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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3750/2021

ATA/1328/2021 du 07.12.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3750/2021-FPUBL ATA/1328/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 7 décembre 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me Sandro Vecchio, avocat

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né en 1964, après avoir exercé comme gendarme pendant plusieurs années, a été engagé à compter du 3 août 2009 par la commune de B______ en qualité de chef du service de la police municipale.

2) Lors d'une séance de la police municipale du 27 janvier 2021, alors que M. A______ était en congé maladie, diverses doléances ont été émises à son encontre par des membres de la police municipale, notamment un manque de confiance de sa part à leur égard, une attitude démissionnaire et manipulatrice, génératrice de mauvaise ambiance au sein du service, avec des épisodes de mobbing. Des craintes quant au retour de l'intéressé ont été exprimées, le service fonctionnant mieux sans l'intéressé.

3) Par courrier du 24 février 2021, la commune a convoqué M. A______ à un entretien le 11 mars 2021 au sujet des problématiques soulevées lors de la séance précitée, ainsi qu'au sujet de la découverte inopinée d'une arme avec des munitions dans une armoire de la réception de la mairie, laquelle était accessible à des tiers.

4) M. A______ a reçu ce courrier le 26 février 2021, mais a demandé le report de l'entretien la veille de ce dernier.

5) L'entretien a été reporté au 22 avril 2021, après un échange de correspondances avec le conseil de M. A______ et l'envoi des pièces de la procédure audit conseil.

6) L'entretien s'est tenu le 22 avril 2021 et a fait l'objet d'un procès-verbal. M. A______ a reproché des griefs « d'ordre trop général », en les réfutant et en rappelant qu'il avait été gravement atteint dans sa santé depuis mars 2020. La méthode choisie, à savoir l'organisation d'une séance commune, était constitutive d'une atteinte à sa personnalité.

7) Le 3 juin 2021, la commune a annoncé par courrier à M. A______ son intention de le licencier pour motifs graves. Il pouvait demander à être entendu par une délégation du Conseil administratif (ci-après : CA) s'il le souhaitait, et un délai de quinze jours à réception du courrier lui était accordé pour exercer son droit d'être entendu par écrit.

8) Le 21 juin 2021, M. A______ s'est déterminé. Il contestait l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, et demandait à être entendu par une délégation du CA.

9) L'entrevue avec la délégation a eu lieu le 27 juillet 2021.

10) À la suite de remarques émises par le conseil de M. A______ au sujet de la tenue d'une enquête administrative, les agents de sécurité municipale
(ci-après : APM) ont été réentendus le 31 août 2021.

11) Par décision du 29 septembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commune a résilié les rapports de service de M. A______ avec effet au 31 décembre 2021, en se rapportant aux griefs énoncés lors des entretiens des 22 avril et 27 juillet 2021.

12) Par acte posté le 1er novembre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, à la production du dossier intégral, à la comparution personnelle des parties et à l'audition de trois témoins, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à une réintégration immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Après douze ans au service de la commune, et alors même que les griefs invoqués étaient manifestement infondés – le recours présentait ainsi des chances de succès manifestes sur le fond –, il se voyait privé de son travail et de sa rémunération. Ce préjudice était irréparable, en ce qu'aucune décision finale favorable ne permettrait de réparer le préjudice subi dans l'intervalle, étant en outre rappelé qu'il était âgé de 57 ans et atteint dans sa santé.

À l'inverse, il n'existait aucun intérêt public prépondérant à l'exécution immédiate de la décision.

13) Le 15 novembre 2021, la commune a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Il n'existait pas de préjudice irréparable en l'espèce, le droit d'être entendu de l'intéressé ayant été respecté, de même que le délai de congé de trois mois. M. A______ ne démontrait aucunement que ses intérêts financiers étaient menacés, ne fournissant aucune indication précise quant à sa situation financière. La commune était solvable, alors que M. A______ ne rendait pas vraisemblable qu'il pourrait le cas échéant rembourser des traitements perçus en trop.

L'intérêt public au départ de M. A______ était prépondérant. Le 27 janvier 2021, un possible retour de M. A______ au sein du service était envisagé avec inquiétude par les APM. La question de savoir si le motif de licenciement était fondé relevait du fond du litige. En l'état, la préservation du bon fonctionnement du service de la police municipale ainsi que les intérêts financiers de la commune primaient l'intérêt privé de M. A______ à conserver son poste.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l'espèce, la restitution de l'effet suspensif placerait le recourant dans la situation prévalant avant son licenciement avec effet au 31 décembre 2021, à savoir celle où il percevait son traitement et était en incapacité de travail. Le recourant ne décrit que de manière très vague le préjudice que lui porterait l’absence de restitution de l’effet suspensif, évoquant simplement la fin de son droit au traitement et de son travail. Il ne donne par ailleurs aucune indication sur sa situation financière ni sur les moyens qui lui permettraient, en cas de rejet de son recours, de rembourser les traitements cas échéant indûment perçus pendant la durée de la procédure.

Au surplus, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'intérêt privé du recourant à conserver les revenus relatifs au maintien des rapports de service doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État (ATA/762/2021 du 15 juillet consid. 9 ; ATA/174/2021 du 18 février 2021 ; ATA/191/2019 du 26 février 2019).

Enfin, les chances de succès du recours ne paraissent prima facie pas à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules l'octroi de l’effet suspensif. La restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors refusée.

9) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'à Me Sandro Vecchio, avocat de la commune de B______.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :