande de prolongation. Il était surpris d’apprendre que personne n’avait eu connaissance, ni trouvé trace de sa demande dès lors qu’il avait les preuves des envois et rappels.

11) Le 3 mai 2021, M. A______ a reçu, à son adresse électronique, une notification indiquant que son message du 7 janvier 2021 au prof. E______ avait été lu ce même 3 mai 2021 à 14h28.

12) Toujours sans nouvelle, M. A______ a relancé le recteur le 19 mai 2021. La directive spécifiait que le responsable contacté préavisait la demande dans un délai de sept jours.

13) Le 31 mai 2021, le prof. E______ a préavisé négativement la demande de prolongation, le projet de recherche éventuellement « impacté » n’y étant pas précisé. Par ailleurs, la partie recherche entrait dans une proportion très faible de l’activité de M. A______.

14) M. A______ a relancé le recteur le 14 juin 2021.

15) Le 15 juin 2021, le doyen de la faculté a répondu à M. A______ que son courriel au prof. E______ s’était perdu dans sa messagerie et n’avait ainsi pas été traité. Des excuses lui étaient présentées pour cette regrettable omission.

Compte tenu du préavis de la hiérarchie, du pourcentage de son activité consacré à la recherche et du fait qu’il ne ressortait pas de sa demande qu’un de ses projets de recherche avait été concrètement retardé par la situation sanitaire, sa demande de prolongation était refusée. Conformément à la directive, il pouvait transmettre son dossier et cette décision au rectorat.

16) Le 25 juin 2021, M. A______ a saisi le rectorat.

17) Le 20 juillet 2021, le recteur lui a répondu que la directive prévoyait notamment qu’une prolongation de l’engagement pouvait entrer en considération lorsque les recherches d’un membre du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche avaient été impactées en raison de l’épidémie, notamment car il avait dû contribuer à des tâches exceptionnelles liées à la gestion de la crise par l’université comme la mise en place d’enseignements en ligne. Il l’invitait à lui faire parvenir toutes les indications et les pièces nécessaires à l’examen de sa demande.

18) Le 18 août 2021, M. A______ a répondu ce qui suit :

a. Son engagement à plein temps prévoyait 35 % de temps dédié à la réalisation d’activités de recherche personnelle tout au long de la durée de ses contrats au sein de la faculté. Ce point était attesté par son certificat de travail final daté du 20 mai 2021 et joint à sa réponse.

b. L’existence des tâches exceptionnelles qui lui avaient été confiées consécutivement à la situation sanitaire était également attestée par son certificat de travail. Ces tâches, qui avaient empiété sur son temps de recherche, avaient été de trois ordres : la mise en place des enseignements et examens à distance, le dédoublement des séances de coordination du MAS en santé publique et la mise en place de projets de remplacement pour six étudiants, les mesures sanitaires ayant rendu impossible la réalisation de certains projets semestriels.

c. Les conditions suffisantes à l’octroi de la prolongation étaient ainsi démontrées, la participation à des tâches exceptionnelles telles la mise en place d’enseignements et examens à distance constituant le troisième motif selon la directive. Bien qu’il était superflu d’entrer dans des considérations relatives à ses projets de recherche, il fournissait le détail de ses quatre projets de recherche :
I. Méta-analyse de l’efficacité d’indices statistiques d’incohérence des réponses dans des questionnaires auto-reportés en fonction de deux conditions expérimentales ; II. Modélisation des relations entre la psychopathie, l’influence des pairs, la consommation de drogue et les comportements à risques commis sous l’influence de l’alcool ; III. Méta-analyse de l’augmentation des sepsis précoces avec antibiorésistance reportés dans les études en Afrique subsaharienne ;
IV. Validation française d’un instrument d’évaluation diagnostic des rêveries pathologiques.

Il avait mené le projet I comme principal contributeur en collaboration avec des collègues. Ce projet en était au stade de l’écriture avant la crise sanitaire et n’avait été repris que brièvement durant l’été 2020. Il devait constituer l’ultime article d’une future thèse de privat-docent ce qui avait été discuté dès le début 2019 avec sa hiérarchie.

Il avait également mené le projet II comme contributeur principal en collaboration avec des collègues. Ce projet était ancien et avait abouti à une présentation en symposium avant son engagement au sein de la faculté puis à la rédaction d’un manuscrit relu par les coauteurs jusqu’en 2019. Les nouvelles révisions de sa part n’avaient toutefois pu reprendre que ponctuellement, essentiellement durant ses vacances d’été 2020.

Le projet III était une collaboration qui avait abouti à des premiers résultats importants qui avaient été présentés en conférences et adressés au journal « F______ » sous forme de lettre peu avant la crise sanitaire. Cette lettre n’avait toutefois pas été acceptée et la crise sanitaire avait stoppé la rédaction d’un article complet. Le projet avait repris depuis « cet été ». Sa contribution à ce projet concernait spécifiquement l’analyse des données et la participation active à la rédaction de l’article prévu.

Le projet IV, mené en collaboration, était le prolongement d’une recherche menée en Israël à laquelle il avait pris part en 2017-2018. Sa contribution à ce projet comprenait l’analyse des données et la rédaction d’un article. La collaboration s’était conclue par son retrait du projet « en mai dernier » après une reprise des activités dès mars, à la suite de désaccords d’ordre méthodologique.

19) Le 24 septembre 2021, le recteur a refusé la demande de prolongation.

La directive avait pour objectif de mettre en place un dispositif permettant de prolonger l’engagement des jeunes chercheurs financés temporairement dans le but de compenser « les conséquences du Covid-19 » sur les activités de recherche. Au titre des motifs de prolongation, la directive mentionnait notamment le fait que les activités de recherche avaient été affectées matériellement par les circonstances ainsi que le fait que le collaborateur avait dû contribuer à des tâches exceptionnelles distinctes de ses activités de recherche liées à la gestion de la crise. Ce dernier motif impliquait toutefois que des projets de recherche aient été réellement empêchés ou retardés de ce fait.

La crise sanitaire avait impliqué des tâches exceptionnelles pour M. A______, soit notamment la mise en place des enseignements et examens à distance ainsi que la réorganisation des projets semestriels des étudiants du MAS. Contrairement à ce qu’il soutenait, le simple fait d’avoir eu à faire face à des tâches exceptionnelles ne suffisait pas en soi à justifier une prolongation, la directive exigeant que des projets aient été réellement affectés.

Certains des projets de recherche évoqués n’étaient pas d’actualité au début de la crise en mars 2020, à savoir les projets I et II. Il avait indiqué s’être retiré du projet IV et mentionnait que le projet III avait été refusé. Ainsi, ces différentes recherches ne paraissaient pas avoir été retardées de manière substantielle du fait des tâches exceptionnelles auxquelles il avait contribué.

De surcroît, son engagement avait pris fin le 31 janvier 2021, et sa hiérarchie n’avait pas souhaité prolonger la collaboration. Dans ce contexte, une prolongation de son engagement fondée sur la directive était difficilement envisageable. Enfin, la directive accordait une possibilité de prolongation et non un droit à celle-ci.

20) Le 22 octobre 2021, M. A______ a formé opposition contre cette décision. Les principes fondamentaux d’équité devaient s’appliquer. Les accusations formulées contre un professeur ne devaient pas entrer en ligne de compte. Une unique condition nécessaire à l’éligibilité pour l’octroi de la prolongation était confirmée. Le pouvoir décisionnel du rectorat ne pouvant relever du pouvoir discrétionnaire, il demandait l’octroi de la prolongation ou, subsidiairement, l’annulation du refus de sa demande de prolongation et la reprise de l’instruction de sa requête.

a. L’université avait admis que des tâches exceptionnelles lui avaient été confiées. Son certificat de travail l’attestait de même que l’augmentation de la charge pédagogique et administrative qui lui avait été imposée. Considérer que la réalisation de tâches exceptionnelles était une condition insuffisante était incorrecte, dès lors que chacun des quatre motifs prévus dans la directive constituait une condition suffisante à l’octroi d’une prolongation. L’art. 4.1 de la directive prévoyait en effet que « seront considérées pour une prolongation de l’engagement, du contrat ou de la bourse, les demandes basées sur un des motifs suivants  ». La décision contestée était arbitraire. Le premier critère d’éligibilité était rempli et il n’avait pas à en remplir davantage.

b. Il pouvait démontrer que son travail de recherche avait été affecté par la situation sanitaire. Du fait qu’il travaillait à plein temps pour l’université durant la période concernée, il était irréfutable que l’augmentation de ses charges pédagogiques et administratives s’était répercutée sur son temps de recherche, son cahier des charges se répartissant entre enseignement, administratif et recherche.

c. Lui demander de fournir la preuve de son empêchement à réaliser ses recherches était superflu ; ce qui précédait constituant une démonstration suffisante. Le rectorat lui avait demandé de détailler ses projets de recherche, ce qu’il avait accepté de faire afin de montrer que ses projets scientifiques étaient en cours durant la période de pandémie. Sur cette base, le rectorat avait conclu qu’il ne remplissait pas les critères, ce qu’il contestait pour chaque projet énuméré : les deux projets considérés comme n’étant plus d’actualité l’étaient puisqu’au stade de l’écriture d’articles ; le troisième projet était en cours durant la période déterminante même s’il avait pris fin plus d’un an après comme le rectorat l’avait souligné ; enfin, s’agissant du dernier projet évoqué, même si un premier article avait été refusé, la réécriture du manuscrit entrait dans ses prérogatives de maître assistant. Ainsi, sur ces quatre projets qui étaient tous au stade de l’exploitation des données durant la période déterminante, ils relevaient de son temps de recherche et étaient touchés par les consignes d’effectuer d’autres tâches à la place.

Les trois derniers motifs de refus méritaient également des commentaires car ils étaient absurdes et choquants. Le rectorat évoquait le temps écoulé depuis la fin de son engagement. Or, sa demande de prolongation avait été faite le 7 janvier et non le 25 juin 2021 et laissée sans suite par le prof. E______, par l’adjointe du doyen de la faculté puis par le prof. G______. Le rectorat évoquait ensuite le fait que sa hiérarchie n’avait pas souhaité prolonger son engagement. Or, la fin de son engagement faisait suite à des atteintes à sa personnalité. Le souhait d’un professeur accusé de harcèlement de ne pas voir prolonger le contrat de sa victime présumée était prévisible, mais non un motif pertinent. La prolongation sollicitée ne couvrant que ses activités de recherche, elle pourrait être réalisée indépendamment des personnes accusées de harcèlement.

d. Considérer que la directive accordait une possibilité de prolongation et non un droit relevait d’une interprétation fantaisiste. L’idée du caractère discrétionnaire de la prolongation était absurde, étant admis qu’elle reposait sur l’usage de fonds publics selon l’art. 5 de la directive. Cette vision était contraire à l’esprit de l’ensemble de la procédure ainsi qu’à son cadre légal et constitutionnel.

21) Le 22 décembre 2021, le recteur a confirmé, sur opposition, sa décision du 24 septembre 2021. Il a repris ses explications relatives aux motifs pour lesquels il avait souhaité adopter la directive.

S’agissant de ses projets de recherche, le rectorat prenait note des précisions de M. A______. Toutefois, selon son cahier des charges, la part de son activité consacrée à la recherche n’avait été que de 35 %, soit une part relativement faible en comparaison d’autres chercheurs. L’analyse de l’impact sur lesdites recherches tel que mentionnée dans la décision du 24 septembre 2021 demeurait inchangée.

Enfin, selon la directive, le responsable académique qui recevait la demande émettait un préavis et le décanat de la faculté pouvait valider ou refuser la demande prolongation. L’un et l’autre disposaient donc d’une marge d’appréciation, qui n’avait pas été outrepassée.

22) Le 31 janvier 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative. Il a conclu, préalablement, à ce qu’il soit ordonné à l’université de produire l’ensemble de son dossier et de le transmettre pour consultation durant quarante-huit heures en l’étude de son conseil et à l’octroi d’un délai de réplique à réception des éventuelles déterminations de l’université. Principalement, il a conclu à ce que son engagement soit prolongé d’une durée de deux mois. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de la décision et au renvoi du dossier au rectorat pour instruction et nouvelle décision.

a. L’interprétation de la directive par le rectorat ne trouvait pas de justification. Le texte du ch. 1 de la directive était clair. La directive admettait par principe que la pandémie avait retardé tous les travaux de recherche de la communauté universitaire sans qu’il soit nécessaire de le démontrer au cas par cas. L’interprétation littérale contredisait celle du rectorat.

L’objectif de la directive, défini à son ch. 2, était également très clair : son but était de compenser la fermeture de l’université durant deux mois. Son interprétation, selon laquelle il n’avait pas à justifier que la surcharge de travail liée à l’enseignement à distance impliquait un retard des travaux de recherche, se fondait également sur le mécanisme décrit au ch. 2 de la directive. Il y était mentionné que pour les collaborateurs éligibles, la prolongation de l’engagement serait de deux mois voire jusqu’à six mois dans quelques cas dûment justifiés. Selon une interprétation littérale et systématique, la directive n’exigeait des requérants qu’ils démontrent l’impact concret de la pandémie sur leurs travaux de recherche que si la prolongation du contrat sollicitée était supérieure à deux mois. Cela se comprenait car la durée de deux mois correspondait à la durée de fermeture totale de l’université pendant la première vague.

Il ressortait du chiffre 4.1 de la directive que les requérants devaient invoquer un voire plusieurs motifs justifiant leur demande de prolongation de contrat. D’un point de vue littéral et systématique, il ressortait de la directive que la demande devait s’appuyer sur l’un des quatre motifs qu’elle énonçait. Toutefois, tous ces motifs n’impliquaient pas de démontrer concrètement que la pandémie avait affecté un travail de recherche. Tel était uniquement le cas du premier motif du ch. 4.1 (impossibilité de poursuivre des recherches en raison des fermetures) mais pas des trois autres. Dans le cas de ces derniers, l’impact sur l’avancement des travaux de recherche était présumé établi. Le rectorat ayant admis que les conditions du troisième motif de prolongation étaient réunies, il remplissait toutes les conditions prévues pour bénéficier d’une prolongation de deux mois de son engagement.

La procédure prévue par les ch. 4.2 et 4.3 de la directive visait à vérifier la véracité du motif invoqué à l’appui de la demande. Ces dispositions ne disaient pas que le responsable académique ou le décanat pouvait octroyer la prolongation sollicitée : le responsable académique devait se borner à préaviser la requête (soit se prononcer sur l’existence du motif invoqué) et le décanat devait motiver sa décision sans que la directive ne laisse une marge d’appréciation aux autorités universitaires.

b. La pandémie avait eu un impact concret sur ses travaux de recherche. Il avait fourni la liste détaillée de ses quatre projets en cours au moment de la fermeture des bâtiments universitaires. Le rectorat mentionnait avoir pris note de ses explications, mais renvoyait intégralement à sa décision du 24 septembre 2021. Cette manière de procéder ne permettait pas de contrôler que le rectorat avait pris connaissance de ses arguments. La décision litigieuse violait ainsi son droit d’être entendu, ce qui justifiait sa conclusion subsidiaire en annulation et renvoi.

Ses projets I et II étaient au stade de l’écriture d’articles au début de la crise sanitaire, soit une activité scientifique du maître assistant. La rédaction de ces articles avait été repoussée à l’été 2020. En ce qui concernait le projet III, le rectorat prenait argument du fait que l’article avait finalement été refusé. Or, le refus d’un article par un comité éditorial, après la crise sanitaire, n’était pas un argument pour dire que sa rédaction n’était pas en cours lors du déclanchement de la crise. Les mauvaises conditions de travail liées à la situation sanitaire pouvaient expliquer le rejet de l’article qui pouvait en outre faire l’objet de corrections et d’une nouvelle soumission. La collaboration en lien avec le projet IV avait pris fin en mai 2021. Le projet était donc d’actualité, il y travaillait et y aurait travaillé entre mars et mai 2020 en l’absence de crise sanitaire. En résumé, le rectorat ne contestait pas qu’il avait quatre projets en cours en mars 2020. Il se fondait plutôt sur la qualité des projets sur la seule base de leur descriptif, ce qui était arbitraire. Le maître assistant disposait d’une liberté académique et d’une liberté de recherche. Il ne saurait être question que le rectorat vienne examiner la qualité des projets de recherche pour valider la prolongation de l’engagement.

c. Les tâches extraordinaires qu’il avait accomplies avaient nécessité qu’il leur consacre l’intégralité de son taux d’activité, ce qui pouvait être illustré par le doublement des séances de coordination. Il n’avait pas pu consacrer le taux de
35 % à la recherche. L’argument invoqué par le rectorat relatif à son faible taux consacré à la recherche constituait une violation du principe d’égalité de traitement : deux situations semblables – des recherches touchées par la crise sanitaire – étaient traitées de manière différente selon le pourcentage d’activité consacré à la recherche selon leur cahier des charges. Dans l’optique de restaurer l’égalité de traitement, la prolongation de son engagement pouvait être réduite à un mois, voire deux mois payés à 35%.

d. Il avait adressé sa demande au responsable académique le 7 janvier 2021. Elle n’avait été lue que le 7 mai 2021. Le rectorat ne pouvait ainsi se prévaloir de la fin du contrat pour justifier son refus sans violer le principe de la bonne foi. Sa requête aurait dû être traitée dans les sept jours selon la directive. Il n’avait pas perdu son intérêt à demander la prolongation de son contrat dès lors qu’il était possible de lui octroyer un financement pour qu’il se consacre à ses recherches durant deux mois, fût-ce à 35 %, dans un bureau hors de l’institut voire à domicile. La rédaction d’articles pouvait se faire à distance.

23) L’université a conclu au rejet du recours. Elle a sollicité l’audition de témoins à même de confirmer que, très fortement sollicité dans le contexte de la pandémie, le prof. E______ avait omis de traiter la demande de prolongation.

Le demandeur d’une prolongation de son engagement devait avoir vu l’avancée de ses recherches personnelles impactée par la situation liée à la pandémie. L’interprétation littérale et historique du ch. 4.2 faisait apparaitre l’exigence d’un impact concret sur les travaux de recherche.

Les projets I et II étaient anciens datant d’avant l’engagement du recourant et n’avaient pas fait l’objet d’une avancée significative durant ses mois d’activité au sein de l’université. Le projet III avait été refusé peu avant la crise sanitaire et n’avait été repris, selon le recourant, qu’à l’été 2021. Le recourant avait indiqué dans son courrier du 18 août 2021 qu’il s’était retiré du projet IV.

De nombreux collaborateurs du corps de l’enseignement et de la recherche consacraient, selon leur cahier des charges, un taux bien plus important que 35 % à leurs recherches personnelles. Il n’était dès lors pas arbitraire ou contraire au principe d’égalité de traitement de considérer le faible taux consacré par le recourant à ses recherches pour refuser sa demande de prolongation. D’ailleurs, tant le prof. E______ que le décanat s’étaient fondés sur ce motif.

La demande de prolongation devait être déposée quatre à six mois avant la fin de l’engagement s’il se terminait après le 1er novembre 2020. Le recourant aurait ainsi dû former sa demande de prolongation au plus tard en septembre 2020, ce qu’il n’avait pas fait.

Toutes les pièces concernant la demande de prolongation avaient été produites par le recourant ou figuraient dans le bordereau joint à la réponse au recours. Si le recourant souhaitait consulter son dossier personnel, il lui appartenait de prendre contact avec la division des ressources humaines de l’université.

24) Dans sa réplique, le recourant a sollicité une audience de comparution personnelle des parties et l’audition du prof. D______, afin de prouver qu’il avait sollicité dès décembre 2020, soit juste après avoir appris sa non-reconduction, du prof. D______ la prolongation de contrat fondée sur la directive, qui avait refusé de la préaviser positivement. Il devait être auditionné afin d’exposer que si sa candidature à la fonction de privat-docent avait été reportée sur conseil de la cheffe de son département, il était d’usage que les articles composant la thèse de
privat-docent puissent être rédigés auparavant.

Il a produit une lettre de soutien à sa candidature à la fonction de privat-docent signée le 22 mai 2019 par le prof. D______ et le professeur H______, professeur associé à l’institut, la copie de son certificat de travail intermédiaire du 30 janvier 2020 signé par le prof. D______, une lettre du 16 avril 2020 signée par le prof. D______ le soutenant dans le dépôt d’un projet de recherche au fonds national suisse (ci-après : FNS) et le formulaire de requête au FNS déposé le 21 avril 2020.

L’université savait qu’il avait plusieurs travaux de recherche en cours juste avant le début de la crise sanitaire. Il découlait de la démarche effectuée auprès du FNS qu’un financement de quarante-huit mois était sollicité dès le 1er décembre 2020 et qu’il continuerait à travailler au sein de l’institut jusqu’au 31 janvier 2025, ce que savait le prof. D______. Lorsqu’il avait appris le 30 novembre 2020 que son contrat ne serait pas reconduit, il avait approché le prof. D______ pour que celui-ci approuve une demande de prolongation fondée sur la directive, ce que celui-ci avait, courant décembre 2020, oralement refusé de faire. Il avait alors transmis sa demande au prof. E______ le 7 janvier 2021.

L’université se référait à la directive dans sa version du 19 avril 2021. Or, cette version, dont aucune copie n’avait été produite, n’était pas applicable.

Le projet I était le dernier article de sa future thèse de privat-docent. Il était en cours dans les mois précédant le début de la crise sanitaire et faisait l’objet d’avancées qui avaient été interrompues par la pandémie et la « bascule au
télé-enseignement ». Compte tenu du soutien apporté par sa hiérarchie à sa candidature à la fonction de privat-docent dans la faculté en mai 2019, l’université était malvenue de venir soutenir que le projet était ancien et sans lien avec elle. Son certificat de travail intermédiaire mentionnait des publications en lien avec le projet I. Les publications évoquées dans ce certificat englobaient aussi le projet II qu’il avait, certes, apporté lors de son engagement mais poursuivi au sein de l’université. L’argument de l’université relatif au projet III était incompréhensible. L’article avait été refusé peu avant la crise sanitaire. Les corrections auraient dû être effectuées au printemps 2020 mais avaient été faites plus tard en raison de cette crise qui avait eu des répercussions sur son travail dès lors qu’il avait géré le télé-enseignement. Le projet IV était en cours et d’actualité juste avant la crise et retardé par celle-ci. Il s’était certes retiré du projet mais en mai 2021 seulement.

L’université était forclose à invoquer la tardiveté du dépôt de sa demande de prolongation, l’ayant traitée sans réserve quant à sa recevabilité. Jusqu’en novembre 2020, il était parti de bonne foi du principe que son contrat de travail d’un an serait prolongé, ce qui était conforme à la pratique. En avril 2020, le prof. D______ avait soutenu sa demande de financement au FNS pour un projet s’étendant sur quatre ans. Il était le requérant principal du financement et l’institut aurait dû héberger le projet et le garder comme employé jusqu’en 2025.

25) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur les mesures d’instruction sollicitées.

26) L’université a ensuite spontanément informé la chambre administrative qu’elle renonçait à présenter une duplique.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 85 du règlement sur le personnel de l’université du 17 mars 2009 - Rpers ; - art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le recourant sollicite une audience de comparution personnelle et l’audition du prof. D______ sur ses allégués relatifs à la demande de prolongation de son contrat formulée en novembre/décembre 2020, sa propre audition dans le but d’exposer que si sa candidature à la fonction de privat-docent avait été reportée sur conseil de la cheffe de son département, il était d’usage que les articles composant la thèse de privat-docent puissent être rédigés auparavant, la production de son dossier original et complet par l’intimée, son dossier devant être transmis à l’étude de son conseil pour quarante-huit heures, et l’octroi d’un délai pour répliquer. Il se plaint d’une violation de son droit d’être d’entendu dans la mesure où, dans la décision litigieuse, l’intimée renvoie à sa décision du 24 septembre 2021.

b. L’intimée requiert l’audition de témoins à même de confirmer que le
prof. E______, très sollicité dans le cadre de la pandémie, avait omis de traiter la demande de prolongation du recourant et que la faculté n’avait ensuite pas trouvé la trace de cette demande.

c. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

Il comprend le droit d’obtenir une décision motivée. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a pas l’obligation de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2019 du 5 décembre 2019
consid. 4.2.1).

d. En l’espèce, les faits que le recourant entend démontrer ne sont pas remis en cause par l’intimée et il n’y a pas lieu de douter de leur véracité ; en effet, rien ne laisse supposer que le recourant n’aurait pas sollicité le prof. D______ en décembre 2020 ou encore que celui-ci n’aurait pas refusé de préaviser sa demande de prolongation. Il n’y a pas lieu non plus de douter des éléments évoqués par le recourant relatifs à sa candidature à la fonction de privat-docent et les articles composant sa thèse. L’audition du recourant et du prof. D______ sur ces points est donc inutile. Il n’y a pas lieu non plus d’entendre le prof. E______, son éventuelle surcharge pendant la pandémie n’étant pas déterminante pour l’issue du litige. En outre, le recourant a établi par pièces l’envoi et la réception de sa demande ainsi que ses relances auprès de l’intimée.

Par ailleurs, l’intimée n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant dès lors qu’en renvoyant à sa décision précédente, elle a agi en conformité avec la jurisprudence précitée. Les motifs sur lesquels elle a fondé sa décision n’ont, au demeurant, pas échappé au recourant, qui a pu les identifier et recourir en toute connaissance de cause contre la décision.

L’intimée a indiqué tenir le dossier personnel à disposition du recourant et exposé, sans être contredite, que les pièces pertinentes avaient été versées à la procédure. Le recourant a pu répliquer après avoir pris connaissance des arguments et pièces de l’intimée.

Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’ordonner d’autres actes d’instruction et il sera constaté que le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé.

3) Le recourant s’étonne de ce que l’intimée se réfère, dans sa réponse, à la directive dans sa version au 19 avril 2021. On comprend toutefois que cette référence n’a pour but que d’étayer la démonstration de l’intimée relative à l’interprétation de la directive. Il n’en demeure pas moins que la directive applicable au cas d’espèce est celle du 20 mai 2020, ce que l’intimée ne conteste pas.

4) a. Engagé par l’intimé en qualité de maître assistant par un contrat individuel de travail de droit privé et rémunéré par des fonds provenant de l’extérieur, le recourant est notamment soumis au titre V du RPers. La directive lui est applicable en application de son ch. 3.

b. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

c. À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1).

d. Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

e. Selon le ch. 4.2 de la directive, la demande de prolongation pouvait être déposée par les personnes dont la situation liée à l’épidémie de Covid-19 avait « impacté » l’avancée des recherches personnelles, au bénéfice d’un engagement ou d’une bourse en cours au 1er avril 2020. Cette demande devait être effectuée le 31 juillet 2020 au plus tard si l’engagement ou la bourse se terminait le 31 octobre 2020, et quatre à six mois avant la fin de l’engagement ou de la bourse si elle se terminait après le 1er novembre 2020.

5) Le contrat du recourant courait jusqu’au 31 janvier 2021. Il a déposé sa demande le 7 janvier 2021 alors qu’il aurait dû le faire en septembre 2020 au plus tard. Il justifie sa démarche tardive par le fait que, jusqu’en novembre 2020, il était parti de bonne foi du principe que son contrat de travail d’un an serait prolongé conformément à la pratique. Il souligne par ailleurs que le prof. D______ avait soutenu sa demande de financement au FNS pour un projet s’étalant sur quatre ans. Dès lors qu’il était le requérant principal du financement et que l’institut devait héberger le projet, il en conclut qu’il aurait dû rester employé jusqu’en 2025.

Il perd toutefois de vue que son contrat n'avait été renouvelé que pour une année et qu’il arrivait à échéance en janvier 2021. Si, comme il l’affirme, ses projets avaient été affectés par la pandémie et la fermeture des locaux de l’université, il lui aurait appartenu de solliciter dans les délais la prolongation de son engagement en application de la directive, ce qu’il a toutefois omis de faire. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait reçu des promesses concrètes selon lesquelles, indépendamment de la possibilité de prolongation exceptionnelle des contrats prévue dans la directive, son contrat serait reconduit après le 31 janvier 2021. Le recourant ne détaille pas la pratique à laquelle il se réfère. En outre, le soutien apporté à sa démarche par le FNS ne l’assurait pas du renouvellement de son contrat, ce soutien ne liant pas son employeur.

Compte tenu du dépôt tardif de la demande de prolongation, l’intimée était fondée, pour ce motif déjà, à la refuser. Même s’il fallait considérer que du fait que la demande a été traitée, la tardiveté de celle-ci ne pourrait plus être invoquée, il convient de constater que la demande devait de toute manière être rejetée, comme exposé ci-après.

6) Le recourant soutient que, en application de son ch. 1, la directive admettait par principe que la pandémie avait retardé tous les travaux de recherche et que ceux-ci avaient tous été touchés par la pandémie, sans qu’il soit nécessaire de le démontrer au cas par cas. Le ch. 2 confirmait cette approche, seuls les requérants sollicitant une prolongation de leur contrat pour plus de deux mois se trouvant dans l’obligation de démontrer l’impact concret de la pandémie sur leurs travaux. À part le premier des motifs mentionnés au ch 4.1 de la directive, il n’était pas nécessaire de démontrer concrètement que la pandémie avait impacté matériellement un travail de recherche. Il était admis, étant supposé que le motif invoqué était avéré, que l’impact sur l’avancement des travaux était présumé établi.

a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

b. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, il n’y a lieu de s’écarter de la solution retenue par l’autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; ATA/423/2021 du 20 avril 2021 consid. 5c).

c. En l’espèce, la directive est claire : sous son ch. 1, intitulé « contexte », elle précise le cadre général dans lequel elle s’inscrit, à savoir la pandémie de Covid-19, la fermeture des locaux universitaires et le retard que cette situation a provoqué dans les travaux de recherche. Le ch. 2 traite de l’objectif assigné à la directive, soit la mise en place d’un dispositif permettant de prolonger l’engagement de jeunes chercheurs pour compenser les conséquences de la fermeture de l’université. Les maîtres assistants sont notamment concernés par ce dispositif (ch. 3 de la directive). Le dispositif de la directive est énoncé à son ch. 4. Le ch. 4.1 fixe les quatre motifs sur lesquels des demandes de prolongation de l’engagement sont considérées, le ch. 4.2 prévoyant sans équivoque que la demande de prolongation peut être déposée par les personnes dont la situation liée à l’épidémie a « impacté » l’avancée des recherches.

Ainsi, si l’on peut suivre le recourant lorsqu’il affirme que la directive pose le principe d’un retard provoqué par la pandémie sur les travaux de recherches, il n’en demeure pas moins que pour obtenir la prolongation de l’engagement, il faut remplir et respecter les conditions que cette même directive impose, soit occuper une des fonctions qui y est mentionnée, remplir au moins un des motifs prévus, être une personne dont la situation liée à l’épidémie a affecté l’avancée des recherches ou encore, comme cela a déjà été examiné, respecter un certain délai pour déposer sa demande. Si, comme le soutient le recourant, il n’avait pas été nécessaire de démontrer au cas par cas l’impact de la pandémie sur les travaux de recherche ou encore qu’un tel impact était présumé, le rectorat se serait alors contenté d’informer l’ensemble des personnes concernées de la prolongation de leur engagement sans édicter la directive en cause.

Il découle de ce qui précède qu’en exigeant que le requérant démontre que la situation liée à l’épidémie avait affecté l’avancée de ses recherches, l’intimée n’a pas donné une interprétation arbitraire de la directive.

7) Il convient donc de vérifier l’effet de la crise sanitaire sur les recherches du recourant comme le prévoit le ch. 4.2 de la directive. Les quatre projets de recherche du recourant sont détaillés au ch. 18c de la partie en fait du présent arrêt.

a. De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/922/2021 du 7 septembre 2021 consid. 4e et l’arrêt cité)

b. Selon ce que le recourant lui-même a répondu au recteur le 18 août 2021, le projet I, mené en collaboration, était au stade de l’écriture avant la crise sanitaire et n’avait été repris que brièvement durant l’été 2020. Dans ses écritures devant la chambre de céans, le recourant a insisté sur le fait que la rédaction avait été repoussée à l’été 2020 et que ce projet était le dernier article de sa future thèse de privat-docent soutenue par l’intimée. Il n'a toutefois plus utilisé l’adverbe « brièvement » qui laisse à tout le moins supposer, comme le précise l’intimée dans sa réponse au recours, que ce projet n’a pas fait l’objet d’une avancée significative durant ses mois d’activité au sein de l’université et que son avancée n’a pas été affectée par la situation sanitaire.

Le projet II, également mené en collaboration, avait abouti à la rédaction d’un manuscrit relu par les coauteurs jusqu’en 2019, soit avant mars 2020. Le recourant a précisé que les révisions de sa part n’avaient repris que ponctuellement, essentiellement durant ses vacances d’été 2020. Il a ajouté devant la chambre de céans qu’il avait emmené ce projet avec lui lors de son arrivée à l’université et que la rédaction avait été repoussée à l’été 2020. Il n’a toutefois plus utilisé l’adverbe « ponctuellement », lequel, à l’instar de ce qui vient d’être dit pour le projet I, laisse supposer, comme le retient l’intimée, que ce projet n’a pas fait l’objet d’une avancée significative durant ses mois d’activité au sein de l’université et que son avancée n’a pas été touchée par la situation sanitaire.

Le projet III, mené en collaboration, n’avait, peu avant la crise sanitaire, pas été accepté. Selon le recourant, cette crise avait arrêté la rédaction d’un article complet et le projet n’avait repris qu’à l’été 2021. On ne voit dès lors pas pourquoi il se justifierait de prolonger l’engagement du recourant pour un projet manifestement à l’arrêt, qui n’a été repris qu’une année plus tard.

Enfin, le projet IV, mené lui aussi en collaboration, était le prolongement d’une recherche conduite en Israël à laquelle le recourant a pris part en 2017-2018, soit bien avant la crise sanitaire. Le 18 août 2021, le recourant a indiqué au recteur que la collaboration s’était conclue par son retrait du projet en « mai dernier » après une reprise des activités dès mars. Le recourant se réfère au mois de mars et mai 2021. À l’instar du projet précédent, on ne voit dès lors pas pourquoi il se justifiait de prolonger l’engagement du recourant pour un projet qui n’avait été repris qu’une année après la fermeture des locaux de l’université.

Il découle de ce qui précède que l’intimée n’a pas commis d’abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de prolonger l’engagement du recourant.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée, pas plus qu’à l’intimée, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’université de Genève du 22 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud Thiery, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :