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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/126/2022

ATA/166/2022 du 16.02.2022 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/126/2022-ANIM ATA/166/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 février 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



Considérant, en fait :

vu la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) du 21 décembre 2021 ordonnant le séquestre définitif du chien American staffordshire Terrier croisé (ci-après : Am’staff croisé), femelle, née le ______ 2019, nommée « B______ », ainsi que ses huit chiots, nés le ______ 2021, détenus par Monsieur  A______ ; lui imputant tous les frais inhérents audit séquestre et prononçant l’exécution immédiate de la décision, nonobstant recours ;

vu le recours interjeté le 12 janvier 2022 par M. A______ devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée ; qu’il a conclu à ce qu’il soit constaté que « B______ » et ses chiots n’avaient pas été détenus sur le territoire genevois en violation de la loi et qu’il n’avait commis aucune infraction à la législation sur les chiens ; que ces derniers devaient lui être restitués ; qu’il prenait l’engagement de placer la chienne et les chiots en France chez une connaissance dont il transmettait les coordonnées, dans un délai de douze heures après la restitution des canidés  ; qu’il prenait l’engagement de faire procéder à l’inscription des canidés sur les bases de données françaises ; qu’il invitait le SCAV à procéder, régulièrement et de manière inopinée, à des contrôles à son domicile pendant une durée de six mois ; que, préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours et le séquestre levé ; que la chienne et les huit chiots devaient lui être restitués ; qu’il pouvait lui être ordonné de transmettre à la chambre de céans, à la fréquence qu’elle jugerait utile, la preuve du séjour quotidien de la chienne et ses chiots à travers l’envoi de photographies datées et géolocalisées ; qu’il devait être fait interdiction au SCAV de porter atteinte à son droit de propriété et à l’intégrité ou à la vie des animaux concernés ; qu’une comparution personnelle des parties devait être ordonnée à l’instar de l’audition de onze personnes dont il précisait les noms ;

qu’il lui avait été indiqué lors de l’acquisition de « B______ » qu’elle appartenait à la race des bouledogues américains ; qu’il avait appris durant l’été 2020 que la race à laquelle elle appartenait était interdite à Genève ; qu’il s’était organisé pour qu’elle soit placée en France chez l’oncle de sa fiancée, dont il donnait toutes les coordonnées ; que, depuis cette période, « B______ » n’avait pas vécu à Genève, ce dont divers témoins pouvaient attester ; qu’il était domicilié à Genève et en conflit avec son voisin ; que ce dernier était probablement à l’origine de témoignages à son encontre et de colportage de faux propos ; qu’il n’avait jamais dressé ni même tenté de dresser « B______ » « au mordant » ; que la grossesse de « B______ » n’était pas voulue ; que c’était uniquement en raison d’émanations de peinture, nocives pour « B______ » et ses chiots, qu’il s’était résigné à déplacer temporairement la mère et sa portée à Genève ; que ceux-ci étaient ainsi arrivés à son domicile le 8 décembre 2021, environ une heure avant l’intervention du SCAV ; qu’il n’avait jamais envisagé de faire vivre sa chienne et les chiots à Genève ; qu’il contestait avoir proféré des insultes à l’encontre des représentants du SCAV ; que si toutefois certaines devaient avoir été prononcées, elles devaient provenir de son frère ; qu’il regrettait la manière dont s’était déroulée l’intervention du SCAV et présentait ses excuses aux inspecteurs dudit service ; que son attitude s’expliquait par le fort attachement à ses chiens ; qu’il contestait le témoignage du dénonciateur dont il ignorait l’identité, lequel avait manifestement confondu « B______ » avec un autre chien ; qu’il convenait que l’effet suspensif soit restitué pour éviter respectivement l’euthanasie des chiens, voire leur aliénation à un tiers ; qu’il prenait l’engagement d’amener immédiatement la chienne et les chiots en France par le chemin le plus court ;

que, sur mesures superprovisionnelles, la juge déléguée a ordonné que « B______ » et les huit chiots restent, jusqu’à droit jugé sur mesures provisionnelles, en mains du SCAV et ne soient pas donnés, vendus ou mis à mort ;

que, sur effet suspensif, le SCAV a conclu au rejet de la requête ; qu’au cours de son audition, le recourant avait admis que « B______ » était détenue de manière fréquente à son domicile genevois ; que plusieurs témoignages confirmaient la présence du canidé sur le territoire du canton ; qu’un agent de police municipale avait aussi vu le chien le 10 octobre 2021 ; que l’intéressé, lors du passage des inspecteurs du SCAV à son domicile, avait prétendu ne pas être M. A______ avant de s’enfermer chez lui dans un vain espoir de les voir partir et de les insulter ; que le service n’accordait aucune crédibilité à ses propos, l’intéressé s’étant plusieurs fois contredit ; que, pour respecter le principe de la proportionnalité, le refoulement des animaux avait été proposé au recourant ; que l’ensemble des personnes auquel il s’était proposé de transférer la possession des canidés étaient domiciliées officiellement dans le canton de Genève ; qu’il lui appartenait de présenter un plan de refoulement conforme aux exigences du SCAV pour qu’il puisse s’agir d’une mesure admissible ; qu’en l’état, le refoulement était impossible ; que le service craignait qu’une éventuelle décision de refoulement ne soit pas respectée, l’intéressé n’ayant pas tenu ses précédents engagements ; que la sauvegarde de la sécurité publique devait primer l’intérêt privé du recourant à détenir des chiens issus d’une race prohibée sur le territoire genevois ;

que, dans sa réplique, le recourant a relevé que les témoignages anonymisés ainsi que les propos de l’agent de la police municipale ne faisaient pas mention de la présence des huit chiots alors que cette situation aurait manifestement dû attirer leur attention ; qu’un refoulement à Collonges-sous-Salève restait possible, proportionnel, légal et opportun ; qu’il contestait s’être contredit ; qu’aucun élément du dossier ne laissait entrevoir la moindre dangerosité des canidés ; que son conseil avait pris langue avec le SCAV afin de déterminer les exigences du service quant à un éventuel plan de rapatriement ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit :

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA-GE - E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’au terme de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que selon l’art. 23 de la loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45), les chiens appartenant à des races jugés dangereuses, dont le Conseil d’État dresse la liste par voie règlementaire, sont interdits sur le territoire du canton, sous réserve d’autorisation ; que l’Am’staff et les croisements issus de cette race sont des chiens listés (art. 17 al. 2 let. a du règlement d'application de la loi sur les chiens du 27 juillet 2011 (RChiens - M 3 45.01) ;

qu’en l’espèce, prima facie, le recourant ne conteste pas que la race de chien à laquelle appartiennent « B______ » et les chiots est interdite sur le territoire genevois ; que, s’il conteste le bien-fondé de la décision au motif que ses canidés n’ont jamais été détenus sur le territoire cantonal, il propose, sur mesures provisionnelles, que ses chiens retournent immédiatement vivre en France ; qu’en l’état, l’autorité intimée doute de la sincérité des intentions du recourant et de la faisabilité du plan de refoulement ; que, dans sa réplique, le recourant précise que son conseil a pris langue avec le SCAV afin de déterminer les exigences du service quant à un éventuel plan de rapatriement ; qu’en l’absence de détails précis et concrets sur les possibilités dudit refoulement et des exigences du SCAV, rien ne garantit de prime abord que le refoulement de tous les canidés en France soit, en l’état, suffisamment garanti ; qu’en l’absence d’un éventuel accord préalable entre les parties, il conviendra, au fond, d’établir précisément où la chienne et ses chiots ont résidé jusqu’à la décision litigieuse voire où ils pourraient s’établir avec certitude à l’avenir, étant rappelé que le recourant est domicilié à Genève, ce qu’il ne conteste pas ; qu’en l’état et en l’absence de garanties suffisantes pour un refoulement en France, le respect de la loi doit primer sur l’intérêt privé du recourant à récupérer ses canidés ;

qu’au vu de ce qui précède, l’effet suspensif ne sera pas restitué au recours ;

que toutefois la mesure prise sur mesures superprovisionnelles sera maintenue, à savoir qu’il est ordonné au SCAV que « B______ » et les huit chiots restent, jusqu’à droit jugé, en mains du SCAV et ne soient pas donnés, vendus ou mis à mort ;

que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne que l’American staffordshire Terrier croisé, femelle, née le ______ 2019, nommée « B______ », ainsi que ses huit chiots, nés le ______ 2021, restent jusqu'à droit jugé en mains du service de la consommation et des affaires vétérinaires et ne soient pas donnés, vendus ou mis à mort ;

rejette la requête d’effet suspensif pour le surplus ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Yann Arnold, avocat du recourant, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :