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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2684/2013

ATA/743/2014 du 23.09.2014 ( DIV ) , REJETE

Descripteurs : CADAVRE ; FUNÉRAILLES ; CRÉMATION ; TOMBE ; POLICE DES CIMETIÈRES ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE ; LIBERTÉ PERSONNELLE ; DE CUJUS ; MEMBRE DE LA FAMILLE ; CONCUBINAGE ; HOMOSEXUALITÉ ; TESTAMENT ; GRAVITÉ DE L'ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL ; INTÉRÊT PUBLIC ; PAIX DES MORTS ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS D'AUTRUI ; DROIT À UN ENTERREMENT DÉCENT ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; PROPORTIONNALITÉ ; APPEL EN CAUSE ; MORT ; PARTIE À LA PROCÉDURE ; SUBSTITUTION DE PARTIE
Normes : LPA.71 ; Cst.29.al2 ; Cst.7 ; Cst.10.al2 ; Cst.36.al2 ; LCim.1 ; LCim.2 ; LCim.4.al4 ; LCim.8A ; RCimVdG.1 ; RCimVdG.7.al1 ; RCimVdG.22 ; RCimVdG.28 ; RCimVdG.41.al1
Résumé : Le recourant est touché dans sa liberté personnelle par le refus de la Ville de Genève de procéder à l'exhumation de l'urne cinéraire de son défunt compagnon en vue d'un transfert dans un autre canton. L'atteinte subie repose néanmoins sur une base légale, est justifiée par un intérêt public, ainsi que par la protection des droits fondamentaux d'autrui, et respecte le principe de la proportionnalité. L'autorité intimée a correctement pesé les différents intérêts en présence. Elle s'est employée à respecter les dernières volontés du défunt, lesquelles ont fondamentalement préséance sur les droits de la personnalité des proches survivants, y compris de celui qui s'avère le plus affecté par le décès, de décider du sort d'un cadavre. Sa décision n'emporte ainsi pas de violation de la liberté personnelle du recourant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2684/2013-DIV ATA/743/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 septembre 2014

 

dans la cause

Monsieur A______
représenté par Me David Métille, avocat

contre

VILLE DE GENèVE - DéPARTEMENT DE LA COHéSION SOCIALE ET DE LA SOLIDARITé

et

Madame B______

Hoirie de feu Monsieur C______, soit pour elle Madame D______ et Messieurs E______ et F______, appelés en cause
représentés par Me Jacopo Rivara, avocat

 



EN FAIT

1) Monsieur G______, né le ______ 1957 et domicilié à H______ (Genève), est décédé le ______ 2012 des suites d’un accident de la circulation routière.

Depuis le 9 septembre 1990, Monsieur A______, né le ______ 1963 et domicilié à I______ (Valais), était son ami intime. Les deux intéressés passaient leurs week-ends et leurs vacances ensemble.

2) Par testament olographe du 26 septembre 2010, M. G______ a institué son frère, Monsieur C______, sa sœur, Madame B______ et M. A______ comme héritiers, leur attribuant à chacun un tiers de sa fortune.

Il a en outre désigné son cousin germain, Me J______, avocat, comme exécuteur testamentaire.

3) Ce testament contenait notamment les clauses suivantes :

« Je soussigné G______ ( ) aujourd’hui en possession de toutes mes facultés mentales, déclare :

-          ( )

-          qu’en cas de décès, je veux uniquement un recueillement, mais pas de cérémonie religieuse ( ) ;

-          vouloir être incinéré, laissant toutefois à mes proches le choix de disposer de mes cendres comme ils l’entendront ;

-          que si A______ ( ) me survit qu’il puisse participer aux décisions qui seront à prendre pour ma succession. A______ ayant été mon ami intime depuis le 9 septembre 1990, je considère qu’il a le droit de participer à “l’après G______” ;

-          que A______ devra participer à la liquidation de mon appartement où il pourra prendre les objets qu’il voudra quelle que soit leur valeur ;

-          ( ).

Je souhaite que le respect de ces volontés se déroulera sans histoire ».

4) Dans un document non daté intitulé « mes dernières volontés », M. G______ a réitéré ses souhaits :

« Il faut que vous sachiez que je ne veux pas de cérémonie religieuse, mais uniquement un recueillement, à l’issue duquel je veux être incinéré. Je vous laisse le choix du devenir de mes cendres.

Dans tous les cas je veux que A______ puisse participer aux décisions que vous pourriez prendre ( ) ».

5) Le 1er février 2012, le faire-part de décès de feu M. G______ est paru dans la presse. Les membres de sa famille y figuraient, dont en particulier Mme B______ et M. C______, suivis de M. A______ qui y était décrit comme le compagnon du défunt.

6) Le même jour, Mme B______, M. C______ et M. A______ (ci-après : les héritiers) se sont rendus à l’appartement de M. G______, en présence de la Justice de Paix.

Sur proposition de M. A______, ils ont rencontré Monsieur K______, officiant indépendant, afin d’organiser à la chapelle funéraire du cimetière L______ (Genève) la cérémonie laïque voulue par le défunt.

Ils se sont ensuite rendus au service des pompes funèbres, cimetières et crématoires (ci-après : SPF ou le service) de la Ville de Genève (ci-après : la ville), qui leur a expliqué le déroulement des diverses prestations proposées et leur a notamment présenté le modèle d’urne cinéraire habituellement utilisé.

Mme B______ et M. C______ ont proposé que l’urne contenant les cendres de leur frère soit placée dans la sépulture de leurs parents, sise dans le cimetière M______ (Genève), sans que M. A______ ne s’y oppose.

Le SPF a ensuite établi le devis des différentes prestations retenues par les héritiers, devis que M. C______ a signé en tant que « personne responsable de l’organisation et du paiement des obsèques », respectivement « personne ( ) habilitée à procéder à l’organisation des obsèques du/de la défunt/e ». La destination des cendres de M. G______ y figurait sous les termes « M______ sur tbe Monsieur N______ n° 1______ échéance 2017 ».

7) De nombreuses personnes ont assisté à la cérémonie funèbre du 3 février 2012.

8) Selon la fiche d’incinération du centre funéraire L______, M. G______ a été incinéré le même jour, et ses cendres déposées dans une urne.

Le transfert de celle-ci, du centre funéraire L______ au cimetière M______, a été effectué par le gardien du cimetière L______ entre le 6 et le 8 février 2012. Le gardien du cimetière M______, assisté d’un fossoyeur, a procédé à son inhumation dans la tombe 1______ du quartier 1 dudit cimetière, soit celle de Mme et M. N______, le 9 février 2012 à 08h30. Aucun proche ni membre de la famille n’ont assisté au transport ou à la mise en terre de l’urne.

9) Le 13 février 2012, Mme B______ et M. C______ ont fait paraître dans deux quotidiens romands, au nom de la famille et des proches du défunt, des remerciements à l’adresse des nombreuses personnes qui avaient manifesté leur soutien lors des funérailles.

10) Le 24 févier 2012, M. A______ a également fait publier, dans plusieurs journaux romands, alémaniques et tessinois, des annonces de remerciements.

11) Par courrier du 6 mars 2012, M. A______ a interpellé Me J______ en sa qualité d’exécuteur testamentaire du défunt.

S’agissant de son ensevelissement, M. G______ avait pris des dispositions testamentaires qui devaient être respectées. Dans la mesure où il était la personne la plus étroitement liée au défunt et la plus affectée par sa disparition, lui-même disposait subsidiairement du pouvoir de disposer des cendres de son compagnon. Le fait d’avoir déplacé celles-ci du centre funéraire L______ au cimentière M______ contrevenait aux deux principes sus-rappelés. Il n’avait pas pu assister à la mise en terre de l’urne et n’avait pas été consulté quant au choix de celle-ci. Il avait subi un grand choc en découvrant que la tombe où les cendres de son compagnon avaient été inhumées ne portait pas le nom de ce dernier.

Copie de son courrier était notamment transmise à la direction des cimetières de la ville.

12) Le 15 mars 2012, Me J______ a répondu à M. A______.

La Justice de Paix l’avait informé de sa qualité d’exécuteur testamentaire le 13 février 2012. Il n’avait dès lors pas pu participer aux démarches entreprises par les héritiers avant cette date. Il avait contacté le SPF, Mme B______ et M. C______ pour vérifier ses affirmations.

Les dernières volontés du défunt avaient été pleinement respectées. Il avait pu prendre part à toutes les décisions revenant aux héritiers (choix du maître de cérémonie, du cercueil, de l’urne cinéraire, etc.). Lorsque Mme B______ et M. C______ avaient proposé que les cendres du défunt soient inhumées dans la tombe de leurs parents au cimentière M______, il n’avait en particulier émis aucune objection à cette proposition qui avait donc été retenue. Le transport de l’urne avait été effectué par une personne compétente avec tous les égards et les soins que commandaient les circonstances.

13) Par courrier du 17 mars 2012, M. A______ a adressé des excuses à Me J______.

N’ayant été informé de ses fonctions d’exécuteur testamentaire qu’à compter du 13 février 2012, ce dernier ne pouvait évidemment pas prendre des mesures pour assurer le respect des dernières volontés du défunt avant cette date. Les manquements qu’il avait reprochés à la direction des cimetières étaient également infondés.

14) Le 29 mars 2012, le SPF a accusé réception du courrier de Me J______ du 15 mars 2012, prenant bonne note que le malentendu était dissipé.

15) Dans le cadre de la liquidation de la succession, les héritiers se sont ensuite opposés sur plusieurs points (remboursement des frais d’annonces de remerciements et de déménagement du mobilier du défunt engagés par M. A______, attribution des photos de famille retrouvées dans l’appartement, conditions de vente de celui-ci, etc.). Les conflits ont duré plusieurs mois, alimentés par de nombreux échanges de correspondance entre héritiers directement ou par l’intermédiaire de leurs mandataires respectifs.

16) Par courrier du 27 juillet 2012 adressé au conseil de Mme B______ et de M. C______, ainsi qu’à la direction des cimetières, M. A______ a exigé que l’urne de son compagnon défunt soit exhumée du cimetière M______, en vue de son inhumation dans le cimetière de I______.

Contrairement aux allégations de l’exécuteur testamentaire, il n’avait pas été informé que l’inhumation aurait lieu le 8 février 2012. L’aurait-il su qu’il n’aurait tout de même pas pu y assister puisqu’elle avait finalement eu lieu le 9 février 2012, changement de date dont il n’avait pas non plus été informé. Il ne signerait les documents et actes de vente de l’appartement du défunt qu’à la condition que les restes de ce dernier soient identifiés et lui soient restitués.

Ni Mme B______, ni M. C______ n’étaient légitimés à succéder à leur frère, compte tenu du manque d’intérêt dont ils avaient fait preuve à son égard.

17) Par courrier de leur avocat du 13 août 2012, Mme B______ et M. C______ ont répondu à M. A______.

Ses prétentions relatives à l’urne cinéraire du défunt étaient dénuées de tout fondement juridique, attentatoires à la paix des morts et incongrues. N’ayant pas conclu de partenariat enregistré avec M. G______, il n’avait aucun droit sur ses cendres.

18) Par courrier du 14 août 2012, M. A______ a persisté à réclamer que l’urne cinéraire de son compagnon lui soit remise.

19) Le 5 septembre 2012, l’exécuteur testamentaire a pris position sur les différents points litigieux entre les héritiers. S’agissant de la localisation de l’urne du défunt, elle ne relevait pas de la liquidation de la succession, de sorte qu’il n’avait pas à se prononcer sur cette question.

20) Le 12 septembre 2012, Mme B______ et M. C______ ont, par l’intermédiaire de leur avocat, répondu à ce courrier.

M. A______ n’était pas habilité à décider où l’urne cinéraire devait être déposée, dans la mesure où cette question ne relevait pas de la liquidation de la succession. Il n’était pas un proche au sens où la loi l’entendait. L’articulation du testament démontrait que le défunt souhaitait que les questions relatives à ses funérailles et à son décès soient réglées par sa famille, M. A______ ne devant prendre part qu’à la liquidation de la succession et au partage des biens. Leur frère ayant passé toute sa vie à Genève, ils s’opposaient au déplacement de son urne funéraire et à ce que celle-ci soit confiée à M. A______.

21) Par courrier du 14 septembre 2012, M. A______ s’est déterminé.

Le projet de vie de son compagnon, exprimé auprès de dizaines de personnes prêtes à en témoigner, était de venir s’installer dans le Valais et de quitter au plus vite le canton de Genève. M. G______ avait décidé de transférer ses papiers dans la commune de O______ (Valais), puis de s’installer dans celle de P______ (Valais) qu’ils avaient visitée ensemble entre Noël et Nouvel An 2011. Il avait même contacté une personne qui souhaitait vendre son chalet du côté de Q______ (Valais). S’ils en avaient eu le temps, ils auraient acheté une maison commune en Valais où son compagnon aurait pu vivre une retraite paisible, aux côtés de sa famille de cœur, avant d’y décéder. M. G______ aurait donc été inhumé en Valais, n’ayant plus d’amis d’enfance à Genève où ses frère et sœur, ainsi que ses collègues ne se rendraient vraisemblablement pas plus d’une fois sur sa tombe.

22) Le 19 septembre 2012, Mme B______ et M. C______ ont répondu à M. A______ par l’intermédiaire de leur avocat.

Ils prenaient bonne note de ses explications et des projets envisagés du vivant de leur frère. N’étant pas un partenaire enregistré, il ne pouvait toutefois pas revendiquer les droits en découlant. Dans les faits, M. G______ et lui-même n’étaient que concubins durant le week-end et les vacances, chacun ayant conservé son domicile séparé. Leur frère avait rédigé son testament peu avant sa mort et n’avait pas demandé expressément que ses cendres soient déposées en Valais.

Sa demande de pouvoir transférer les cendres de leur frère était attentatoire à la paix des morts, dans la mesure où il n’était ni un proche, ni un familier du défunt au sens du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il était hors de question que l’urne lui soit confiée, celle-ci devant rester là où elle était inhumée, conformément à la décision qui avait été prise de concert avec lui.

23) Le 21 septembre 2012, le SPF a informé M. A______ que dans l’organisation des obsèques, de l’incinération et de la mise en terre ou du dépôt des cendres, il avait pour seul interlocuteur la personne qui s’était annoncée comme « responsable de l’organisation et du paiement des obsèques ». Par sa signature, cette personne se déclarait « habilitée à procéder à l’organisation des obsèques du-de la défunt-e ». Il n’entrait pas dans les missions du service de s’immiscer dans l’organisation interne d’une famille. Il n’avait aucune compétence pour prendre connaissance des dernières volontés ou du testament du défunt, ni de vérifier que les prestations commandées leur soient bien conformes.

24) Par acte du 30 novembre 2012, M. A______ a déposé une plainte pénale contre l’exécuteur testamentaire, Mme B______ et M. C______ auprès du Ministère public genevois concernant le sort réservé à l’urne cinéraire de son compagnon.

25) Le 23 février 2013, M. A______ a retiré cette plainte, en en adressant une nouvelle au Ministère public concernant les mêmes faits mais contre Mme B______ seulement.

26) Par courriel du 2 avril 2013, Mme B______ a détaillé à son avocat les relations qu’elle entretenait avec son frère défunt.

Depuis l’enfance, M. G______, de quatre ans son aîné, avait toujours été son complice. Ils s’étaient soutenus dans les moments difficiles (le décès de leur mère, de leur sœur et de leur père). Depuis plus de trente ans, elle était la seule de la famille à connaître son homosexualité, et cela n’avait jamais altéré son affection pour lui. En 1997 et 2001, elle avait fait deux voyages à New York avec son frère et ses enfants. M. A______ était présent lors du second, qui s’était bien passé. Lorsqu'elle avait déménagé pour s’établir au Tessin en 2008, son frère l’avait accueillie durant deux semaines chez lui. Malgré son éloignement de Genève, ils se voyaient aussi régulièrement que possible. Ils passaient tous leurs Noëls ensemble, ses enfants aimant profondément leur oncle. En 2011, ils avaient à nouveau fait un voyage ensemble à Barcelone, lors duquel M. A______ était présent. Elle téléphonait régulièrement à son frère à qui elle avait encore parlé la veille de son décès.

27) Le 14 mai 2013, M. A______ a, par l’intermédiaire d’un avocat, sollicité du SPF l’autorisation de procéder à l’exhumation de l’urne contenant les cendres de son compagnon, en vue de son transfert au cimetière de I______.

28) Le 15 mai 2013, Mme B______ et M. C______ se sont opposés à la délivrance d’une telle autorisation.

29) Par courrier adressé au SPF le 21 mai 2013, M. A______ a persisté dans sa demande d’autorisation.

Il était exact que le défunt et lui-même n’étaient pas liés par un partenariat enregistré et qu’ils ne vivaient pas en semaine sous le même toit. Leurs relations d’intimité étaient toutefois parfaitement assimilables à celles d’un couple marié impliquant deux compagnons de vie menant chacun leur carrière en tant que cadres supérieurs. Il était la personne la plus proche du défunt, avec lequel il entretenait des relations quotidiennes. Les quelques contacts que le défunt avait maintenus avec son frère et sa sœur étaient des plus lâches, le premier ayant jusqu’à peu ignoré son homosexualité.

Dans les suites immédiates du décès, il ne s’était pas tout de suite opposé à ce que les cendres de son compagnon reposent aux côtés de ses parents prédécédés au cimetière M______, mais il était encore sous le choc à ce moment. Rien ne l’empêchait de se raviser quelques semaines plus tard, un tel changement n’étant pas tardif à teneur de la jurisprudence. L’attitude qui lui était reprochée était également sans pertinence s’agissant de la question de savoir à qui appartenait la décision finale de décider du sort de l’urne cinéraire du défunt. Cette attitude démontrait au contraire qu’il était la personne la plus affectée sur un plan émotionnel par le décès de M. G______.

30) Le 29 mai 2013, Mme B______ et M. C______ ont réitéré leur opposition.

L’ignorance prétendue de l’homosexualité du défunt par son frère n’impliquait pas en elle-même une quelconque distance affective. Ils ne contestaient pas que M. A______ et leur frère eussent été intimes, mais leurs propres rapports avec le défunt n’étaient pas insignifiants pour autant. L’on ne pouvait pas considérer que la relation de M. A______ avec le défunt était à ce point exceptionnelle qu’elle l’emporterait en qualité et en intensité sur toutes celles que le second entretenait avec les siens. Non seulement M. A______ ne s’était pas opposé à l’inhumation des cendres de son compagnon au cimetière M______, mais il y avait acquiescé. Rien ne l’empêchait de se raviser, mais un tel changement d’avis ne devait pas être admis à la légère, après que l’urne avait été inhumée.

31) Le 30 mai 2013, le SPF a répondu à M. A______.

Le droit à un enterrement et à une sépulture décents était garanti par la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101). Dans le cas d’espèce, le service avait agi en accord avec les vœux exprimés par la « personne responsable de l’organisation des obsèques » et s’était acquitté de son obligation d’offrir une telle sépulture. La famille ou les proches restaient libres d’envisager une autre destination pour l’urne cinéraire du défunt. Ayant été informé de l’existence d’un différend familial à ce sujet, le service s’était assuré que les cendres de M. G______ reposent, pour le moment, dans le respect dû aux droits d’une personne défunte. Il avait conclu à une situation conforme sur les points relevant de sa compétence. Il n’était pas habilité à trancher le conflit l’opposant à la famille de son compagnon et ne prendrait aucune mesure susceptible de modifier l’état de fait dans les circonstances actuelles.

32) Par courrier du 21 juin 2013, M. A______ a pris acte du fait que le SPF s’estimait incompétent pour statuer sur sa demande de transfert de l’urne cinéraire de son compagnon.

Le débat ne portait pas sur la question de savoir si la procédure initiale d’inhumation avait été correctement suivie, mais uniquement sur celle de savoir qui était la personne la plus proche du défunt et si cette dernière pouvait exiger le transfert de l’urne. La police des inhumations était, de par la loi, soumise à la surveillance du département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE). Aucune exhumation ne pouvait avoir lieu sans l’autorisation de ce département, ni celle de la ville. Le SPF était donc bien compétent pour statuer sur sa demande, moyennant l’autorisation du département compétent au sens de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Il exigeait, partant, qu’une décision formelle soit rendue, le SPF devant transmettre le dossier à l’autorité compétente en application de l’art. 11 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) au cas où il persistait à se considérer incompétent.

33) Parallèlement, M. A______ a demandé l’approbation du département des affaires régionales, de l’économie et de la santé, devenu depuis lors le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS), quant au transfert de l’urne de son compagnon.

34) Le 2 juillet 2013, le SPF a accusé réception de la demande de M. A______ du 21 juin 2013. Pour des raisons de compétence, celle-ci était transmise au département municipal de la cohésion sociale et de la solidarité (ci-après : le DCSS).

35) Par décision du 22 juillet 2013, le DCSS a rejeté la demande de M. A______ tendant à ce que l’urne cinéraire de feu M. G______ inhumée au cimetière M______ lui soit remise en vue de son transfert dans un autre cimetière.

Lorsque des cendres étaient conservées dans l’enceinte d’un cimetière municipal, toute question les concernant relevait de l’autorité, de la police et de la surveillance de la commune concernée, soit, pour la ville, du SPF. Selon l’art. 7 al. 1 du règlement des cimetières de la ville du 10 octobre 2012 (RCimVdG – LC 21 351.1), ce service traitait avec la personne que la famille avait désignée pour la représenter. La famille était responsable des choix opérés en matière d’obsèques et de l’entretien de l’emplacement mis à disposition. La pratique consistait à prendre en considération les dernières volontés du défunt, si elles étaient connues du service ou portées à sa connaissance, respectivement le choix exprimé par la famille ou les proches présents. Ce choix était confirmé à travers le document signé par « la personne responsable de l’organisation et du paiement des obsèques » qui devenait et restait, sauf indication contraire, l’interlocuteur du service. Toute décision ultérieure se fondait sur une collaboration et un accord de la famille, par l’intermédiaire de cette personne responsable.

Sa demande intervenait dans un contexte conflictuel et se heurtait à l’opposition d’autres membres de la famille du défunt, dont M. C______ qui avait signé le devis du 1er février 2012 en tant que « personne responsable de l’organisation et du paiement des obsèques ». Il n’appartenait pas à la ville de contester ou de dénier les liens ayant uni le défunt à tel ou tel membre de la parenté et encore moins de trancher des conflits familiaux. Son rôle consistait en revanche à garantir le respect des cimetières et à assurer le repos des défunts. En l’état, elle ne voyait aucun motif d’intervenir, ni d’aller à l’encontre des vœux actuellement exprimés par la famille de M. G______.

36) Le 24 juillet 2013, le Conseiller d’état en charge du DEAS a indiqué à M. A______ que le transport de cendres en cause ne posait aucun problème sanitaire et ne relevait, partant, pas de la compétence de son département. Sa requête était transmise au DSE.

37) Par acte du 20 août 2013, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 22 juillet 2013, en concluant à son annulation et à ce que l’exhumation de l’urne funéraire de M. G______ en vue de son transfert au cimetière de la Ville de I______ soit autorisée « sous suite de frais et dépens ». Préalablement, il sollicitait l’édition du dossier complet en main de la ville, son audition, ainsi que celle de plusieurs témoins (M. K______, ainsi que la voisine du défunt à H______ et des connaissances du couple en Valais).

Même si G______ et lui-même n’étaient pas liés par un partenariat enregistré et ne faisaient pas ménage commun durant la semaine pour des motifs pratiques, ils devaient être assimilés à des concubins. Ils vivaient une relation assimilable à celle d’un couple marié et avaient convenu qu’à la retraite du défunt, prévue pour le 31 décembre 2012, ils emménageraient dans un logement commun en Valais. En novembre 2011, G______ avait entrepris des démarches afin de trouver un appartement de montagne dans ce canton. Lui-même se trouvait dans un profond désarroi au moment du décès de son compagnon, raison pour laquelle il ne s’était pas immédiatement opposé à la décision de Mme B______ et de M. C______ d’inhumer les cendres de leur frère dans le caveau où reposaient leurs parents sis au cimetière M______. Il avait recouvré ses esprits dans le courant du mois de mars 2012 et avait interpellé divers intervenants, dont l’exécuteur testamentaire, pour contester le lieu d’inhumation du défunt.

Les relations que le défunt entretenait avec son frère et sa sœur étaient des plus limitées, pour ne pas dire conflictuelles, comme l’attestaient des échanges de courrier datant de 1985 et de 2008. M. C______ ignorait tout de l’homosexualité du défunt, ce qui dénotait l’absence de liens d’amitié entre les deux frères. Le défunt ne l’avait ainsi jamais présenté à son frère, sachant pertinemment que ce dernier n’accepterait pas son choix de vie. Lors de la préparation de la cérémonie du 3 février 2012, M. C______ avait reconnu qu’il n’entretenait pas de relations proches avec le défunt. Le simple fait qu’il ait signé le devis du 1er février 2012 en lieu et place de l’exécuteur testamentaire ne permettait pas au SPF de refuser le transfert de l’urne. En procédant de la sorte, le SPF se mettait en porte à faux avec sa pratique qui consistait à prendre en considération la volonté réelle du défunt, respectivement celle de ses proches. Il devait suivre la jurisprudence du Tribunal fédéral qui reconnaissait au proche le plus étroitement lié au défunt et le plus affecté par sa disparition le droit, déduit de la liberté personnelle, de déterminer le sort à réserver à ses cendres.

Le testament et les dernières volontés du défunt reflétaient son souhait que son compagnon puisse décider du sort de ses cendres. Lui-même demandait le transfert de l’urne afin de pouvoir se recueillir et entretenir régulièrement la tombe de son ami intime, mais également afin de respecter la volonté implicite de celui-ci de finir ses jours en Valais. Étant donné les circonstances, on ne pouvait pas lui reprocher d’avoir laissé s’écouler quelques semaines avant de s’opposer au choix de Mme B______ et de M. C______ concernant le lieu d’inhumation. Son comportement n’était pas abusif. En adoptant un comportement passif, le SPF avait porté atteinte aux droits de la personnalité du défunt, ainsi qu’aux siens propres, en violation de l’art. 10 al. 2 Cst.

38) Le 21 août 2013, le Conseiller d’état en charge du DSE a informé M. A______ que le déplacement d’une urne cinéraire, à la différence de l’exhumation d’un corps avant l’échéance du délai de vingt ans, ne nécessitait pas une autorisation de son département. Il avait pris connaissance de la décision du DCSS du 22 juillet 2013. Pour le surplus, seuls les tribunaux compétents étaient en mesure de statuer définitivement.

39) Par décisions du 30 août 2013, le juge délégué a appelé en cause Mme B______ et M. C______ en application de l’art. 71 LPA. Un délai au 4 octobre 2013 leur était imparti pour présenter leurs observations sur le fond du litige.

40) M. C______ est décédé dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2013, ce dont son avocat a informé la chambre administrative par courrier du 3 septembre 2013.

Il a été inhumé dans le caveau familial sis dans le cimetière M______.

41) Le 20 septembre 2013, l’urne cinéraire de Madame R______, sœur prédécédée de Mme B______ et de MM. C______ et G______, a été transférée dans ce même caveau, la concession de sa tombe séparée sise au cimetière M______ parvenant à échéance en fin d’année 2013.

42) Le 25 octobre 2013, la ville a, principalement, conclu au rejet du recours « sous suite de frais et dépens » et, préalablement, à ce que l’instruction de la cause soit suspendue jusqu’à ce que l’hoirie de feu M. C______ se détermine sur les suites de la procédure. Subsidiairement, la suspension de la cause devait être ordonnée jusqu’à droit jugé par l’autorité compétente sur l’interprétation des dispositions testamentaires et des dernières volontés de M. G______.

Expressément consacré par l’ancienne Constitution fédérale de 1874, le droit à une sépulture décente ne figurait plus en tant que telle dans celle de 1999, mais n’en constituait pas moins une composante du droit à la dignité humaine consacré à l’art. 7 Cst.

Elle considérait que ce droit primait celui de M. A______ de faire exhumer les cendres de son compagnon pour les transférer dans le cimetière de I______. Dans ses dernières volontés, le défunt avait expressément indiqué que ses proches décideraient conjointement de la destination de ses cendres. Or, M. A______ avait acquiescé à la proposition de Mme B______ et de M. C______ d’inhumer celles-ci dans la tombe de leurs parents au cimetière M______. Au moment de l’inhumation, la personne représentant la famille incarnait donc bien la volonté de tous les héritiers, y compris celle du recourant. Les circonstances brutales dans lesquelles était survenu le décès de M. G______ et le profond désarroi qu’elles avaient suscité chez M. A______ ne constituaient pas des motifs suffisants pour procéder à une exhumation. Le conflit opposant désormais les héritiers était particulièrement profond. Il l’empêchait de procéder à l’exhumation requise, sous peine de violer la volonté du « déclarant » et, partant, l’art. 7 RCimVdG. Le Tribunal de première instance était en outre seul compétent pour interpréter les dispositions testamentaires ou les dernières volontés du défunt. Avant de s’adresser à elle, le recourant aurait dû porter le litige l’opposant à ses cohéritiers devant les juridictions civiles. La cause devait être suspendue jusqu’à droit jugé par celles-ci.

Elle avait rendu une décision conservatoire qui garantissait non seulement le caractère sacré des tombes et la paix des morts, mais également le respect de l’art. 7 RCimVdG, de la répartition des compétences prévue par la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et, cas échéant, des dernières volontés du défunt qui avait mis ses trois héritiers sur pied d’égalité.

43) À cette même date, Mme B______ et l’hoirie de feu M. C______ ont également conclu au rejet du recours « sous suite de frais et dépens ». À titre préjudiciel, la chambre administrative devait procéder à une substitution de parties, dans la mesure où M. C______ était décédé en cours de procédure et où ses trois enfants, Madame D______ et Messieurs E______ et F______, succédaient, de plein droit et à titre universel, dans ses droits et obligations.

Les motivations du recourant étaient complexes. Elles relevaient, d’une part, de sa volonté viscérale d’être reconnu comme le seul à avoir aimé le défunt et, d’autre part, de son combat pour une normalisation de l’homosexualité. Le recourant n'avait pas respecté la volonté de son compagnon, qui souhaitait une succession paisible, en entamant une croisade contre les autorités, la famille et tous ceux qui pouvaient ne pas penser comme lui. Alors que M. G______ avait pris soin, toute sa vie durant, de cacher sa relation avec lui pour ne pas choquer ses collègues, ses supérieurs et son frère, M. A______ avait porté celle-ci aux nues et s’en était pris avec méchanceté, perversité et ironie à divers membres de la famille.

Le défunt n’aurait certainement pas approuvé de tels agissements. Il avait mis sur pied d’égalité ses trois héritiers. Il avait voulu que chacun d’eux ait voix au chapitre, ce qui avait été respecté. Le recourant n’était pas seul à entretenir une relation avec le défunt. M. C______ avait eu des relations régulières avec son frère jusqu’à son divorce en 1999. Il recevait son frère plusieurs fois par année, lors des anniversaires de ses enfants ou de leur père ou des fêtes de Noël. En 1993, ils s’étaient rendus ensemble à New York à l’occasion des septante ans de leur père. Lorsque M. C______ avait été hospitalisé à fin 2010, M. G______ lui avait rendu visite à l’hôpital, moment qui correspondait à celui de la rédaction du testament. La relation des deux frères s’était distendue depuis l’an 2000, mais le lien familial n’en demeurait pas moins. Quant à la relation du défunt avec sa sœur, elle était suivie, intense et riche. Mme B______ était la seule à savoir, jusqu’à la découverte du testament, que son frère voulait être incinéré.

Contrairement à la jurisprudence citée par le recourant, M. G______ n’avait pas exprimé la moindre volonté d’être inhumé au domicile de son compagnon. La protection de la personnalité de leur frère commandait de maintenir son urne là où elle avait été inhumée. Cela permettait seul de garantir que les restes du défunt ne soient pas utilisés de manière malsaine et dévoyée par le recourant. S’agissant du pouvoir de décision du défunt évoqué par le Tribunal fédéral, M. G______ l’avait attribué à ses trois héritiers, voire à l’exécuteur testamentaire. M. A______ était la personne à laquelle il était le plus étroitement lié et qui se trouvait la plus affectée par son décès, mais le défunt ne lui avait pas attribué le pouvoir de décider seul du sort de ses cendres. Contrairement à l’affaire jugée par le Tribunal fédéral, il n’y avait aucune rupture ou conflit ouvert entre les membres de la famille G______. Plus de quatre cents personnes avaient au demeurant assisté aux obsèques du défunt, ce qui démontrait bien que son centre de vie se trouvait à Genève. M. A______ avait considéré que leur absence lors de l’inhumation des cendres de leur frère constituait un manque de respect caractérisé à l’égard de ce dernier. Il n’y avait toutefois pas de comportement standardisé en la matière, les pratiques variant d’un canton à l’autre. Si la participation des proches lors de l’inhumation était la règle en Valais, la pratique était beaucoup plus rare à Genève où l’importance était mise sur les funérailles. M. A______ leur reprochait un comportement qu’il avait lui-même adopté en violation du principe de la bonne foi et abusait de son droit en réclamant désormais l’exhumation des cendres de son compagnon, dès lors que l’opinion des frères et sœurs et des neveux et nièces de ce dernier était parfaitement digne d’être prise en considération. L’attitude dont le recourant avait fait preuve après le décès de son compagnon devait lui être opposé, parce qu’il n’avait pas tant entrepris la présente procédure pour faire respecter les volontés du défunt que pour faire prévaloir son point de vue et faire entériner judiciairement le fait que la qualité de ses rapports avec M. G______ était, à son sens, infiniment supérieure à celle des rapports que ce dernier entretenait avec sa famille.

44) Le 5 novembre 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 décembre 2013 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

45) Le 11 décembre 2013, M. A______ a sollicité une prolongation de délai au 17 janvier 2014 pour déposer des observations complémentaires, prolongation que le juge délégué a accordée à toutes les parties.

46) Par courrier du 12 décembre 2013, la ville a persisté dans ses conclusions du 25 octobre 2013, renonçant à formuler d’autres observations.

47) Par acte du 16 janvier 2014, M. A______ a déposé des observations et des pièces complémentaires et persisté dans ses conclusions du 20 août 2013

Dans un premier temps, les rapports entre héritiers étaient demeurés relativement cordiaux. En raison du décès de son compagnon, il avait été mis en arrêt maladie à 100 % depuis le 6 février 2012, puis à 50% du 9 mars au 31 juillet 2012. Durant cette période, il avait pris connaissance avec stupéfaction d’un courriel que M. C______ avait adressé à l’exécuteur testamentaire. Cette correspondance du 13 février 2012, qui invitait ce dernier à récupérer les affaires personnelles du défunt auprès de son employeur, se terminait par les termes : « Désolé de te faire perdre du temps pour pas grand’chose », termes qui l’avaient profondément choqué et qui montraient l’absence de lien affectif entre les deux frères. L’absence de reconnaissance de son statut de concubin et de personne la plus proche du défunt l’avait également heurté, alors que la chambre des assurances sociales de la Cour de justice avait reconnu ce statut dans un arrêt du 24 juillet 2013. Des différentes correspondances produites, il ressortait que le défunt avait des sentiments et un attachement particulièrement forts à son égard, de sorte que l’existence d’un lien de concubinage devait également être admise dans la présente cause. L’accord tacite qu’il avait fourni peu après le décès de son compagnon au sujet de son inhumation ne préjugeait pas de la possibilité qu’il avait de changer d’avis et d’obtenir le transfert de ses cendres. Dans la mesure où il avait obtenu une concession dans le nouveau columbarium du cimetière de I______ courant de 2013 à 2033, il n’existait aucun indice tangible qu’il puisse être susceptible de procéder à un usage déraisonnable de l’urne funéraire de son compagnon. En exigeant le transfert de ladite urne, il ne menait pas un combat pour la cause homosexuelle, mais voulait s’assurer de pouvoir se recueillir régulièrement sur la tombe de son compagnon de vie.

La jurisprudence du Tribunal fédéral, qui confirmait la priorité du choix du concubin non marié ou enregistré du défunt, allait dans son sens et confirmait la compétence de la ville pour statuer. L’interprétation que cette dernière donnait aux dernières volontés du défunt était erronée, ce dernier n’ayant nullement exigé une décision commune de ses proches sur la destination de ses cendres. M. G______ n’avait pris aucune disposition particulière au sujet du sort à réserver à ses cendres, lui laissant le soin de participer aux décisions qui seraient prise par ses frère et sœur. En cas de désaccord entre les héritiers, la solution subsidiaire développée par le Tribunal fédéral devait être suivie. Il appartenait à la personne qui était la plus étroitement liée au défunt et la plus affectée par sa disparition de décider.

48) Le 17 janvier 2014, Mme B______ et l’hoirie de feu M. C______ ont persisté intégralement dans leurs précédentes conclusions.

49) Le 20 janvier 2014, le juge délégué a remis copie de ces dernières écritures aux parties et les a informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours est dirigé contre une décision de la ville du 22 juillet 2013 rejetant la demande de M. A______ de pouvoir procéder à l’exhumation et au transfert de l’urne cinéraire de feu M. G______ du cimetière M______ à celui de I______.

L’objet du litige consistant en une décision négative au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LPA, rendue par une autorité administrative (art. 5 let. f LPA) et fondée sur du droit public fédéral, cantonal et communal, la chambre administrative est compétente pour statuer (art. 132 al. 1 LOJ).

Le recours ayant été formé en temps utile (art. 62 al.1 let. a et 63 al. 1 let. b LPA), il est recevable à tous points de vue.

2) L’un des appelés en cause, M. C______, est décédé en cours de procédure. Il a donc perdu la qualité de partie. Ses héritiers, Mme D______ et MM. E______ et F______, ont manifesté leur souhait de se substituer à leur père dans la présente procédure, en tant qu’appelés en cause.

Bien qu’elle ne soit pas expressément prévue par la LPA, la substitution de parties est pratiquée en procédure administrative (SJ 1994 p. 535 et les références citées). Lorsque la succession dans les droits et obligations d’une partie a lieu à titre universel, elle entraîne de plein droit, en vertu du droit fédéral, un changement de parties sans l’accord des autres parties à la procédure (succession à cause de mort, faillite, reprise des actifs et passifs ou fusion d’entreprises). Encore faut-il que la procédure ne porte pas sur des droits intransmissibles (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 142).

En l’espèce, M. C______ a été appelé en cause en sa qualité de frère du défunt. En tant que proche parent, il disposait, sous certaines conditions, du droit de décider du sort des cendres de M. G______ et de se défendre contre les atteintes injustifiées portées à leur encontre (ATF 129 I 173 = JdT 2004 I p. 155 consid. 2.1 ; ATF 123 I 112 consid. 4c). Du point de vue du droit privé, ce droit était une émanation des droits généraux de la personnalité (art. 28 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CCS - RS 210). M. C______ était touché dans sa liberté personnelle par les décisions rendues par l’autorité intimée concernant les funérailles de son frère. La qualité d’appelé en cause de M. C______ tenait ainsi dans l’exercice, par ce dernier, de ses droits de la personnalité, droits qui ne sont pas transmis aux héritiers et qui s’éteignent au décès de leur titulaire. En tant qu’héritiers de M. C______, Mme D______ et MM. E______ et F______ peuvent néanmoins faire valoir les droits qui découlent d’une atteinte à leur propre personnalité, commise au travers d’une atteinte visant le défunt (ATF 118 II 1 consid. 5b ; ATF 109 II 353 consid. 4a ; Andreas BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 5ème éd., 2009, p. 105, n. 485).

En l’espèce, M. C______ a, de son vivant, marqué à plusieurs reprises son opposition à ce que les cendres de son frère soient exhumées du cimetière M______ et transférées au cimetière de I______. Ses enfants ont demandé à intervenir dans la présente cause, afin que la volonté de leur père soit prise en compte. Or, force est d’admettre qu’en leur qualité de proches parents du défunt, Mme D______ et MM. E______ et F______ subiraient une atteinte à leurs propres droits de la personnalité si la volonté de leur père n’était au final pas respectée.

Partant, il convient de substituer à M. C______ ses héritiers et enfants, dans la mesure où l’issue de la procédure est susceptible d’affecter leur propre situation juridique (art. 71 al. 1 LPA).

3) Le recourant conclut préalablement à ce que des mesures d’instruction complémentaires soient ordonnées. Il sollicite son audition, ainsi que celle de plusieurs témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). De plus, selon la jurisprudence constante tant du Tribunal fédéral (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 I 425 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1081/2013 du 2 juin 2014 consid. 4.3) que de la chambre de céans (ATA/481/2014 du 24 juin 2014 consid. 2c ; ATA/120/2014 du 25 février 2014 consid. 4 ; ATA/815/2013 du 10 décembre 2013 consid. 3a), le droit d'être entendu ne confère pas le droit à une audition orale, la procédure administrative étant en principe écrite (art. 18 LPA).

En l’espèce, le recourant a longuement exposé son point de vue dans deux écritures, auxquelles il a joint différentes pièces. Le dossier de la cause contient ainsi suffisamment d’éléments reflétant la nature et l’étroitesse de sa relation au défunt qui n’est, par ailleurs, pas contestée. La chambre de céans renoncera donc à l’auditionner. Entendre des témoins sur la volonté que le défunt aurait eue de s’établir en Valais et d’y passer ses vieux jours n’apparaît pas non plus nécessaire, la seule question déterminante étant celle de savoir quelles étaient les volontés du défunt sur le sort à lui réserver post mortem ; or le testament figurant au dossier suffit à la résoudre.

Par souci d’économie de procédure, les mesures d’instruction requises par le recourant ne seront donc pas ordonnées. La chambre de céans dispose de tous les éléments pertinents pour statuer sur le présent litige.

4) Le recourant ne remet pas en cause la procédure qui a conduit à l’incinération du corps de son compagnon, puis à l’inhumation de ses cendres dans le cimetière M______. Il ne conteste que le refus de la ville d’autoriser l’exhumation des cendres de M. G______, en vue de leur transfert dans le columbarium du cimetière de I______.

Selon l’art. 1 al. 1 et 2 de la loi sur les cimetières du 20 septembre 1876 (LCim – K 1 65), les cimetières sont des propriétés communales et sont soumis à l’autorité, la police et la surveillance des administrations municipales. Tous les lieux de sépulture sont par ailleurs soumis à la surveillance du DSE pour tout ce qui concerne la police des inhumations (art. 2 LCim). Dans la règle, chaque commune doit avoir un ou plusieurs cimetières afin de pourvoir à la sépulture décente de toute personne décédée sur son territoire, de ses ressortissants et des personnes nées, domiciliées ou propriétaires sur son territoire (art. 4 al.1 LCim). L’ouverture des fosses en vue de nouvelles inhumations ne peut avoir lieu que tous les vingt ans au moins (art. 4 al. 4 LCim), les communes pouvant accorder, dans le terrain réservé aux tombes, des concessions plus longues n’excédant pas nonante-neuf ans (art. 4 al. 6 et 8 al. 4 LCim). Aucune exhumation d’un corps avant l’échéance du délai légal prévu à l’art. 4 al. 4 ne peut avoir lieu sans l’approbation de la mairie et l’autorisation du département, qui s’assure préalablement qu’aucune procédure n’est en cours auprès du Ministère public (art. 8A LCim). Dans un tel cas, la demande doit indiquer la destination de la dépouille et les conditions de la nouvelle inhumation ou de l’incinération (art. 18 du règlement d’exécution de la loi sur les cimentières - RCim - K 1 65.01), le transport d’un cadavre dans un autre canton devant obtenir un laissez-passer du DSE (art. 20 RCim). L’exhumation d’une urne cinéraire inhumée dans une tombe n’est en revanche pas spécifiquement réglée par le droit cantonal.

La ville compte quatre cimetières, dont celui de M______, soumis à l’autorité, la police et la surveillance du SPF, sous réserve des compétences dévolues aux autorités cantonales (art. 1 et 4 RCimVdG). Selon l’art. 7 al. 1 RCimVdG, le SPF traite avec la personne que la famille a désignée pour la représenter (ci-après : la famille). La famille est responsable des choix opérés en matière d’obsèques et de l’entretien de l’emplacement mis à disposition. La durée du délai d’inhumation dans les cimetières de la ville est de vingt ans (art. 22 RCimVdG). L’inhumation de cendres est possible dans une tombe cinéraire creusée à cette fin ou dans toute autre tombe déjà existante, chaque tombe pouvant accueillir les cendres de quatre personnes au maximum (art. 28 al. 2 et 54 al. 2 RCimVdG). L’inhumation ultérieure de cendres ne modifie pas la date d’échéance de la tombe concernée (art. 28 al. 3 RCimVdG). Selon l’art. 41 al. 1 RCimVdG, les exhumations intervenant avant l’échéance du délai légal d’inhumation requièrent l’approbation du SPF et l’autorisation des autorités cantonales compétentes (lorsqu’il s’agit de l’exhumation d’un cadavre).

5) Selon le recourant, le refus de la ville d’autoriser l’exhumation des cendres de son compagnon porterait atteinte aux droits de la personnalité de ce dernier, de même qu’aux siens propres, en violation de l’art. 10 al. 2 Cst.

a. La garantie constitutionnelle de la liberté personnelle ne se limite pas à la durée de la vie des individus. Elle prolonge ses effets, dans une certaine mesure, au-delà du décès. Du point de vue constitutionnel, le défunt doit être considéré comme le titulaire prioritaire des droits protégeant sa dépouille contre des atteintes contraires aux mœurs et aux usages (ATF 129 I 173 = JdT 2004 I p. 155 consid. 4 ; ATF 123 I 112 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 du 4 février 2010 consid. 2.1.1). Toute personne a ainsi le droit de déterminer, de son vivant, le sort de sa dépouille après sa mort et de décider des modalités de son ensevelissement (ATF 133 I 110 consid. 5.2.1). Cette prétention comporte notamment une liberté de choix, dans le cadre tracé par la loi, l’ordre public et les bonne mœurs, quant à la forme des funérailles, au mode et au lieu d’inhumation, l’être humain ayant, quel que soit le rang qu’il a occupé dans la société, un droit constitutionnel à un enterrement et à une sépulture décents (ATF 123 I 112 consid. 4b p. 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité consid. 2.1.1).

b. Ce droit, autrefois expressément consacré à l’art. 53 al. 2 de l’ancienne constitution fédérale du 29 mai 1874, découle désormais de la protection de la dignité humaine ancrée à l’art. 7 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité consid. 2.1.1 et les références citées). Il est notamment concrétisé par l’art. 262 CP qui réprime l’atteinte à la paix des morts. Cette disposition protège les cadavres humains, leur dernière demeure, ainsi que les convois ou cérémonies funèbres contre les profanations grossières. Elle vise à sauvegarder le sentiment de piété à l’égard des morts et de leur sépulture (arrêt du Tribunal fédéral 6B_969/2009 du 25 janvier 2010 consid. 1.1 et les références citées). Le temps de repos dû aux morts n’est toutefois pas illimité. Le fait de supprimer une tombe après un certain temps n’a rien d’indécent, ni de déshonorant en soi. Cela correspond au régime usuel applicable en principe dans tous les cimetières publics de Suisse (ATF 125 I 300 = JdT 2001 I p. 302 consid. 2b). Selon le sentiment de piété et de moralité général, un cadavre ou des cendres humaines ne doivent en principe pas être dérangés durant ce temps de repos (arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne du 13 septembre 2011, in BVR 2012 p. 49 consid. 4.2.1). Dans certains cas, la paix des morts peut néanmoins être troublée avant l’échéance du terme : l’exhumation d’un cadavre ou d’une urne cinéraire peut par exemple être ordonnée en application de l’art. 254 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), parce que l’élucidation d’une infraction pénale l’exige. Elle peut également avoir lieu en vue d’effectuer des tests ADN que nécessiterait l’exercice, par une personne, de son droit de connaître son ascendance, qui prime en général l’intérêt public à la paix des morts (ACEDH Jäggi c. Suisse du 13 juillet 2006, req. n° 58’757/00). L’exhumation et le transfert des restes d’un défunt peuvent également se justifier, lorsque le lieu d’inhumation initial ne correspond pas aux dernières volontés du défunt et porte atteinte aux droits de la personnalité de ses proches (arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité). Ils sont par exemple envisageables lorsque le lieu d’inhumation initiale ne permet pas aux proches de visiter le défunt ou complique de telles visites de manière déraisonnable (Décision du Conseil d’état du canton de Berne du 20 décembre 1972, in ZBl 1973 p. 164). Mais l’exhumation d’un corps ou d’une urne cinéraire doit demeurer l’exception et se justifier par des motifs particulièrement dignes de protection (arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne du 13 septembre 2011 précité consid. 4.2.3).

c. En l’absence d’une décision du défunt, ses proches peuvent prétendre, dans certaines limites, à disposer du sort de son cadavre. La garantie de la liberté personnelle protège aussi, au sens de l’art. 10 al. 2 Cst., les liens émotionnels qui lient les proches parents à une personne décédée. En vertu de cette étroite relation, les proches ont le droit de décider du sort du corps du défunt, de déterminer la façon et le lieu de l’ensevelissement, et de se défendre contre les atteintes injustifiées portées à la dépouille (ATF 129 I 173 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité consid. 2.1.2). Ce droit subsidiaire des proches trouve cependant sa limite dans les droits de la personnalité, dont jouit le défunt lui-même, de déterminer le sort de son cadavre et les modalités de ses funérailles. Le droit des proches n’intervient ainsi que si le défunt n’a pas pris de décision, écrite ou orale, sur le sort de son cadavre. Ce pouvoir subsidiaire de décision doit être exercé en première ligne, par celui qui était le plus étroitement lié au défunt et qui a été de ce chef le plus affecté par sa disparition (ATF 123 I 112 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité consid. 2.1.2).

d. La protection offerte au défunt ou ses proches par l’art. 10 al. 2 Cst. n’est toutefois pas absolue. Une restriction de leur liberté personnelle est admissible aux conditions de l’art. 36 Cst., à savoir si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui, si elle est proportionnée au but visé et si elle ne porte pas atteinte à l’essence du droit fondamental en cause.

e. Dans une affaire suédoise (ACEDH Elli Poluhas Dödsbo c. Suède du 17 janvier 2006, req. n° 61’564/00), la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que l’exhumation et le transfert d’une dépouille ou de cendres représentaient une question si importante et sensible que les états devaient se voir reconnaître une ample marge d’appréciation. Trancher de tels litiges impliquait de mettre en balance l’intérêt d’un particulier au transfert d’une dépouille ou de cendres et celui de la société au respect du caractère sacré de la tombe. La Cour a dans le cas d’espèce considéré que le refus opposé à une épouse de faire transférer l’urne de son mari défunt, inhumé à Fagersta en 1963, dans un cimetière de Stockholm où se trouvait le caveau familial de la requérante, n’emportait pas d’ingérence injustifiée dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH. Rien ne montrait que son mari n’ait pas été enterré conformément à ses vœux. À l’époque pertinente, celui-ci aurait pu décider d’être enterré avec sa belle-famille à Stockhom. Au lieu de cela, sa famille avait, au moment de son décès, acquis une concession à Fagersta, ville dans laquelle il avait vécu vingt-cinq ans, où il avait travaillé et élevé ses enfants. Enfin, rien n’empêchait la requérante de reposer dans la même tombe que son époux à Fagersta, ville dans laquelle elle était demeurée pendant dix-sept ans après le décès de son conjoint et ce, même si elle s’était depuis rapproché de Stockholm pour vivre plus près de ses enfants. Les autorités suédoises avaient ainsi tenu compte de toutes les circonstances significatives et les avaient soigneusement mises en balance avant de privilégier la paix des morts.

f. Dans l’ATF 129 I 173 (= JdT 2004 I 155), le Tribunal fédéral a examiné le recours interjeté par un époux et ses enfants contre un ordre des autorités zurichoises de déposer l’urne cinéraire de leur épouse et mère dans le cimetière de Meilen, alors qu’ils souhaitaient transférer les restes de la défunte à Rome, lieu de leur domicile. La défunte ayant, dans un avenant à son testament, émis le souhait d’être incinérée et que l’urne contenant ses cendres soit déposée au cimetière de Meilen, il a considéré que la restriction à la liberté personnelle des recourants, induite par l’ordre de dépose, était justifiée par l’intérêt contraire de l’intéressée à la protection, au-delà de sa mort, de sa personnalité et qu’elle était au surplus proportionnée au but visé. Une visite régulière sur la tombe et le dialogue spirituel avec la personne décédée au lieu de son dernier repos pouvait être d’une grande importance pour les proches descendants. D’un autre côté, il n’y avait pas lieu d’accorder une importance purement secondaire au souhait d’un individu d’être enterré dans un lieu déterminé. Il fallait également prendre en compte qu’il n’était pas impossible pour les recourants de visiter la tombe, même si ceux-ci devaient pour ce faire se rendre de Rome à Meilen. Les enfants de la défunte disposaient de ressources financières suffisantes pour entreprendre les voyages réguliers et nécessaires pour rendre les honneurs à la défunte. Ceux-ci pouvaient en outre être donnés d’une autre manière que par une visite au cimetière. Afin de faire leur travail de deuil, le mode général de vie des enfants, de même qu’une présence affective et compréhensive des personnes les entourant, notamment de leur père, seraient fondamentalement plus importants que la simple proximité géographique de la tombe de leur mère défunte.

g. Dans une affaire vaudoise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité), le Tribunal fédéral a considéré que l’autorisation d’exhumer la dépouille mortelle d’un défunt, délivrée sur demande de sa concubine en vue de sa réinhumation dans le cimetière de Val d’Illiez, n’emportait pas de restriction inconstitutionnelle à la liberté personnelle de la mère et de la sœur du défunt qui s’y opposaient. Une telle restriction se justifiait par la sauvegarde de la liberté personnelle du défunt au-delà de la mort. Dans un document signé, celui-ci avait en effet exprimé son souhait de rester près de sa compagne et d’être enterré dans le cimetière de Val d’Illiez. L’atteinte à la liberté personnelle de la mère et de la sœur du défunt était en outre proportionnée au but visé : l’ordre d’exhumer la dépouille mortelle était une mesure appropriée et nécessaire pour se conformer au vœu du défunt ; aucune autre mesure moins restrictive et tout aussi appropriée n’était envisageable ; la pesée des intérêts contradictoires en présence, tous deux protégés par des droits fondamentaux, militait en faveur de l’exhumation et du transfert de la dépouille. L’intérêt des recourantes au maintien de la sépulture de leur fils et frère ne pouvait être nié, mais il y avait lieu de prendre en compte les dernières volontés du défunt ainsi que le contexte familial prévalant avant son décès. Un déplacement de la sépulture du défunt de Clarens à Val d’Illiez, distantes d’une quarantaine de kilomètres, ne priverait pas les recourantes de la possibilité de s’y recueillir. Celles-ci n’avaient en outre pas fait preuve d’un engagement exceptionnel vis-à-vis de la tombe du défunt, dont elles avaient délégué l’entretien aux employés du cimetière. L’intérêt de la concubine à pouvoir se recueillir, entretenir la tombe de feu son compagnon et finalement reposer aux côtés de celui-ci primait celui des recourantes, dès lors qu’elle entretenait une relation beaucoup plus étroite avec le défunt que les recourantes, du moins à la fin de la vie de celui-ci. Le grief d’abus de droit invoqué par les recourantes devait être rejeté : il apparaissait vraisemblable que la concubine n’avait pas eu la force de faire respecter les dernières volontés de son compagnon immédiatement après son décès. Même si le conflit de nature successorale avait finalement pu déclencher sa démarche, l’on ne pouvait pas lui reprocher d’abuser de son droit en tentant, a posteriori, de faire respecter le souhait de feu son compagnon.

6) En tant que compagnon du défunt, M. A______ est touché dans sa liberté personnelle par le refus de la ville d’autoriser l’exhumation de l’urne cinéraire de feu M. G______, en vue de son transfert dans le columbarium de I______. Comme indiqué ci-dessus, la protection de sa liberté personnelle n’est toutefois pas absolue et peut subir des restrictions aux conditions de l’art. 36 Cst., dont le respect doit dès lors être vérifié.

7) Le RCimVdG garantit un temps de repos de vingt ans aux cadavres ou aux cendres de personnes défuntes, inhumés ou entreposées dans un cimetière de la ville (art. 22 et 59 RCimVdG). La possibilité d’inhumer les cendres d’un défunt dans une tombe est, en outre, expressément prévue par les art. 28 al. 2 et 54 al. 2 RCimVdG. Selon l’art. 41 RCimVdG, les exhumations intervenant avant l’échéance du délai légal d’inhumation sont soumises à l’approbation du SPF, respectivement à l’autorisation du DSE lorsqu’elles portent sur un corps (art. 8A LCim). Lue en parallèle des art. 1 al. 2 LCim et 1 al. 2 RCimVdG attribuant aux autorités communales l’autorité, la police et la surveillance de leurs cimetières, cette disposition constitue une base légale suffisante au sens de l’art. 36 al. 1 Cst. pour fonder le refus de la ville d’autoriser l’exhumation des cendres de feu M. G______.

8) Il convient encore d’examiner si la restriction de la liberté personnelle du recourant est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 al. 2 Cst.). Selon la ville, la décision querellée répond à l’intérêt public au maintien de la paix des morts. Elle viserait également à protéger la liberté personnelle du défunt, respectivement celle de sa sœur et de son frère, décédé dans l’intervalle.

9) Le défunt a donné des instructions sur le sort à lui réserver après sa mort dans un testament olographe daté du 26 septembre 2010. Déterminer le sens et la portée d’un tel acte est une question préjudicielle qui ne relève en principe pas de la compétence de la chambre administrative.

Sauf disposition légale contraire, le droit suisse admet toutefois l’attraction de compétence : l’autorité compétente pour trancher le litige principal se prononcera aussi sur la question préjudicielle à moins que celle-ci ne soit pendante devant l’instance compétente pour en connaître à titre principal (art. 14 al. 2 LPA ; ATF 137 III 8 consid. 3.3.1 ; 125 I 300 consid. 1a p. 304 ; 119 Ia 178 consid. 1b p. 180 ; 108 II 456 consid. 2 p. 460 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_142/2011 précité ; ATA/807/2005 du 29 novembre 2005 consid. 7a ; ATA/603/2005 du 16 août 2005 consid. 6b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 571 n. 3.4.3). La décision prise à titre préjudiciel sur cette question n’aura pas l’autorité de la chose décidée ou jugée, car elle ne fait pas partie du dispositif de la décision ou du jugement. Elle ne liera donc pas l’autorité compétente pour en connaître à titre principal quand celle-ci prendra sa propre décision (ATF 106 II 365 consid. 1 p. 367 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2011 du 15 novembre 2011 ; ATA/807/2005 précité consid. 7a ; ATA/716/2004 du 14 septembre 2004 consid. 4 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2010, 6ème éd., p. 20 n. 69 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit.). L’autorité qui se prononce sur une question préjudicielle doit la traiter de la même façon que le ferait l’organe normalement compétent et ne saurait sans autre s’écarter de la pratique de ce dernier (ATA/716/2004 du 14 septembre 2004 consid. 4 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., p. 19 n. 65).

En l’espèce, le testament du 26 septembre 2010 n’a pas été remis en cause, ni ne fait l’objet d’une procédure pendante devant la juridiction civile compétente. La chambre administrative est ainsi en mesure de l’interpréter, ce d’autant que les souhaits du défunt sur le sort à lui réserver après sa mort sont une question de fait qui ne relève pas du droit successoral proprement dit (Jean GUINAND/ Martin STETTLER/Audrey LEUBA, Droit des successions, 6ème éd., 2005, p. 2, n. 4 qui circonscrivent ce dernier à la succession du patrimoine du défunt).

10) S’agissant de l’interprétation des dispositions pour cause de mort, il convient de se référer aux règles générales valant pour les actes juridiques, le but étant d’établir la réelle intention du défunt. Toutefois, l’interprétation ne peut pas conduire à établir une volonté que le défunt n’a absolument pas exprimée. En d’autres termes, elle ne peut porter que sur une volonté qui a trouvé une expression quelconque, aussi confuse ou incomplète soit-elle, dans une disposition pour cause de mort. Le texte de l’acte pour cause de mort est donc le premier point d’appui de l’interprétation. La théorie de la confiance ne trouve donc pas application, ce qui signifie que les héritiers prétendus ou autres bénéficiaires n’ont pas droit à la protection de leur propre compréhension du texte ; en d’autres termes, il ne s’agit pas de savoir comment ils ont compris la manifestation de volonté du défunt, mais uniquement ce que ce dernier voulait exprimer (ACJC/440/2010 du 16 avril 2010 consid. 4.2 et les références citées).

Dans son testament, feu M. G______ a émis le souhait d’être incinéré, tout en laissant à ses proches le choix de disposer de ses cendres. Il a précisé que si M. A______ lui survivait, ce dernier devait participer aux décisions à prendre pour sa succession. Il considérait que son ami intime avait le droit de participer à « l’après G______ ». Dans les paragraphes suivants concernant sa succession proprement dite, il a institué le recourant, Mme B______ et feu M. C______ comme héritiers à parts égales.

Par le vocable de « proches », le défunt, qui n’avait pas de descendants et dont les parents étaient prédécédés, visait très vraisemblablement son frère et sa sœur, puisque il a ensuite précisé le rôle dévolu au recourant dans un paragraphe particulier et désigné ces trois personnes comme héritiers. Le défunt souhaitait que M. A______ « puisse participer » à « l’après G______ », par quoi il faut entendre aux décisions relevant non seulement de sa succession proprement dite, mais également à celle concernant le sort réservé à ses cendres. Les termes utilisés signifient clairement que le défunt n’entendait pas privilégier la voix de son compagnon au détriment de celle de son frère ou de sa sœur. Si tel avait été le cas, il l’aurait clairement indiqué, comme il a su donner à son ami intime la priorité pour la liquidation du mobilier se trouvant dans son appartement. Le défunt souhaitait au contraire que le sort réservé à ses cendres fasse l’objet d’une décision commune entre tous ceux qu’il considérait comme ses proches. Il a renoncé à son droit de déterminer lui-même le lieu où ses cendres devaient être déposées, le transférant à tous ses proches, dont son compagnon. Il a en outre réitéré ses « dernières volontés » dans un document annexé à son testament au libellé similaire : « Je vous laisse le choix du devenir de mes cendres. Dans tous les cas je veux que A______ puisse participer aux décisions que vous pourriez prendre ».

Selon M. A______, la volonté implicite du défunt aurait été de finir ses jours en Valais. Plusieurs amis du couple seraient capables d’en témoigner. Une telle volonté ne trouve toutefois aucune assise dans le testament que le défunt a rédigé peu de temps avant son décès, soit une année et quatre mois avant celui-ci. Or, lorsqu’elles sont exprimées dans une disposition à cause de mort, les dernières volontés d’un défunt disposent d’une force probante supérieure aux témoignages de tiers qui pourraient les contredire, sauf à ce que ceux-ci soient recueillis dans les formes prévues à l’art. 506 CCS. Pour être valable, un testament doit en effet respecter des exigences de forme qui remplissent plusieurs objectifs et donnent à ce type d’acte une portée particulière. Ces exigences permettent de rendre le disposant attentif à l’engagement qu’il prend et ont à cet égard une fonction de mise en garde. Elles garantissent le caractère sérieux et final de l’acte et constituent enfin un moyen de preuve du contenu des dispositions à cause de mort (Jean GUINAND/Martin STETTLER/Audrey LEUBA, op. cit., p. 120, n. 239). De surcroît, admettre que le défunt ait conçu dès novembre 2011 le projet de s’établir en Valais et d’y finir ses vieux jours aux côtés du recourant ne signifie encore pas qu’il ait eu l’intention d’ôter à ses frère et sœur le droit de décider du sort de ses cendres. Si tel avait été réellement le cas, il n’aurait pas manqué de modifier en conséquence les dispositions testamentaires qu’il avait récemment prises, en y indiquant que ses cendres devaient être déposées en Valais.

Au moment du décès, les proches du défunt ont respecté ses dernières volontés. Mme B______, M. C______ et M. A______ ont pris ensemble les décisions qui s’imposaient concernant le modèle de cercueil, l’organisation de la cérémonie de recueillement, le modèle d’urne cinéraire et le lieu d’inhumation de celle-ci. Certes, la décision d’inhumer les cendres du défunt dans la tombe de ses parents sis au cimetière M______ a été prise à l’initiative de son frère et de sa sœur, mais elle n’en a pas moins recueilli, à l’époque, l’assentiment de M. A______.

11) Autoriser désormais l’exhumation de l’urne du défunt emporterait donc non seulement une restriction à la liberté personnelle de Mme B______ et de feu M. C______, qui s’opposent ou se sont clairement opposés à ce que les cendres de leur frère soient transférées en Valais, mais également aux dernières volontés de feu M. G______, dans la mesure où une telle démarche ne serait pas le fruit d’une décision commune de ses proches.

La restriction à la liberté personnelle du recourant induite par la décision querellée s’avère donc bien justifiée par l’intérêt contraire du défunt, protégé au-delà de la mort, à ce que ses dernières volontés soient respectées, ainsi que par la protection de la liberté personnelle de sa sœur et de son frère décédé dans l’intervalle.

12) Il reste cependant à examiner si l’atteinte en résultant pour M. A______ est proportionnée au but visé. Une atteinte étatique à un droit fondamental est proportionnée lorsqu’elle est appropriée (règle de l’aptitude) et nécessaire pour atteindre le but visé (règle de la nécessité). En outre, le principe de la proportionnalité au sens étroit interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (pesée des intérêts en présence ; ATF 129 I 173 = JdT 2004 I p. 155 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité consid. 2.2.3 et les références citées).

Selon le recourant, son droit à la liberté personnelle devrait en l’espèce primer ceux de Mme B______ et de feu M. C______ dans la mesure où il était la personne la plus étroitement liée au défunt et, partant, la plus affectée par sa disparition. Passé le choc que la disparition de son compagnon a suscité, il souhaite exercer ce droit pour pouvoir se recueillir régulièrement sur la tombe de son ami intime.

Tout en reconnaissant le droit du proche le plus affecté par la disparition du défunt de déterminer le sort réservé au cadavre ou aux cendres de ce dernier, la jurisprudence du Tribunal fédéral n’a nullement conféré à ce droit de prépondérance absolue, rappelant au contraire son caractère subsidiaire et la nécessité de procéder, dans chaque cas, à une pesée de tous les intérêts contradictoires en présence. Or, dans toutes les affaires qui lui ont été soumises, le Tribunal fédéral a finalement tranché en faveur de la liberté personnelle du de cujus qui, dans l’espèce invoquée par le recourant, concordait avec les intérêts poursuivis par la concubine du défunt (arrêt du Tribunal fédéral 1C_430/2009 précité), mais qui, certaines fois, peut également entrer en conflit avec la liberté personnelle des proches les plus affectés par le décès (ATF 129 I 173 = JdT 2004 I p. 155 concernant l’époux et les enfants de la défunte).

En l’espèce, le refus de la ville d’exhumer les cendres du défunt apparaît comme une mesure appropriée et nécessaire pour se conformer aux vœux du défunt qui souhaitait que ses proches choisissent ensemble le sort de ses cendres, ce qu’ils sont parvenus à faire dans un premier temps. L’enjeu du présent litige consistant dans le lieu du dépôt de l’urne - dans la tombe des parents du défunt sise au cimetière M______ ou dans le columbarium de I______, à proximité du domicile de son compagnon - , aucune autre mesure moins restrictive mais tout aussi appropriée n’était envisageable.

Avant de trancher en faveur du statu quo, l’autorité intimée a, en outre, correctement pesé les différents intérêts en présence. Comme indiqué ci-dessus, le lieu où les cendres du défunt sont actuellement inhumées a été déterminé conformément à ses dernières volontés, soit d’entente entre ses proches. Accéder à la demande d’exhumation de M. A______ reviendrait en revanche à imposer un nouveau lieu de dépôt pour ces cendres contre la volonté de Mme B______ et de feu M. C______, soit en violation du mode de décision choisi par le défunt. L’autorité intimée s’est ainsi employée à respecter les dernières volontés de celui-ci, lesquelles ont fondamentalement préséance sur les droits de la personnalité des proches survivants, y compris de celui qui s’avère le plus affecté par le décès (ATF 129 I 173 = Jdt 2004 I p. 155 consid. 4). La décision querellée ménage non seulement les vœux de feu M. G______, mais prend également en compte les droits de la personnalité de ses frère et sœur qui se sont opposés à l’exhumation pour des motifs dignes de protection, soit le souci de maintenir leur frère auprès de leurs parents prédécédés, respectivement dans le canton où le défunt avait son domicile et exerçait son activité professionnelle. Dans ces circonstances, caractérisées par un profond désaccord entre héritiers survenu après coup, l’on ne peut reprocher à la ville d’avoir privilégié l’intérêt public à la paix des morts, au détriment de celui du recourant de pouvoir plus régulièrement se recueillir sur la tombe de son compagnon de vie. La décision querellée paraît d’autant moins disproportionnée que le recourant ne fait pas valoir d’empêchement à parcourir la distance, somme toute raisonnable, qui sépare le cimetière M______ de son domicile pour rendre hommage au défunt.

Compte tenu de ce qui précède, le refus de la ville d’autoriser l’exhumation des cendres de feu M. G______ n’emporte pas de violation de la liberté personnelle de M. A______.

13) En conséquence, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Dans la mesure où Mme B______ et l’hoirie de feu M. C______, soit pour elle, Mme D______ et Messieurs E______ et F______ y ont conclu, deux indemnités de procédure de CHF 500.- chacune leur seront allouées, mises à la charge du recourant également. En revanche, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la ville, qui dispose de son propre service juridique et qui n’a pas engagé de frais particuliers pour la défense de ses intérêts (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

met feu Monsieur C______ hors de cause et lui substitue, son hoirie, soit pour elle Madame D______, ainsi que Messieurs E______ et F______ ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 août 2013 par Monsieur A______ contre la décision rendue par la Ville de Genève le 22 juillet 2013 ;

au fond :

rejette le recours ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Madame B______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à l’hoirie de feu Monsieur C______, soit pour elle, Madame D______ et Messieurs E______ et F______, conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Métille, avocat du recourant, à Me Jacopo Rivara, avocat de Madame B______ et de l’hoirie de feu Monsieur C______, soit pour elle, Madame D______ et Messieurs E______ et F______, ainsi qu’à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :