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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2870/2016

ATA/1195/2017 du 22.08.2017 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.10.2017, rendu le 11.10.2018, REJETE, 8C_696/2017
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; RAPPORTS DE SERVICE ; RÉSILIATION ; JUSTE MOTIF ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPAC.22; LPAC.27.al2; LPAC.31; RPAC.21; RPAC.23; RPAC.44; RPAC.46A; Cst.29.al2
Résumé : Confirmation de la résiliation des rapports de service d'un fonctionnaire suite à des comportements inadéquats envers ses subordonnées et un problème de communication et de carté des instructions. Non-respect par l'OCAS de la procédure de reclassement prévue par la LPAC et le RPAC. Résiliation contraire au droit. Indemnité de neuf mois de traitement octroyée au recourant, l'OCAS s'opposant à sa réintégration. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2870/2016-FPUBL ATA/1195/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Franco Foglia, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES
représenté par Me François Bellanger, avocat



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1956 en Italie, a été engagé à l’Office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) en date du 1er janvier 1997 en qualité de facturiste (commis administratif 3) au sein du service de facturation.

2) Par décision du 17 novembre 2003, le Conseil d’administration de l’OCAS l’a nommé fonctionnaire dès le 1er janvier 2004.

3) Le 18 janvier 2007, alors que M. A______ était en cours de naturalisation, la directrice de l’OCAS a écrit au Service cantonal des naturalisations, devenu depuis lors le Secteur des naturalisations de l’Office cantonal de la population et des migrations : « Quant à sa personnalité, nous pouvons dire que M. A______ est un collaborateur intègre, loyal, consciencieux et organisé. [Il a] toujours été respectueux tant envers ses collègues qu’envers la Direction. Très professionnel, Monsieur A______ est un précieux collaborateur qui contribue de manière déterminante au bon fonctionnement du service. Pour ces raisons, plusieurs mandats spécifiques lui ont été confiés. Il assume également un rôle de formateur au sein du centre de formation AI pour les Offices romands. ».

4) Après plusieurs promotions au sein du service de facturation de cet office, M. A______ en est devenu le responsable le 1er mai 2010.

À ce poste, ses supérieurs hiérarchiques étaient Monsieur B______, responsable de division de ______, Monsieur C______, "titre______" de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OCAI), et Madame D______, "titre______" de l’OCAI et "titre_____" de l’OCAS.

En tant que responsable du service facturation, M. A______ était lui-même le supérieur direct de six collaboratrices, comptant entre quatre et dix-sept ans dans le même service. Tous les sept constituaient le service de facturation et travaillaient dans le même bureau de type « open space ».

5) Dans son entretien d’évaluation annuelle et de fixation des objectifs
(ci-après : EAFO) de janvier 2011, relatif à l’année 2010, il a notamment été relevé : « Sur le plan du comportement, M. A______ est une personne irréprochable. Sa relation avec la hiérarchie est très bonne. Il y a eu quelques petites anicroches durant l’année, mais rien d’anormal ».

L’objectif comportemental suivant avait été fixé : « Maintenir une relation de confiance avec le chef de division. Adopter une attitude vis-à-vis de la hiérarchie favorisant leur motivation et leur respect ».

6) En janvier 2012 et janvier 2013, les mêmes objectifs comportementaux ont été fixés.

7) Pour l’EAFO de janvier 2012, relatif à l’année 2011, le commentaire suivant avait été formulé : « M. A______ grâce à son grand engagement reste la personne de référence dans sa matière ».

8) Dans l’EAFO signé en janvier 2013 et évaluant l’année 2012, il était notamment relevé: « Sur le plan du comportement, M. A______ est irréprochable. De sensibles progrès ont été constatés en terme de communication ».

9) En octobre 2014, Monsieur E______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH) à l’OCAS, a informé M. B______ qu’il allait déplacer pour une durée de trois mois Madame F______au service facturation, et que M. A______ serait en charge de sa formation.

Mme F______avait été engagée à l’OCAS en 2004 au service du support logistique. Elle y rencontrait des difficultés relationnelles, de sorte que c’était dans un but d’évaluation que son déplacement provisoire avait été décidé.

Il ressort des faits établis ultérieurement dans la procédure qu’à l’annonce de ce transfert par M. B______, M. A______ s’est montré très réticent, faisant part de ses craintes lors de trois séances avec ce dernier. Mme F______était selon lui une personne problématique, lui-même était voisin du couple F______, qui avait mauvaise réputation dans le quartier en raison d’une attitude agressive du mari. Il craignait en outre notamment qu’elle ne l’accuse de harcèlement sexuel ou ne « fasse quelque chose contre lui ».

10) Le 18 novembre 2014, Mme F______a été officiellement transférée au service facturation de l’OCAS, à un taux de 60 %.

Au bénéfice d’un certificat médical, elle était capable de travailler à 50 % de son taux habituel, soit à 30 %.

11) Par décision du 25 novembre 2014, le Conseil d’administration de l’OCAS a procédé à un réajustement de seize fonctions, dont celle de « responsable du service facturation » occupée par M. A______, qui a été portée à la classe 16 de l’échelle des traitements à dater du 1er janvier 2015.

Cette décision a été communiquée au personnel de l’OCAS par courriel de son président du 11 décembre 2014.

Les six subordonnées du service facturation n’ont pas vu leur fonction faire l’objet de la reclassification, malgré leur demande dans ce sens à M. A______, qui l’avait relayée à la hiérarchie. Leur classe de traitement s’est dès lors retrouvée inférieure de cinq classes à celle de leur supérieur direct.

12) En date du 4 décembre 2014, M. A______ a établi un rapport d’évaluation sur les premières semaines de travail de Mme F______au sein du service facturation, et l’a transmis à M. B______. Ce rapport n’a alors pas été remis à Mme F______.

Après trois semaines de présence à 50 %, Mme F______semblait être débordée par l’étendue des informations et présentait une évidente difficulté à assimiler. Elle manquait de concentration et avait en permanence besoin d’une personne à ses côtés. Après trois semaines, elle n’arrivait toujours pas à effectuer la gestion des factures des rapports médicaux, dont la formation durait en général une heure pour des personnes venant de l’extérieur. Elle acceptait en outre mal les remarques concernant ses erreurs. Toutefois, son attitude générale vis-à-vis de la hiérarchie et des collègues était satisfaisante.

13) Par décision du 17 décembre 2014, le Conseil d’administration de l’OCAS a confirmé que M. A______ verrait sa fonction passer en classe 16, position 8 de l’échelle de traitement à compter du 1er janvier 2015. Il était auparavant en classe 13, position 12.

14) Lors de l’EAFO du 7 janvier 2015, le supérieur hiérarchique de M. A______ a notamment relevé à son sujet : « Grâce au très bon fonctionnement de son équipe, une collaboratrice a pu rejoindre un autre service sans que cela ne prétérite la production globale » ; « M. A______ est un cadre sur lequel son responsable peut s’appuyer, ainsi une relation de travail étroite a pu s’établir. La relation avec les collaboratrices devra être clarifiée avec l’aide du responsable de division » ; et enfin : « Pour 2015, l’enjeu sera l’optimisation de la relation entre M. A______ et ses collaboratrices ».

Outre l’objectif comportemental identique aux EAFO de 2011 à 2013, il était ajouté : « Accentuer la confiance des collaborateurs dans la hiérarchie ».

15) Par courriel du 15 janvier 2015, Madame G______, secrétaire syndicale du SIT, s’est adressée à Madame H______, collaboratrice RH à l’OCAS.

Mme G______ avait eu un entretien avec Mme F______, qui lui avait fait part de sa joie et satisfaction d’avoir été transférée et de ses nouvelles tâches. Puis, « au détour d’une conversation, [Mme F______lui avait] parlé des agissements que [le SIT] qualifiait « au sens de la Loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1), de harcèlement sexuel ». Mme G______ considérait positif que Mme F______s’en soit ouverte à Mme H______ le matin-même, et précisait que Mme F______souhaitait que cette situation demeure confidentielle.

16) Le 20 janvier 2015, Mme H______ a convoqué Mme F______à un entretien pour le 22 janvier 2015 au matin, dans le but de lui remettre le rapport d’évaluation établi par M. A______.

17) En début d’après-midi le 22 janvier 2015, M. A______ et Mme F______sont allés boire un café tous les deux dans la cafétéria de l’OCAS.

Mme F______a effectué un enregistrement d’une quarantaine de minutes de la conversation, à l’insu de M. A______.

18) Un peu plus tard dans l’après-midi du 22 janvier 2015, M. A______ a été convoqué à un entretien en présence de Mme D______, MM. D______, B______ et E_______, ainsi que de Mme H______. Cet entretien a fait l’objet d’un procès-verbal.

M. A______ était accusé par Mme F______de lui avoir mis la main sur la cuisse et d’avoir, le 12 décembre 2014, tenté de l’embrasser en lui posant les mains sur les épaules. Par ailleurs, il aurait montré des photos de femmes nues à ses collaboratrices.

M. A______ a contesté fermement l’ensemble des accusations. Il n’avait pas essayé d’embrasser Mme F______le 12 décembre 2014, mais lui avait fait la bise pour lui présenter ses vœux avant les fêtes, comme aux autres collaboratrices du service. La formation qu’il donnait à Mme F______nécessitait qu’elle soit assise à côté de lui, de sorte qu’il était possible que leurs jambes se soient touchées ou que sa main ait effleuré la cuisse de Mme F______de manière non intentionnelle. Il rappelait avoir signalé à sa hiérarchie, dès l’annonce du transfert de Mme F______dans son service, qu’il craignait qu’elle ne l’accuse de harcèlement, car elle avait déjà agi ainsi envers de précédents supérieurs. Il avait même demandé à ses collaboratrices de ne pas le laisser seul avec elle. Vers 13h30 ce 22 janvier 2015, Mme F______l’avait invité à boire un café et lui avait demandé si quelqu’un l’avait manipulé pour qu’il rédige un rapport d’évaluation négatif à son sujet, mais elle ne lui avait pas parlé des accusations.

19) Peu après, toujours dans l’après-midi du 22 janvier 2015, Mmes D______ et H______ et MM. D______, B______ et E______ ont reçu Mme F______pour un entretien qui a également fait l’objet d’un procès-verbal.

Mme F______avait été mal à l’aise lorsque M. A______ lui avait demandé d’approcher sa chaise pour la formation, mais il s’était tout de même approché d’elle, lui avait mis la main sur la cuisse et les hanches. Il lui avait également dit qu’il avait envie d’elle et qu’ils pourraient se voir à l’extérieur, et que dans la mesure où ils étaient voisins, elle pourrait passer par le parking pour monter chez lui. Le 12 décembre 2014, vers 17h, alors qu’ils se trouvaient seuls au bureau et qu’elle s’apprêtait à partir, M. A______ s’était jeté sur elle pour l’embrasser avec la langue « ici », montrant le coin de ses lèvres. L’une de leurs collègues était alors arrivée dans l’open space. Mme F______avait parlé de cet épisode le lendemain, lors de la fête de Noël de l’OCAS, à Madame I______, assistante au service juridique de l’OCAS et auparavant membre de l’ancienne commission du personnel. En revenant de vacances en janvier 2015, elle s’était adressée au SIT, sans toutefois raconter l’épisode du 12 décembre 2014. Il était arrivé que M. A______ lui demande, ainsi qu’à un collaborateur avec qui ils prenaient une pause, si cela leur plairait d’avoir des aventures.

Elle avait enregistré à l’insu de M. A______ une conversation qu’elle avait eue avec lui l’après-midi même. Elle lui avait demandé si son rapport d’évaluation était mauvais parce qu’elle n’avait pas cédé à ses avances, ce à quoi il aurait répondu par la négative.

Suite à cette révélation, les participants à l’entretien avaient écouté une partie de l’enregistrement. Le procès-verbal rapporte que selon leur compréhension de cet enregistrement, M. A______ avait manifestement fait des avances à Mme F______; il lui avait affirmé qu’il avait déjà eu une relation avec quelqu’un d’autre au travail et que cela ne posait pas de problème ; M. A______ avait également clairement dit : « Tu ne veux pas ce n’est pas grave, je n’ai pas obtenu de toi ce que je voulais, ce n’est pas grave, je ne fais pas du chantage, on passe à autre chose ».

À la proposition de l’OCAS d’être entendue avec M. A______, Mme F______avait réagi violemment et répondu : « Mon Dieu non je ne veux pas, je lui pardonne et on passe à autre chose ». Elle était satisfaite de la formation que lui donnait M. A______ et ne voulait pas aller plus loin dans la poursuite des agissements qu’elle dénonçait.

20) Dans la foulée de l’audition de Mme F______, Mmes D______ et H______ et MM. D______, B______ et E______ ont convoqué oralement M. A______ pour un nouvel entretien pour l’après-midi même, sans l’informer de l’existence et du contenu de l’enregistrement de Mme F______.

D’après le procès-verbal de cet entretien, après avoir « fait le tour de la situation », la direction était arrivée à la conclusion que M. A______ avait en réalité cherché à obtenir quelque chose de Mme F______, et que devant le refus de ses avances, il lui avait indiqué que cela n’était pas grave, qu’ils pouvaient en rester là et qu’il allait l’aider. Invité à se déterminer, M. A______ a contesté lui avoir fait des avances et avoir dit la phrase : « Je n’ai pas obtenu ce que je voulais, ce n’est pas grave, on passe à autre chose ». Il lui avait bien demandé d’approcher sa chaise, mais c’était seulement pour qu’elle voie le travail. Il avait essayé de lui faire la bise le 12 décembre 2014, mais Mme F______l’avait repoussé, pour se raviser quand il lui avait expliqué et qu’elle avait compris qu’il ne s’agissait que d’une bise. Il voulait savoir de quels éléments concrets et étayés disposait la direction pour affirmer avoir la conviction qu’il ne disait pas la vérité.

21) Le 23 janvier 2015, M. A______ et Mme F______ont continué leurs activités professionnelles habituelles sans changement.

22) Ce jour-là, Mme F______a effectué un second enregistrement d’une conversation qu’elle a eue avec M. A______, à son insu.

23) Le 26 janvier 2015, Mmes D______ et H______ et MM. D______, B______ et E______ ont convoqué pour un entretien l’ensemble des subordonnées de M. A______, à l’exception de Mme F______et d’une autre collaboratrice, excusée ce jour-là.

À teneur de notes personnelles prises à cette occasion par Mme H______ dont une retranscription a été versée à la procédure, Mme D______ avait demandé aux cinq collaboratrices présentes si elles avaient, à l’instar de Mme F______, à se plaindre de harcèlement sexuel de la part de M. A______. Celles-ci avaient répondu par la négative mais elles se rappelaient d’une employée temporaire qui se serait plainte que M. A______ lui avait mis la main sur la cuisse. Elle l’aurait alors giflé et avait été transférée à l’accueil. Les collaboratrices avaient par ailleurs exprimé des griefs au sujet du comportement de M. A______. Celui-ci avait pris des photos d’elles et en avait fait des montages, et il leur avait montré une photo d’une femme nue. Il avait également tendance à déformer l’information et à propager des rumeurs sur les gens. Elles se plaignaient également de ne pas pouvoir parler à M. B______, lequel, aux dires de M. A______, était très en colère contre l’équipe et ne voulait pas les voir.
Elles-mêmes avaient été en colère en apprenant que c’était M. A______ qui avait été choisi au poste de responsable. Enfin, selon les collaboratrices, M. A______ parlait à Mme F______sur un ton dénigrant lorsqu’il la formait.

24) Par décision du 27 janvier 2015, le conseil d’administration de l’OCAS a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______, « suite à des plaintes d’ordre de harcèlement sexuel et moral ainsi que d’éventuels abus d’autorité portées par différents collaborateurs au sein du service de la facturation ainsi que par des personnes extérieures au service ».

M. A______ était suspendu de ses fonctions avec effet immédiat jusqu’à la conclusion de l’enquête administrative, mais continuait à percevoir son salaire durant la suspension.

25) L’enquête a été confiée le 4 février 2015 à Madame J______, juge à la Cour de justice. Mme J______ a déposé son rapport d’enquête administrative le 3 septembre 2015.

26) a. L’enquêteuse a procédé à la comparution personnelle de M. A______ les 1er avril et 17 juin 2015, ainsi qu’à six audiences d’enquêtes entre le 1er avril 2015 et le 17 juin 2015, durant lesquelles vingt-deux témoins ont été auditionnés. Mme F______a été entendue une première fois le 1er avril 2015, puis a été confrontée à M. A______ à l’audience du 20 mai 2015.

b. M. A______ était doté de qualités techniques nécessaires à son poste. S’agissant des qualités relationnelles de M. A______, son supérieur n’avait fait mention, tant lors des EAFO que des audiences, que d’épisodes d’importances minimes. La mention, en janvier 2011, d’anicroches avait trait à une mésentente de caractère avec une collaboratrice de l’époque, et « l’optimisation des relations » mentionnée en janvier 2015 avait trait aux frustrations des subordonnées après la réévaluation de fonction de M. A______. Grâce à son engagement et à sa loyauté, M. A______ avait mis bon ordre dans le service de facturation, lequel, avant son arrivée, avait connu des années d’échec en raison d’une mauvaise organisation et d’une mauvaise compréhension des processus. En raison de cet historique, le personnel était difficile à gérer. La bonne ambiance et le caractère serein régnant au sein du service facturation avaient été relevés et avaient conduit l’OCAS à y déplacer Mme F______.

c. Les témoignages recueillis avaient mis en évidence un problème dans le mode d’expression de M. A______ à l’égard de ses subordonnées, ce qui n’avait pas été constaté par le responsable du service avant janvier 2015, et qui s’était traduit par une incompréhension dans la transmission des ordres et par la propagation de fausses rumeurs. Ce problème avait été interprété par M. B______ comme des sources d’inconfort et de perte de confiance pour les collaboratrices. À cela s’était ajoutée la difficulté réelle ou ressentie de ces dernières de s’adresser directement au responsable de division en raison de la réticence de M. A______ à ce qu’elles le fassent. Il n’apparaissait toutefois pas que ce dernier avait expressément dressé un barrage pour l’accès à son supérieur, mais qu’il avait pu les en décourager, sa réticence s’expliquant plutôt par son respect pour la hiérarchie. La prise de photos dans le bureau s’était avérée plutôt anodine, il n’y avait aucun nu, et une seule collaboratrice avait manifesté son opposition, respectée par M. A______.

Il était toutefois largement ressorti et devait ainsi être considéré comme établi que les collaboratrices avaient été, à des degrés différents, perturbées par le problème de communication et de difficulté d’accès au responsable de division. Ce comportement n’apparaissait toutefois pas constitutif de harcèlement moral ou mobbing, ni de l’infraction pénale d’abus d’autorité.

d. Hormis Mme F______, aucune subordonnée de M. A______ n’avait formulé de grief en lien avec du harcèlement sexuel. Aucun témoin, collaborateur ou ancien collaborateur de M. A______ n’avait fait mention d’une rumeur lui prêtant une réputation de harceleur sexuel ou mobbeur, ou d’un fait relatif à M. A______ en lien avec un acte de harcèlement, excepté un récit indirect d’une plainte d’une employée temporaire dont M. A______ aurait touché la cuisse. Pour le Dr K______, son médecin-traitant, il n’y avait aucune place chez M. A______ pour une déviance sexuelle et il était difficile de l’imaginer commettre un geste déplacé. Certaines collaboratrices avaient rapporté qu’il leur avait soumis, de manière non répétée, des photos de femmes plus ou moins dénudées, ce qui les avait mises mal à l’aise ou avait été perçu comme inadéquat. M. A______ n’avait pas véritablement contesté ces faits mais évoqué plutôt des vidéoclips de chansons dont il avait écrit les paroles dans le cadre de ses activités privées de chansonnier.

De l’avis de l’enquêteuse, si ces faits, même ponctuels et sans suite, ne trouvaient pas leur place dans un cadre professionnel dans des rapports entre supérieur et subordonnées, ils ne paraissaient pas répondre à la qualification de harcèlement sexuel.

e. De manière unanime, la réputation de Mme F______n’était pas jugée bonne, ni sur le plan technique ni sur le plan relationnel. La nature exacte des relations avec M. A______ avant son transfert au service facturation n’avait pas été établie. Une fois les pièces soumises, Mme F______avait admis qu’ils s’étaient échangé des messages « WhatsApp », quelques mois avant son transfert au service facturation et en-dehors des heures de bureau, en s’adressant respectivement des « biz » et des « bisous », et qu’elle lui avait notamment fait parvenir des vidéos, banales selon elle, mais dont le contenu suggestif était manifeste. De tels échanges paraissaient pour le moins surprenant dans une relation professionnelle classique, sans qu’il soit toutefois exclu qu’ils ne soient en pratique répandus de nos jours et ainsi relativement peu connotés. Dès lors, aucun élément décisif quant à la nature des relations de M. A______ et de Mme F______ne pouvait être assis sur ces échanges.

Mme F______avait produit les deux enregistrements qu’elle avait effectués à l’insu de M. A______ les 22 et 23 janvier 2015, et, M. A______ en ayant autorisé l’exploitation dans le cadre de l’enquête, les parties avaient soumis une retranscription écrite des deux conversations enregistrées. L’OCAS avait découvert l’existence du second enregistrement dans ce cadre seulement. Il était difficile de tirer des conclusions de ces enregistrements en raison de leur piètre qualité technique, de leur nature et de leurs circonstances. Il n’était toutefois pas contraire au sens commun de déduire le passage figurant dans le premier enregistrement « je n’ai pas obtenu de toi ce que je [ou tu] voulais », dans un contexte de « je mélange pas vie privée et vie professionnelle», que M. A______, malgré ses dénégations, aurait, à une époque indéterminée, tenté des avances, couronnées ou non de succès, à l’endroit de Mme F______. Aucun témoignage direct n’avait pu être recueilli quant aux faits dénoncés par Mme F______, M. A______ ayant quant à lui contesté tout geste inadéquat envers sa subordonnée durant sa formation, et ayant au surplus déclaré lui avoir « fait la bise » à l’instar de ce qu’il pratiquait avec les autres collaboratrices à l’époque des vœux de fin d’année. Ni les gestes allégués durant le travail, ni l’épisode du 12 décembre 2014 n’avaient donc pu être vérifiés. Certains éléments étaient tout de même de nature à accréditer les dires de Mme F______, au premier rang desquels la déclaration de son médecin-traitant consulté sans
rendez-vous le jour des faits allégués, qui avait rapporté l’accusation de sa patiente, décrite comme pleurant et complètement agitée. De même, Mme I______ avait confirmé que Mme F______lui avait affirmé, sans préciser à quelle date, que M. A______ avait essayé de l’embrasser, et que lorsqu’elle l’avait rencontrée le 13 décembre 2014, Mme F______était mal à l’aise.

Cependant, la crédibilité des déclarations de Mme F______était à relativiser dans la mesure où des divergences dans ce qu’elle avait affirmé aux témoins entendus avaient été constatées. À l’exception du médecin-traitant, tous avaient évoqué que M. A______ avait essayé de l’embrasser et non l’avait effectivement embrassée. En outre, l’attitude de Mme F______n’avait pas été exempte de contradictions : elle avait par exemple mentionné le visionnement d’une vidéo en compagnie de M. A______ et d’un collègue, mais ce dernier avait nié sa présence ; elle avait évoqué librement les faits avec M. A______, l’avait complimenté sur son travail, et lui avait rapporté un petit cadeau de ses vacances ; dans le second enregistrement, elle paraissait soucieuse essentiellement de savoir si elle avait été vue le 12 décembre 2014 ; elle n’avait informé le syndicat qu’au « détour d’une conversation » et après avoir exprimé « joie et satisfaction » ; elle avait indiqué souhaiter régler elle-même la difficulté puis avait décidé, ultérieurement, d’un dépôt de plainte pénale.

f. En conclusion, l’enquête avait mis en évidence un problème de communication et de transmission de l’information de M. A______ à l’égard de ses subordonnées, comportement qui ne semblait pas répondre à la qualification de mobbing ou d’abus d’autorité. L’augmentation de la classe de traitement de la fonction de M. A______ à compter du 1er janvier 2015 avait causé un considérable mécontentement et été ressenti comme une injustice par ses collaboratrices, de sorte que c’était en tenant compte de ce contexte qu’il convenait d’apprécier certains reproches que celles-ci avaient énoncés et qui étaient jusque-là demeurés ignorés par l’OCAS. Aucune trace de harcèlement sexuel sur lesdites subordonnées n’avait été relevée, à l’exception de Mme F______. S’agissant de cette dernière, les faits à la base de l’accusation de harcèlement sexuel n’avaient pas pu être établis.

Pour le surplus, le contenu des auditions auxquelles l’enquêteuse a procédé sera repris en tant que besoin dans la discussion juridique du présent arrêt.

27) Par courrier du 9 septembre 2015, l’OCAS a transmis à M. A______ le rapport d’enquête administrative, l’invitant à produire ses observations dans un délai de trente jours.

28) Par la plume de son mandataire, M. A______ a répondu à l’OCAS le 15 septembre 2015 que le rapport omettait de relever une note de l’enquêteuse dans le procès-verbal de l’audience du 20 mai 2015, mentionnant : « Mme F______s’adresse directement à M. A______ et lui dit « Tu vas payer tôt ou tard tes mensonges » ». Pour le surplus, il se tenait à la disposition de l’OCAS pour « préparer au mieux la suite de ses relations professionnelles ».

29) Par courrier du 3 novembre 2015, l’OCAS a transmis à M. A______ un projet de décision de licenciement pour motif fondé, de douze pages, qui se fondait sur les faits établis par l’enquête administrative.

En sus des reproches sur le comportement de M. A______ avec Mme F______d’une part, et, d’autre part, avec ses collaboratrices, l’OCAS justifiait son projet de décision de licenciement, à la fin de sa partie en droit, par l’argument suivant : « Enfin, Monsieur A______ a adopté une position non transparente avec sa hiérarchie en niant catégoriquement des faits qui ne pouvaient être qu’avérés ».

L’OCAS avait également examiné la possibilité d’un éventuel reclassement permettant d’éviter le licenciement, mais aucun poste correspondant aux compétences de M. A______ n’était disponible au sein de l’OCAS.

Un délai de trente jours était imparti à M. A______ pour qu’il exerce son droit d’être entendu sur le projet de décision et sur la question du reclassement.

30) M. A______ s’est déterminé de manière détaillée par courrier du 2 décembre 2015, auquel il a annexé un certificat médical d’incapacité de travail à 100 % pour une durée indéterminée dès le 1er décembre 2015.

Il concluait à sa réintégration à son poste de travail, et, subsidiairement, à un reclassement, pour lequel il proposait une liste de services.

Aucun témoin ne l’avait vu commettre un quelconque acte répréhensible, ni a fortiori les actes dont se plaignait Mme F______, tous s’étant contentés de répéter avec plus ou moins de précision les propos que celle-ci aurait tenus. Les accusations de Mme F______n’avaient d’ailleurs été retenues ni par l’enquêteuse, ni par les autorités pénales qui avaient rendu une ordonnance de non-entrée en matière le 24 novembre 2015, laquelle n’a pas été versée à la procédure.

31) a. Le 26 avril 2016, l’OCAS a transmis à M. A______ un nouveau projet de décision de licenciement pour motif fondé, contenant seulement l’état de fait. M. A______ était invité à formuler ses ultimes observations avant transmission au conseil d’administration de l’OCAS en vue d’une éventuelle prise de décision de licenciement. Une telle décision n’interviendrait toutefois pas avant la fin du délai de protection de M. A______, toujours en incapacité de travail totale dûment attestée.

Le projet d’état de fait ne différait du précédent que par l’ajout du résumé du courrier de M. A______ du 2 décembre 2015 en fin de chronologie.

b. Par courrier du 13 mai 2016, M. A______ a observé que le dernier projet d’état de fait ne tenait absolument pas compte de sa précédente écriture, dans les termes de laquelle il persistait et qu’il détaillait à nouveau. Il requérait, avant la prise de décision, la convocation d’un entretien de service au sens de l’art. 44 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC - B 5 05.01), son audition par le conseil d’administration de l’OCAS et la remise aux membres de ce dernier du dossier complet d’enquête administrative.

32) Par courrier du 31 mai 2016, M. A______ a transmis à l’OCAS un certificat médical d’incapacité de travail valable jusqu’au 30 juin 2016.

33) Par décision du 28 juin 2016, le conseil d’administration de l’OCAS a prononcé le licenciement de M. A______ pour motif fondé, avec effet au 30 septembre 2016. Il était libéré avec effet immédiat de l’obligation de travailler. La décision, de dix-neuf pages, était exécutoire nonobstant recours.

L’OCAS considérait « le rapport [d’enquête administrative] comme faisant partie de l’état de fait de la présente décision, tout comme l’ensemble des déclarations des témoins recueillies dans ce cadre ».

Le droit d’être entendu de l’intéressé avait par ailleurs été respecté en ayant été exercé par écrit plusieurs fois, de sorte que l’OCAS n’était pas tenu de convoquer un entretien de service au sens de l’art. 44 RPAC.

M. A______ était certes doté des qualités techniques nécessaires à son poste et, selon les rapports d’évaluation de son supérieur hiérarchique, ses qualités relationnelles n’avaient donné lieu qu’à des remarques minimes, jusqu’aux faits mis en évidence par le rapport d’enquête.

Toutefois, les témoignages des six collaboratrices de l’intéressé recueillis lors de l’enquête avaient mis en évidence un problème dans la transmission de l’information, qui se traduisait par une incompréhension des ordres, et par la propagation de fausses rumeurs ou de ce qui a été reçu comme tel, source d’inconfort pour les collaboratrices et de perte de confiance. À cela s’ajoutait la difficulté réelle ou ressentie des collaboratrices à s’adresser directement au responsable de division en raison de la réticence dont l’intéressé faisait preuve sur ce plan. En outre, il avait admis avoir montré à ses collaboratrices des photos de femmes nues, comportement qui, quelles qu’en soient les circonstances, n’avait pas sa place dans un cadre professionnel, surtout de la part d’un cadre.

Même si la nature des rapports entretenus avec Mme F______n’avait pu être établie avec exactitude, il ne pouvait être suivi lorsqu’il prétendait que les conversations enregistrées s’inscrivaient dans un cadre professionnel. Il était établi qu’il avait tenté des avances à l’endroit de sa subordonnée. Même si les faits n’avaient pas pu être déterminés de manière précise en l’absence de témoins, l’existence d’un comportement déplacé à l’égard de sa collaboratrice devait être retenu, ce qui justifiait la décision de licenciement.

Enfin, M. A______ avait adopté une position non transparente envers sa hiérarchie en niant catégoriquement des faits qui ne pouvaient être qu’avérés. Son explication pour avoir fait part à la collaboratrice du contenu du rapport d’évaluation avant que sa hiérarchie ne décide de communiquer officiellement le résultat ne permettait pas non plus de justifier pareil écart à ses obligations de service.

M. A______ avait donc violé fautivement ses obligations d’attitude générale et ses devoirs d’autorité découlant des art. 21 et 23 RPAC. Cette violation constituait un motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05). Le rapport de confiance était rompu, et dans la mesure où la problématique y ayant mené pouvait se retrouver dans tout autre poste, l’OCAS ne pouvait pas proposer de reclassement, même en-dehors de cette institution. Les actes commis par M. A______ et son attitude rendaient impossible la poursuite des rapports de service et excluaient toute réintégration.

34) Par courriers des 29 juin, 29 juillet et 22 août 2016, M. A______ a transmis à l’OCAS des certificats médicaux attestant qu’il était en incapacité de travail à 100%, respectivement pour les mois de juin, juillet et août 2016.

35) Par acte posté le 30 août 2016, M. A______ a recouru contre la décision du 28 juin 2016 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à l’annulation de la décision attaquée, à ce que sa réintégration soit ordonnée, et à ce que lui soient allouées une indemnité de CHF 90'000.- pour les frais de médecins et d’avocats encourus depuis le 27 janvier 2015 et une indemnité de CHF 40'000.- au titre du tort moral. Subsidiairement, l’OCAS devait être condamné à lui verser une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de salaire. Il sollicitait, à titre préalable, la restitution de l’effet suspensif.

La décision prise à son encontre n’était pas conforme au droit. La direction de l’OCAS avait fait preuve d’amateurisme par ses nombreux manquements dans la gestion du conflit surgi de la plainte de Mme F______. Elle avait en outre manifesté partialité et acharnement à son encontre. Les séances du 22 janvier 2015 étaient contraires au droit car il n’avait pas été informé de son droit d’être accompagné d’un avocat ni, pour la seconde, de l’existence d’un enregistrement illicite, que la direction de l’OCAS avait écouté sans son consentement et en son absence, pour le réinterroger ensuite de manière très agressive mais sans l’informer. L’OCAS n’ayant pas pris les mesures nécessaires à la situation, Mme F______et lui-même avaient repris leur travail le lendemain sans changement, ce qui avait permis à Mme F______de procéder à un second enregistrement illicite, le 23 janvier 2015. Le 26 janvier 2015, la directrice avait ensuite présenté de manière subjective aux collaboratrices les accusations de Mme F______, de sorte qu’elle avait favorisé leurs critiques alors qu’elles étaient déjà révoltées par le fait que leur fonction n’avait pas été réévaluée. L’OCAS l’avait licencié malgré les résultats de l’enquête administrative qui concluait que les faits reprochés n’étaient pas établis. Il contestait l’entier des faits rapportés à son encontre par Mme F______ainsi que par d’autres collaboratrices, notamment la production de photographies de femmes dénudées. La décision querellée violait donc le principe de la proportionnalité par sa dureté, ainsi que son droit d’être entendu par la partialité constante de la direction et du conseil d’administration de l’OCAS.

36) Dans ses observations du 17 octobre 2016 sur effet suspensif, l’OCAS s’est opposé à la requête de M. A______.

37) Par décision du 9 novembre 2016 (ATA/955/2016), la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours.

38) Par réponse du 17 octobre 2016, l’OCAS a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision de licenciement du 28 juin 2016, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité équitable pour ses honoraires d’avocat.

Les mesures de vérifications qui s’imposaient au vu de la situation avaient bien été prises, la directrice étant allée consulter Mme I______, juriste à l’OCAS, pour lui demander son avis sur les accusations de Mme F______, puis avait informé cette dernière qu’elle n’allait plus travailler sous les ordres de M. A______. Tous les deux avaient ensuite été entendus séparément par des membres de la direction. Les entretiens du 22 janvier 2015 étaient des mesures de vérification prises par l’OCAS suite à la plainte de Mme F______et non des entretiens de service au sens de l’art. 44 RPAC, de sorte que le principe de l’instruction contradictoire n’avait pas été violé. La tenue d’un entretien de service n’était au demeurant pas obligatoire et ne faisait que concrétiser le principe du droit d’être entendu, lequel avait été respecté.

La décision de licenciement était bien fondée sur un juste motif, pour les raisons développées dans la décision du 28 juin 2016. En outre, les éléments dénoncés par les subordonnées de M. A______ relevaient du bon fonctionnement du service et étaient indépendants de la problématique liée à Mme F______. S’agissant de cette dernière, il était évident qu’ils avaient entretenus des relations dépassant le cadre admissible de travail entre une subordonnée et le supérieur hiérarchique devant la former et l’évaluer. Des conversations « WhatsApp » contenant des vidéos, banales selon eux, mais dont le contenu suggestif était manifeste et accompagné de textes comportant des « biz » et « bisous » n’étaient pas admissibles dans une relation de dépendance hiérarchique où l’une des personnes devait évaluer l’autre. Le comportement de M. A______ était inacceptable indépendamment de savoir si c’était Mme F______qui avait incité la relation pour obtenir un traitement plus favorable, ou M. A______ qui avait profité de la situation de cette dernière pour obtenir un avantage.

39) Le 30 janvier 2017, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

M. A______ était toujours au chômage et continuait de souffrir d’une dépression dont son psychiatre estimait qu’elle s’améliorerait s’il trouvait du travail, ce qui était extrêmement difficile vu son âge et sa situation. Selon lui, l’enquête administrative n’avait pas été transparente. Il n’avait été mis au courant des enregistrements effectués à son insu qu’après l’ouverture de l’enquête et après que sa direction et ses subordonnées en aient eu connaissance. La direction avait été influencée par ces éléments sans qu’il ne puisse se défendre, et il ignorait que le SIT avait dénoncé le cas à l’OCAS. Il contestait l’ensemble des doléances émises par ses collaboratrices.

L’OCAS n’avait eu connaissance qu’en janvier 2015 des événements dénoncés par Mme F______et du fait que celle-ci en avait également parlé à Mme I______. Mme D______ avait décidé de convoquer les protagonistes dès qu’elle avait appris les bruits qui couraient, soit le 22 janvier 2015, car elle avait une confiance limitée en Mme F______au vu de son comportement passé avec les autres collaborateurs et ses supérieurs. L’OCAS avait écouté le premier enregistrement de Mme F______en sachant que M. A______ n’y avait pas donné son accord, et sans l’en informer non plus lors de sa seconde convocation. L’institution n’avait découvert l’existence du second enregistrement fait par Mme F______le 23 janvier 2015 à l’insu M. A______ que dans le cadre de l’enquête administrative.

Selon l’OCAS, c’était le 15 janvier 2015 que Mme F______avait dénoncé à Mme H______ les faits qu’elle tenait pour du harcèlement sexuel. Cette dernière lui avait alors proposé l’intervention des ressources humaines, ce que Mme F______avait refusé au motif qu’elle voulait en discuter avec M. A______. Mme H______ l’avait alors prévenue qu’effectuer un enregistrement de cette conversation était illégal.

D’après l’OCAS, le rapport d’évaluation des performances de Mme F______établi par M. A______ le 4 décembre 2014 avait d’abord été gardé confidentiel car il analysait une trop courte période d’activité pour avoir une valeur probante. M. B______ en avait changé la date début 2015. C’était Mme H______ qui, sur convocation du 20 janvier 2015 pour le 22 janvier 2015, avait décidé d’en remettre une copie à Mme F______pour attirer son attention sur les motifs d’insatisfaction. M. A______ avait lui aussi informé Mme F______que le rapport allait être négatif. L’OCAS s’engageait à verser une copie de ce rapport à la procédure d’ici au 7 février 2017, ainsi qu’un document récapitulant l’emploi du temps de Mme F______depuis son transfert au service facturation.

Les événements en rapport avec Mme F______avaient constitué un détonateur dans la rupture des liens de confiance à l’origine de la décision de l’OCAS. C’était en interrogeant les protagonistes et les subordonnées de M. A______ que l’OCAS s’était aperçu des autres motifs remettant en question la manière dont M. A______ dirigeait son service, motifs qui avaient été corroborés et précisés par l’enquête administrative. La décision de se séparer de lui avait été prise en fonction de l’ensemble de ces éléments. C’était sur la base de l’audition des subordonnées de M. A______ le 26 janvier 2015 que l’ouverture d’une enquête administrative avait été décidée.

S’agissant d’un licenciement pour rupture des liens de confiance, il était difficile de reclasser quelqu’un au sein de l’OCAS, lequel regroupait en outre des services couvrant des activités spécifiques. L’OCAS n’avait au demeurant pas de postes vacants.

40) Le 7 février 2017, l’OCAS a transmis le rapport d’évaluation de Mme F______rédigé par M. A______ ainsi que le tableau récapitulatif de l’emploi du temps de cette dernière.

Le rapport d’évaluation était daté du 4 décembre 2014 et n’était pas signé.

Il ressortait notamment de son emploi du temps que Mme F______avait été capable de travailler à 50 % jusqu’au 7 décembre 2014, puis avait été en vacances du 15 au 23 décembre 2014, et en récupération le 2 janvier 2015.

41) Par courrier du 3 mars 2017, M. A______ a requis la production des deux versions du rapport d’évaluation de Mme F______qu’il avait signées, celle que l’OCAS avait produite étant daté du 4 décembre 2014 et non signée, alors que c’était une version postérieure qui avait été remise à Mme F______.

42) Le 23 mars 2017, l’OCAS a écrit ne pas avoir conservé la version signée de l’évaluation du 4 décembre 2014. Il n’en a pas transmis une autre version.

43) Le 31 mars 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 2 mai 2017 pour qu’elles lui transmettent la liste des témoins qu’elles voulaient faire entendre.

44) Par courrier du 25 avril 2017, M. A______ a indiqué qu’il n’avait plus de témoins à faire entendre. Il prenait bonne note que l’OCAS n’était pas en mesure de produire d’autres version du bilan intermédiaire de Mme F______.

L’OCAS ne s’est pas manifesté.

45) Le 12 mai 2017, le juge a avisé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 31 al. 1 LPAC ; art. 6 let. h de la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 - LOCAS - J 4 18).

2) L’OCAS est un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique. Il regroupe la caisse cantonale genevoise de compensation et l'office de l’assurance-invalidité (art. 1 al. 2 et 3 LOCAS).

3) La LPAC s’applique au personnel de l’OCAS et des établissements qu'il regroupe (art. 1 al. 1 let. f LPAC), de sorte que le recourant est soumis à cette loi et que le recours doit être traité sur la base de ses dispositions.

4) La décision de licenciement contre laquelle le recourant interjette recours a été rendue le 28 juin 2016, soit après l’entrée en vigueur le 19 décembre 2015 d’une novelle modifiant la LPAC. En l'absence de droit transitoire, cette décision est soumise à la LPAC dans sa teneur actuelle (ATA/347/2016 du 26 avril 2016).

5) Dans un premier grief, le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu, faisant valoir la partialité et l’acharnement dont aurait fait preuve à son égard l’autorité intimée ; la tenue non contraire au droit des deux entretiens du 22 janvier 2015 ; et le fait que la décision attaquée ne tiendrait pas compte des faits qu’il avait établis et ne serait fondée que sur des faits contestés.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b; ATA/752/2016 du 6 septembre 2016 et les références citées).

En matière de rapports de travail de droit public, des occasions relativement informelles de s’exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d’être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu’une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (arrêts du Tribunal fédéral 1C_560/2008 du 6 avril 2009 consid. 2.2 ; ATA/752/2016 précité). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais également savoir qu’une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêts du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 21 juin 2011 consid. 4.3 ; ATA/752/2016 précité).

b. S’agissant de la résiliation des rapports de service d'un membre du personnel, il faut distinguer clairement deux types de licenciement : la résiliation pour des motifs objectifs liés au bon fonctionnement de l'administration, ou licenciement pour motif fondé (art. 22 LPAC), qui est une mesure administrative ; et le licenciement pour violation des devoirs de service ou révocation, lequel est une sanction disciplinaire (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC).

Si le régime juridique, la procédure et la compétence pour le prononcé de ces deux catégories de licenciement sont et doivent être différents
(MGC 2005-2006/XI A 10419), il est constitutionnellement indispensable dans les deux cas de respecter le droit d’être entendue de la personne concernée.

c. S’agissant du licenciement pour motif fondé, le droit d’être entendu est concrétisé par l'art. 21 al. 3 LPAC, qui prévoit que l'autorité compétente qui résilie les rapports de services d'un fonctionnaire pour un motif fondé doit motiver sa décision.

La procédure de licenciement est formalisée au niveau du RPAC. Selon l’art. 44 RPAC, un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (al. 1). Le membre du personnel peut se faire accompagner d’une personne de son choix et demander qu’un responsable des ressources humaines soit présent (al. 2). La convocation doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l’entretien, ce délai pouvant être réduit lorsque celui-ci a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (al. 3). La convocation précise la nature, le motif de l’entretien et les personnes présentes pour l’employeur, et rappelle le droit de se faire accompagner (al. 4). À la demande d’un des participants, un compte-rendu d’entretien est établi dans les sept jours ; les éventuelles divergences peuvent y figurer ou faire l’objet d’une note rédigée par le membre du personnel dans un délai de quatorze jours, dès réception du compte rendu de l’entretien de service (al. 5). Le supérieur hiérarchique transmet par écrit au membre du personnel les faits qui lui sont reprochés et lui impartit un délai de trente jours pour faire ses observations (al. 7).

Ces prescriptions sont une concrétisation du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. (ATA/452/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/846/2016 du 11 octobre 2016).

d. Lorsque c’est la révocation qui est envisagée, le droit d’être entendu est notamment concrétisé par l’ouverture d’une enquête administrative, laquelle est désormais réservée à la seule voie disciplinaire (art. 27 al. 2 LPAC).

Selon l’art. 27 LPAC, le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC (al.2). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (al. 3). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de 30 jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (al. 4). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les 30 jours qui suivent la communication du rapport (al. 5). Le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration statue à bref délai (al. 6).

e. En l’espèce, il est admis que l’OCAS n’a pas convoqué le recourant pour un entretien de service au sens de l’art. 44 RPAC avant de l’informer qu’une décision de licenciement pour motif fondé allait être rendue.

Cependant, la décision d’ouverture d’enquête administrative du 27 janvier 2015 a été prise « suite à des plaintes d’ordre de harcèlement sexuel et moral ainsi que d’éventuels abus d’autorité portées par différents collaborateurs au sein du service de la facturation ainsi que par des personnes extérieures au service ». Le recourant, qui a été assisté d’un avocat durant l’entier de la procédure, pouvait donc comprendre qu’à l’issue de celle-ci, une révocation pouvait être prononcée.

Cela dit, il ressort du dossier que c’est le 22 janvier 2015 déjà que l’autorité intimée a commencé à considérer que le recourant avait commis des manquements aux devoirs du personnel, dès que la direction a écouté quelques minutes de l’enregistrement de Mme F______. Aussi, comme le relève le recourant, un entretien de service au sens de l’art. 44 RPAC aurait pu être envisagé en lieu et place du second entretien convoqué par la direction le même après-midi.

L’autorité intimée a toutefois choisi de suivre dans un premier temps la voie disciplinaire en ordonnant l’ouverture d’une enquête administrative, durant laquelle le recourant a pu consulter la totalité des pièces du dossier et se déterminer sur leur contenu, enregistrements compris. Il a également participé aux six audiences d’enquête administrative, assisté de son conseil, y a été entendu plusieurs fois et a pu poser des questions à tous les témoins, y compris à Mme F______.

Le recourant a également eu la possibilité, par courrier du 15 septembre 2015, de s’exprimer sur le rapport d’enquête administrative que lui avait transmis l’OCAS. Il s’est ensuite longuement déterminé par courriers des 2 décembre 2015 et 13 mai 2016 sur deux versions du projet de décision que lui avait soumis l’OCAS. Il était par conséquent informé tant du fait que son licenciement pour motif fondé était envisagé, que des raisons invoquées. Il apparaît à cet égard que si l’autorité intimée n’a en effet pas été convaincue par les arguments développés dans les courriers du recourant, elle en a néanmoins bien tenu compte dans la décision entreprise, puisqu’elle les y a listés et résumés.

Enfin, le recourant a pu s’exprimer lors de l’audience de comparution personnelle du 30 janvier 2017 devant la chambre de céans, à l’issue de laquelle il a déclaré ne plus avoir de témoins à faire entendre.

Par conséquent, même si l’autorité intimée n’a pas respecté à la lettre la procédure de licenciement pour motif fondé en ne convoquant pas le recourant à l’entretien de service prévu par l’art. 44 RPAC, et même si l’on peut regretter le déroulement du second entretien du 22 janvier 2015, le droit d’être entendu du recourant ne peut être considéré comme violé.

Le grief sera donc écarté.

6) Dans un second grief, le recourant conteste l'existence d'un motif fondé à son licenciement et considère que la résiliation de ses rapports de service ne respecterait pas le principe de la proportionnalité, si bien que la décision du 28 juin 2016 serait contraire au droit.

L’OCAS ne contestant pas les conclusions du rapport d’enquête selon lesquelles le recourant ne s’est pas rendu coupable de harcèlement moral, de harcèlement sexuel, ni de l’infraction pénale d’abus d’autorité, la chambre de céans ne retiendra pas ces qualificatifs comme constituant en tant que tels des motifs de licenciement.

7) a. L'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Avant la résiliation, elle est tenue de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Elle doit également motiver sa décision (art. 21 al. 3 LPAC).

Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) (art. 22 LPAC).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/783/2016 du 20 septembre 2016). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (MGC 2005-2006/XI A 10420 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; ATA/783/2016 précité).

À partir d'un certain niveau hiérarchique et de responsabilités, on ne saurait guère exiger d'un employeur qu'il établisse dans les moindres détails la part de responsabilité imputable à l'une et l'autre personne à l'origine d'une situation conflictuelle avant de prendre la décision de licencier l'une d'entre elles ; en pareil cas, l'employeur se doit en effet d'agir rapidement afin d'éviter que le conflit n'entrave ou même ne paralyse le bon fonctionnement de l'administration. Le choix de se séparer d’un cadre n'est pas inadéquat lorsqu’il ressort de nombreux témoignages que l'ambiance de travail était meilleure et le fonctionnement du département plus efficace depuis le départ de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 8C_396/2010 consid. 4.3 du 19 février 2011 ; ATA/211/2016 du 8 mars 2016).

b. La chambre administrative peut revoir le droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que les faits (art. 61 al. 1 LPA), à l’exclusion de l’opportunité de la décision attaquée (art. 61 al. 2 LPA).

c. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/347/2016 du 26 avril 2016).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF  125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/634/2016 du 26 juillet 2016).

8) a. L’art. 21 let. a RPAC dispose que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés et de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes.

Selon une jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 et les arrêts cités ; ATA/368/2012 du 12 juin 2012 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 ; ATA/389/2011 du 21 juin 2011).

b. Les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont tenus, en outre et notamment, de diriger leurs subordonnés, d’en coordonner et contrôler l’activité (art. 23  let. b RPAC), d’informer leurs subordonnés du fonctionnement de l’administration et du service (art. 23  let. e RPAC), et de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (art. 23  let. f RPAC).

9) En l’espèce, l’autorité intimée soutient que la résiliation des rapports de service du recourant serait fondée sur trois motifs : un comportement déplacé
vis-à-vis de Mme F______; une position non transparente à l’égard de sa hiérarchie, car il aurait nié des faits qui ne pouvaient être qu’avérés ; des problèmes managériaux, puisqu’il aurait montré à ses subordonnées des photos de femmes nues, aurait eu avec elles un problème dans son mode d’expression, et leur aurait bloqué l’accès au responsable de division.

Il convient de reprendre successivement ces trois motifs.

10) Selon l’OCAS, le recourant aurait eu un comportement déplacé à l’égard de Mme F______à l’endroit de laquelle il aurait tenté, à un moment ou un autre, des avances. L’OCAS fonde son opinion sur la déclaration du médecin-traitant consulté par Mme F______le jour des faits et celle de Mme I______, qui aurait décrit Mme F______comme tendue, voire un peu paniquée au lendemain desdits faits. Dans sa réponse, l’OCAS précise que les échanges « WhatsApp » entre le recourant et Mme F______contenant des « biz » et « bisous » étaient inadmissibles de la part d’un supérieur à une subordonnée qu’il forme et évalue.

a. Or, il ressort du dossier que les échanges de messages « WhatsApp » ont eu lieu respectivement les 27 mars 2014, 18 mai 2014 et 15 septembre 2014, soit à une période bien antérieure au transfert de Mme F______le 18 novembre 2014, dont l’annonce est intervenue en octobre 2014. Il apparaît au demeurant que deux de ces trois échanges avaient été initiés par Mme F______, la première fois pour envoyer au recourant une vidéo représentant une danse « twerk », et la deuxième pour lui envoyer un message en langue italienne qui se terminait par trois cœurs, auquel le recourant n’avait pas répondu. Quant au troisième et dernier échange, initié par le recourant par l’envoi de photos de plages et de plats, Mme F______y avait répondu par l’envoi de vidéos de danses à caractère « sexy ». En tout état, comme il le relève, le recourant ne pouvait pas imaginer, à l’époque de ces conversations, qu’un transfert interviendrait, et qu’il serait un jour amené à être le supérieur direct de Mme F______, ou à en assurer la formation. Le reproche de l’OCAS à cet égard est ainsi infondé.

b. S’agissant du « comportement déplacé » allégué, les faits relatés par Mme F______pour incriminer le recourant n’ont pas été confirmés. Elle a par exemple affirmé que Mme I______ lui aurait répondu, après avoir entendu que le recourant avait essayé de l’embrasser, que ce dernier aimait toucher les femmes, ce que celle-ci n’a jamais confirmé. Au contraire, lors de son audition par l’enquêteuse, Mme I______ a attesté n’avoir entendu aucune rumeur de harcèlement sexuel ou de mobbing concernant le recourant, mais simplement qu’il avait la réputation d’apprécier la présence de femmes. De plus, alors que Mme F______a assuré que le recourant avait continué ses gestes déplacés en janvier 2015, Mme I______ a certifié qu’elle ne lui en avait pas fait part lorsqu’elle l’a revue à cette période, ce qui semble surprenant. Il apparaît par ailleurs que Mme F______n’a mentionné au syndicat SIT en janvier 2015 que quelques gestes déplacés, mais n’a étonnamment pas évoqué l’épisode du 12 décembre 2014. Puis, entre son premier entretien avec les RH le 15 janvier 2015 et sa dernière audition devant l’enquêteuse le 20 mai 2015, Mme F______a régulièrement aggravé sa description des faits, et en particulier ceux qui se seraient déroulés le 12 décembre 2014.

Il est dès lors impossible de confirmer que le recourant aurait bien eu un comportement déplacé à l’égard de Mme F______lorsqu’il était son supérieur et était en charge de sa formation, ni même de situer dans le temps une éventuelle avance. Comme le retient l’enquêteuse, en se référant à un bref extrait du premier enregistrement, il « ne serait pas contraire au sens commun de comprendre un passage [de l’enregistrement du 22 janvier 2015] mis en exergue par l’OCAS que [le recourant], malgré ses dénégations, aurait, à une époque indéterminée, tenté des avances, couronnées ou non de succès, à l’endroit d’F______».

Cette question peut toutefois souffrir de demeurer indécise au vu de ce qui suit.

11) Par voie de conséquence, tel est également le cas s’agissant du reproche que formule l’OCAS au recourant d’avoir « adopté une position non transparente envers sa hiérarchie en niant catégoriquement des faits qui ne pouvaient qu’être avérés ». Il ressort en effet de ce qui précède que les faits en question n’étaient au contraire pas avérés, de sorte qu’il ne saurait être tiré grief au recourant de les avoir contestés.

12) L’OCAS formule également la critique suivante au recourant : « Son explication pour avoir fait part à la collaboratrice [Mme F______] du contenu du rapport d’évaluation avant que sa hiérarchie ne décide de communiquer officiellement le résultat ne permettait pas non plus de justifier pareil écart à ses obligations de service ».

Or, rien dans le dossier ne permet de comprendre à quoi l’OCAS fait référence. Ni le dossier d’enquête administrative, ni la décision attaquée, ni les écritures judiciaires ne permettent en effet d’établir que le recourant a communiqué le contenu précis du rapport à Mme F______.

Si les conclusions de l’enquête administrative retiennent que le recourant avait indiqué à Mme F______aux alentours du 15 janvier 2015 qu’elle risquait un rapport négatif, cette communication n’a pas suscité de reproche de la part de son employeur. Lors de l’audience de comparution personnelle devant la chambre de céans, M. E______ a simplement déclaré que c’était « Mme H______ qui [avait] décidé d’en faire part à Mme F______et je pense qu’elle lui en a remis une copie. Il s’agissait d’attirer son attention sur les motifs d’insatisfaction. [ ] Le 22 janvier, le matin probablement, le rapport d’évaluation a été communiqué à Mme F______par Mme H______, sur convocation du 20 janvier 2015 ».

Rien ne permet non plus de déterminer à quelle explication du recourant l’OCAS se réfère.

Par conséquent, la position du recourant vis-à-vis de sa hiérarchie telle que reprochée par l’OCAS dans sa décision attaquée n’a pas lieu de constituer un motif fondé à la résiliation des rapports de service.

13) Restent à examiner les griefs d’administration managériale également retenus par l’OCAS au titre de motif fondé au sens de l’art. 22 LPAC.

a. Il ressort de témoignages concordants des collaboratrices, recueillis durant l’enquête administrative, que le recourant s’était installé dans un fonctionnement de mensonges, si bien qu’elles n’avaient plus confiance en lui. Les mensonges portaient aussi bien sur des personnes du service (dont une aurait été mariée cinq fois, ce qui n’était pas exact) et ses supérieurs (qui auraient respectivement eu une maîtresse aux HUG et un important dossier au sein de l’OCAS comme harceleur), que sur les consignes dans le travail. À ce dernier égard, il avait été rapporté : qu’une collaboratrice s’était plainte que le recourant ne donnait pas les mêmes informations que celles que recevaient des collègues d’autres services au sujet d’absences ou de maladie ; que le recourant avait également reproché à l’une de ses subordonnées d’avoir dépassé le quota d’heures de rendez-vous médicaux pris pendant les heures de travail, ce qui n’était pas vrai ; qu’il avait prétendu à une autre avoir été convoqué aux ressources humaines pour évoquer un retard de celle-ci, alors qu’il n’y avait en réalité pas eu de convocation. Selon un témoin, le recourant disait en outre du mal des gens, par exemple qu’un collaborateur serait surveillé par la police en raison de fraudes à l’assurance-invalidité commises par certains membres de sa famille et en lien avec une association de bienfaisance en Afrique.

Par ailleurs, deux collaboratrices ont relaté que le recourant leur avait déclaré, avant l’arrivée de Mme F______dans le service, qu’elle était une personne dangereuse dont il fallait se méfier et se maintenir à distance, et dont le mari était djihadiste et se rendait souvent en Syrie. Lors de son premier entretien du 22 janvier 2015 avec la direction de l’OCAS, le recourant avait lui-même admis avoir demandé à ses collaboratrices de ne pas le laisser seul avec Mme F______.

Plusieurs collaboratrices ont en outre affirmé durant l’enquête administrative que depuis la suspension du recourant, l’exécution du travail se faisait beaucoup mieux et que les réponses de M. B______, qui assurait l’intérim, étaient nettement plus claires que celles du recourant. D’après M. B______, il régnait un climat de soulagement et de décontraction depuis ladite suspension.

b. C’est ainsi à raison que l’OCAS retient que le problème de communication du recourant a entravé le bon fonctionnement du service et la confiance, tant de ses subordonnées que de ses supérieurs.

c. Enfin, il ressort du rapport d’enquête que quatre des subordonnées du recourant ont rapporté que, bien que de façon non répétée, celui-ci leur avait montré des photos de femmes plus ou moins dénudées. Ses collaboratrices avaient été mises mal à l’aise ou avaient trouvé ce comportement inadéquat, mais n’avaient pas osé protester.

Le recourant n’avait pas véritablement contesté ces faits, mais évoqué qu’il s’agissait plutôt de vidéoclips de chansons dont il avait écrit les paroles dans le cadre de son activité privée de chansonnier.

Ainsi que le souligne le rapport d’enquête, et comme le suit l’OCAS, il doit être retenu que de tels films ou photos ne trouvaient pas leur place dans un cadre professionnel, a fortiori dans des rapports entre supérieur et subordonnées.

14) Dans de telles circonstances, quand bien même les agissements du recourant tels que décrits ci-dessus pourraient paraître de moindre gravité s’ils s’étaient produits entre des collaborateurs de même rang, ils ne peuvent pas être tolérés de la part d’un supérieur hiérarchique vis-à-vis de ses subordonnées, étant en particulier rappelé que selon la jurisprudence, l'art. 4 LEg englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (arrêt du Tribunal fédéral 2A.404/2006 du 9 février 2007 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Par conséquent, et dans la mesure où la LPAC, dans sa teneur actuelle, n’implique pas que le recourant ait commis une faute, mais que son comportement et ainsi la poursuite des rapports de service ne soient pas compatibles avec le bon fonctionnement du service facturation, ce que fait valoir l’autorité intimée, celle-ci n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en résiliant les rapports de service du recourant.

Il y a donc lieu d’admettre que la résiliation litigieuse repose sur des motifs fondés au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC, si bien que le grief du recourant à ce sujet sera écarté.

15) a. Lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (art. 46A al. 1 RPAC). Des mesures de développement et de réinsertion professionnelles propres à favoriser le reclassement sont proposées (art. 46A al. 2 RPAC). L’intéressé est tenu de collaborer et peut faire des suggestions (art. 46A al. 3 RPAC). Il bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (art. 46A al. 4 RPAC). En cas de reclassement, un délai n’excédant pas six mois est fixé pour permettre à l’intéressé d’assumer sa nouvelle fonction (art. 46A al. 5). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (art. 46A al. 6 RPAC).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est l’une des expressions du principe de la proportionnalité. Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (art. 36 al. 3 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/909/2015 du 8 septembre 2015).

Il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’employé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d’exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétence, à un stage d’évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d’évolution professionnelles, à l’accompagnement personnalisé, voire à « l’outplacement ». Il s’agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de la fonction publique cantonale peut être trouvée. En contrepartie, la garantie du niveau salarial atteint en cas de changement d’affectation a été abrogée (MGC 2005-2006/XI A 10420). Selon la jurisprudence, les recherches de l’État employeur doivent s’étendre à tous les postes de la fonction publique correspondant aux capacités de l’intéressé (ATA/616/2010 du 7 septembre 2010).

b. En l’espèce, l’OCAS allègue qu’aucun poste correspondant aux compétences du recourant ne serait disponible, ce qui rendrait le reclassement impossible. Vu son statut d’établissement public autonome, l’OCAS ne serait en outre pas en mesure de le reclasser dans un autre service de l’État.

Il apparaît cependant que dans le premier projet de licenciement, annexé à son courrier du 3 novembre 2015, l’OCAS a indiqué que le rapport de confiance étant rompu, toute mesure de développement et de réinsertion était d’emblée sans objet. La décision attaquée a ensuite précisé que la problématique ayant mené à la rupture du lien de confiance pouvant se retrouver dans tout autre poste, aucun reclassement ne pouvait être proposé, même en-dehors de cette institution. Lors de l’audience de comparution personnelle devant la chambre de céans, la directrice de l’OCAS et son responsable RH ont affirmé aussi bien le fait qu’il était difficile de reclasser une personne lorsque le motif du licenciement était une rupture du lien de confiance, que le fait que l’OCAS n’avait pas de postes vacants.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que l’OCAS a véritablement tenté de reclasser le recourant, mais bien qu’il n’en avait pas l’intention. L’autorité intimée ne peut dès lors pas non plus se décharger de sa responsabilité en soutenant qu’en tant qu’établissement autonome, il n’aurait pas l’obligation de rechercher une place en vue d’un reclassement dans toute l’administration cantonale. La procédure de reclassement, formalisée à l'art. 46A RPAC, prévoit plusieurs étapes, que l’autorité intimée n’a pas respectées, ni même tentées.

Dès lors, en n'offrant pas de procédure de reclassement au recourant, l’OCAS a violé la loi, de sorte que la décision de licenciement du 28 juin 2016 est contraire au droit.

16) a. Depuis sa modification entrée en vigueur le 19 décembre 2015 et ainsi applicable au cas d’espèce, l’art. 31 LPAC prévoit que si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration (al. 2). Si la résiliation des rapports de service est contraire au droit, la chambre administrative peut proposer la réintégration à l'autorité compétente (al. 3). En cas de décision négative de l'autorité compétente ou de refus du recourant, la chambre administrative fixe une indemnité au recourant, dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut à l'exclusion de tout autre élément de rémunération (al. 4).

En l’espèce, dans la mesure où l’autorité intimée s’est expressément opposée à la réintégration du recourant, il y a lieu de procéder à la fixation de l’indemnité à laquelle il a droit en vertu du droit applicable au moment où la décision litigieuse a été rendue, à savoir l’art. 31 LPAC dans sa teneur actuelle.

b. Selon la jurisprudence de la chambre administrative rendue en matière de fixation d’une indemnité en cas de licenciement d’agents publics avant ladite modification de l’art. 31 LPAC, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure (ATA/274/2015 du 17 mars 2015 ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 et les références citées). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 11.2 ; 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 3.4.2 ; 8C_436-437/2014 du 16 juillet 2015 consid. 9.2 ; ATA/347/2016 précité).

Dans deux affaires dans lesquelles les licenciements pour suppression de poste étaient contraires au droit en raison de la violation du droit d’être entendu du fonctionnaire, la chambre administrative a fixé l’indemnité respectivement à douze et dix-huit mois, en tenant notamment compte de la durée des rapports de service, respectivement de plus de quatre et dix ans, du parcours professionnel sans reproches ainsi que de la gravité particulière de l'atteinte au droit d’être entendu, en raison du refus de réintégration en dépit de la disponibilité du recourant (ATA/196/2014 du 1er avril 2014; ATA/195/2014 du 1er avril 2014). Le Tribunal fédéral a toutefois considéré que ces montants allaient au-delà des limites admissibles sous l’angle de l’arbitraire, au motif que les licenciements en cause avaient été invalidés en raison de la violation d’une garantie de procédure et que, sur le fond, il n’avait pas été constaté qu’ils étaient injustifiés (arrêts du Tribunal fédéral 8C_413/2014 du 17 août 2015 consid. 5.2 ; 8C_417/2014 du 17 août 2015 consid. 5.2). Le Tribunal fédéral a donc réduit le montant de l’indemnité à six mois de traitement, qui s’ajoutait aux trois mois de salaire alloué pour suppression de la fonction (ATA/347/2016 précité).

Dans les quatre exemples qui suivent, l’indemnité pouvait aller jusqu’à vingt-quatre mois.

Dans un cas de licenciement pour motif fondé, la chambre administrative a pris en compte la gravité de la violation du droit d’être entendue de l’intéressée, l’importante péjoration de sa situation financière, la recourante n’ayant eu d’autre choix que la retraite anticipée, et son activité de plus de vingt ans pour l’autorité intimée pour fixer l’indemnité à quinze mois (ATA/193/2014 du 1er avril 2014). Le Tribunal fédéral a toutefois considéré que ce montant allait au-delà des limites admissibles sous l’angle de l’arbitraire, au motif que le licenciement avait été invalidé en raison de la violation d’une garantie de procédure et que, sur le fond, il n’avait pas été constaté qu’il était injustifié. Le Tribunal fédéral a donc réduit le montant de l’indemnité à six mois de traitement, considérant au surplus que la collaboratrice avait été mise au bénéfice d’une pension de retraite, ce qui était de nature à atténuer les conséquences de la perte de son emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_421/2014 du 17 août 2015).

Dans un cas de licenciement arbitraire par une commune, la chambre administrative a en particulier pris en considération la durée des rapports de service, de près de trois ans et demi, les résultats de l’enquête administrative, y compris le fait que le collaborateur avait dû subir dite enquête alors que le soupçon s’était avéré mal fondé, les atteintes portées à sa personnalité pendant la durée du contrat de travail, le retrait de l’effet suspensif à la décision de licenciement, le refus de réintégration du recourant malgré sa disponibilité, ainsi que la pertinence de certains griefs à l’encontre de l’intéressé, malgré le contexte dans lequel il avait dû évoluer et même s’ils ne fondaient pas un licenciement. La chambre administrative a ainsi fixé l’indemnité à douze mois du dernier traitement (ATA/439/2014 du 17 juin 2014).

Dans un cas de licenciement par une autre commune, matériellement vicié en raison d’une violation des principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement, la chambre administrative a tenu compte de la gravité de la faute du recourant qualifiée de moyennement grave, de la violation du droit par l’autorité intimée dans le cadre du licenciement, du refus de réintégration malgré la disponibilité du recourant, de la durée des rapports de service de cinq ans, du fait qu’il n’avait pas retrouvé de travail, qu’il était âgé de soixante ans et qu’il lui serait difficile de retrouver un emploi, pour fixer l’indemnité à quinze mois (ATA/744/2014 du 23 septembre 2014).

c. Il est à relever que la dernière modification de l’art. 31 LPAC susmentionnée et entrée en vigueur le 19 décembre 2015 a pour conséquence la réintégration obligatoire lorsque le licenciement ne repose pas sur un motif fondé, et non plus l’octroi d’une indemnité, de sorte que l’absence ou l’existence de motif fondé au licenciement ne doit plus constituer un élément à prendre en compte dans la fixation de l’indemnité, étant précisé que le plafond à
vingt-quatre mois n’a toutefois pas été modifié par la nouvelle teneur de l’art. 31 LPAC.

d. La chambre administrative a pour pratique de fixer l'indemnité pour refus de réintégration à un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, conformément à l’art. 31 al. 4 LPAC (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014). De plus, l’indemnité fondée sur cette disposition comprend le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés et n’est pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/1042/2016 précité ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 ; ATA/1213/2015 du 10 novembre 2015). En l’absence de conclusion sur ce point, les intérêts moratoires n’y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/273/2015 du 17 mars 2015 ; ATA/193/2014du 1er avril 2014). 

e. En l’espèce, à l’examen de l’ensemble des circonstances, il apparaît d’abord que l’OCAS n’a, en violation des l’art. 21 al. 3 LPAC et 46A RPAC, pas même tenté de reclasser le recourant avant de résilier ses rapports de service. Or, il ressort du dossier que le recourant était employé par l’OCAS depuis près de vingt ans, et était doté des qualités techniques nécessaires, de sorte qu’il a obtenu plusieurs promotions et divers mandats spécifiques, dont la formation de collaborateurs des offices AI des différents cantons romands. Durant ces presque deux décennies et avant le mois de janvier 2015, il n’avait pas fait l’objet de la moindre critique et son travail était unanimement salué. En outre, le recourant étant né en 1956, il était proche de l’âge de la retraite lorsque ses rapports de service ont été résiliés.

Il est également à relever que même sans être constitutifs d’une violation du droit d’être entendu, les entretiens du 22 janvier 2015 ont été menés de manière très imparfaite par la direction de l’OCAS. En particulier, est critiquable la décision d’écouter en l’absence du recourant un enregistrement effectué à son insu, qui plus est en présence de Mme F______, alors que les RH l’avaient explicitement prévenue quelques jours avant que procéder à un tel enregistrement était interdit. En outre, la tenue et le déroulement du second entretien auquel l’OCAS a convoqué le recourant dans la foulée sont également particulièrement critiquables, le but ayant été de le réinterroger sur la teneur d’un enregistrement, tout en lui en cachant délibérément l’existence et le contenu. Enfin, a été menée avec peu d’égard pour le recourant la séance du 26 janvier 2015, dont il n’a pas été informé, alors qu’il s’agissait de regrouper l’ensemble de ses collaboratrices en un même temps, pour leur parler d’accusations de harcèlement sexuel, dans un contexte que l’OCAS savait peu serein en raison du récent réajustement de fonction de leur supérieur.

Aussi, à l’examen de l’ensemble des circonstances, de la modification de l’art. 31 LPAC précitée, et au vu de ce qui précède, l’indemnité, conformément à la pratique de la chambre de céans, sera arrêtée à neuf mois du dernier traitement mensuel brut du recourant au sens de l’art. 2 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15).

17) Le recourant conclut à l’octroi d’une indemnité de CHF 40'000.- au titre du tort moral subi du fait de la mauvaise gestion de la procédure par l’OCAS.

La seule base légale pouvant éventuellement fonder le versement d'une indemnité pour tort moral est l'art. 2 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40).

Or, cette prétention ne relève pas de la compétence de la chambre administrative, mais de celle du Tribunal de première instance, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC et à la jurisprudence (ATA/289/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/387/2014 du 27 mai 2014 ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/908/2010 du 20 décembre 2010 et la jurisprudence citée).

La chambre de céans ne peut donc pas allouer au recourant le versement d'une quelconque indemnité à ce titre. Les prétentions pécuniaires formulées dans son recours sur ce chef de demande doivent en conséquence être déclarées irrecevables et le recourant renvoyé à mieux agir s’il s’y estime fondé.

18) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement. La décision querellée sera déclarée contraire au droit.

L'indemnité pour refus de réintégration sera fixée à neuf mois du dernier traitement brut du recourant au sens de l’art. 2 LTtrait, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération et sans intérêt moratoire. 

Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, vu l'issue du litige (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de CHF 1'500.- lui sera allouée à la charge de l’OCAS (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2016 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal des assurances sociales du 28 juin 2016 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que la décision de licenciement du 28 juin 2016 est contraire au droit ;

constate que l’office cantonal des assurances sociales refuse la réintégration ;

dit que l’office cantonal des assurances sociales doit verser à Monsieur 
A______ une indemnité correspondant à neuf mois de son dernier traitement brut ;

l’y condamne en tant que besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______ à la charge de l’office cantonal des assurances sociales ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Franco Foglia, avocat du recourant, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de l'office cantonal des assurances sociales.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

La greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :