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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1659/2021

ATA/601/2022 du 07.06.2022 sur JTAPI/982/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1659/2021-PE ATA/601/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2021 (JTAPI/982/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1989, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 27 février 2020, il a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

À l'appui de cette demande, il a produit divers documents, soit une lettre de motivation indiquant qu'il résidait à Genève depuis le mois de mars 2012, une copie de son passeport, une attestation des Transports publics genevois (ci-après : TPG) du 10 février 2020 couvrant la période de juillet 2012 à novembre 2014), une attestation d'absence d'aide de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 11 février 2020, un extrait de son casier judiciaire suisse vierge daté du 5 février 2020, un formulaire M rempli le 24 février 2020 par son employeur, B______, indiquant qu'il était arrivé en Suisse le 20 mars 2012 et qu'il travaillait à son service comme peintre en bâtiment depuis le 1er janvier 2020 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'000.-, ainsi qu'une attestation de son frère, Monsieur C______ déclarant le loger chez lui, à la rue D______, Genève.

3) Selon le registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, B______, ayant son siège à la rue D______, Genève, est une entreprise individuelle inscrite le 10 juillet 2017, dont le titulaire est M. C______, avec signature individuelle. La société a pour but : "rénovation, faux-plafonds, cloisons, plâtrerie et peinture".

4) Par courrier du 3 novembre 2020, l'OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour, tout en lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir par écrit ses observations et objections éventuelles.

5) Par courrier du 2 décembre 2020, le mandataire de M. A______ a sollicité une prolongation de délai au 31 décembre 2020 pour l'exercice du droit d'être entendu de son client.

6) Par décision du 16 décembre 2020, adressée directement à M. A______, l'OCPM a refusé d'accéder à sa requête d'autorisation de séjour et, par conséquent, de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), tout en prononçant son renvoi de Suisse, ainsi que du territoire des Etats membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen, avec délai au 17 février 2021 pour quitter le territoire.

7) Le 15 janvier 2021, sur requête du mandataire de M. A______, l'OCPM a annulé sa décision du 16 décembre 2020 et prolongé au 31 janvier 2021 le délai imparti à l'intéressé pour exercer par écrit son droit d'être entendu.

8) Par courrier du 31 janvier 2021, par le biais d'un nouveau mandataire, M. A______ a indiqué à l'OCPM qu'il était arrivé en Suisse « avant 2012 » et qu'il produirait sans retard toute pièce utile corroborant ses déclarations.

Il était en outre parfaitement intégré et avait noué de fortes relations d'amitié en Suisse. De plus, il parlait parfaitement le français et transmettrait prochainement une attestation de connaissance de la langue française. Il n'avait par ailleurs jamais cessé de travailler depuis son arrivée et avait toujours pu subvenir seul à ses besoins, démontrant ainsi une parfaite intégration professionnelle. Enfin, il n'avait jamais recouru à l'aide sociale, disposait d'un casier judiciaire vierge et produirait prochainement une attestation d'absence de poursuites. Pour toutes ces raisons, il sollicitait la délivrance d'une autorisation de séjour.

À l'appui de ses déclarations, il a produit comme seule pièce complémentaire la copie d'un rapport de police établi le 8 mai 2014 par le poste de gendarmerie de Blandonnet à la suite de son interpellation, le 7 mai 2014 à Vernier, alors qu'il se trouvait démuni de papiers d'identité.

9) Par décision du 24 mars 2021, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour de M. A______, et, par conséquent, de préaviser favorablement son dossier auprès du SEM, tout en prononçant son renvoi de Suisse, ainsi que du territoire des Etats membres de l'Union européenne et des Etats associés à Schengen, avec délai au 24 mai 2021 pour quitter le territoire.

M. A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas d'extrême gravité au sens des art. 31 al. 1 let. b loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). En particulier, arrivé en Suisse en mars 2012 selon ses propres déclarations, il n'avait pas produit d'attestation de connaissance du français ni démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Il n'avait par ailleurs pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence.

Il n'avait en outre pas fait valoir que sa réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Enfin, il n'avait pas non plus établi l'existence d'obstacles à son retour dans son pays d'origine, et le dossier ne laissait pas apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI.

10) Par acte du 10 mai 2021, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour. À titre préalable, il a sollicité l'octroi d'un délai pour compléter son recours et sa comparution personnelle, ainsi que celle de M. C______.

Il était arrivé en Suisse avant 2012, mais il lui était impossible de mettre la main sur un document prouvant son séjour depuis cette date. En revanche, plusieurs pièces (à savoir l'attestation des TPG et le rapport de police du 8 mai 2014) pouvaient attester de sa présence sur le territoire à partir de 2012, soit depuis presque dix ans. Par ailleurs, et comme déjà dit, il parlait parfaitement le français, n'avait jamais cessé de travailler malgré l'épidémie de Covid-19 et avait toujours pu subvenir seul à ses besoins. Il ne faisait en outre l'objet d'aucune poursuite, son casier judiciaire était vierge et il n'avait jamais recouru à l'aide sociale. Compte tenu du contexte d'épidémie qui sévissait encore, cette intégration pouvait être qualifiée d'exceptionnelle.

Enfin, au vu de tous ces éléments, le fait de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi engendrerait une violation du principe de proportionnalité. En effet, aucun intérêt public prépondérant ne pouvait justifier de le « précipiter au fond du gouffre » alors qu'il était bien intégré et se conformait à l'ordre juridique suisse. Compte tenu de son intérêt privé prépondérant à pouvoir demeurer en Suisse, une autorisation de séjour pour cas de rigueur devait lui être octroyée.

11) Par courrier du 17 mai 2021, le TAPI a imparti à M. A______ un délai au 1er juin 2021 pour compléter son recours.

12) Par pli du 2 juin 2021, M. A______ a fait parvenir au TAPI une attestation d'absence de poursuites datée du 1er juin 2021.

13) Dans ses observations du 13 juillet 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments avancés par M. A______ n'étant pas de nature à modifier sa position.

Selon les pièces produites, son séjour n'avait été prouvé que pour les années 2012 à 2014. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'indiquait son degré d'intégration sociale au sein de la collectivité genevoise. De surcroît, aucune attestation de connaissance du français n'avait été produite. Son indépendance financière, l'absence de poursuites et d'actes de défaut de biens et son casier judiciaire vierge ne pouvaient justifier à eux seuls la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité.

L'examen de son dossier révélait au contraire que M. A______ ne se trouvait pas dans une situation de détresse qui justifierait la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, étant pour le surplus relevé qu'il n'avait pas fait valoir que sa réintégration dans son pays d'origine serait fortement compromise.

14) Le 4 août 2021, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

Sa bonne intégration, son autonomie financière, l'absence de dettes et d'actes de défaut de biens et son casier judiciaire vierge avaient été admis par l'autorité intimée. Ainsi, le refus de lui délivrer l'autorisation de séjour sollicitée était disproportionné. Par ailleurs, concernant la longue durée de son séjour en Suisse, l'OCPM n'avait pas pris en compte la difficulté de produire des pièces prouvant sa présence sur le sol helvétique autres que des témoignages.

15) Par jugement du 24 septembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que M. A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. Sa présence continue en Suisse n'apparaissait établie qu'entre 2012 et 2014 et depuis février 2020, date du dépôt de sa demande de régularisation. Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle et il n’apparaissait pas qu'il aurait acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait les mettre en pratique dans son pays. L'intéressé ne pouvait se prévaloir de l'opération Papyrus, achevée au moment où il avait déposé sa demande.

Âgé de 32 ans, M. A______ avait passé toute son enfance, toute son adolescence et le début de sa vie d'adulte au Kosovo, périodes décisives pour la formation de la personnalité. Il avait dû conserver de fortes attaches avec sa patrie, dont il connaissait parfaitement la langue et les us et coutumes. Hormis son frère, il ne faisait état d'aucune attache familiale en Suisse. En pleine force de l'âge, il devait ainsi être à même de se réintégrer dans son pays d'origine.

16) Par acte posté le 28 octobre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour. À titre préalable, il a sollicité l'octroi d'un délai pour compléter son recours et sa comparution personnelle, ainsi que celle de Monsieur C______.

Il renouvelait les allégations de fait contenues dans son recours au TAPI. Les faits avaient été établis de manière manifestement inexacte. Son séjour en Suisse depuis 2012 ainsi que son intégration étaient avérées, et correspondaient aux exigences de l'« opération Papyrus ». Son intégration socio-professionnelle devait être examinée à l'aune de la situation exceptionnelle que constituait la crise sanitaire liée à la Covid-19.

Lui refuser une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité violerait le principe de la proportionnalité. Aucun intérêt prépondérant ne pouvait justifier de le renvoyer dans son pays d'origine après le temps et les efforts consentis à s'intégrer, malgré les difficultés du moment.

17) Le 13 décembre 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments avancés par M. A______, en substance semblables à ceux présentés devant le TAPI, n'étaient pas de nature à modifier sa position. La durée et la continuité du séjour allégué n'avaient toujours pas été prouvées.

18) Le 20 décembre 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 janvier 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

19) Le 25 janvier 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires, et le recourant en a fait de même le 28 janvier 2022.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a requis son audition ainsi que celle de son frère Monsieur C______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Il n'a du reste pas fait usage de son droit à la réplique par-devant la chambre de céans. Il n’explique pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments complémentaires. Par ailleurs, il a sollicité l’audition de son frère au sujet de la durée de son séjour en Suisse. Il y a néanmoins lieu de craindre qu'il ne s'agisse là d'un témoignage de complaisance, alors même que le recourant n'a pas pu fournir de pièces probantes quant à la durée et à la continuité du séjour allégué – étant rappelé qu'il est employé par son frère, qui aurait donc dû le cas échéant être en mesure de lui fournir les duplicatas de ses fiches de salaire ou d'autres documents relatifs à son travail au sein de l'entreprise.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction demandés.

3) Le recours porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et de prononcer son renvoi de Suisse.

4) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives du SEM "Domaine des étrangers", ci-après : directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

6) L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal). Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » étant un processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emportait en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères pouvaient entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

7) En l'espèce, le recourant a déposé sa demande de régularisation de ses conditions de séjour en 2018, alors que l'« opération Papyrus » était en cours. Cela étant, au 31 décembre 2018, la durée de son séjour en Suisse était inférieure à trois ans (au lieu des dix requis dans son cas), si bien qu'il ne pouvait bénéficier de ladite opération.

Même aujourd'hui, le séjour en Suisse du recourant ne peut pas être considéré comme long, dès lors que, remontant de manière non contestée à janvier 2016, il est légèrement supérieur à six ans. Cette durée doit en outre relativisée dès lors que l'entier du séjour s'est déroulé dans l'illégalité, ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration. À lui seul, cet élément ne permet pas de retenir un cas d'extrême gravité.

Il n'apparaît en outre pas que l'intéressé se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. En effet, il est arrivé en Suisse à l'âge de 16 ans, et a donc vécu toute son enfance et son adolescence au Kosovo, de sorte que la chambre de céans ne saurait admettre que les années passées en Suisse soient déterminantes pour la formation de sa personnalité et, partant, pour son intégration socioculturelle.

Le recourant parle le français de manière au moins élémentaire, et s'est créé un cercle d'amis et de collègues en Suisse. Toutefois, les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du TAF F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Par ailleurs, il ne s'est pas investi, que ce soit dans la vie associative ou dans la culture genevoise. Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

Sur le plan professionnel et financier, il faut reconnaître que le recourant est indépendant financièrement depuis son arrivée en Suisse et qu'il n'a jamais bénéficié de l'aide sociale. Cela étant, l'indépendance économique est une qualité qui est en principe attendue de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément pourrait être favorable au recourant, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Par ailleurs, les activités du recourant, qui a œuvré dans un poste ne nécessitant pas de qualifications particulières, ne sont pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant est né au Kosovo, dont il parle la langue et où il a vécu son enfance et son adolescence. Il est en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, le recourant pourra faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

8) a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d
al. 1 LEI).

b. Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83
al. 1 LEI).

c. En l'espèce, le recourant n'allègue pas que le retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.