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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/116/2019

ATA/1087/2021 du 19.10.2021 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;EMPLOYÉ PUBLIC;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;DEVOIR PROFESSIONNEL;RECONVERSION PROFESSIONNELLE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LEPM.1.al1; LPAC.31.al3; LPAC.31.al4
Résumé : La chambre administrative a pour pratique de fixer l'indemnité pour refus de réintégration à un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé. En cas de violation de la procédure de reclassement, la fixation de l’indemnité tient compte de toutes les circonstances du cas d’espèce comme la durée des rapports de service, l'âge de la personne licenciée et l'existence de reproches fondés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/116/2019-FPUBL ATA/1087/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 octobre 2021

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Daniel Meyer, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Marc Hochmann Favre, avocat



EN FAIT

1) Mme A______ a été engagée le ______ 2009 par les Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) en qualité d’aide-soignante, à un taux d’activité de 100 %. Elle a commencé à travailler le 1er mars 2009 au département de réhabilitation et de gériatrie, service des soins continus, à l’hôpital B______. Elle a, le 17 février 2011, été nommée à la fonction d’aide-soignante. Elle a ensuite été transférée respectivement, le 25 octobre 2011, au service de gériatrie, unité 11, de l’hôpital C______ (ci-après : C______), le 28 avril 2016, à l’unité 04 C______, à titre provisoire jusqu’au 30 novembre 2016 et de « reclassement », à la suite d’un entretien de service du 11 janvier 2016, et le 15 août 2017, au sein du service de médecine interne générale, unité 52 du site D______.

2) Les 5 mai et 19 novembre 2009, 14 octobre 2010, 19 avril 2012, 8 avril 2015, et 10 novembre 2017, Mme A______ a eu des entretiens d’évaluation et de développement des compétences (ci-après : EEDP).

À plusieurs reprises, son évaluation avait été estimée globalement bonne. Néanmoins, sa hiérarchie lui avait demandé d’améliorer son comportement, sa collaboration et sa communication avec ses collègues, le volume de ses prestations, l’organisation de son travail notamment dans la planification, le respect des délais, l’ordre, le sens des priorités, la délégation et la persévérance ; et d’adopter une attitude d’écoute face à ses paires et collègues infirmières. Sa hiérarchie lui avait également fixé plusieurs objectifs, liés au savoir-faire, à la maîtrise des procédures de travail, respectivement aux comportements et au « savoir-être » avec les patients, les collègues et les collaborateurs.

3) Mme A______ a eu également plusieurs entretiens de suivi, les 8 avril, 19 août, 8 septembre, 29 septembre et 5 novembre 2015, destinés à déterminer les points à améliorer et les objectifs à atteindre, s’agissant notamment de son attitude et de son comportement dans la communication et la collaboration avec ses collègues de travail.

a. Selon Mme A______, elle avait commencé une formation prenante générant stress et dysfonctionnement. Elle ne se sentait pas en confiance avec ses collègues et avait refusé de faire certains soins par peur de reproches. Cependant, elle appréciait d’avoir parfois une bonne communication avec ses collègues et un climat de travail serein, certes sans éclats.

b. Selon sa hiérarchie, Mme A______ rejetait souvent la faute sur les autres membres de son équipe. Elle devait également changer son comportement et sa collaboration avec celle-ci. Elle avait été encouragée à rester vigilante sur sa communication avec les autres membres de son équipe, sa participation au maintien d’un esprit de solidarité et d’entraide au sein de l’unité dans laquelle elle était affectée et la verbalisation de ses besoins auprès de sa hiérarchie. En outre, elle devait s’impliquer davantage pour le bon déroulement de sa formation.
Celle-ci était « lourde ». Or, il n’était pas toujours possible de lui octroyer systématiquement le même horaire de travail pour la suivre.

4) Mme A______ a aussi été convoquée à des entretiens de service les 11 janvier 2016, 25 avril 2017 et 3 mai 2018.

a. La hiérarchie lui reprochait d’avoir eu un comportement inacceptable avec une patiente et de ne pas avoir respecté le protocole en cas de décès d’un patient, soit de ne pas avoir recouvert son corps avec un duvet avant de le descendre à la morgue. Son manque de discernement, qui avait conduit au non-respect des procédures en vigueur, était inadmissible. Par ailleurs, deux autres patientes s’étaient plaintes de son comportement. Elle leur avait tenu des propos « pas gentils » et avait eu une attitude inadéquate. Ses supérieurs lui avaient proposé une dernière et ultime affectation de « reclassement » au sein d’un autre département. Des points de situation réguliers et une évaluation après six mois d’activité seraient effectués avec sa nouvelle hiérarchie. Ses compétences, son intégration au service et à l’équipe, son comportement, sa coopération et sa communication étaient jugés insuffisants et non conformes aux attentes de l’institution. Certes, elle subissait une certaine pression en raison des exigences de son cahier des charges, conjuguées à sa formation en cours. Toutefois, une sanction pouvant conduire à la résiliation des rapports de service serait envisagée.

b. Mme A______ avait reconnu certains faits. Contrariée, elle pouvait être froide et brusque avec les patients. Elle avait justifié cette attitude par une surcharge de travail. Les faits reprochés étaient dus au stress induit par la cadence de travail, le volume de tâches à accomplir et le peu de personnel disponible. Elle avait reconnu avoir commis une « bourde » concernant le défunt transféré à la morgue. Elle avait manqué de discernement à cette occasion. Bien que connaissant le protocole en cas de décès, elle avait décidé de son propre chef de ne pas le suivre et de faire comme si « le patient était vivant et allait à la radio ». Néanmoins, par la suite, dans ses observations écrites notamment, elle avait contesté avoir eu un tel comportement. Les événements relatés ne constituaient pas une exception au sein de son équipe. En outre, elle devait gérer dans son travail des demandes pressantes de patients. Elle avait par ailleurs contesté toute communication et collaboration inadéquate. Elle avait toujours fait preuve d’un esprit d’équipe dans le but d’échanger de manière harmonieuse et constructive avec ses pairs et ses collègues infirmières.

En dépit de la charge de travail, elle avait fait preuve d’un engagement et d’une implication sans faille. Néanmoins, elle souffrait de l’hostilité de sa hiérarchie et de ses collègues de travail, qui d’emblée l’avaient « rejetée » sans aucune justification. Atteinte dans sa santé, elle avait été en incapacité de travail après une période d’hospitalisation du 16 au 21 octobre 2017. Elle s’était vu contrainte de déposer le 23 avril 2018 une demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) et de faire un signalement au groupe de protection de la personnalité.

5) Le 29 mars 2016, les HUG ont infligé un blâme à Mme A______.

Les agissements qui lui étaient reprochés étaient établis. La responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) s’était entretenue avec les infirmières et leur version concordait avec celle de leur supérieure hiérarchique. L’intéressée ne pouvait ignorer la procédure à suivre en cas de décès dans la mesure où elle avait été confrontée à des situations semblables à de nombreuses reprises et avait, à ces occasions, adopté la bonne attitude. Son manque de discernement avait ce jour-là porté atteinte à la dignité d’un patient.

6) Lors de ses divers changements d’affectation, Mme A______ a, les 4 avril 2016 et 24 août 2017, eu des entretiens au cours desquels ses responsables ont formulé leurs attentes par rapport aux objectifs assignés.

7) Le 24 juin 2016, Mme A______ s’est vu délivrer un certificat fédéral de capacité d’assistante en soins et santé communautaire (ci-après : ASSC).

8) Le 9 novembre 2016, les HUG ont accepté sa demande de réduire son taux d’activité à 80 % dès le 1er janvier 2017.

9) Mme A______ a été en incapacité de travail dès le 12 janvier 2017. Elle a repris son activité le 15 août 2017 à un taux de 50 %. Dès le 24 novembre 2017, elle a à nouveau été en incapacité de travail à 100 %.

10) Le 12 juin 2018, les HUG ont indiqué à Mme A______ que dès le 27 mars 2019, elle aurait épuisé son droit aux prestations en cas de maladie et accident et ne percevrait plus de prestations. Elle était invitée à transmettre une copie de la décision AI dès qu’elle lui parviendrait.

11) Le 13 juillet 2018, les HUG ont proposé à Mme A______ un reclassement et l’ont invitée à faire part d’un lieu d’affectation dans un autre département qui lui semblait favorable à cette mesure. En cas de refus de sa part ou d’échec du reclassement, une décision de résiliation des rapports de service pour motif fondé interviendrait.

Les difficultés rencontrées depuis 2015, en lien avec son attitude, son comportement et sa communication, étaient à la base d’une telle mesure.

12) Le 31 juillet 2018, Mme A______ a donné son accord à la procédure de son reclassement.

Elle avait déposé son dossier de candidature au poste d’ASSC ouvert auprès du département de chirurgie. Elle sollicitait la participation active des HUG dans cette procédure de reclassement.

13) Le 24 septembre 2018, la RRH de Mme A______ a diffusé aux autres RRH des différents départements des HUG un courriel par lequel elle annonçait être à la recherche d’un poste à 80 % dans le cadre d’une mesure de reclassement d’une collaboratrice avant licenciement.

Le courriel soulignait les dysfonctionnements dans le comportement et l’attitude de l’intéressée envers sa hiérarchie, ses collègues et les patients. De plus, celle-ci avait des difficultés à se remettre en question, malgré les entretiens avec la hiérarchie et sa RRH.

Le courriel a reçu des réponses négatives. Les HUG n’ont entrepris aucune autre mesure dans le cadre du reclassement de Mme A______.

14) Le 22 novembre 2018, les HUG ont résilié les rapports de service de Mme A______ avec effet au 28 février 2019.

Le licenciement était prononcé pour motif fondé et faisait suite à l’entretien de service du 25 avril 2018. En raison des insuffisances dans son attitude et son comportement envers les collègues et les patients, ils étaient dans l’impossibilité d’envisager une poursuite de la collaboration avec elle. En arrêt maladie depuis le 24 novembre 2017, elle n’était plus en période de protection contre le licenciement.

15) Par acte expédié le 10 janvier 2019, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à ce qu’il soit dit que la résiliation des rapports de service ne repose sur aucun motif fondé et à ce que sa réintégration au poste d’aide-soignante soit ordonnée, subsidiairement proposée aux HUG, et en cas de refus, qu’une indemnité de CHF 59'084.- correspondant à douze mois de son dernier traitement brut, avec intérêts à 5 % l’an dès le 28 février 2019, lui soit versée par les HUG.

16) Il est ressorti de l’instruction que Mme A______ avait repris une activité professionnelle en intérim depuis le 1er novembre 2019 comme ASSC à 100 %. Depuis mai 2020, elle avait accompli deux missions temporaires dans des établissements médico-sociaux (ci-après : EMS) à Genève. Elle devait débuter une mission de longue durée dans un EMS à Nyon, à 100 %.

17) Par arrêt du 30 mars 2021 (ATA/367/2021), qui n’a pas fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral, la chambre administrative a admis partiellement le recours de Mme A______, constaté que le licenciement était contraire au droit, proposé aux HUG de la réintégrer et leur a ordonné, s’ils refusaient de procéder à la réintégration, de lui transmettre leur décision pour la fixation d’une indemnité.

Malgré d’indéniables qualités, par ailleurs reconnues et mises en valeur par les EEDP, Mme A______ avait, dès le début de son engagement, accusé une faiblesse dans son intégration dans les équipes au sein desquelles elle avait travaillé et dans les relations avec ses paires et ses collègues infirmières. Cette problématique, qui était documentée dans des rapports et ressortait d’entretiens successifs entre 2009 et 2015, avait donné lieu à la mise en place de suivis, d’appuis et de correctifs et la fixation d’objectifs à atteindre dans les compétences relationnelles et organisationnelles de l’intéressée. Certes, celle-ci avait réussi une formation complémentaire. De même, des améliorations avaient été observées, et certains EEDP étaient globalement positifs. Toutefois, les mêmes carences avaient réapparu au fil des ans et des améliorations temporaires avaient été suivies de nouvelles détériorations. De manière globale, la qualité des prestations de Mme A______ s’était dégradée entre 2010 et 2017.

Mme A______ avait montré une propension à nier ou minimiser ses carences et à déplacer la responsabilité des dysfonctionnements sur les patients et les collègues. Le défaut de certaines compétences professionnelles importantes, tenant notamment à la capacité à travailler en équipe dans des conditions parfois difficiles, doublé du constat d’absence d’espoir d’une amélioration, constituait une violation des devoirs de service et obligations de la fonctionnaire en milieu hospitalier, et pouvait être retenu à bon droit par les HUG comme rédhibitoire, non conforme aux attentes institutionnelles, et propre à exclure la possibilité de continuer les rapports de service. Les HUG pouvaient ainsi, sans excès ni abus de leur pouvoir d’appréciation, conclure à l’impossibilité de poursuivre les rapports de service et de licencier l’intéressée pour motif fondé. Ils pouvaient ce faisant se fonder sur la suite des évaluations négatives, mais également sur les incidents majeurs reprochés à Mme A______. Le motif fondé pouvait à fortiori se déduire de toutes les circonstances prises dans leur ensemble.

Les HUG avaient ouvert une procédure de reclassement et diffusé à une reprise par un courriel une demande de postes disponibles. Cependant, ils auraient pu offrir à Mme A______ un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation ou d’évolution professionnelle, la rédaction d’un curriculum vitae ou d’un certificat de travail intermédiaire, voire un out-placement. Ils auraient dû plus généralement la soutenir de manière appropriée, plus active, dans ses démarches pour retrouver un emploi. Le courriel unique diffusant la recherche de poste – lequel contenait un portrait de l’intéressée pour le moins peu apte à susciter l’intérêt des destinataires pour sa candidature et qui n’avait d’ailleurs rencontré aucun succès – ne répondait pas aux exigences minimales en termes de reclassement. Certes, Mme A______ se trouvait en incapacité de travail pour cause de maladie lors de la procédure de reclassement. Toutefois, il n’existait pas de contre-indications à sa capacité à participer à des entretiens ou à des démarches destinées à sa réinsertion. La durée de la procédure de reclassement pouvait par ailleurs être prolongée vu les circonstances.

Les HUG soutenaient avoir donné auparavant, à deux reprises, une « nouvelle chance » à Mme A______ en la déplaçant dans d’autres services. Les changements de service ne constituaient cependant pas des mesures de reclassement. Ils ne s’inscrivaient pas non plus dans la procédure de reclassement, qui n’était alors pas ouverte. Ils ne pouvaient par ailleurs constituer des circonstances leur permettant de s’exonérer des mesures actives à prendre en faveur de Mme A______ ou encore de reporter sur celle-ci la charge de son reclassement.

La procédure de reclassement n’avait pas été conduite conformément au droit.

18) Le 18 mai 2021, les HUG ont informé la chambre administrative qu’ils n’entendaient pas réintégrer Mme A______ en raison de ses carences incompatibles avec l’exercice d’une fonction dans leur institution.

19) Le 21 juin 2021, Mme A______ a confirmé la conclusion subsidiaire de son recours à une indemnité correspondant à douze mois de son dernier traitement brut, soit CHF 59'084.-, majorés des intérêts à 5 % l’an dès le 28 février 2019.

Il importait de prendre en considération son âge de 54 ans au moment de son licenciement et de la durée de neuf ans de ses rapports de service. Le courriel d’annonce de la procédure de reclassement avait mentionné le motif de licenciement et faisait état des problématiques rencontrées. Les HUG n’avaient entrepris aucune démarche pour son reclassement. Elle-même avait étendu ses recherches à d’autres domaines d’activité. Cependant, les HUG ne lui avaient apporté aucun soutien dans ses recherches en interne ou auprès d’autres employeurs. Aucun accompagnement personnalisé ni démarches visant à sa réinsertion n’avaient été proposés. Son licenciement avait eu un impact défavorable sur son état de santé. Les circonstances ayant conduit à celui-ci avaient été marquées par des difficultés de communication et de collaboration avec ses collègues en dépit de ses efforts pour s’intégrer dans l’équipe. Ses conditions de travail depuis 2014 avaient eu raison de sa santé qui s’était dégradée dès janvier 2017 et avait rechuté en octobre 2017. Elle se trouvait dans un situation professionnelle et économique précaire. Après avoir accompli quelques missions temporaires, elle ne s’en était vu proposer aucune autre dès le 20 octobre 2020. Âgée désormais de 57 ans, elle explorait de nouvelles branches d’activité, consciente des possibilités réduites dans son domaine d’activité d’ASSC. Elle avait déposé une demande de formation en esthétique, cosmétique et parfumerie et bénéficié de janvier à mars 2021 d’une formation sur la création d’entreprise. Malgré ses efforts, aucune possibilité de réinsertion professionnelle ne s’était présentée. Elle connaissait une nouvelle période de rechute depuis le 26 mai 2021 lui causant une incapacité de travail totale.

20) Le 16 juillet 2021, les HUG ont estimé à un voire trois mois de son dernier traitement l’indemnité à octroyer à Mme A______.

Certes, l’intéressée était, au moment de son licenciement, dans sa neuvième année de service. Toutefois, cette durée était supérieure à celle effectivement travaillée, en raison du nombre important de jours d’absence. Mme A______ avait été absente 646 jours depuis janvier 2014, une absence rémunérée pendant une période de cinq ans. La durée effective de ses services était d’un peu plus de sept ans. Ses conditions de travail n’avaient pas été délétères. Elle avait bénéficié d’un soutien au sein des différents services et de mesures visant à lui permettre de satisfaire aux exigences de coopération et de travail en équipe. Il n’existait aucun lien de causalité entre son licenciement et son incapacité de travail, ni sa rechute depuis mai 2021. Les HUG n’étaient pas responsables de son état de santé. En outre, après la fin de ses rapports de travail, elle avait réussi à avoir des missions temporaires. Le marché de l’emploi dans son domaine de compétences n’étant pas en crise, elle n’avait sans doute pas donné satisfaction pour ne pas être remplacée par une autre personne en vue d’autres missions, voire pour bénéficier d’un engagement pérenne.

Malgré les manquements de l’intéressée, ils avaient mis en place des mesures pour l’aider à s’améliorer. Une procédure de reclassement avait été ouverte. Ils avaient diffusé un courriel à l’ensemble des RRH proposant ses services afin de satisfaire à leurs obligations de reclassement. La manière de présenter l’intéressée dans le courriel précité était conforme à la réalité et aux faits ressortant du dossier. Un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation ou d’évolution, la rédaction d’un curriculum vitae ou un certificat intermédiaire, un « outplacement » n’auraient rien changé à son employabilité en raison de ses problèmes de comportement et des mesures déjà mises en place.

21) Le 11 août 2021, Mme A______ a adressé à la chambre de céans de nouvelles observations.

Certes, elle avait subi dès le 1er janvier 2014 des périodes d’incapacité de travail pour cause de maladie. Toutefois, son absence résultait des conditions de travail qui lui avaient été imposées dès l’arrivée d’une nouvelle supérieure hiérarchique. Son état dépressif sévère persistant trouvait son origine dans la situation de mobbing vécue sur son lieu de travail. Auparavant, entre le 1er mars 2009 et début 2014, elle n’avait accumulé aucun jour d’absence pour cause de maladie et ses relations professionnelles avec sa hiérarchie et ses collègues de travail étaient empreintes de respect et de confiance.

22) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La saisine de la chambre administrative fait suite à l'arrêt du 30 mars 2021 (ATA/367/2021), constatant que le licenciement de l'intéressée était contraire au droit et proposant sa réintégration.

2) Le litige porte sur la fixation d’une indemnité à la recourante à la suite du refus des HUG de la réintégrer dans sa fonction d’aide-soignante après une procédure de reclassement non conforme au droit.

La recourante réclame une indemnité de douze mois de son dernier traitement brut alors que les intimés en proposent une d’un à trois mois.

3) Les HUG sont des établissements publics médicaux du canton de Genève (art. 1 al. 1 de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 - LEPM - K 2 05). Les membres de leur personnel sont soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve de dispositions particulières figurant dans la LEPM, et au statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : statut). En outre, les dispositions du statut sur le traitement des fonctionnaires des HUG reprennent respectivement celles du RPAC et de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15).

4) a. En matière de résiliation des rapports de service, si la chambre administrative retient que cette dernière est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 3 LPAC). En cas de décision négative de l'autorité compétente, elle fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut à l'exclusion de tout autre élément de rémunération (al. 4). L’art. 31 al. 4 LPAC, en se référant à la notion de dernier traitement brut, renvoie à l’art. 2 LTrait, ce que confirme la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/274/2015 du 14 mars 2015 consid. 9e ; ATA/273/2015 du 14 mars 2015 consid. 17b ; ATA/871/2014 du 11 novembre 2014 consid. 9 ; ATA/258/2014 du 15 mai 2014 consid. 10). L’art. 2 LTrait fixe les traitements annuels, treizième salaire inclus, en fonction de chaque classe et chaque position.

b. La chambre administrative a pour pratique de fixer l'indemnité pour refus de réintégration à un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, conformément à l'art. 31 al. 4 LPAC (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 consid. 13c ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014 consid. 7). De plus, l'indemnité fondée sur cette disposition comprend le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés et n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/1042/2016 précité consid. 13c ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 consid. 17). En l'absence de conclusion sur ce point, les intérêts moratoires n'y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/273/2015 du 17 mars 2015 consid. 17c ; ATA/193/2014 du 1er avril 2014 consid. 17).

c. Dans sa jurisprudence, les indemnités allouées par la chambre administrative en cas de violation de la procédure de reclassement se sont montés notamment à

- six mois (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_743/2020 du 30 juin 2021) pour absence de reclassement.

- six mois (ATA/1193/2017 précité confirmé par le Tribunal fédéral le 11 octobre 2018 dans la cause 8C_697/2017) pour absence de procédure de reclassement, les circonstances comprenant aussi la durée des rapports de service (douze ans), les conditions du transfert de la recourante au service de facturation – présenté par la hiérarchie comme une nouvelle chance, alors qu'apparaissait dans la procédure l'intention de son employeur d'écarter la recourante –, le manque de soutien de la hiérarchie dans le cadre de la procédure d'enquête administrative ouverte contre son supérieur hiérarchique et qui avait affecté la recourante, la chronologie des événements (la recourante avait été convoquée à un entretien de service et s'était fait licencier à l'issue d'une procédure qui ne la concernait pas directement et lors de laquelle elle n'avait pas pu se défendre alors que de nombreux témoignages l'avaient accablée.

- neuf mois pour une absence de reclassement et refus de réintégrer l’intéressé proche de la retraite après 20 ans d’activité auprès de l’État après 4 ans d’activité et des difficultés pendant la période probatoire (ATA/1195/2017 du 22 août 2017 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2017 du 11 octobre 2018).

- trois mois pour une procédure de reclassement limitée au seul établissement public autonome concerné sans autre démarche vers les autres services de l'État, une capacité de travail pleine dans tout autre service autre que l'établissement concerné, mais aussi la durée des rapports de service (plutôt courte de quatre ans), les difficultés rencontrées dès la période probatoire, qui pouvaient être prises en compte dans ce cadre (ATA/1579/2019 précité).

- quatre mois pour une procédure de reclassement biaisée par la teneur du courriel adressé par le RRH aux RRH des autres départements des intimés, la durée des rapports de service (pratiquement neuf ans), l'âge de la recourante (51 ans) ainsi que l'existence de reproches fondés (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019).

d. En l’espèce, dans son arrêt précédent du 30 mars 2021 (ATA/367/2021) en la même cause, la chambre administrative a retenu que la résiliation des rapports de travail de la recourante était fondée. En revanche, la procédure de reclassement avait été contraire au droit.

Il ressort du dossier que la recourante a été engagée par les intimés le 20 février 2009. Ses rapports de service ont pris fin avec effet au 28 février 2019. Ils ont ainsi duré un peu plus de neuf ans, la période d’absence pour cause de maladie ne devant pas, contrairement à l’allégation des intimés, être déduite des années de service. Les EEDP de la recourante ont été qualifiés de globalement bons par la hiérarchie de celle-ci. Néanmoins, la chambre de céans a considéré que le défaut de certaines compétences professionnelles importantes, tenant notamment à la capacité à travailler en équipe dans des conditions parfois difficiles, doublé du constat que des améliorations ne pouvaient raisonnablement être espérées, constituait une violation des devoirs de service et obligations de la fonctionnaire en milieu hospitalier. Par ailleurs, âgée de 54 ans au moment de son licenciement, la recourante a déclaré, dans ses dernières observations être en incapacité totale de travail depuis une rechute en mai 2021. Auparavant, elle avait accompli des missions temporaires, placée à 100 % par des agences depuis le 1er novembre 2019 jusqu’en mai 2020. Avant ce placement, elle avait déjà effectué deux missions dans des EMS à Genève. Une société de placement lui avait trouvé une mission dès septembre 2020. En outre, il apparaît que la recourante est disposée à envisager une réorientation professionnelle et a pris des initiatives dans ce sens avec des conseillers en placement.

De plus, désormais âgée de plus de 57 ans, la recourante pourrait éprouver des difficultés à retrouver un emploi malgré sa volonté affichée d’une réorientation professionnelle.

Compte tenu de ces éléments, à savoir l'existence de motifs fondés de résiliation des rapports de service, une procédure de reclassement contraire au droit, la durée des rapports de service (plus de neuf ans), l'âge de la recourante au moment du licenciement (54 ans) et de son parcours professionnel pris dans sa globalité, l'indemnité allouée, conformément à la pratique de la chambre de céans, sera arrêtée à six mois de son dernier traitement mensuel brut. Elle comprendra le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération. Elle n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales et comprendra des intérêts moratoires de 5 % l’an dès le 28 février 2019, la recourante y ayant conclu.

Partant, les considérants qui précèdent conduisent à l’admission partielle du recours.

5) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la recourante – celle-ci ayant, après l’arrêt du 30 mars 2021, formulé des observations reprenant essentiellement ses écritures précédentes – à la charge des intimés (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

fixe l’indemnité due par les Hôpitaux Universitaires de Genève à Mme A______ pour refus de réintégration à six mois du dernier salaire brut avec intérêts à 5 % dès le 28 février 2019 ;

condamne en tant que de besoin les Hôpitaux Universitaires de Genève au paiement de ce montant ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Mme A______, à la charge des Hôpitaux Universitaires de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Meyer, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Marc Hochmann Favre, avocat des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory et Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :