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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4097/2020

ATA/457/2021 du 27.04.2021 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4097/2020-AIDSO ATA/457/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 avril 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Lionel Bugmann, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


EN FAIT

1) Madame A______, née en 1960, a été au bénéfice de prestations d'aide sociale versées par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis 1998. Elle est divorcée et mère de deux enfants, B______, née le ______ 1991, et C______, né le ______ 1995.

2) Dès le 1er février 2013, soit à sa majorité, C______ a touché du service cantonal d'avances et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) un montant de CHF 780.- par mois, correspondant à sa pension alimentaire.

3) Le 30 mai 2014, l'hospice a demandé à Mme A______ la restitution de CHF 9'373.-. En effet, elle n'avait pas déclaré le compte Postfinance de son fils et n'avait pas informé son assistante sociale que ce dernier avait modifié l'ordre de paiement jusque là en faveur de l'hospice, de sorte que ce montant n'avait à tort pas été intégré dans le calcul des prestations dues à l'intéressée.

4) Par acte du 4 juillet 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Par arrêt du 7 août 2018 (ATA/803/2018), la chambre de céans a retenu que la recourante avait violé son obligation de renseigner en recevant des prestations indues du fait de sa négligence, voire de sa faute et a rejeté son recours.

5) Par décision du 7 décembre 2018, l'hospice a refusé d'octroyer à Mme A______ une remise au motif qu'elle auvait violé son obligation d'informer et ne pouvait pas être considérée comme de bonne foi.

6) Par acte du 25 janvier 2019, Mme A______ a recouru contre cette décision.

7) Par arrêt du 28 janvier 2020, la chambre de céans a admis partiellement ce recours et renvoyé la cause à l'hospice afin qu'il entende la recourante et se détermine sur sa bonne foi conformément à l'art. 42 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

8) En conséquence, un délai au 31 mars 2020 a été imparti par l'hospice à Mme A______ afin de formuler ses observations sur sa demande de remise, délai prolongé au 15 mai 2020 à sa demande.

Dans ses déterminations Mme A______ a expliqué avoir appris en février 2014 que son fils avait signé une convention avec le SCARPA. Elle avait alors immédiatement demandé à son fils de faire le nécessaire pour que la contribution d'entretien soit versée par le SCARPA à l'hospice. Par ailleurs, sa situation financière était précaire et elle serait mise dans une situation financière difficile sans remise. Elle concluait dès lors à la remise totale du montant de CHF 9'373.-.

9) Par décision du 3 novembre 2020, l'hospice a refusé la demande de remise totale de Mme A______. Elle n'était pas de bonne foi car elle aurait dû savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que les prestations touchées entre le 1er janvier 2013 et le 31 janvier 2014, période durant laquelle son fils recevait directement la contribution d'entretien du SCARPA, étaient indues car cette contribution n'était plus versée à l'hospice mais sur le compte de ce dernier. Le fait d'avoir corrigé la situation le 7 avril 2014 ne démontrait pas sa bonne foi au moment de la réception des prestations indues. Dès lors, la première condition de l'art. 42 LIASI n'étant pas remplie, elle ne pouvait obtenir une remise étant précisé qu'un plan tenant compte de sa situation économique pouvait être négocié avec son assistante sociale.

10) Par acte déposé le 4 décembre 2020 devant la chambre administrative, Mme A______ a recouru contre la décision du 3 novembre 2020. L'autorité intimée n'avait pas pris en compte le fait que l'existence du compte postal dont était titulaire son fils avait été communiquée par elle-même à son assistante sociale et n'avait surtout pas pris en compte l'état de santé de la recourante au moment des faits. Elle souffrait en effet d'une dépression sévère, laquelle l'avait empêchée durant plusieurs années de s'occuper de ses affaires administratives et financières. Elle n'avait ainsi pas pris connaissance de la signature par son fils d'un mandat de recouvrement auprès du SCARPA, d'autant plus qu'à ce moment elle était hospitalisée.

Dès que son état de santé le lui avait permis, elle avait repris la gestion de ses affaires et s'était aperçue avec stupeur avoir reçu indûment des prestations de l'hospice. Elle avait alors informé rapidement son assistante sociale, en janvier 2014. Dès lors, elle était de bonne foi au moment des faits reprochés.

Par ailleurs, ses revenus mensuels nets s'élevaient à CHF 3'057.-, soit une rente entière AI perçue depuis le 1er août 2014 de CHF 1'433.- par mois et des prestations du service de prestations complémentaires de CHF 1'624.- par mois. Elle vivait seule avec son fils qui était étudiant et n'avait aucun revenu. Elle concluait dès lors à l'annulation de la décision rendue par l'hospice le 3 novembre 2020 et à ce qu'une remise lui soit accordée.

Elle a produit des pièces concernant sa situation médicale, soit un certificat de la Dresse D______ du 24 mars 2015, rappelant qu'une demande AI avait été faite en 2013 à raison d'une polypathologie, soit une purpura, des athralgies et une asthénie profonde qui évoluait inexorablement par poussées dont le traitement ne donnait aucune possibilité de rémission. Elle a produit également un certificat du 2 décembre 2020 du Dr E______, psychothérapeute, selon lequel durant la période de novembre 2012 à fin février 2014, elle bénéficiait d'une prise en charge psychothérapeutique et psychiatrique par lui-même et la Dresse D______, que sa souffrance était de nature psychopathologique et que lors de cette période, à cause de cette pathologie, elle était incapable de gérer sa sphère administrative et financière. Elle a produit également un résumé de séjour du 24 février 2013 aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), mentionnant une patiente de 52 ans hospitalisée un jour pour une exacerbation de son purpura avec des douleurs diffuses sous forme de brûlures intenses, de même qu'un certificat médical selon lequel elle était hospitalisée depuis le 22 janvier 2013 pour une durée indéterminée, ainsi que des arrêts de travail du 1er au 30 novembre 2012 et du 1er au 31 décembre 2012 et du 1er au 30 septembre 2013, prolongé du 1er au 31 octobre 2013, ainsi que du 1er au 30 novembre 2013.

11) Dans sa réponse du 14 janvier 2021, l'hospice a rappelé que la recourante n'avait pas démontré qu'elle était hospitalisée à l'époque où le SCARPA lui avait fait parvenir son courrier du 10 décembre 2012, son hospitalisation aux HUG datant du 22 janvier au 8 février 2013. Par ailleurs, elle avait admis lors de l'audience de comparution personnelle des parties dans le cadre de la précédente cause qu'elle avait omis de mentionner le compte Postfinance de son fils dans ses demandes de prestations à l'hospice.

La violation fautive de Mme A______ de son obligation de renseigner à deux reprises (non déclaration du compte de son fils et omission d'informer l'hospice du fait que celui-ci percevait directement la contribution d'entretien du SCARPA) ne lui permettait pas de se prévaloir de sa bonne foi.

Dans la procédure ayant conduit à l'ATA/803/2018, elle avait déjà invoqué son état de santé ainsi que ses hospitalisations afin de justifier son manquement à son obligation de renseigner l'hospice. Ses arguments n'avaient pas été retenus par la chambre de céans, qui avait souligné que l'hospitalisation était intervenue plus d'un mois après que cette dernière ait reçu le courrier du SCARPA.

L'hospice a dès lors conclu au rejet du recours.

12) Le 12 février 2021, Mme A______ a persisté dans ses arguments et a demandé l'audition du Dr E______ en qualité de témoin.

13) La cause a été gardée à juger le 5 mars 2021, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 3 novembre 2020 du directeur de l'hospice, rejetant la demande de remise totale de la recourante. Selon l'hospice, il ne peut pas être question de bonne foi, la recourante ne l'ayant pas informé que du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014, son fils percevait directement la contribution d'entretien du SCARPA. Les contributions n'étaient en effet plus versées à l'hospice, mais sur le compte de son fils. Le fait d'avoir corrigé la situation le 7 avril 2014 ne saurait guérir son absence de bonne foi au moment de la réception des prestations indues. Pour sa part, la recourante demande à obtenir une remise totale, invoquant son état de santé durant la période litigieuse.

3) a. Aux termes de l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1) ; par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2) ; le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

b. À teneur de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1377/2017 du 10 octobre 2017).

4) Selon la doctrine, l'autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (materielle Rechtskraft) se rapporte à la stabilité du contenu d'une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d'une décision d'une autre administration entrée en force, et autorité de chose jugée, qui se rapporte à celle d'une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d'une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d'une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d'une décision exige une pesée de l'intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l'affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d'une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l'autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'aux points effectivement tranchés par l'autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l'autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 867 à 869 p. 308).

5) Dans son arrêt du 7 août 2018 (ATA/803/2018) désormais entré en force de chose jugée, la chambre de céans a clairement retenu que la recourante avait violé son devoir de renseigner immédiatement l'hospice et qu'elle avait été négligente car il lui revenait de porter aux relevés bancaires que lui remettait son fils toute l'attention nécessaire. Entendue en comparution personnelle, la recourante avait d'ailleurs admis avoir omis de mentionner le compte Postfinance de son fils dans ses demandes de prestations à l'hospice.

Concernant ses hospitalisations, la chambre de céans avait examiné les mêmes pièces que la recourante verse à nouveau à la présente procédure et qui démontrent que son hospitalisation était survenue un mois après la réception du courrier litigieux, soit le 22 janvier 2013. Dès lors, cette appréciation ne peut pas être remise en cause.

Pour le surplus, il ressort de la jurisprudence constante de la chambre de céans qu'un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014).

La seule pièce nouvelle portée à la procédure est datée du 2 décembre 2020 et donc postérieure à sa prise de position du 15 mai 2020 alors qu'elle concerne la période litigieuse de novembre 2012 à fin février 2014. L'hospice n'a donc pas pu se déterminer sur la base de cette attestation, ce dont on ne peut pas lui faire grief. Il ne paraît pas nécessaire d'auditionner le Dr E______, le contenu de son attestation étant clair.

Par ailleurs, cette attestation est insuffisante à renverser l'appréciation contenue dans l'arrêt du 7 août 2018 par rapport à l'état médical de la recourante.

Dès lors, la condition de la bonne foi de l'art. 42 LIASI n'est pas remplie, de sorte que la décision du 3 novembre 2020 paraît conforme au droit.

Le recours sera rejeté.

6) Enfin, la prescription de dix ans n'est pas atteinte (art. 36 ch. 3 LIASI)

7) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).



* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'Hospice général du 3 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lionel Bugmann, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :