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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1173/2022

ATA/737/2022 du 14.07.2022 sur DITAI/265/2022 ( DOMPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1173/2022-DOMPU ATA/737/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juillet 2022

En section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Michael Lavergnat, avocat

contre

VILLE DE B______

C______

et

D______

appelées en cause représentées par Me Samuel Brückner, avocat

 



EN FAIT

1) E______ SA, dont le but est l’exploitation d’établissements publics et de loisirs, est propriétaire du café-restaurant à l’enseigne « F______ », ______, place G______ à B______.

M. A______ est l’un des administrateurs de E______ SA et exploitant de ce café-restaurant depuis janvier 2017.

2) L’C______ (ci-après : C______) est propriétaire de la parcelle n° 5'913, sise sur la place G______, sur laquelle est érigé le Temple G______.

3) Par décision du 24 octobre 2019, le département du territoire (ci-après : DT) a autorisé la restauration complète de l’édifice - confortation des fondations - extension du sous-sol - réfection des installations techniques et mises aux normes ______, place G______ (DD 1______).

4) Le 20 juillet 2020, la Ville de B______ (ci-après : la ville), soit pour elle son service I______ (ci-après : I______), a octroyé à M. A______ une permission d’exploitation de terrasses à l’année dans la galerie H______ et au ______, place G______ (contre la façade et sur le centre de la place), dès le 1er janvier 2020, renouvelable.

Il était notamment mentionné, au chiffre 1.7 de ladite autorisation qu’« en cas d’interventions urgentes ( ) ou de chantiers dans le cadre de la surface allouée pour la terrasse, la-le bénéficiaire de cette permission doit, sans délai et à ses frais, faire déposer partiellement ou totalement ladite terrasse pour permettre d’effectuer lesdites interventions. Aucune indemnité ne peut être réclamée à la ville en pareil cas ».

Au chiffre 5.1, l’autorisation précisait que : « la présente permission peut, en tout temps, être modifiée, suspendue ou retirée pour des motifs d’intérêt général ou pour des besoins impératifs particuliers (manifestations, chantiers, modification de l’aménagement urbain, etc.). La terrasse devra alors être adaptée ou retirée selon les cas dans les délais donnés. Dans de telles éventualités, le titulaire ne peut prétendre à aucune indemnité de la ville de B______ ».

5) Le 22 mars 2021, le I______ a octroyé à la D______ (ci-après : la fondation) la permission d’utilisation du domaine public pour l’installation du chantier nécessaire aux travaux de restauration, consolidation et rénovation du Temple G______.

6) Le 24 mars 2022, le I______ a informé M. A______ que des travaux allaient débuter le 1er avril 2022, pour une durée de trois ans soit jusqu’au 1er avril 2025 (sur toute la place G______). Une occupation du domaine public (autour du Temple et toute la place) était prévue.

Ce courrier, qui se référait à la permission du 20 juillet 2020, faisait suite à une séance du 20 janvier 2022 avec M. J______, architecte en charge des travaux et en coordination avec les services de la ville, de l’État de B______ et des Transports publics genevois (TPG) au sujet des travaux de la rénovation du Temple G______ ainsi que l’aménagement de la place G______.

Par conséquent, il était demandé à l’intéressé de retirer la terrasse à l’année qui se trouvait à la place G______. Celle-ci pourrait être réinstallée à la fin des travaux, à priori vers le 1er avril 2025. Pour toute question, il pouvait prendre contact avec M. J______.

7) Par acte du 4 avril 2022, M. A______ a recouru contre le courrier précité auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

Le recours a été ouvert sous le n° de cause A/1093/2022.

8) Le 8 avril 2022, la ville a envoyé au TAPI sa décision du même jour adressée à M. A______.

Elle y relevait que son courrier du 24 mars 2022 n’était pas une décision mais une « preste invite » ou « demande informelle de retrait spontané » à retirer la terrasse en raison du commencement du chantier, annoncé de longue date, de la restauration du Temple et de la place G______.

Cette décision faisait suite à l’entretien du même jour entre l’intéressé, MM. K______ et L______, Mme M______, secrétaire générale adjointe du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS), MM. N______, adjoint de direction, et O______, responsable de la section en charge des chantiers au I______, lors duquel il avait été constaté, sur la base des plans élaborés pour pouvoir appréhender toutes les possibilités éventuelles, qu’aucune solution de substitution d’emplacement de la terrasse considérée n’était envisageable. Il lui était pour le surplus rappelé que les permissions étaient, ex lege, délivrées à titre précaire et pouvaient être retirées, sans indemnité, pour de justes motifs, notamment si l’intérêt général l’exigeait (. art. 19 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 ; LDPu - L 1 5).

Partant, vu les autorisations cantonales entrées en force, le I______ n’avait d’autre possibilité que celle de prononcer le retrait, respectivement la révocation de la permission n° 2______ pour la terrasse à l’année délivrée le 20 juillet 2020. Par ailleurs, ledit chantier ayant d’ores et déjà débuté, il importait d’effectuer le retrait de l’ensemble de la terrasse considérée sans délai, ce afin d’éviter d’éventuels retards dans la conduite du chantier. C’était la raison pour laquelle la présente décision lui était notifiée comme étant exécutoire nonobstant recours.

9) Par acte du 12 avril 2022, M. A______ a recouru auprès du TAPI contre la décision du 8 avril 2022 de la ville, concluant à son annulation. Préalablement, il a requis la restitution de l’effet suspensif au recours.

Le recours a été ouvert sous le n° de cause A/1173/2022.

10) Par courriel du 13 avril 2022, M. O______ a proposé au recourant une solution provisoire de stockage de son mobilier de terrasse, toujours en place sur la place G______, afin de gérer momentanément la situation avant l’évacuation dudit mobilier.

11) Le 25 avril 2022, la ville a conclu, préalablement, à ce que l’effet suspensif ne soit pas restitué et, principalement, à la confirmation de la décision du 8 avril 2022.

Tous les commerçants du pourtour de la place G______ avaient été informés depuis des années déjà que des travaux de grande ampleur de réfection du Temple G______ étaient programmés de longue date. Ces travaux auraient déjà dû débuter dans le courant de l’année 2020, sinon 2021. Or, il était notoire que la crise sanitaire liée au Covid-19 avait différé de nombreux projets.

Après avoir été informé du recours, M. N______ avait sollicité M. O______ aux fins d’examiner in situ si la portion de la terrasse à l’année, selon la permission du 20 juillet 2020, était susceptible d’être déplacée eu égard aux contraintes du chantier, autant qu’à celles du service à table. Simultanément, il avait été proposé à M. A______ un entretien pour évoquer la situation de façon concrète et appréhender toutes possibilités éventuelles de solution en pratique. Une réunion avait été organisée le 8 avril 2022. Or, aucune solution d’emplacement de la terrasse considérée n’avait pu se faire jour, nonobstant une étude attentive de la situation, sur la base de trois plans, ainsi qu’une vision locale et un examen in situ opérés la veille par MM. O______ et N______. De nombreux chantiers étaient prévus sur la zone concernée, rendant la situation « calamiteuse » non seulement sur la place G______ mais également sur l’ensemble du secteur avoisinant, ce qui objectivait l’impossibilité de trouver une solution.

Les travaux d’envergure empêchant l’utilisation normale de la place G______ n’étaient pas dus à l’initiative de la ville mais à la demande d’une entité privée, qui cherchait à sauvegarder la pérennité d’un édifice important du patrimoine historique et architectural du canton. La ville n’avait pas la compétence de délivrer les autorisations nécessaires à la conduite d’un tel chantier.

La permission délivrée à M. A______ le 20 juillet 2020 prévoyait qu’elle pouvait être suspendue pour des motifs d’intérêt général ou pour des besoins impératifs particuliers. Elle faisait ainsi application d’un principe général du droit, en particulier de l’art. 19 LDPu, au terme duquel les permissions étaient délivrées à titre précaire et pouvaient être retirées sans indemnités pour de justes motifs.

La seule obligation de la ville était d’envisager avec diligence une éventuelle solution permettant, nonobstant le chantier considéré, une exploitation de tout ou partie de l’aire de terrasse située sur la place G______, étant précisé que les aires de terrasse à l’année dans la galerie et contre la façade pouvaient être maintenues.

À l’appui de ses observations, la ville a notamment produit des constats photographiques de la situation prévalant sur le terrain le 22 avril 2022, illustrant que la pose de doubles barrières balisant le passage des camions rendait illusoire l’exploitation d’une aire de terrasse sur la place G______.

12) Par jugement du 2 mai 2022, le TAPI a déclaré sans objet, en tant qu’il était recevable, le recours du 4 avril 2022 de M. A______ (JTAPI/448/2022).

13) Par courrier du 6 mai 2022, M. A______ a répliqué sur la question de la restitution de l’effet suspensif, persistant intégralement dans ses conclusions.

14) Le 9 mai 2022, en complément de son écriture du 25 avril 2022, la ville a relevé que la DD 1______ autorisant la restauration complète du temple avait fait l’objet de deux publications dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), l’une au moment de son instruction et l’autre le jour de sa délivrance, soit le 24 octobre 2019. À sa connaissance, aucun recours n’avait été interjeté à l’encontre de cette décision. Elle versait diverses pièces relatives au chantier et aux contacts pris avec M. A______ pour tenter de trouver une solution.

15) Par duplique du 20 mai 2022, la ville a encore relevé les contradictions de M. A______ qui soutenait n’avoir rien su du chantier tout en indiquant n’avoir pas recouru contre l’autorisation de construire du 24 octobre 2019 et la décision d’ouverture de chantier du 5 octobre 2021 du fait qu’il lui aurait été donné des assurances quant à une solution pour préserver ou relocaliser sa terrasse. À cet égard, renseignements pris à l’interne, de telles assurances n’avaient jamais été données.

Faisant suite au courrier du 11 mai 2022 de M. A______, la ville s’était pour le surplus enquise auprès de la direction des travaux des raisons du retrait de la double clôture côté terrasse de l’intéressé. Il lui avait été répondu que le retrait tenait à des contraintes de sécurité, la clôture représentant un sérieux danger pour la sécurité des personnes quand l’ancrage des barrières n’était pas opéré, si bien que la situation était potentiellement dangereuse du fait de l’impossibilité de procéder à cet ancrage à cause du maintien de la terrasse. Les retards dans l’avancement du chantier, engendrant des surcoûts considérables, étaient ainsi exclusivement dus à l’attitude de M. A______.

À l’appui de son écriture, la ville a produit le protocole n° 3______ du rendez-vous de police du 17 mai 2022 (pièce 20 intimée) et les directives de circulation, afférentes au chantier, du 20 janvier 2022, de l’office cantonal des transports du département des infrastructures (pièce 21 intimée).

16) Par décision du 23 mai 2022, le TAPI a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours formée par M. A______ (DITAI/265/2022).

Les contraintes temporelles et de sécurité mises en avant par la ville étaient dûment attestées par pièces.

Le préjudice économique de CHF 500’000.- à CHF 600’000.- n’était aucunement démontré. Il devait au surplus être relevé que M. A______ disposait de deux autres aires de terrasses à l’année qui pouvaient être maintenues.

L’intérêt de l’autorité administrative à l’exécution de sa décision, qui répondait à la foi à des exigences de sécurité des clients de la terrasse et du périmètre concerné et de bonne exécution du chantier de rénovation du temple G______, apparaissait essentiel et prépondérant à celui – privé – de M. A______ à pouvoir maintenir la terrasse litigieuse sur le domaine public lequel, par définition, ne lui était pas strictement réservé.

17) Par pli du 24 mai 2022, le TAPI a transmis à M. A______ la détermination de la ville du 20 mai 2022. Le même jour, il a transmis aux parties sa décision du 23 mai 2022.

18) Par acte du 7 juin 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la restitution de l’effet suspensif au recours formé devant le TAPI le 12 avril 2022.

Son droit d’être entendu avait été violé. Le TAPI ne lui avait pas communiqué la duplique et les nouvelles pièces transmises par la ville avant de rendre sa décision. La violation était grave puisque le TAPI s’était appuyé sur ces nouvelles pièces dans sa décision.

Les pièces produites par la ville relativisaient l’urgence relevée par le TAPI. L’autorisation de construire avait d’ailleurs été délivrée le 24 octobre 2019 et l’avis d’ouverture du chantier prononcé le 5 octobre 2021. La ville avait ainsi attendu le 8 avril 2022 « pour se réveiller ».

S’agissant de la pesée des intérêts, la décision entreprise ne se prononçait pas sur la question de savoir si la ville disposait d’un intérêt public propre à l’exécution immédiate de sa décision ou s’il s’agissait plus de défendre l’intérêt privé du maître d’ouvrage.

Quant aux deux autres aires de terrasse à l’année mentionnées dans la décision entreprise, elles présentaient une superficie de 7.60 m2, respectivement 2.23 m2, ce qui était particulièrement anecdotique comparé au 98.54 m2 de la terrasse supprimée.

S’agissant de son intérêt économique, le TAPI avait omis le fait que la preuve était impossible à apporter dès lors que le préjudice n’était pas encore survenu. L’autorité intimée aurait dû procéder à un examen prima facie. La terrasse permettait d’accueillir quatre-vingt personnes et était exploitable cinq mois, à raison de six jours sur sept, soit en moyenne cent vingt-cinq jours par année, midi et soir. Tenant compte d’un « ticket moyen » de CHF 50.- par personne, l’estimation fournie de CHF 500’000.- à CHF 600’000.- n’apparaissait pas déraisonnable.

Il était, au demeurant, surprenant que, le 20 juillet 2020, la ville avait décidé de transformer la terrasse de l’établissement en terrasse à l’année alors qu’elle connaissait « l’imminence de l’ouverture du chantier depuis le 24 octobre 2019 au moins ». Cela démontrait que la ville pensait pouvoir concilier la présence du chantier et la terrasse.

La décision entreprise violait enfin le principe de la proportionnalité en ce qu’elle n’avait pas examiné la question des mesures alternatives moins incisives, permettant d’assurer l’avancement du chantier tout en lui donnant la possibilité d’obtenir une décision au fond.

19) Le 16 juin 2022, l’C______ et la fondation ont requis leur appel en cause dans la procédure A/1173/2022.

20) Le 22 juin 2022, la ville s’est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

Le recours portait essentiellement sur le fait que les pièces 20 et 21 (intimée) n’avaient pas été transmises à M. A______ avant la prise de décision. Si préjudice il y avait eu de ce fait, celui-ci était réparé par l’effet du recours.

Les écritures et pièces transmises au TAPI témoignaient du fait que toutes les possibilités d’aire de terrasse de substitution avaient été recherchées, en vain.

21) Par décision du 23 juin, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de l’C______ et de la fondation (ATA/663/2022).

22) Le 4 juillet 2022, l’C______ et la fondation ont conclu au rejet du recours.

S’agissant du grief de violation du droit d’être entendu, les conditions pour la réparation du vice étaient réalisées, la chambre administrative disposant du même pouvoir d’examen que le TAPI.

La permission accordée à M. A______ était précaire et pouvait être retirée en tout temps par l’autorité, en application de l’art. 19 al. 1 LDPu.

M. A______ n’avait pas contesté les conditions spécifiques de la permission. Il avait été averti plusieurs fois, dont au moins deux par écrit, que le chantier de restauration du Temple aurait un impact sur la terrasse. Il avait donc pleinement conscience que celle-ci serait amenée à être démontée et ne pourrait pas être exploitée. Les conséquences de tout retard des travaux de restauration étaient les suivantes : l’intégrité du bâtiment pourrait être mise en péril, les autres utilisateurs du domaine public subiraient des entraves pendant une plus longue durée, l’C______ et la fondation devraient assumer d’importants coûts supplémentaires pour mener les travaux à leur terme.

L’existence d’un dommage restait non démontrée. Depuis le 8 avril 2022, il avait eu le temps nécessaire pour pallier les conséquences de la fermeture de la terrasse.

Enfin, la réalisation de l’entier des installations de chantier était liée à un impératif de sécurité pour, non seulement, clairement délimiter le périmètre des travaux mais, aussi, pour stabiliser de manière durable les barrières de chantier et éviter qu’elles ne tombent et n’entravent le passage ainsi que les interventions des services de secours.

23) Le 8 juillet 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

La violation de son droit d’être entendu ne pouvait pas être réparée dans le cadre d’un recours sur effet suspensif avec un pouvoir d’examen prima facie limité à la vraisemblance. La pièce 20 intimée mentionnait qu’à défaut de deux voies unidirectionnelles, il s’imposerait d’utiliser des camions plus petits et d’engager une équipe de sécurité ainsi qu’un responsable de la circulation. Cette hypothèse de travail avait toutefois été écartée sans discussion dès lors que l’C______ ne se souciait pas du sort des riverains et des nuisances qu’elle pouvait générer. Il ignorait ainsi quel serait le surcoût ainsi généré et l’absence d’informations à ce titre ne permettait pas de faire valoir correctement son droit d’être entendu.

Il était apparu, au cours de la crise sanitaire, que les terrasses des établissements publics étaient un élément primordial à leur survie. Son établissement s’exposait ainsi à un risque important de faillite.

La nécessité d’une voie unidirectionnelle pouvait être contournée par des mesures organisationnelles. Ces mesures avaient certes un coût mais elles épargneraient la faillite de son établissement. Ce coût devait par ailleurs être grandement relativisé par rapport à l’enveloppe globale des travaux.

La permission du 20 juillet 2020 prévoyait, à son chiffre 5.1, le retrait de la permission pour justes motifs. Cela supposait un motif d’intérêt général ou des motifs impératifs particuliers et imposait un délai. Or, l’intimée n’avait pas respecté de délai, avait violé son droit d’être entendu et n’avait procédé à aucune pesée des intérêts.

Enfin, le refus de restituer l’effet suspensif aurait pour conséquence de rendre tout recours ou toute procédure vaine dès lors qu’il ne serait plus possible de revenir en arrière.

24) Sur ce, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La décision refusant l’effet suspensif étant une décision incidente, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai qui a été observé en l’occurrence (cf. art. 17 al. 3 LPA).

2) a. Le recours contre une décision incidente n’est ouvert que si la décision cause un préjudice irréparable à son destinataire. Il est également ouvert si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

Le Tribunal fédéral admet, à certaines conditions, qu’une décision (notamment des mesures provisionnelles) ayant pour conséquence d’empêcher un administré d’exercer une activité économique peut causer un préjudice irréparable. Il doit toutefois s’agir d’une activité qui, avant son interdiction, faisait l’objet d’une autorisation administrative ou qui était à tout le moins tolérée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_547/2015 du 7 janvier 2016 consid. 1.3.3 et les arrêts cités).  

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 3c et les références citées).

b. En l’occurrence, la décision attaquée interdit au recourant d’installer et d’exploiter la terrasse sur le centre de la place G______ pendant la durée de la procédure, alors que le recourant avait obtenu une permission d’exploiter ladite terrasse en date du 20 juillet 2020. Selon ladite permission, le centre de la place présente une superficie de 98.54 m2, ce qui permet, selon les allégations non contestées du recourant, d’accueillir quarante-deux tables. La décision entreprise entrave ainsi l’activité économique du recourant et le touche dans ses intérêts patrimoniaux. La condition du préjudice irréparable est partant réalisée.

Le recours est donc recevable.

3) Dans un premier grief d’ordre formel, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu.

a. Compris comme l’un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l’art. 29 Cst., le droit d’être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où elle l’estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur le jugement à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 I 195 consid. 2.3.1). Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2 et les références). Dans les procédures judiciaires, ce droit existe que la cause soit ou non soumise à l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), l’art. 29 Cst. devant, sous cet angle, être interprété de la même manière (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3).

Toutefois, dans le cadre d’une procédure concernant des mesures provisoires ayant un caractère d’urgence, l’art. 29 al. 2 Cst. n’a pas la même portée que s’agissant de la procédure au fond. Ainsi, les décisions judiciaires concernant l’effet suspensif doivent par nature être rendues rapidement et sans de longues investigations complémentaires. L’autorité qui statue peut donc, sauf circonstances spécifiques, se dispenser d’entendre de manière détaillée les intéressés ou de procéder à un second échange d’écritures. Tant la jurisprudence du Tribunal fédéral que celle de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaissent que, si elles ont une portée étendue s’agissant des procédures au fond, les garanties découlant du droit d’être entendu peuvent connaître quelques aménagements dans le cas d’une procédure concernant des mesures provisoires, compte tenu du caractère d’urgence de celles-ci. En d’autres termes, il ne peut être question, dans le cadre de mesures provisoires, d’un droit absolu à une réplique découlant du droit d’être entendu. Le cas échéant, si la réponse de l’autorité précédente contient des éléments nouveaux décisifs sur lesquels le juge entend se fonder, un droit de réplique peut alors se justifier. Cette solution constitue une mise en œuvre pragmatique de l’art. 6 CEDH (ATF 132 I 42 consid. 3.3.2). Le droit d’être entendu du requérant est donc, en principe, déjà garanti par le dépôt de sa demande d’effet suspensif (ATF 139 I 189 consid. 3.3 et les références). 

b. Devant la chambre de céans, le recourant reproche à l’autorité précédente de ne pas lui avoir transmis la duplique de l’intimée du 20 mai 2022, accompagnée des pièces 20 et 21 intimée, et de l’avoir ainsi privé de l’opportunité de se déterminer sur ces pièces.

En l’occurrence, il ressort du dossier de procédure de la juridiction précédente que la duplique de l’intimée du 20 mai 2022 ainsi que les pièces 20 et 21 y annexées, ont été transmises au recourant par pli du TAPI du 24 mai 2022, soit en même temps que la décision entreprise. Le recourant n’a donc pas pu s’exprimer sur cette écriture avant que le TAPI ne statue sur sa requête de restitution de l’effet suspensif au recours. Or, conformément à ce qu’a retenu le Tribunal fédéral dans un cas similaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_316/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2), dès lors que la jurisprudence ne reconnaît pas de droit absolu à la réplique s’agissant de mesures provisionnelles, on ne saurait à plus forte raison reconnaître dans ce cadre un droit à une triplique, le recourant ayant largement pu s’exprimer s’agissant de l’effet suspensif. Il est vrai, comme le soutient le recourant, que les contraintes temporelles et de sécurité évoquées par la juridiction précédente pour justifier le refus de restituer l’effet suspensif résultent essentiellement de la pièce 20 intimée, intitulée « protocole n° 3______ de rendez-vous de police du 17 mai 2022 », au sujet de laquelle l’intéressé n’a pas pu s’exprimer avant que l’autorité ne rende sa décision. Toutefois, le recourant a eu l’occasion de faire valoir ses arguments et de se déterminer sur ces pièces dans le cadre de ses deux écritures devant la chambre de céans, qui dispose, à l’instar du TAPI, d’un plein pouvoir d’exam en fait et en droit (art. 61 al. 1 LPA). L’éventuel vice formel en lien avec le droit d’être entendu a ainsi été guéri.

Le grief de violation du droit d’être entendu doit partant être rejeté.

4) Le litige porte sur le bien-fondé du refus de restituer l’effet suspensif au recours formé devant le TAPI.

a. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif, à moins que l’autorité qui a pris la décision n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/884/2016 du 10 octobre 2016 consid. 1).

Lorsque l’effet suspensif a été retiré ou n’est pas prévu par la loi, l’autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui varie selon la nature de l’affaire. La restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; ATA/613/2014 du 31 juillet 2014 consid. 5).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/613/2014 précité consid. 5).

b. En l’occurrence, par décision du 8 avril 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’intimée a prononcé le retrait, respectivement la révocation, de la permission n° 2______ s’agissant de l’exploitation de la terrasse à l’année sur la place centrale G______.

La question se pose donc de savoir si, conformément à la jurisprudence précitée, les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise étaient plus importantes que celles justifiant le report de son exécution, ce que conteste le recourant.

Il ressort du dossier, en particulier du courrier de l’intimée du 24 mars 2022, que les travaux sur la place G______ devaient débuter le 1er avril 2022, pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 1er avril 2025. L’intimée a expliqué que ces travaux auraient dû commencer dans le courant de l’année 2020, sinon 2021, mais avaient dû être reportés en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Les pièces au dossier révèlent, par ailleurs, que le recourant a été averti à plusieurs reprises de l’imminence du chantier. Par courrier du 21 juin 2019, l’intimée lui avait en effet rappelé que la place G______ serait le « théâtre de travaux considérables, par l’effet notamment de la rénovation du Temple en son centre, travaux qui [devaient] s’étendre sur une période d’au moins trois ans, lesquels travaux [devaient] débuter précisément au cours de l’hiver prochain ». Par courriel du 11 décembre 2020, l’intimée avait encore attiré l’attention du recourant sur « les futurs travaux qui [allaient] débuter à la place G______ (pour le Temple) ». Il ne ressort au demeurant pas du dossier que le recourant se soit renseigné sur la date du début du chantier.

Selon le planning intentionnel initial, produit par les appelées en cause, il était prévu que les installations générales du chantier débutent en avril 2022, la protection des ouvrages en mai 2022 et les travaux préparatoires de démolition et de démontage en juin 2022. Ces différents travaux ont d’ores et déjà été retardés en raison du litige les opposant au recourant, comme cela ressort du planning provisoire révisé produit par les appelées en cause. Dans leurs écritures, ces dernières ont dûment établi les conséquences de tout retard des travaux de restauration, à savoir en particulier l’intégrité du bâtiment et la prolongation des entraves causées aux autres utilisateurs du domaine public. Elles ont relevé que la réalisation de l’entier des installations de chantier était liée à un impératif de sécurité pour, non seulement, clairement délimiter le périmètre des travaux mais, aussi, stabiliser de manière durable les barrières de chantier afin d’éviter qu’elles ne tombent et n’entravent le passage ainsi que les interventions des services de secours. Il appert par ailleurs que le maintien de la terrasse de l’établissement exploité par le recourant empêche la création de la bande de roulement du côté Est de la place. Or, ainsi que cela ressort du protocole n° 3______ de rendez-vous de police du 17 mai 2022, la pose complète des installations, avec une boucle permettant un flux unidirectionnel des convois, est le seul moyen d’éviter un engorgement de la rue P______ ainsi que l’interruption, à court terme, de l’ensemble des travaux. Or, quoi qu’en dise le recourant, l’intimée dispose d’un intérêt public important à ce que les travaux soient exécutés dans le respect des contraintes temporelles et sécuritaires, de manière à assurer notamment que les inconvénients causés par les travaux soient les moins nombreux possibles pour les usagers du domaine public. Si l’intérêt privé – économique – du recourant à conserver l’exploitation de la terrasse de la place G______ durant la procédure est certes important, celui-ci doit céder le pas à l’intérêt public à la poursuite de l’exécution du chantier de rénovation du Temple G______ dans le respect des contraintes temporelles et sécuritaires prévues.

C’est partant à juste titre que le TAPI a retenu que les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise étaient plus importantes que celles justifiant le report de son exécution.

Par ailleurs, les chances de succès du recours apparaissent à première vue insuffisantes pour envisager une restitution de l’effet suspensif. Il ressort en effet tant de l’art. 19 LDPu que du chiffre 5.1 de la permission n° 2______ accordée au recourant le 20 juillet 2020, que les permissions d’utilisation du domaine public sont délivrées à titre précaire et peuvent être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l’intérêt général l’exige.

Le recourant invoque certes une violation du principe de la proportionnalité, faisant valoir qu’une mesure moins incisive aurait pu être ordonnée. Or, il suffit de constater à ce stade et sans préjudice de l’examen au fond que les différents intervenants ont cherché une solution de substitution d’emplacement de la terrasse considérée, mais que, sur la base des plans élaborés et compte tenu de l’ensemble des travaux prévus dans la région concernée, aucune n’avait pu être trouvée.

Mal fondé, le recours est rejeté et la décision querellée confirmée.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’intimée qui compte plus de dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d’un service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d’un avocat (ATA/598/2021 du 8 juin 2021 ; ATA/1344/2020 du 22 décembre 2020). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée aux appelées en cause, solidairement, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2022 par M. A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2022  ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à l’C______ et à la D______, solidairement entre elles, à la charge de M. A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Lavergnat, avocat du recourant, à la Ville de B______, à Me Samuel Brückner, avocat des appelées en cause, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :