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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/990/2022

ATA/452/2022 du 29.04.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/990/2022-FPUBL ATA/452/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 avril 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Corinne Arpin, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ a été engagé le 1er mai 2003 en qualité de garde de la police de sécurité internationale. Après un transfert à la gendarmerie et différentes promotions, il est devenu sergent-major en 2018. Il a été affecté au poste de police des Pâquis entre 2014 et 2018.

2) Le 3 février 2020, l'inspection générale des services (ci-après : IGS) de la police a communiqué à la commandante de la police genevoise un rapport du 30 janvier 2020. Il en ressortait qu'alors que M. A______ était affecté au poste des Pâquis, il avait participé à quatre groupes WhatsApp dont était notamment membre Monsieur B______, gérant de salon de massages érotiques dans le quartier des Pâquis. De nombreux messages et comportements jugés inadéquats étaient mis en avant. L'épouse de M. A______ avait en outre été employée par M. B______ en tant que femme de ménage entre les mois d'octobre 2016 et juin 2018.

3) Par arrêté du 2 septembre 2020, le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS) a ouvert une enquête administrative à l'encontre de M. A______.

4) Le 15 novembre 2021, l'enquêtrice administrative a remis son rapport d'enquête.

5) Le 14 décembre 2021, le DSPS a adressé à M. A______ le rapport d'enquête, en lui indiquant que la sanction envisagée était une dégradation, laquelle pouvait être prononcée pour une durée d'un à quatre ans. Un délai de trente jours à réception de ce courrier lui était imparti pour se déterminer.

6) Le 14 janvier 2022, M. A______ a fait valoir des observations.

La procédure disciplinaire était prescrite. De surcroît, les échanges ayant eu lieu entre son épouse et M. B______ violaient le droit au respect de la vie privée et devaient être retirés du dossier.

Il reconnaissait des échanges inappropriés et s'en était excusé. Ces échanges de messages avaient néanmoins eu lieu en 2016, et son comportement avait été exemplaire depuis, si bien qu'aucune sanction disciplinaire ne devait être prononcée à son encontre.

7) Par arrêté du 2 mars 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours le DSPS a prononcé la dégradation de M. A______ au grade de sergent-chef pour une durée de trois ans. La sanction prendrait effet le 1er avril 2022. Les faits n'étaient pas prescrits.

8) Par acte déposé le 30 mars 2022, M. A______ a formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) une demande de restitution de l'effet suspensif sur mesures superprovisionnelles.

9) Le même jour, la chambre administrative lui a indiqué qu'en l'absence d'un recours conforme aux exigences de l'art. 64 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), il ne pouvait être statué sur effet suspensif.

10) Par acte déposé le 31 mars 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre l'arrêté du 2 mars 2022, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de l'arrêté attaqué, à ce qu'il soit dit que la prescription de l'action disciplinaire était acquise, qu'il n'avait pas violé ses devoirs de service et qu'aucune sanction ne devait être prononcée à son encontre, ainsi qu'à une indemnité de procédure de CHF 3'000.-.

Si l'effet suspensif n'était pas immédiatement restitué, il serait rétrogradé avec effet immédiat, changeant de grade et de fonction pendant la procédure de recours, avec pour conséquence que l'ensemble du corps de police serait informé de la sanction prononcée contre lui, alors qu'elle était contestée. En cas d'admission du recours, il ne serait pas possible de lui restituer son grade avec effet rétroactif, de sorte qu'il subirait un dommage irréparable. Ses intérêts étaient ainsi gravement menacés.

Il n'y avait par ailleurs aucun intérêt public à ce que l'arrêté entre en vigueur immédiatement, les faits reprochés remontant à près de six ans, et tandis qu'il avait continué à exercer ses fonctions pendant la procédure administrative.

Sur le fond, l'action disciplinaire était prescrite car la commandante de la police avait reçu le premier rapport de l'IGS, soit le 4 octobre 2019. Sous réserve de la suspension de la prescription pendant l'enquête disciplinaire, soit entre les 2 septembre 2020 et 15 novembre 2021, il s'était écoulé quatre cent quarante et un jours entre le dies a quo précité et la date d'adoption de l'arrêté attaqué.

11) Le 4 avril 2022, M. A______ a complété son mémoire.

12) Le 19 avril 2022, le DSPS a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Ladite demande étant parvenue à la chambre administrative le 5 avril 2022 (sic) et la sanction ayant pris effet le 1er avril 2022, M. A______ demandait non pas à maintenir un état de fait mais à modifier la situation nouvellement en vigueur.

En cas d'admission du recours, le grade de sergent-major serait restitué avec effet le 1er avril 2022, si bien qu'il n'existait pas de dommage difficilement réparable. Il existait un intérêt public à ce que les sanctions disciplinaires puissent être prononcées et exécutées rapidement, ce qui était du reste la cause de l'introduction dans la loi d'un délai de prescription d'un an. Il devait être relevé que les manquements reprochés avaient perduré au moins jusqu'au 22 février 2018.

Accéder à la requête reviendrait à anticiper le jugement définitif, ce qui n'était pas admis par la jurisprudence. En cas de rejet du recours, l'évolution professionnelle du recourant serait du reste dans ce cas entravée plus longtemps qu'en cas d'exécution immédiate de la sanction, dès lors qu'il ne pourrait être promu avant d'avoir exécuté les trois ans de rétrogradation.

Sur le fond, la prescription disciplinaire n'était pas acquise au moment du prononcé de l'arrêté litigieux. Le dies a quo était le jour où l'autorité compétente pour prononcer la sanction avait été informée des faits, or le conseiller d'État avait eu connaissance de la violation des devoirs de service au plus tôt le 29 avril 2020.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre ou par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

2) a. Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

b. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

c. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

d. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

3) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5) Dans le domaine de la fonction publique, lorsque l'autorité choisit la sanction disciplinaire qu'elle considère appropriée, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, lequel est subordonné au respect du principe de la proportionnalité. Son choix ne dépend pas seulement des circonstances subjectives de la violation incriminée ou de la prévention générale, mais aussi de l'intérêt objectif à la restauration, vis-à-vis du public, du rapport de confiance qui a été compromis par la violation du devoir de fonction (arrêts du Tribunal fédéral 8C_610/2021 du 2 février 2022 consid. 4.3 ; 8C_530/2020 du 1 er juin 2021 consid. 7.3 ; 8D_4/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2).

6) En l'espèce, le recours a été déposé le 31 mars 2022, si bien qu'il n'était matériellement pas possible de statuer sur des mesures superprovisionnelles – lesquelles sont du reste inconnues de la LPA et doivent donc être réservées à des cas d'extrême urgence.

Contrairement à ce qu'allègue le recourant, il ne peut être admis qu'il subit un dommage irréparable, dès lors qu'en cas d'admission du recours il pourrait être réintégré dans son grade avec effet rétroactif au 1er avril 2022. S'agissant du risque pour sa réputation, la sanction est – comme précédemment exposé – déjà entrée en vigueur. De plus, la jurisprudence considère qu'une décision de libération de l'obligation de travailler n’est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable de ce point de vue (ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 4b), si bien qu'il en va à plus forte raison de même pour la décision attaquée, qui lui permet de maintenir son emploi et son traitement.

En ce qui concerne l'intérêt public à l'exécution immédiate de la sanction, il est indéniable que le législateur a souhaité – notamment en instaurant un délai de prescription très court, soit d'un an, dont le recourant se prévaut au fond – que les manquements disciplinaires au sein de la police puissent être poursuivis et exécutés rapidement. Par ailleurs, comme souligné par l'autorité intimée, en cas de rejet du recours une restitution de l'effet suspensif aurait pour conséquence de ralentir son évolution professionnelle, si bien qu'une exécution immédiate est sur cet aspect aussi dans l'intérêt privé du recourant.

Enfin, les chances de succès du recours au fond n'apparaissent prima facie pas si importantes qu'elles justifieraient à elles seules, en l'absence de préjudice irréparable, la restitution de l'effet suspensif au recours.

La demande sera dès lors rejetée.

7) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Corinne Arpin, avocate du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :