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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1119/2020

ATA/887/2020 du 15.09.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1119/2020-AIDSO ATA/887/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 septembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS



EN FAIT

1) Madame A______ (ci-après : la mère), domiciliée à Genève, est la maman de B______, née le ______2003.

2) Par décision du 10 mars 2020, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a facturé la contribution de la mère aux frais d'entretien mensuels relatifs au placement de B______, à compter du 1er janvier 2020.

Celle-ci s'élevait à un total de CHF 1'255.- (CHF 900.- représentant les frais de pension et CHF 355.- pour l'entretien personnel de B______, compte tenu de la tranche d'âge de 16 à 18 ans). Cette contribution tenait compte d'un rabais de 0 % sur la base du revenu de la mère et du nombre d'enfant(s) à sa charge.

3) Par acte du 6 avril 2020, la mère a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle avait besoin d'explications s'agissant d'une augmentation de la contribution de CHF 237.- mensuellement à CHF 1'255.-. Selon son revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) 2020, ses rentes en 2018 s'étaient élevées à CHF 8'337.-. Ses autres revenus concernaient exceptionnellement et bien malgré elle le revenu issu du « 2ème pilier de leur papa restant placé dans l'eo-lieu (sic) professionnel ». Son revenu restait modeste et les acquis de ses enfants ne lui appartenaient pas. Elle demandait ce qu'elle devait faire afin que le RDU de l'année 2020 ne la pénalise pas dans toute démarche administrative ou sociale.

4) Le SPMi a répondu le 22 avril 2020 que sur la base de l'année fiscale 2018 de la mère, sa contribution au prix de pension et aux frais d'entretien personnel de B______ était au maximum. Comme il n'avait pas accès au RDU détaillé des contribuables, il ne lui était en l'état pas possible de savoir précisément ce qui avait donné lieu au changement de code tarif entre l'année fiscale 2017/RDU 2019 et 2018/RDU 2020, hormis une augmentation de revenus. Le SPMI invitait partant la mère à lui transmettre les attestations RDU 2019 et 2020 et à contacter le centre de compétence du RDU (ci-après : CCRDU) pour tout renseignement complémentaire.

5) La mère a transmis, par pli parvenu le 18 mai 2020, ses attestations annuelles pour ses RDU 2019 et 2020 et leur détail. Il en découle que son RDU total s'élevait à CHF 68'518.- en 2019, respectivement à CHF 470'226.- en 2020. Elle a indiqué que la somme figurant dans les « autres revenus » servant au calcul de la contribution 2020, de CHF 440'552.- ne faisait pas partie de son budget. Elle était d'accord de participer aux frais de sa fille mais la somme mensuelle de CHF 1'255.-, après celle de CHF 255.-, lui paraissait très importante au vu de son budget.

6) Sur la base de ces éléments, le SPMI a, par écrit du 17 juin 2020, maintenu sa décision du 10 mars précédent.

Il n'était pas de sa compétence de se prononcer sur l'exactitude d'un élément de revenu mentionné au RDU. Comme il s'agissait d'éléments fiscaux, il appartenait à la mère de faire recours contre son bordereau 2018 si elle l'estimait incorrect. En l'état, le SPMI ne pouvait faire abstraction du montant de CHF 440'552.- dès lors qu'il figurait bien à son RDU 2020, pour l'année fiscale 2018.

7) Le 21 juillet 2020, la mère a transmis des courriers du même jour qu'elle avait adressés au SPMi, à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) et au CCRDU. Elle déplorait la prise en compte des transferts de 2ème pilier au titre de revenus alors qu'elle ne pouvait pas y « toucher », ni ses enfants, si ce n'était sous forme de rentes. Cette manière de faire impliquerait un paiement d'impôts sur une somme non perçue puis sur de rentes ultérieures ce qui aboutirait à une double taxation. De plus, la prise en compte d'un revenu fictif la condamnait à payer plus cher et la privait d'aides auxquelles elle devait avoir droit. Compte tenu de ses revenus réels, il lui était impossible de verser le montant élevé retenu par le SPMi. Elle avait toujours fait face à ses engagements. Suite à cette erreur, il ne lui était plus possible d'assumer. Elle demandait à ce que la cause soit gardée à juger à une date ultérieure le temps que les divers services administratifs veuillent bien « réviser cette affaire ».

8) La cause a été gardée à juger le 28 juillet 2020, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1243/2017 précité consid. 2a).

c. En l'espèce, la recourante n'a pas pris de conclusions formelles dans son recours. La chambre administrative comprend toutefois qu'elle est en désaccord avec le montant de la contribution aux frais d'entretien mensuels relatifs au placement de sa fille pour l'année 2020.

Le recours est ainsi recevable.

3) a. Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC).

Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

b. L'art. 310 al. 1 CC prévoit que lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement de l'enfant ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire l'enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

c. Lorsque l'enfant est placé, l'office de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 1 al. 1, 2 al. 1 et 2, ainsi que 3 du règlement fixant la contribution des père et mère aux frais d'entretien du mineur placé hors du foyer familial ou en structures d'enseignement spécialisé de jour du 21 novembre 2012 - RCFEMP - J 6 26.4).

d. En vertu de l'art. 2 RCFEMP, lors de placements résidentiels au sens de l'art. 1 al. 1 let. a à c RCFEMP, le prix de pension est facturé sur une base journalière forfaitaire fixée à CHF 30.- (al. 1). À ce montant se rajoutent les frais d'entretien personnel du mineur qui sont à la charge des père et mère (al. 2).

Conformément au ch. 3 de la directive interne d'application du RCFEMP, entrée en vigueur le 1er janvier 2015 (ci-après : directive 2015), quel que soit le nombre de jours compris dans le mois, le montant forfaitaire mensuel prévu à l'art. 2 al. 1 RCFEMP est fixé à CHF 900.- (ATA/873/2019 du 7 mai 2019 consid. 3d).

L'art. 3 RCFEMP prévoit que les frais d'entretien personnel mensuels s'élèvent à CHF 355.- pour un enfant dès 16 ans.

L'art. 5 al. 1 RCFEMP prévoit qu'un rabais, fondé sur le RDU, est accordé aux père et mère, pour le prix de pension fixé à l'art. 2 al. 1 et les frais d'entretien personnel définis à l'art. 3. Cinq niveaux de revenus sont mentionnés, auxquels correspondent un pourcentage de réduction. Selon le niveau 5, pour une limite du revenu familial supérieur à CHF 95'000.-, il n'y a plus de réduction.

e. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'enfant est placée.

Le montant de CHF 1'255.- est conforme à l'art. 2 al. 1 et 2 ainsi qu'à l'art.  3 RCFEMP puisqu'il se compose des CHF 900.- de frais de pension et de CHF 355.- de frais personnels, correspondant au montant prévu pour l'âge de l'enfant.

Aucun rabais n'a été accordé pour 2020, compte tenu d'un RDU 2020 supérieur à CHF 102'501.-.

Ce montant tient compte, étant rappelé que 2018 est l'année de référence, d'un montant de CHF 440'552.- au titre de revenu. La recourante explique qu'il s'agit d'un revenu « fictif », puisque provenant du 2ème pilier de feu le père de ses enfants. Elle indique que ce montant ne lui est pas accessible pas plus qu'à ses enfants, mais qu'en revanche elle dispose de rente (s).

Si au stade de la réplique elle produit des lettres qu'elle aurait adressées notamment à l'AFC en juillet 2020 pour contester la prise en compte dans sa taxation du montant de CHF 440'552.-, elle ne soutient pas ni n'étaye avoir formé une réclamation en temps utile auprès de l'AFC contre sa taxation 2018, de sorte que la suite qui sera donnée à sa récente démarche est incertaine.

Certes, selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions. C'est ce à quoi conclut la recourante en dernier lieu.

Il s'agit-là néanmoins d'une possibilité qui s'offre notamment à la chambre administrative. Or, dans la mesure où, comme déjà relevé, il n'est pas même certain que l'AFC entre en matière sur une réclamation portant sur un bordereau de 2018, la chambre de céans ne suspendra pas la présente procédure dans l'attente de l'issue d'une hypothétique procédure fiscale.

Dans ces conditions, la chambre de céans, qui est saisie uniquement du litige en lien avec la contribution due par la recourante en faveur de sa fille, retiendra qu'en l'état de la situation, le SPMi a valablement calculé cette contribution pour l'année 2020 sur la base du RDU année de référence 2018.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

4) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 avril 2020 par Madame A______ contre la décision du service de protection des mineurs du 10 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :