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Décisions | Chambre civile

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C/1670/2008

ACJC/440/2010 (3) du 16.04.2010 sur JTPI/13074/2009 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : ; TESTAMENT OLOGRAPHE ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : CC.505.1. CC.467. CC.469.1
Résumé : Le but de l'interprétation des dispositions pour cause de mort est d'établir la volonté réel du disposant. La théorie de la confiance ne trouve donc pas application, ce qui signifie que les héritiers prétendus ou autres bénéficiaires n'ont pas droit à la protection de leur propre compréhension du texte; en d'autres termes, il ne s'agit pas de savoir comment ils ont compris la manifestation de volonté du défunt, mais uniquement ce que ce dernier voulait exprimer par là consid. 4.2).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1670/2008 ACJC/440/2010

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile
statuant par voie de procédure ordinaire

Audience du vendredi 16 AVRIL 2010

 

Entre

L'Hoirie de feu X______, soit :

1)  A______, domiciliée ______,

2) B______, domiciliée ______,

3) C______, domiciliée ______,

4) D______, domicilié ______,

5) E______, domiciliée ______ ,

agissant conjointement et solidairement, appelants d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 octobre 2009, comparant tous par Me Karin Baertschi, avocate, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile,

et

 

 

 

 

 

1) Y______, domiciliée ______,

2) Z______, domiciliée ______,

agissant conjointement et solidairement, intimées, comparant toutes deux par Me Monica Bertholet, avocate, en l'étude de laquelle elles font élection de domicile aux fins des présentes,


EN FAIT

A. Les époux X______, né le ______ 1939 à ______, et F______, née G______ le ______ 1936, tous deux originaires de ______, sont décédés en Thaïlande en date du 26 décembre 2004, à la suite d'une catastrophe naturelle (Tsunami).

Ils étaient domiciliés en dernier lieu au ______ (Genève).

Ils n'ont pas eu d'enfants communs.

D'un précédent mariage, F______avait eu une fille, H______, dont la date de naissance est inconnue, mère de Y______ et Z______, nées respectivement le ______ 1983 et le ______ 1986, étant précisé qu'aucun document officiel n'a été produit les concernant. Toutefois, ni leur identité ni leur filiation n'a été mise en doute.

B. La parenté de X______ se composait de ses soeurs, A______, née I_____ le ______ 1934, J______, née le ______ 1927, mais décédée le ______ 2007, et B______, née le ______ 1930, ainsi que de ses nièce et neveu, E______, née le ______ 1960, et D______, né le ______ 1952.

Si l'identité des précités est établie par des documents d'identité, en original ou en copie, leurs liens de parenté, notamment de filiation, ne ressortent d'aucune pièce.

C. Par jugement du 31 mai 2007, entré en force, le Tribunal de première instance a annulé, dépens compensés, le testament de X______ et F______du 30 septembre 2002 ainsi que son codicille du 5 novembre 2002.

Il ressort de ce jugement que les époux avaient décidé, par le testament du 30 septembre 2002, de laisser l'intégralité de leurs biens à H______ ainsi qu'à ses filles Y______ et Z______; quant au codicille du 5 novembre 2002, il prévoyait qu'en cas de prédécès de l'un des époux, l'autre hériterait de la totalité des biens.

Le Tribunal a fait droit aux conclusions d'A______, J______, B______, D ______ et E______, qui avaient contesté ces dispositions testamentaires, au motif qu'elles étaient entachées d'un vice de forme, pour constituer un testament conjonctif, non valable selon le droit suisse.

D. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 28 janvier 2008, A______, C______, fille de feu J______, B______, D______ et E______ ont assigné Y______ et Z______, domiciliées, la première, ______ (Vaud), la seconde, ______ (Vaud).

 

Seule A______ est domiciliée à Genève, les autres demandeurs résidant en Italie.

Les demandeurs ont conclu, avec suite de dépens, à l'annulation du testament de X______ du 2 avril 1992 et à ce qu'il soit dit qu'ils sont les seuls héritiers de leur défunt frère et oncle.

Ils ont fait valoir que ce testament, établi selon la forme olographe, ne reflétait pas la volonté de X______, dont les connaissances rudimentaires de la langue française ne lui auraient pas permis d'utiliser les termes figurant dans ces dernières volontés.

Y______ et Z______ se sont opposées à la demande et ont conclu à ce qu'il soit constaté que D______ et E______ n'ont pas la qualité pour agir et que les autres demandeurs soient déboutés de toutes leurs conclusions, avec suite de dépens.

E. Par jugement du 27 octobre 2009, notifié le 29 octobre suivant, le Tribunal de première instance a débouté les demandeurs de toutes leurs conclusions et les a condamnés aux dépens, comprenant une indemnité de procédure de 8'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de Y______ et Z______.

Il a considéré, en substance, que le testament litigieux était valable à la forme, pour être daté et signé de la main de X______, que la question de la qualité pour agir de D______ et d'E______ pouvait rester ouverte, compte tenu de l'issue du litige, et que les enquêtes avaient démontré que X______ avait eu une parfaite connaissance du français, l'avait parlé et lu couramment, l'avait écrit de manière satisfaisante, enfin qu'aucun élément ne permettait de retenir que ce testament ne correspondait pas à sa volonté.

F. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 19 novembre 2009, A______, C______, B______, D______ et E______ ont appelé de ce jugement dont ils ont sollicité l'annulation, concluant à ce que la nullité du testament du 2 avril 1992 soit prononcée, avec suite de dépens de première et deuxième instance.

Ils ont fait valoir qu'il n'était pas établi que le défunt avait acquis une maîtrise suffisante de la langue française pour "rédiger le testament du 2 avril 1992 de sa propre initiative et comme étant l'expression de sa volonté libre". Ainsi, X______ "ne pouvait être à l'origine du texte du testament olographe du 2 avril 1992, dont il ne pouvait avoir voulu son contenu." Rien ne permettait en effet de retenir que le défunt avait voulu exclure en totalité de sa succession ses soeurs et ses neveu et nièce au profit exclusif des intimées.

Dans leur réponse à l'appel du 28 janvier 2010, Y______ et Z______ ont repris leurs conclusions de première instance relatives à l'absence de qualité pour agir de D______ et d'E______ et au déboutement des autres appelants de toutes leurs conclusions, avec suite de dépens.

L'argumentation des parties sera examinée ci-après, dans la mesure utile.

G. Les éléments pertinents suivants ressortent par ailleurs du dossier soumis à la Cour.

a. Le 29 janvier 2007, Me K______, notaire à Saint Julien en Genevois (France), a établi un procès-verbal de dépôt et description du testament olographe de X______, à teneur duquel il a exposé que le défunt lui avait confié de son vivant, pour en assurer sa conservation, un testament non cacheté, rédigé sur une page de papier blanc de format A4 au recto de laquelle figuraient 20 lignes d'écritures, sans renvoi ni mot nul.

Le texte de ce testament tient en ceci :

"Ceci est mon testament

Je soussigné, Monsieur X______, demeurant à Genève, ______,

déclare léguer tous les biens meubles et immeubles qui composeront ma succession à Madame G______, mon épouse, que j'institue pour ma légataire universelle.

Toutefois, pour le cas où mon épouse viendrait à décéder avant moi, j'entends que ce legs profite à ses petites filles Y______, née les ______ 1983 à ___ et Z______ née le ______ 1986 à ___ demeurant à ___ (canton de Vaud Suisse, ______.

Telles sont mes volontés.

Fait et signé à Genève le 2 avril 1992".

b. Devant le Tribunal de première instance, A______ a expressément reconnu que le testament du 2 avril 1992 était bien écrit de la main de son défunt frère, X______. Elle n'avait jamais discuté avec ce dernier de ses dernières volontés. Son frère avait entretenu de bonnes relations avec Y______ et Z______, tout comme elle avait été en bons termes avec lui. Son frère lui avait toujours dit qu'il aurait beaucoup de plaisir à laisser sa maison en Italie à la famille. Son frère n'avait jamais écrit le français. C'était toujours sa belle-soeur qui avait rédigé les courriers. Il était arrivé en Suisse à l'âge de 19 ans, avait habité chez elle pendant quelque temps jusqu'à son mariage, puis avait travaillé dans la restauration avec son épouse.

Y______ a expliqué, pour sa part, que X______, bien que n'étant pas son grand-père de sang, l'avait vu naître, de même que sa sœur, et les avait considérées toutes les deux comme ses petites-filles. Elle et sa sœur avaient passé chaque année les fêtes avec lui et il les avait emmenées en voyage ainsi que dans sa maison en Italie. Il leur avait indiqué qu'il avait pris, avec sa femme, respectivement leur grand-mère, des dispositions afin qu'elles héritent. X______ s'était parfaitement exprimé en français et avait eu beaucoup de relations avec la clientèle, car il avait travaillé dans la restauration. Il n'avait eu aucun problème à écrire le français et avait même fait des mots croisés dans cette langue.

c. Il ressort d'un curriculum vitae de X______, versé à la procédure, que ce dernier a travaillé, de 1958 à 1966, pour l'entreprise L______à Meyrin (Genève), en qualité de contremaître de fabrication, de 1966 à 1979, ainsi qu'en 1982, 1991 et 1992, pour l'entreprise M______à Genève, active dans le domaine de la signalisation routière, en qualité de chef d'équipe, de 1979 à 1981, en qualité de gérant du Club de tennis de N______ à Lausanne, de 1982 à 1988, en qualité de tenancier du Café-Restaurant de la Place à O______ (Vaud), de 1989 à 1991 en qualité de gérant de l'Auberge communale de P______(Vaud), de 1993 à 2002 en qualité de gérant du Club de Tennis de Q______(Genève).

Un article paru le 1er novembre 1985 dans le quotidien 24 heures, sous la rubrique "Le coup de fourchette" a été consacré au Café-Restaurant de la Place à O______, référence étant faite à ses exploitants, X______ et F______. Cet article leur a d'ailleurs valu un courrier enthousiaste de la Municipalité de O______. Par courrier du 23 décembre 1988, cette même Municipalité, ayant été informée de la remise de l'établissement par les époux X______, pour cause de problèmes de santé, ont formulé "nos voeux les plus fervents pour un prompt rétablissement" et ont relevé la bonne tenue de l'établissement et sa propreté, ainsi que le tact avec lequel des situations difficiles avaient été réglées.

À teneur d'une déclaration pour les paiements de prestations en cas de décès, établie par la compagnie R______, Y______ et Z______ étaient les bénéficiaires d'une police assurance vie conclue le 1er mai 2004 par X______ et devant venir à échéance le 30 avril 2014.

d. Il ressort des enquêtes diligentées par le Tribunal de première instance que Y______ et Z______ avaient régulièrement aidé leurs grands-parents dans l'exploitation du Club de tennis de Q_____(témoin S______), X______ et F______ étant même qualifiés de grands-parents "gâteaux" (témoins T______ et U______). Durant de nombreuses années, Y______ et Z______ avaient appelé X______ et F______ grand-papa et grand-maman (témoin U______). X______ s'était d'ailleurs comporté comme un grand-père avec elles (témoin V______).

De nombreux témoins ont confirmé que X______ parlait parfaitement le français (témoins T______, S______, W______, AA______et U______), pour avoir été en contact avec la clientèle; il avait été un bon commerçant (W______). X______ avait régulièrement participé aux assemblées générales des copropriétaires de l'immeuble, s'était exprimé à ces occasions, avait pris position, avait lu les procès-verbaux et avait écrit et avait même relevé des éléments manquants (témoin AA______).

De manière générale, X______ a été décrit comme une personnalité gentille, mais ferme, sachant diriger et prendre des décisions.

V_____, frère de la défunte F______ , a indiqué que le couple X______ avait pour habitude de tout mettre en ordre avant de faire un long voyage. Il lui avait laissé entendre que tout était réglé et "qu'ils avaient laissé un papier". X______ lui avait même dit qu'il souhaitait léguer directement la moitié de la maison en Italie à ses petites filles Y______ et Z_____. Il n'avait en revanche jamais dit que quelque chose devait revenir aux membres de sa famille en Italie. Toujours selon ce témoin, X______ n'aimait pas écrire; il était intelligent, mais n'aimait pas les "paperasses". Il ne savait pas rédiger un long texte en français. "S'il avait voulu le faire, il aurait demandé à ma soeur où serait allé chez le notaire".

EN DROIT

1. Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 296 al. 1 et 300 LPC), l'appel est recevable.

La cause a fait l'objet d'une taxation selon une valeur litigieuse indéterminée (art. 12 lit f. du règlement fixant le tarif des greffes en matière civile) et les parties se sont abstenues de fournir une quelconque indication permettant d'estimer la valeur des actifs successoraux. Le seul élément qui ressort du dossier est l'existence d'un bien immobilier en Italie, dont le sort est précisément contesté.

Il y a dès lors lieu d'admettre que ce bien, vu sa nature immobilière, a une valeur supérieure à 8'000 fr., respectivement à 30'000 fr., de sorte que le Tribunal de première instance a statué en premier ressort (art. 22 et 24 LOJ), que le pouvoir de cognition de la Cour de céans est complet et qu'un recours en matière civile pourrait être interjeté auprès du Tribunal fédéral contre le présent arrêt.

2. Les appelants étant les sœurs, respectivement les neveu et nièce du défunt, ils ne revêtent pas la qualité d'héritiers réservataires (art. 471 CC a contrario; STEINAUER, Le droit des successions, p. 216 ss., Berne, 2006; GUINAND/STETTLER/LEUBA, Droit des successions, p. 43 ss., 6e éd., Genève/ Zurich/Bâle, 2005).

C'est dire que X______ pouvait librement disposer de la totalité de ses biens.

3. Le testament du 30 septembre 2002 ainsi que son codicille du 5 novembre 2002 ayant été annulés par jugement du 31 mai 2007, entré en force, les seules dispositions testamentaires sont celles du 2 avril 1992.

3.1 Selon l'art. 505 al. 1 CC, le testament olographe est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; la date consiste dans la mention de l'année, du mois et du jour où l'acte a été dressé.

S'agissant de la forme, lorsque un tiers prête assistance au testateur pour écrire un testament olographe, l'acte demeure valable si le testateur a écrit lui-même les éléments essentiels des dispositions, ainsi que l'indication de la date, de même que sa signature, et que les adjonctions de la main du tiers n'ont trait qu'à des éléments superflus ou au rétablissement d'une lettre que le testateur a omise et que tout lecteur rétablirait de lui-même (ATF 98 II 73 consid. 3b). Une forme n'est pas prescrite pour elle-même ; la forme olographe du testament a notamment pour fin de manifester la volonté du testateur, son animus testandi, soit son intention de disposer de ses biens pour après sa mort. Cette volonté doit ressortir du testament lui-même, soit de ce que le testateur a écrit. Un testament rédigé en partie par le testateur et en partie par un tiers n'est frappé de nullité totale que si le texte écrit de la main du testateur n'a en lui-même aucun sens ou s'il y a lieu d'admettre que le testateur n'aurait pas pris les dispositions qu'il a écrites à la main en l'absence des parties ajoutées par le tiers (ATF 131 III 601, consid. 3.1 et références citées; art. 20 al. 2 CO).

3.2 En l'espèce, les appelants, représentés durant la procédure de première instance par A______, seule à être domiciliée en Suisse, respectivement à Genève, ont expressément admis que le testament litigieux avait été entièrement écrit par X______ et que, de manière générale, il répondait aux conditions formelles posées par la loi.

On ne se trouve donc pas dans la problématique, évoquée ci-dessus, du testament olographe partiellement nul ou annulable pour comporter des mentions écrites de la main d'un tiers. La référence à la jurisprudence du Tribunal fédéral en cette matière a pour but de rappeler le principe du "favor testamenti" qui veut que, chaque fois que cela est possible et que cela peut maintenir une efficacité, même partielle, à la volonté du défunt, la disposition pour cause de mort viciée doit être convertie en une autre qui est valable (STEINAUER, op. cit., n. 777, p. 379, art. 520 et 520a CC).

4. 4.1 L'art. 467 CC prescrit que toute personne capable de discernement et âgée de 18 ans révolus a la faculté de disposer de ses biens par testament, dans les limites et selon les formes établies par la loi. Corollairement, sont nulles toutes les dispositions que leur auteur a faites sous l'empire d'une erreur, d'un dol, d'une menace ou d'une violence (art. 469 al. 1 CC). Elles sont toutefois maintenues, s'il ne les a pas révoquées dans l'année après qu'il a découvert le dol ou l'erreur, ou après qu'il a cessé d'être sous l'emprise de la menace ou de la violence (al. 2).

Le discernement est présumé et c'est à celui qui le conteste d'apporter la preuve de l'incapacité de discernement du disposant (GUINAND/STETTLER/LEUBA, op. cit. n. 249, p. 126). La capacité de disposer s'apprécie par rapport au jour de la confection de l'acte (GUINAND/STETTLER/LEUBA, op. cit., n. 252, p. 128).

4.2 S'agissant de l'interprétation des dispositions pour cause de mort, il convient de se référer aux règles générales valant pour les actes juridiques, le but étant d'établir la réelle intention du défunt. Toutefois, l'interprétation ne peut pas conduire à établir une volonté que le défunt n'a absolument pas exprimée. En d'autres termes, elle ne peut porter que sur une volonté qui a trouvé une expression quelconque, aussi confuse ou incomplète soit-elle, dans une disposition pour cause de mort (STEINAUER, op. cit., n. 287 et 289, p. 176/7). Le texte de l'acte pour cause de mort est donc le premier point d'appui de l'interprétation (STEINAUER, op. cit., n. 290 et références citées). La théorie de la confiance ne trouve donc pas application, ce qui signifie que les héritiers prétendus ou autres bénéficiaires n'ont pas droit à la protection de leur propre compréhension du texte; en d'autres termes, il ne s'agit pas de savoir comment ils ont compris la manifestation de volonté du défunt, mais uniquement ce que ce dernier voulait exprimer par là (ATF 131 III 106; ATF du 14 décembre 2009, cause 5A_715/2009, cité et commenté in ius.focus, février 2010, p. 5; GUINAND/STETTLER/LEUBA, op. cit., n. 388, p. 184). Dans le doute, il est préférable de choisir l'interprétation qui maintient les dispositions pour cause de mort plutôt que celle qui conduit à les déclarer nulles ou caduques (STEINAUER, op. cit., n. 294, p. 179).

4.3 Il est établi et par ailleurs non contesté que X______, de même que son épouse, sont décédés de manière accidentelle et il n'a pas été allégué que le défunt n'aurait pas été en possession, à un quelconque moment de sa vie, de toutes ses facultés intellectuelles.

De surcroît, les dispositions testamentaires litigieuses ont été établies en 1992, alors que le défunt n'était âgé que de 53 ans. Selon le curriculum vitae figurant au dossier, à cette époque, X______ était pleinement actif dans la restauration, étant en particulier rappelé qu'il a exploité l'Auberge communale de P______de 1989 à 1991.

Il ressort par ailleurs tant des pièces produites par les intimées que des enquêtes auxquelles le Tribunal de première instance a procédé, que le défunt avait de nombreuses activités, qu'il était un bon commerçant, qu'il avait d'excellentes relations avec la clientèle, qu'il s'exprimait parfaitement en français et qu'il savait prendre des décisions.

Rien ne permet donc de mettre en doute la pleine capacité de discernement de X______ au moment de la rédaction de ses dispositions testamentaires, ni d'ailleurs à un quelconque moment ultérieur. Il convient de rappeler ici que le défunt, mesure de précaution particulièrement adéquate, a déposé ses dernières volontés chez un notaire.

S'agissant du sens du testament, il ne prête à aucune discussion, dans la mesure où X______ a institué, à titre principal, son épouse comme son héritière universelle, ce qui est parfaitement logique dès lors que les époux n'avaient pas de descendants. Dans l'hypothèse, qui s'est réalisée, d'un décès de F______avant celui de X______, éventualité à laquelle il faut ajouter l'hypothèse d'un décès simultané, le défunt a désigné, de manière tout aussi claire, les petites filles de son épouse comme devant être les bénéficiaires de la totalité de ses biens.

On ne discerne pas en quoi ces dernières volontés comporteraient la moindre ambiguïté et laisseraient la moindre place pour une interprétation. La première bénéficiaire, respectivement les bénéficiaires suivantes, sont nommément désignées et il en va de même en ce qui concerne les biens devant leur revenir, soit tous les biens meubles et immeubles.

Il y a encore lieu de rappeler que le testament du 30 septembre 2002 et son codicille du 5 novembre 2002, annulés pour vice de forme, comportaient des dispositions similaires, en tant qu'ils favorisaient l'époux survivant et les petits-enfants de l'épouse, Y______ et Z______, ce qui est un élément d'interprétation supplémentaire en rapport avec le testament du 2 avril 1992.

4.4 L'argumentation des appelants, qui n'invoquent aucune disposition légale et qui ne font état que d'une unique jurisprudence, relative à une testatrice aux facultés intellectuelles diminuées, semble comporter deux aspects.

Le premier a trait au vocabulaire utilisé dans le testament. A cet égard, les appelantes insistent lourdement sur le fait que le défunt, d'origine italienne, mais naturalisé suisse depuis de nombreuses années, n'aurait pas pu utiliser des termes tels "léguer", "légataire" ou "legs", notamment parce qu'il ne savait pas écrire en français. Cette affirmation n'a pas été confirmée par les enquêtes, si l'on considère en particulier le témoignage de AA______. Même si l'on devait retenir que X______ avait éprouvé des difficultés à rédiger des textes en français, cela n'entraînerait pas pour conséquence que le testament devrait être invalidé pour ce motif. Il n'est nullement interdit de recourir à un dictionnaire ou à l'aide d'une personne qualifiée en la matière pour rédiger un texte requérant un vocabulaire particulier, en l'occurrence juridique. S'agissant plus particulièrement de la terminologie utilisée dans le code civil en matière de successions, bon nombre de personnes francophones auraient probablement de la peine à restituer sans autre le sens de termes tels "succéder par souche" (art. 458 al. 3 CC), "la dévolution" (art. 537 ss. CC), "la loyale échute" (art. 496 CC), "la substitution fidéicommissaire" (art. 488 CC) ou encore "les envoyés en possession" (art. 547 CC).

Comme déjà dit, ce qui est décisif est le fait que le testateur a compris le sens des dispositions qu'il a prises et que ce sens peut être déterminé sur la base de l'écrit en cause. Tel est clairement le cas en l'espèce.

Le deuxième argument consiste à mettre en doute la volonté du défunt de priver les appelants de tout ou partie de ses biens. Ce faisant, les appelants tentent d'introduire une interprétation du testament selon le principe de la confiance, ce qui n'est pas admissible au vu des considérations juridiques développées ci-dessus. L'on ne saurait invalider des dernières volontés au seul motif que certains membres de la parenté du défunt n'ont pas été gratifiés de la manière qu'ils l'attendaient.

Cette argumentation ne tient pas non plus compte du fait que X______ avait institué son épouse comme son héritière principale. Il est en effet permis de douter que les appelants auraient osé contester ce choix, si F______n'avait pas péri dans le Tsunami qui a ravagé la Thaïlande en décembre 2004. De plus, à supposer que cet élément soit pertinent, les enquêtes ont largement démontré l'étroitesse des liens entre le défunt et les intimées, considérées comme ses petites-filles à part entière.

5. L'appel s'avérant infondé, la Cour se dispensera, à l'instar du Tribunal de première instance, d'examiner la question de la légitimation active de certains appelants.

6. Vu l'issue du litige, la totalité des dépens, comprenant une participation aux honoraires d'avocat des intimés, sera mis à la charge des appelants. Ces derniers seront en outre condamnés à supporter, conjointement et solidairement, un émolument complémentaire fixé en fonction des intérêts en jeu et du travail judiciaire occasionné (art. 24 du règlement fixant le tarif des greffes en matière civile).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par l'Hoirie de feu X______, soit : A______, B______, C______, D______ et E______ contre le jugement JTPI/13074/2009 rendu le 27 octobre 2009 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1670/2008-3.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Condamne l'Hoirie de feu X______, soit : A______, B______, C______, D______ et E______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de complémentaire de 4'000 fr.

Condamne l'Hoirie de feu X______, soit : A______, B______, C______, D______ et E______, conjointement et solidairement, aux dépens des intimées, comprenant une participation à leurs honoraires d'avocat de 3'000 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur François CHAIX, président; Madame Renate PFISTER-LIECHTI et Monsieur Jean RUFFIEUX, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

Le président :

François CHAIX

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.