Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2059/2020

ATA/891/2020 du 15.09.2020 ( LAVI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2059/2020-LAVI ATA/891/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 septembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Philippe Bonna, avocat

contre

Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions

et

Madame B______



EN FAIT

1) Le 7 janvier 2020, Madame B______, agissant en personne, a sollicité du Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions (ci-après : Centre) la prise en charge des honoraires d'avocat de Monsieur A______, qui l'avait assistée dans une procédure pénale.

2) Par décision du 30 juin 2020, le Centre a reconnu à Mme B______ la qualité de victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 23 mars 2007 (LAVI - RS 312.5) et lui a, notamment, octroyé la prise en charge de 24 heures 30 minutes de travail d'avocat dans le cadre de l'aide à plus long terme relative à la procédure pénale à laquelle elle avait été partie, en sus des quatre heures consacrées à l'aide immédiate, représentant le montant de CHF 3'683.35, après déduction des CHF 2'455.55 couverts par C______ SA.

3) Par acte déposé le 10 juillet 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), Monsieur A______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation.

Il se demandait si son ancienne cliente avait rendu vraisemblable qu'elle n'avait pas pu obtenir de prestations de tiers. Il s'interrogeait aussi s'il était « naturel » que le Centre intervienne au « simple motif » que l'intéressée se refusait à faire le nécessaire auprès d'un tiers contractuellement tenu de l'indemniser et s'il était « bon » que « l'argent public pallie les manquements des assureurs et l'apathie, la mollesse ou la simple paresse des assurés ». Il se demandait également s'il était légitime de « contraindre après coup » un avocat à revenir sur le montant de ses honoraires.

Il ne comprenait pas pourquoi 24 heures 30 minutes d'activité avaient été retenues et non 25 heures 40 minutes.

4) Le Centre a conclu à l'irrecevabilité du recours. L'avocat agissait en son nom propre, ayant cessé d'occuper pour Mme B______. Ne la représentant plus, il ne pouvait agir à sa place.

La décision avait appliqué par analogie les directives relatives à l'assistance juridique pour déterminer le montant à prendre en charge. Le recourant adoptait une attitude contradictoire. Celui-ci avait d'abord indiqué au Centre que sa mandante avait choisi de refuser l'aide étatique car elle était couverte par son assurance de protection juridique. Il avait ensuite remboursé à celle-ci les honoraires dont elle s'était acquittée pour ensuite en réclamer le paiement au Centre. Cette manière de procéder était contraire à la bonne foi.

5) Mme B______ ne s'est pas déterminée dans le délai imparti.

6) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.

7) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Se pose la question de savoir si le recourant dispose de la qualité pour agir.

a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018). Les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/799/2018 du 7 août 2018 et l'arrêt cité).

La notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle de l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), à savoir que le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/806/2020 du 25 août 2020 consid. 2 b et c )

b. La LAVI règle l'aide aux victimes d'infractions à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle. La victime au sens précité ainsi que son conjoint, leurs enfants, les père et mère et leurs proches sont les bénéficiaires de l'aide accordée (art. 1 al. 1 et 2 LAVI).

L'aide est fournie par des centres de consultations (art. 12 et ss LAVI) que les cantons doivent instaurer (art. 9 al. 1 LAVI). À Genève, ce rôle est dévolu à l'Association du centre genevois de consultations pour victimes d'infractions (art. 2 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 13 avril 2011 (RaLAVI - J 4 10.01), qui est chargée d'accorder les prestations prévues par la LAVI (art. 3 al. 1 RaLAVI). Parmi les différents types d'aide apportée par la LAVI à la victime, figure la contribution aux frais d'une aide à plus long terme fournie par un tiers (art. 2 let. c LAVI). Selon l'art. 4 al. 3 RaLAVI, à défaut de prise en charge par l'assistance juridique et à titre subsidiaire aux prestations dues par d'autres tiers, telles qu'une assurance de protection juridique, la victime peut solliciter la prise en charge de ses frais d'avocat au titre de l'aide immédiate ou de contribution aux frais d'une aide à plus long terme fournie par un tiers.

Les dispositions légales ou réglementaires qui précèdent mettent la victime et ses proches au centre des préoccupations de la LAVI. Plus précisément, ce sont elles qui sont les destinataires des décisions prises en application de cette disposition. À ce titre, ces personnes sont touchées directement par ces décisions et ont la qualité pour recourir (art. 60 let. a et b LPA). Il n'en va pas de même de l'avocat de la victime, auquel la LAVI ou la législation d'exécution cantonale n'accorde aucun droit direct en rapport avec la prise en charge de ses honoraires (ATA/1210/2017 du 22 août 2017 consid. 2a).

c. En l'espèce, le recourant, qui fait valoir ses honoraires d'avocat en lien avec l'activité déployée en faveur de Mme B______, ne peut se prévaloir de la qualité de victime au sens de la LAVI ; il ne le soutient d'ailleurs pas.

Or, seule son ancienne cliente revêt la qualité de victime au sens de la LAVI et est donc titulaire des droits que cette loi lui confère. Celle-ci a sollicité l'aide du Centre le 7 janvier 2020 et est destinataire de la décision attaquée. Elle n'a pas contesté la décision du 30 juin 2020 rendue par le Centre. Par ailleurs, le recourant n'était pas partie à la procédure de première instance. En outre, ni la LAVI ni la législation cantonale ne confèrent un droit direct à l'avocat en lien avec la prise en charge de ses honoraires.

Au vu de ce qui précède, le recourant doit se voir dénier la qualité pour agir au sens de l'art. 60 LPA. Son recours sera ainsi déclaré irrecevable.

3) Compte tenu de l'issue du litige et du fait que le recourant n'a pas la qualité de victime ou de proche d'une victime (art. 30 al. 1 LAVI), un émolument de CHF 500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA). Il n'y a pas non plus lieu d'allouer une telle indemnité à Mme B______, qui ne s'est pas déterminée dans la procédure, ni au Centre, qui a agi en son propre nom.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 10 juillet 2020 par Monsieur A______ contre la décision du Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions du 30 juin 2020 :

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Bonna, avocat du recourant, à Madame B______ ainsi qu'au Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :