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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3429/2013

ATA/336/2014 du 13.05.2014 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.06.2014, rendu le 13.04.2015, REJETE, 2C_607/2014, 2C_608/2014
Descripteurs : REPRÉSENTATION EN PROCÉDURE ; AGENT D'AFFAIRES ; MONOPOLE DE L'AVOCAT ; MARCHÉ INTÉRIEUR ; LIEU DE PROVENANCE ; LIBERTÉ D'ÉTABLISSEMENT ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL
Normes : LPA.60.al1.lete ; LMI.9.al2bis ; CPC.68.al2.leta ; CPC.68.al2.letb ; CPC.68.al2.letc ; CPC.68.al2.letd ; LP.27.al1 ; LP.27.al2 ; LMI.1 ; LMI.2 ; LPAA.1 ; LPAA.3 ; LLCA.4 ; LPAv.2 ; Cst.24 ; Cst.26.al1 ; Cst.27 ; Cst.36 ; LMI.4.al3
Résumé : Qualité pour recourir de la COMCO et délimitation de l'objet du litige. Un agent d'affaires breveté vaudois ne peut se prévaloir de la LMI pour exercer à Genève des compétences en matière de représentation conventionnelle que le législateur genevois, sur la base du Code de procédure civile, a réservées aux seuls avocats inscrits au barreau. L'atteinte à la liberté économique qui en résulte est justifiée par la protection du public et respecte le principe de la proportionnalité dans ses trois composantes, un agent d'affaire breveté vaudois n'étant pas empêché d'exercer les compétences dévolues aux agents d'affaires genevois. L'exigence de gratuité prévue par la LMI ne s'applique pas à la procédure de recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3429/2013-PROF ATA/336/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mai 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dominik Gasser, avocat,

 

et

 

COMMISSION DE LA CONCURRENCE

 

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE
représenté par Me Christian Luscher, avocat



EN FAIT

1) a. Le 6 mai 2013, Monsieur A______, né le ______ 1968, a requis du département de la sécurité, devenu le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), l’autorisation d’exercer la représentation professionnelle en justice, en procédure civile, en qualité d’agent d’affaires breveté.

Exerçant cette profession dans le canton de Vaud depuis le 1er mai 1995, il souhaitait pratiquer à Genève la représentation professionnelle en procédure civile dans tous les cas de figure prévus par la législation vaudoise, soit les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée selon l’art. 243 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), les causes de prononcé de séparation de biens et de rétablissement du régime antérieur, les procédures de conciliation (à l’exception des procès en nullité du mariage, en séparation de corps, en constatation et contestation de la filiation et en interdiction), les affaires soumises à la procédure sommaire selon l’art. 248 CPC, les causes relevant de la compétence du tribunal des baux et loyers et des tribunaux des prud’hommes. Puisque le canton de Vaud avait fait usage de la possibilité offerte par l’art. 68 al. 2 CPC en autorisant les agents d’affaires brevetés à représenter les parties devant l’autorité de conciliation, dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée et à la procédure sommaire, le principe du lieu de provenance concrétisé par la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) lui permettait d’offrir ses services sur l’ensemble du territoire suisse.

b. Il a joint à sa demande divers documents, dont :

- un brevet d’agent d’affaires délivré le 18 juillet 1994 par le Tribunal cantonal du canton de Vaud en application de la loi sur la profession d’agent d’affaires breveté du canton de Vaud du 20 mai 1957 (LPAg ; 179.11) ;

- un courrier du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 mars 1995 l’informant que l’autorisation de pratiquer la profession d’agent d’affaires breveté lui avait été accordée et qu’il était inscrit au registre cantonal des agents d’affaires brevetés autorisés à pratiquer dans le canton de Vaud ;

- un courrier de l’association suisse de l’économie immobilière du 1er février 2011 l’autorisant à assister ou représenter professionnellement la partie bailleresse devant les commissions de conciliation en matière de baux et loyers et le tribunal des baux, ainsi que dans les causes ayant trait à l’expulsion de l’ancien locataire ou fermier dont le bail avait été résilié, faute de paiement du loyer ou du fermage ;

- un courrier du tribunal des baux et loyers de Genève du 12 mai 2011 l’informant que le plénum de cette juridiction et la commission de conciliation en matière de baux et loyers avaient confirmé son statut de mandataire professionnellement qualifié ;

- un extrait de son casier judiciaire suisse daté du 21 février 2013 ne comportant aucune inscription ;

- un « acte de mœurs et de domicile » délivré par la Municipalité de Lausanne le 25 février 2013 attestant qu’il résidait dans cette commune et que son comportement n’avait donné lieu à aucune observation ;

- une déclaration de l’office des poursuites de Lausanne du 2 avril 2013 selon laquelle il ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

2) Le 21 mai 2013, le département a écrit à M. A______, lui faisant savoir qu’il envisageait de refuser la délivrance de l’autorisation requise. Le législateur genevois n’avait pas procédé à une extension des compétences des agents d’affaires suite à l’entrée en vigueur du CPC, de sorte qu’il était douteux que ses prétentions puissent se fonder sur la LMI. Un délai lui était imparti pour se déterminer avant qu’une décision soit rendue.

3) Par courrier du 28 juin 2013, M. A______, a précisé qu’il requérait, sur la base de la loi vaudoise, l’autorisation d’exercer dans le canton de Genève la profession d’agent d’affaires breveté, en conformité avec la LMI. Dans les deux cantons, la formation et les compétences des agents d’affaires n’étaient pas identiques. Il a joint à son envoi une copie de la LPAg.

4) Le 12 juillet 2013, le département a répondu à M. A______, persistant dans les termes de son précédent courrier et lui impartissant un ultime délai pour se déterminer sur le fait qu’il était douteux que la LMI pût permettre à un agent d’affaires autorisé à pratiquer dans le canton de Vaud d’exercer à Genève des compétences procédurales que ce dernier n’accordait pas aux membres de cette profession.

5) Par courrier du 28 août 2013, M. A______ a précisé que la LMI s’appliquait à l’exercice de sa profession, qui n’était pas régalienne. Selon le principe du lieu de provenance, les prescriptions du canton ou de la commune d’établissement de l’offreur régissaient l’activité au lieu de destination, même si elle n’y existait pas ou pas sous la même forme. En tant qu’agent d’affaires breveté vaudois, il avait le droit d’exercer son activité à Genève, selon les prescriptions du canton de Vaud, une restriction à la liberté d’accès au marché n’étant admissible que sous la forme de conditions ou de charges, uniquement si la présomption d’équivalence était réfutée et si les conditions de restriction de la LMI n’étaient pas remplies. Il requérait le prononcé d’une décision formelle.

6) Par décision du 1er octobre 2013, le département a refusé à M. A______ l’autorisation d’exercer son activité dans le canton de Genève selon les prescriptions du canton de Vaud.

Si l’art. 68 al. 2 let. b CPC autorisait les cantons à prévoir que les agents d’affaires pouvaient représenter les parties à titre professionnel pour certaines procédures déterminées, le canton de Genève n’avait pas procédé à une telle extension de leurs compétences dans le cadre de l’adaptation de la législation au CPC. Dès lors que les agents d’affaires genevois disposaient de compétences plus restreintes que leurs homologues vaudois, l’activité de ces derniers à Genève pouvait être restreinte sous forme de charges ou de conditions en application de la LMI. Ces restrictions, qui s’appliquaient de la même manière à tous les membres de la profession, étaient indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants, à savoir le choix du législateur genevois de ne pas procéder à une extension des compétences des agents d’affaires et de réserver la représentation des parties devant les juridictions civiles aux seuls avocats, voire à des mandataires professionnellement qualifiés dans des domaines spécifiques, afin de protéger le justiciable et de favoriser le bon fonctionnement des tribunaux. Elles respectaient également le principe de proportionnalité, dans la mesure où elles permettaient aux agents d’affaires autorisés dans le canton de Vaud d’exercer leur activité à Genève aux mêmes conditions que les agents d’affaires locaux.

7) Le 8 octobre 2013, la commission de la concurrence (ci-après : COMCO) a sollicité du département une notification formelle de la décision du 1er octobre 2013, dont elle avait eu connaissance de manière indirecte.

8) Par acte expédié le 24 octobre 2013, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du département du 1er octobre 2013, concluant, « sous suite de frais et dépens », à son annulation, principalement, à ce que l’autorisation de représenter les parties à titre professionnel lui soit accordée dans le cadre des affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée, des prononcés de séparation de biens et de rétablissement du régime antérieur, des procédures de conciliation, à l’exception des procès en nullité du mariage, en séparation de corps, en constatation et contestation de la filiation et en interdiction, des affaires soumises à la procédure sommaire, des affaires relevant du droit du bail ou du travail, des opérations de la poursuite pour dettes et la faillite et de la procédure de plainte, subsidiairement au renvoi de l’affaire au département pour nouvelle décision au sens des considérants.

Bien que les termes d’« agent d’affaires » soient utilisés dans les cantons de Genève et de Vaud, ils ne recouvraient pas la même profession, tant en matière de formation que de compétences, dès lors que l’un était seulement autorisé à pratiquer, tandis que l’autre était au surplus « breveté » et au bénéfice de compétences « illimitées ».

L’art. 68 al. 2 let. b CPC contenait une clause de délégation de compétence en faveur des cantons, qui leur permettait d’introduire sur leur territoire la représentation professionnelle des parties en justice par des agents d’affaires. Cette disposition ne traitait toutefois pas de la libre circulation de ceux-ci sur le marché intérieur, pas davantage d’ailleurs que l’art. 68 al. 2 let. c CPC, qui renvoyait à l’application de l’art. 27 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) pour la question de la libre circulation des agents dits de poursuite, ou de l’art. 68 al. 2 let. a CPC concernant les avocats, pour lesquels la problématique était régie par la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). En application de la primauté du droit fédéral, le droit cantonal ne pouvait ainsi déroger à la LMI. Par ailleurs, dans la mesure où celle-ci était une loi-cadre, qui traitait de l’accès libre et non discriminatoire au marché, et que l’art. 68 al. 2 CPC était une norme de compétence, il n’existait aucun conflit entre ces deux textes.

En l’absence de loi et de disposition pertinente, la LMI était donc applicable aux agents d’affaires, lesquels exerçaient une activité lucrative non régalienne. En vertu des principes dégagés par cette loi, lorsqu’un agent d’affaires exerçait une activité lucrative sur le territoire d’un canton, il pouvait s’établir dans un autre canton pour y exercer la même profession, indépendamment du maintien ou de l’abandon du premier établissement. Le département avait méconnu ce principe en lui refusant tout accès au marché, sans examiner en détail si des restrictions, sous forme de charges ou de conditions, soumises à des exigences accrues en matière de proportionnalité, pouvaient lui être imposées. Dans ce cadre, la pesée des intérêts précédemment effectuée dans le canton de Vaud, qui avait pris en compte la protection des consommateurs et le bon fonctionnement de la justice, était également valable à Genève, où les consommateurs ne nécessitaient pas de protection supplémentaire, les tribunaux vaudois n’ayant pas non plus subi d’influence négative par l’octroi de compétences de représentation aux agents d’affaires brevetés. Ainsi, au regard de la protection des consommateurs effectuée par la LPAg, qui soumettait l’accès à la profession à des conditions strictes, tant s’agissant des connaissances que de la probité des candidats, de l’intérêt économique pour le consommateur, lequel pouvait faire appel à un mandataire dont le coût était inférieur à celui d’un avocat, ainsi que de la sphère de représentation limitée des agents d’affaires brevetés, la restriction de l’accès au marché résultant de la décision querellée ne préservait aucun intérêt prépondérant, ce d’autant que le requérant exerçait sa profession depuis de nombreuses années.

La décision entreprise portait également atteinte à de nombreux droits fondamentaux, tels que la liberté d’établissement, la garantie de la propriété et la liberté économique. Il n’existait d’ailleurs aucune base légale permettant de les restreindre, puisqu’aucune réglementation n’interdisait aux agents d’affaires brevetés de représenter des parties. Les autres conditions de restrictions de ces libertés, qui étaient les mêmes que celles développées au sujet de la LMI, n’étaient pas non plus réalisées.

En refusant sa requête, le département avait encore méconnu le fait qu’il s’était vu octroyer le statut de mandataire professionnellement qualifié le 12 mai 2011, ce qui avait eu pour effet de révoquer ses autorisations de représentation en matière de droit du bail et du travail, sans que les conditions d’une révision ou d’une révocation n’aient été réalisées et en violation de son droit d’être entendu.

9) Par acte expédié le 25 octobre 2013, la COMCO a également recouru contre cette décision, notifiée par le département le 11 octobre 2013, concluant, avec suite de frais, à ce qu’il soit constaté que la décision « est constitutive d’une restriction illicite à l’accès au marché ».

Depuis le 1er janvier 2011, l’art. 68 al. 2 CPC définissait, au niveau fédéral, le cercle des personnes autorisées à exercer la représentation à titre professionnel en procédure civile, autorisant les cantons à attribuer des compétences supplémentaires aux personnes non inscrites au registre cantonal des avocats, ce dont ils avaient fait usage de manière variable, de sorte que les agents d’affaires vaudois avaient des compétences plus étendues que leurs homologues genevois, lesquels étaient seulement habilités à agir devant les offices des poursuites et des faillites. La réglementation genevoise avait ainsi pour conséquence de réserver expressément certaines compétences aux avocats. La formation menant à l’exercice de la profession d’agent d’affaires était également différente, dans la mesure où il était exigé des candidats vaudois des connaissances et des compétences supérieures à celles requises de leurs collègues genevois.

Le CPC, qui ne prévoyait qu’une délégation de compétence en faveur des cantons et aucune disposition relative à la libre circulation, et la LMI n’entraient ainsi pas en conflit, puisque le premier laissait aux cantons la compétence de prévoir les conditions d’accès à la profession d’agents d’affaires et la deuxième garantissait aux personnes autorisées par le droit cantonal l’accès libre et non-discriminatoire au marché sur tout le territoire suisse afin d’y exercer leur activité. Même à admettre une collusion entre ces normes, la LMI était applicable à titre subsidiaire, dès lors que toute restriction du droit des agents d’affaires brevetés à accéder librement au marché intérieur suisse devait être tranchée à la lumière de cette loi. Il en résultait que la libre circulation des personnes autorisées à représenter les parties au sens de l’art. 27 al. 1 LP était régie par l’art. 27 al. 2 LP, celle des avocats par la LLCA, subsidiairement par la LMI, et celle des personnes autorisées à représenter les parties selon l’art. 68 al. 2 let. b et d par la LMI.

Dès lors, en application des principes du lieu de provenance et d’équivalence, un agent d’affaires breveté vaudois, sur la base des prescriptions du canton de Vaud, pouvait exercer son activité dans un autre canton. Un renversement de la présomption d’équivalence ne pouvait être envisagé que lorsque les agents d’affaires brevetés désiraient entreprendre des activités en dehors de leur canton de provenance, qui étaient, dans le canton de destination, exclusivement réservées aux avocats brevetés, aux conditions de l’art. 3 al. 1 et 2 LMI. Dans ce cadre, le département n’avait pas démontré, au moyen d’une motivation substantielle, que les charges et les conditions remplissaient les exigences légales. En effet, il n’existait pas de différences entre les cantons de Genève et de Vaud, pas davantage qu’un besoin de protection distinct, justifiant une pesée des intérêts spécifique au canton de Genève. Une protection suffisante des intérêts publics prépondérants était déjà réalisée au moyen des prescriptions vaudoises relatives à l’autorisation d’exercer des agents d’affaires brevetés dans le cadre de leurs compétences, de sorte qu’une restriction d’accès au marché genevois n’était pas indispensable à la protection des consommateurs et était d’ailleurs disproportionnée, ce d’autant que M. A______ pratiquait la représentation professionnelle depuis de nombreuses années.

10) Dans sa réponse du 17 janvier 2014, le département a conclu à ce que les recours de la COMCO et de M. A______ soient déclarés irrecevables, ce dernier en tant qu’il portait sur la révocation du courrier du tribunal des baux et loyers du 12 mai 2011. Sur le fond, il a conclu à leur rejet et à l’octroi d’une équitable indemnité de procédure.

Le recours de M. A______ était irrecevable en tant qu’il portait sur la qualité de mandataire professionnellement qualifié en matière de baux et loyers, qui n’était pas visée par la décision querellée. Celui de la COMCO l’était également, en l’absence de qualité pour agir, puisque la problématique n’avait pas trait à l’application de la LMI, mais concernait uniquement le CPC et les dispositions cantonales pertinentes.

Même si la situation des agents d’affaires vaudois et genevois n’était pas identique, cette différence n’avait aucun impact sur le litige. En adoptant l’art. 68 al. 2 CPC, le législateur avait voulu sauver la profession d’agent d’affaires, en laissant subsister les compétences cantonales en la matière, tout en évitant d’imposer l’exercice de cette activité aux cantons qui ne la prévoyaient pas, à l’instar du canton de Genève. L’art. 68 al. 2 let. b CPC ne comportait pas non plus de norme semblable à celle de l’art. 27 al. 2 LP. Ainsi, si le législateur avait voulu permettre aux agents d’affaires reconnus dans un canton d’agir librement dans un autre canton, il l’aurait expressément mentionné, ce qui n’était pas le cas, l’art. 68 al. 2 let. b CPC se limitant à renvoyer à l’application du droit cantonal et ne se référant pas à la LMI. Le CPC traitait ainsi de la question de la libre circulation, en la refusant. Il contenait un silence qualifié, qui ne pouvait être comblé, de sorte que le CPC et la LMI entraient en conflit. Les normes en matière de représentation étant exhaustives, elles ne laissaient pas place à l’application de la LMI. Le CPC constituait une loi spéciale, qui était postérieure à la LMI et qui devait primer. Dès lors que l’art. 68 al. 2 let. b CPC renvoyait à l’application du droit cantonal, ce dernier devait être examiné pour déterminer si une personne pouvait exercer la représentation à titre professionnel. Or, le canton de Genève n’avait pas fait usage de cette possibilité, en refusant de légiférer en la matière.

Le département avait correctement appliqué la LMI. Ainsi, le refus de l’exercice de la profession d’agent d’affaires breveté à Genève s’adressait tant aux offreurs locaux qu’à ceux en provenance d’autres cantons, de sorte que le principe d’égalité était respecté. L’intérêt public prépondérant résidait dans la qualité des services à offrir à la population, les justiciables devant être protégés et le bon fonctionnement des tribunaux assuré, objectifs ne pouvant être atteints que par la représentation en justice par des personnes suffisamment formées. Dans ce cadre, il ne fallait pas se demander si les agents d’affaires vaudois l’étaient suffisamment, mais si l’exercice de cette profession à Genève répondait à un tel intérêt public, ce qui n’était pas le cas, conformément à la volonté du législateur genevois. La décision querellée respectait également le principe de la proportionnalité, dès lors qu’une limitation de la représentation professionnelle par les seuls avocats était apte à atteindre le but de protection des justiciables visé. Elle était au surplus nécessaire à cette fin, faute de quoi un fastidieux mécanisme de surveillance devait être mis en place. En outre, cette mesure était la moins incisive que pouvait prendre le canton de Genève, la création et la mise en œuvre de multiples catégories de représentants en justice, avec des formations et des compétences différentes, ne permettant pas non plus d’atteindre les buts précités. Les cas de figure mentionnés à l’art. 3 al. 2 LMI n’étaient d’ailleurs pas réalisés.

La décision entreprise n’emportait aucune violation des droits fondamentaux de M. A______. La liberté d’établissement ne trouvait au demeurant pas application, l’intéressé ne désirant pas changer de lieu de résidence. Il en allait de même de la garantie de la propriété, dès lors que ni des intérêts patrimoniaux directs, ni des droits de propriété de biens mobiliers ou immobiliers n’étaient visés. Si l’interdiction faite à M. A______ d’exercer son activité à Genève emportait une restriction à la liberté économique, celle-ci était justifiée, conformément aux arguments précédemment évoqués en lien avec la LMI.

Le département avait respecté le droit d’être entendu de M. A______ en lui permettant de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises. D’ailleurs, la décision litigieuse ne le privait pas de sa qualité de mandataire professionnellement qualifié, pas davantage qu’elle ne se prononçait au sujet du courrier du tribunal des baux et loyers. Il en résultait qu’aucune décision n’avait été rendue à ce sujet, ce courrier n’ayant pas non plus été « révoqué », de sorte que le recours de M. A______ était irrecevable sous cet angle.

11) Par courrier du 27 janvier 2014, la COMCO a annoncé qu’elle n’avait pas de requête complémentaire à formuler.

12) a. Le 19 février 2014, M. A______ a répliqué, persistant dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures.

Dès lors que la décision entreprise emportait une restriction de l’accès au marché, son bien-fondé devait s’examiner au regard des principes établis par la LMI, de sorte que la COMCO avait qualité pour recourir, ce d’autant que la question à trancher était de savoir si la LMI lui permettait d’exercer sa profession dans le canton de Genève selon les prescriptions du droit vaudois et n’avait pas trait à l’application du droit cantonal genevois.

Sur le fond, l’art. 68 al. 2 CPC ne contenait pas de clause de libre circulation et se limitait à déterminer les personnes habilitées à représenter les parties. En l’absence de réglementation spécifique, la LMI trouvait application et réglementait directement la libre circulation des agents d’affaires brevetés. La décision entreprise contrevenait à l’objectif de la LMI, qui était d’empêcher que le fédéralisme l’emporte sur le principe d’un marché unifié, en faisant primer le droit cantonal, sous couvert d’un silence qualifié du CPC.

Le département n’avait pas renversé la présomption de l’art. 2 al. 5 LMI et ne s’était pas non plus livré à un examen sérieux des conditions de l’art. 3 LMI. Au surplus, il avait rejeté l’ensemble de ses conclusions, sous réserve de la représentation au sens de l’art. 27 LP. Ce refus global portait dès lors également sur son statut de mandataire professionnellement qualifié auprès des juridictions des prud’hommes et des baux et loyers, de sorte que son recours n’était pas irrecevable sur ce point.

b. Il a produit un bordereau de pièces, comportant notamment une attestation délivrée par la chambre des agents d’affaires brevetés du Tribunal cantonal vaudois du 11 février 2014, selon laquelle il était au bénéfice d’un brevet d’agent d’affaires breveté du 18 juillet 1994, établi à Lausanne et régulièrement inscrit sans interruption au tableau des agents d’affaires brevetés autorisés à pratiquer depuis le 21 mars 1995, et n’avait fait l’objet d’aucune mesure d’ordre disciplinaire.

13) Par courrier du 3 mars 2014, le département a persisté dans les termes de ses précédentes écritures, renonçant à dupliquer.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Dirigés contre une décision prise par le département, soit une autorité administrative au sens de l’art. 5 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), et interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir notamment les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) ainsi que les autorités, personnes et organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (let. e).

Selon l’art. 9 LMI, les restrictions à la liberté d’accès au marché doivent faire l’objet de décisions sujettes à recours (al. 1), le droit cantonal devant prévoir au moins une voie de recours devant une autorité indépendante de l’administration (al. 2) ; la COMCO peut, pour faire constater qu’une décision restreint indûment l’accès au marché, déposer un recours (al. 2bis).

b. En sa qualité de destinataire de la décision querellée, M. A______ a la qualité pour recourir auprès de la chambre de céans, ce qui n’est pas contesté.

Bien que la COMCO n’ait pas été partie à la procédure ayant mené au prononcé de la décision litigieuse, sa qualité pour recourir doit être reconnue en application des art. 60 al. 1 let. e LPA et 9 al. 2bis LMI, dans la mesure où la décision du département refuse à M. A______ l’autorisation de pratiquer sa profession à Genève selon les prescriptions du canton de Vaud sur la base de la LMI et que la COMCO estime que cette décision constitue une restriction indue à l’accès au marché au sens de cette loi.

3) Fondé sur l’art. 122 al. 1 Cst., qui prévoit que la législation en matière de droit civil et de procédure civile relève de la compétence de la Confédération, le CPC est entré en vigueur le 1er janvier 2011. Aux termes de l’art. 68 CPC, toute personne capable d’ester en justice peut se faire représenter au procès (al. 1). Sont autorisés à représenter les parties à titre professionnel (al. 2) : dans toutes les procédures, les avocats autorisés à pratiquer la représentation en justice devant les tribunaux suisses en vertu de la LLCA (let. a) ; devant l’autorité de conciliation, dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée et dans les affaires soumises à la procédure sommaire, les agents d’affaires et les agents juridiques brevetés, si le droit cantonal le prévoit (let. b) ; dans les affaires soumises à la procédure sommaire en vertu de l’art. 251, les représentants professionnels au sens de l’art. 27 LP (let. c) ; devant les juridictions spéciales en matière de contrat de bail et de contrat de travail, les mandataires professionnellement qualifiés, si le droit cantonal le prévoit (let. d). Le représentant doit justifier de ses pouvoirs par une procuration (al. 3). Le tribunal peut ordonner la comparution personnelle des parties qui sont représentées (al. 4).

4) L’autorité intimée et M. A______ ne s’accordent pas sur l’objet du litige, la première considérant que le recours du deuxième est partiellement irrecevable en raison de conclusions dépassant le cadre de la décision entreprise.

a. Peuvent notamment faire l’objet d’un recours les décisions finales (art. 57 let. a LPA), soit les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal et communal au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, qui mettent fin à une procédure pour leur récipiendaire. L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, ainsi que l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 1 et 2 LPA). La juridiction administrative applique le droit d’office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant et accessoirement par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013), qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATA/790/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/560/2006 du 17 octobre 2006). Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/18/2013 précité ; ATA/163/2010 du 9 mars 2010 ; ATA/503/2009 du 6 octobre 2009 ; ATA/30/2009 du 20 janvier 2009 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008).

b. En l’espèce, il ressort de la décision du 1er octobre 2013 que le département a refusé d’octroyer à M. A______ « l’autorisation d’exercer son activité dans le canton de Genève selon les prescriptions du canton de Vaud ».

Même si, dans sa requête, M. A______ avait sollicité l’autorisation d’exercer à Genève les compétences conférées par le législateur vaudois à l’art. 2 LPAg, lequel prévoit, outre les cas mentionnés à l’art. 68 al. 2 let. b CPC, également ceux indiqués à l’art. 68 al. 2 let. d CPC, il n’en demeure pas moins que la décision entreprise se réfère uniquement à l’art. 68 al. 2 let. b CPC, soit aux procédures devant l’autorité de conciliation, dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée et dans les affaires soumises à la procédure sommaire, pour refuser la requête, qui sont des compétences que les cantons peuvent octroyer aux agents d’affaires et ne concernent pas les mandataires professionnellement qualifiés, visés par l’art. 68 al. 2 let. d CPC. La décision du département n’ôte ainsi pas à M. A______ la qualité de mandataire professionnellement qualifié que le tribunal des baux et loyers a reconnue par courrier du 12 mai 2011, étant précisé que l’intéressé n’a produit aucun document similaire établi par la juridiction des prud’hommes. Le département n’était d’ailleurs pas en mesure de se prononcer à ce sujet, lequel relève de la compétence des juridictions concernées à teneur de l’art. 15 de la loi d’application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010 (LaCC - E 1 05).

Quant à la requête de M. A______ visant à ce qu’il soit autorisé à procéder dans toutes les opérations de la poursuite pour dettes et la faillite et de la procédure de plainte relevant de la LP, elle apparaît tardive pour n’avoir été formulée qu’à l’appui du recours auprès de la chambre de céans.

Il résulte de ce qui précède que l’objet du litige se limite à déterminer si M. A______ peut exercer à Genève, selon les prescriptions en vigueur dans le canton de Vaud, les compétences énumérées à l’art. 68 al. 2 let. b CPC. Les autres conclusions du recourant sont par conséquent irrecevables, le grief tiré de la violation de son droit d’être entendu devenant au surplus sans objet.

5) a. Selon l’art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementé de manière exhaustive (ATF 135 Il 106 consid. 2.1 p. 108 ; 128 I 46 consid. 5a p. 54 ; 128 I 295 consid. 3b p. 299).

Même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n’est pas toujours privé de toute possibilité d’action. Ce n’est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 138 I 435 consid. 3.1 p. 446 ; 137 I 167 consid. 3.4 p. 174 s ; 133 I 110 consid. 4.1 p. 116). Dans un tel cas, il peut néanmoins arriver que le canton soit autorisé à édicter certaines règles sur la base d’habilitations expresses figurant dans la législation fédérale. On parle à ce sujet de compétences déléguées (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, volume I : l’Etat, 3e édition, 2013, n. 1065).

b. Le projet relatif à l’art. 68 al. 2 CPC élaboré par le Conseil fédéral ne conférait la qualité de représentant conventionnel qu’aux avocats autorisés à pratiquer la représentation en justice selon la LLCA et, dans les affaires soumises à la procédure sommaire, aux agents d’affaires titulaires d’un brevet réglementé par le droit cantonal et aux représentants professionnels au sens de l’art. 27 LP (FF 2006 7019 ; Message relatif au code de procédure civile suisse du 28 juin 2006, FF 2006 6841, p. 6894). Lors des débats parlementaires, cette disposition a été élargie en faveur des agents d’affaires à des domaines supplémentaires pour correspondre à la pratique en vigueur notamment dans le canton de Vaud (BOCE 2007 p. 508 ; BOCN 2008 p. 648s). En effet, dans ce canton, la réglementation permettait aux agents d’affaires d’opérer dans un domaine plus large que celui figurant dans le projet du Conseil fédéral, lequel restreignait l’autonomie cantonale et mettait un frein à la pratique des agents d’affaires dans certains cantons, raison pour laquelle les personnes exerçant cette profession devaient pouvoir agir dans l’ensemble des procédures sommaires, pour autant que le droit cantonal le permît (BOCN 2008 p. 649).

c. Selon l’art. 94 al. 1 Cst., la Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté économique. L’art. 95 Cst. prévoit que la Confédération peut légiférer sur l’exercice des activités économiques lucratives privées (al. 1) ; elle veille à créer un espace économique suisse unique. Elle garantit aux personnes qui justifient d’une formation universitaire ou d’une formation fédérale, cantonale ou reconnue par le canton la possibilité d’exercer leur profession dans toute la Suisse (al. 2). Sur cette base, le législateur a adopté la LMI, entrée en vigueur le 1er juillet 1996, qui vise à éliminer les restrictions de l’accès au marché mises en place par les cantons et les communes. Elle garantit à toute personne physique ayant son siège ou son établissement en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative, soit toute activité non régalienne ayant pour but un gain, sur l’ensemble du territoire suisse (art. 1 al. 1 et 3 LMI). Elle vise en particulier à faciliter la mobilité professionnelle et les échanges économiques en Suisse, soutenir les efforts des cantons visant à harmoniser les conditions d’autorisation d’accès au marché, accroître la compétitivité de l’économie et renforcer la cohésion économique de la Suisse (art. 1 al. 2 LMI).

La LMI, qui a fait l’objet d’une importante révision entrée en vigueur le 1er juillet 2006 notamment aux fins d’empêcher que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui du marché intérieur (Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur du 24 novembre 2004, FF 2005 421, p. 437 ; ATF 134 II 329 consid. 5.2 p. 333s ; 125 I 276 consid. 4 p. 278s), a été conçue comme une loi-cadre, qui ne tend pas à harmoniser les différents domaines, mais se limite à fixer les principes élémentaires nécessaires au bon fonctionnement du marché (Message, op. cit., p. 426). A l’intérieur du cadre imposé, les cantons demeurent libres d’exercer leurs compétences (ATF 135 I 106 consid. 2.2 p. 108). En d’autres termes, la LMI, qui adopte une approche « transcantonale », ne règle pas, en lieu et place des cantons, les conditions d’accès aux différents marchés sur le territoire suisse, de sorte que les cantons conservent leurs compétences, tout en étant tenus de veiller à les exercer dans le respect du droit d’accès au marché conféré aux particuliers établis ou ayant leur siège en Suisse (Vincent MARTENET / Christian BOVET / Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2e édition, 2013, n. 61 p. 1828 s et n. 4 ad art. 1 LMI). La LMI est également une loi subsidiaire. En principe, ce n’est que si, ensemble, les cantons n’ont pas harmonisé les conditions d’accès à un marché donné que la LMI est applicable (Vincent MARTENET / Christian BOVET / Pierre TERCIER [éd.], op. cit., n. 64 ad art. 1 LMI).

6) Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur les rapports entretenus par la LMI et d’autres actes normatifs, de rang fédéral ou intercantonal.

a. Dans un arrêt rendu en 2008 en lien avec les conditions d’engagement d’un avocat-stagiaire, le Tribunal fédéral a jugé que la LLCA, qui trouve sa base constitutionnelle à l’art. 95 al. 1 Cst. et ne réglemente pas de manière complète et exhaustive la profession d’avocat (François BOHNET / Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, n. 240 p. 105s), a été conçue comme une loi spéciale, visant à combler certains vides de la LMI, qui continue toutefois à s’appliquer de manière générale à la profession d’avocat (ATF 134 II 329 consid. 5.2 p. 333). Dans la mesure où la LLCA laisse subsister des compétences cantonales en lien avec la formation des stagiaires, celles-ci doivent être exercées par les cantons dans le respect du cadre fixé par la LLCA, les cantons devant également s’abstenir d’établir des entraves contraires à la LMI (ATF 134 II 329 consid. 5.3 p. 335). En d’autres termes, lorsque le domaine n’est pas réglementé de manière exhaustive par la LLCA, il tombe dans le champ d’application de la LMI (ATF 134 II 329 consid. 5.4 p. 335). L’application parallèle de la LMI et de la LLCA n’est toutefois pas une règle absolue, une approche nuancée s’imposant, en respectant au mieux la volonté du législateur (ATF 134 II 329 consid. 5.2 p. 334).

b. Dans un arrêt rendu la même année, la Haute Cour s’est penchée sur la question des rapports entre l’art. 27 LP d’une part et les dispositions de la LMI d’autre part, suite au refus, par les autorités genevoises, de reconnaître à une société zurichoise de recouvrement la qualité de représentant professionnel au sens de cet article. Aux termes de l’art. 27 al. 1 LP, intitulé « représentation professionnelle », les cantons peuvent réglementer la représentation professionnelle des intéressés à la procédure d’exécution forcée et peuvent notamment prescrire que les personnes qui entendent exercer cette activité fassent la preuve de leurs aptitudes professionnelles et de leur moralité (ch. 1), exiger la fourniture de sûretés (ch. 2), fixer le tarif des indemnités applicable en matière de représentation professionnelle (ch. 3). Quiconque a été autorisé dans un canton à exercer la représentation professionnelle peut demander l’autorisation d’exercer cette activité dans tout autre canton, pour autant que ses aptitudes professionnelles et sa moralité aient été vérifiées de manière approfondie (art. 27 al. 2 LP). Issu de la révision de la LP du 16 décembre 1994 et entré en vigueur le 1er janvier 1997, l’art. 27 LP, dont la teneur n’a pas été modifiée suite à l’entrée en vigueur du CPC, a été élaboré dans le but de permettre aux cantons réglementant la profession d’agent d’affaires d’accorder le libre passage au représentant professionnel autorisé à pratiquer dans un autre canton, pour autant que ses aptitudes professionnelles et personnelles aient été vérifiées de manière adéquate (Message concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 8 mai 1991, FF 1991 III 1, p. 46 s).

Selon le Tribunal fédéral, la comparaison des art. 27 LP et de la LMI met en évidence que ces dispositions poursuivent le même objectif, à savoir celui d’assurer aux personnes exerçant une activité lucrative l’accès libre et non discriminatoire au marché couvrant tout le territoire suisse. L’art. 27 LP vise toutefois les représentants professionnels dans le cadre de la procédure d’exécution forcée et fixe des limites précises, autorisant les cantons à exiger des personnes exerçant cette profession qu’elles fassent la preuve de leurs aptitudes et de leur moralité, l’art. 27 al. 2 LP garantissant alors leur libre passage entre les différents cantons. Dans ces conditions, l’art. 27 LP représente une disposition spéciale, qui l’emporte sur la LMI, ce qui est conforme à la volonté du législateur, lequel a conçu cette dernière comme une loi subsidiaire ne s’appliquant que si les conditions d’accès à un marché déterminé ne sont pas harmonisées (ATF 135 I 106 consid. 2.5 p. 110 s). Dans le cas d’espèce, au contraire du canton de Genève, la législation zurichoise sur les agents d’affaires ne soumettait pas à autorisation la représentation professionnelle à la procédure d’exécution forcée, telle qu’elle résultait de l’art. 27 LP, de sorte que l’art. 27 al. 2 LP ne s’appliquait pas et les conditions ordinaires du canton d’accueil déterminaient l’octroi de l’autorisation (ATF 135 I 106 consid. 2.6 p. 111).

Dans un arrêt ultérieur, le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur les rapports entre l’art. 27 LP et l’art. 68 al. 2 let. c CPC. Il a considéré que depuis l’entrée en vigueur du CPC, l’art. 27 LP portait aussi sur la réglementation de la représentation professionnelle dans le cadre des procédures sommaires au sens de l’art. 251 CPC. En se fondant sur l’art. 27 LP, les cantons sont ainsi libres de légiférer sur la représentation professionnelle non seulement dans les procédures devant les offices des poursuites et des faillites, mais également dans les procédures sommaires visées par l’art. 251 CPC. Il est en outre admissible qu’un canton ne règle la représentation qu’en relation avec les procédures sommaires visées par cette dernière disposition. En revanche, lorsqu’un canton n’a pas fait usage de la compétence conférée par l’art. 27 LP, la représentation professionnelle dans les procédures sommaires relevant de la LP peut y être exercée sans restrictions (ATF 138 III 396 consid. 3.4 p. 399 s).

c. En matière de marchés publics, le Tribunal fédéral a considéré que les dispositions de la loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 (LMP - RS 172.056.1) l’emportent sur celles de la LMI en vertu du principe « lex specialis derogat generali », dans tous les cas où les deux lois peuvent potentiellement trouver application (ATF 135 II 49 consid. 4.1 p. 52).

d. Il a également jugé que l’Accord intercantonal sur la reconnaissance des diplômes prévaut sur les dispositions de la LMI, pour autant qu’il en respecte les principes, qui constituent des exigences minimales (ATF 136 II 470 consid. 3.3 p. 480). Dans ce cadre, le recourant, qui était titulaire d’une autorisation d’enseigner, mais non d’un diplôme permettant l’exercice de la profession d’enseignant qui était le seul cas de figure prévu par l’accord précité, pouvait obtenir la reconnaissance de son autorisation en se fondant directement sur les dispositions de la LMI (ATF 136 II 470 consid. 5 p. 484ss).

e. Le Tribunal fédéral n’a, jusqu’à présent, pas encore été amené à se déterminer sur les rapports entretenus par le CPC et la LMI. La doctrine ne s’est pas non plus prononcée sur le sujet, se limitant à reprendre les termes de l’art. 68 al. 2 CPC sans les commenter du point de vue de la libre circulation (voir par exemple François BOHNET / Jacques HALDY / Nicolas JEANDIN / Philippe SCHWEIZER / Denis TAPPY, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 18 ad art. 68 CPC, qui précisent que le législateur a autorisé les agents d’affaires à représenter les parties de manière professionnelle en justice afin de respecter l’autonomie cantonale). Certains auteurs rappellent tout au plus que si les cantons disposent de la compétence de restreindre les pouvoirs de représentation des agents d’affaires par rapport à ce que cette disposition permet, ils ne peuvent leur conférer davantage de facultés que celles accordées par le CPC (David HOFMANN / Christian LÜSCHER, Le Code de procédure civile, 2009, p. 51).

Deux ouvrages se sont toutefois prononcés sur la question de la libre circulation des agents d’affaires. Les auteurs du premier considèrent que la libre circulation, en application de la LMI, était garantie aux agents d’affaires jusqu’au 31 décembre 2010, lorsque les cantons instituaient cette profession. L’entrée en vigueur du CPC a toutefois modifié la situation, dès lors que l’art. 68 al. 2 let. b CPC n’oblige pas les cantons à prévoir la représentation professionnelle par les agents d’affaires. Il en résulte que la libre circulation de ceux-ci ne peut se fonder sur la LMI, mais sur le droit cantonal adopté en application de l’art. 68 al. 2 let. b CPC, ce code, en tant que loi spéciale et plus récente, primant l’application de la législation sur le marché intérieur (Thomas SUTTER-SOMM / Franz HASENBÖHLER / Christoph LEUENBERGER [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2e édition, 2013, n. 19 ad art. 68 CPC). Le deuxième groupe d’auteurs est en substance d’un avis similaire et précise que, dans la mesure où l’autorisation de pratiquer des agents d’affaires se fonde sur du droit cantonal réservé par le CPC, cette autorisation est limitée au territoire cantonal, de sorte que les intéressés ne peuvent faire valoir de droit à la libre circulation d’un point de vue intercantonal (Heinz HAUSHEER / Hans Peter WALTER [éd.], Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Art. 1-352 und Art. 400-406 ZPO, 2012, n. 9a ad art. 68 CPC).

7) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important. Le pluralisme des méthodes signifie que le juge, appelé à interpréter une norme, recourt successivement à toutes les méthodes, en compare les résultats et retient celui qui lui paraît rendre au mieux le véritable sens de la norme (ATF 137 IV 180 consid. 3.4 p. 184 ; 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284 ; 135 II 416 consid. 2.2 p. 418).

La contradiction entre deux normes de même rang peut être résolue en recourant aux principes « lex specialis derogat generali » et « lex posterior derogat priori », dont l’application doit être déterminée au regard des méthodes d’interprétation précitées, en particulier lorsqu’il convient de déterminer si une loi postérieure doit primer ou non une loi antérieure qui peut apparaître comme spéciale. En revanche, si la loi spéciale est également postérieure, elle primera sans problème (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011 n. 435 ; Piermarco ZEN-RUFFINEN, Droit administratif, Partie générale et éléments de procédure, 2e édition, 2013, n. 109).

8) a. A Genève, selon l’art. 1 de la loi réglementant la profession d’agent d’affaires du 2 novembre 1927 (LPAA - E 6 20), seuls sont admis en qualité de mandataires des parties auprès des offices des poursuites et des faillites les avocats et les avocats-stagiaires rattachés au barreau de Genève ou à celui d’un autre canton (let. a), les notaires nommés par le département de la sécurité (let. b), les agents d’affaires autorisés par le département à exercer cette profession à Genève (let. c) et les mandataires autorisés par le département en application de l’art. 27 al. 2 LP (let. d). Est agent d’affaires soumis aux dispositions de la loi celui qui, par profession, agit en qualité de mandataire des parties auprès des offices des poursuites ou des faillites (art. 3 LPAA). Pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession d’agent d’affaires, l’intéressé doit être majeur, justifier de connaissances juridiques et pratiques suffisantes, fournir une caution fixée par le Conseil d’Etat, présenter un certificat de bonne vie et mœurs, jouir de ses droits civils et politiques, avoir des antécédents et une moralité offrant des garanties suffisantes, n’être sous le coup d’aucun acte de défaut de biens délivré ensuite de faillite ou de poursuites demeurées infructueuses (art. 4 LPAA). Si le département juge la requête recevable, le requérant doit subir avec succès un examen portant sur ses connaissances théoriques et pratiques (art. 5 al. 2 du règlement sur l’exercice de la profession d’agent d’affaires du 4 septembre 1928 - RPAA - E 6 20.01). Cet examen est oral et écrit, les épreuves orales portant sur le droit civil et le droit des obligations, la procédure civile, la législation sur la poursuite pour dettes et la faillite, les éléments du droit public fédéral et cantonal, les épreuves écrites comprenant une composition sur un sujet en rapport avec les connaissances que doit posséder un agent d’affaires et la rédaction d’actes de poursuites (art. 10 RPAA).

b. Dans le canton de Vaud, aux termes de l’art. 1 LPAg, l’agent d’affaires breveté représente professionnellement les parties devant les autorités judiciaires et les autorités de poursuites et de faillites, dans la mesure prévue par la LPAg. Selon l’art. 2 LPAg, il peut assister les parties dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée (let. a), procéder dans les causes de prononcé de séparation de biens et de rétablissement du régime antérieur (let. c), représenter les parties ou les assister en procédure de conciliation, à l’exception des procès en nullité de mariage, en séparation de corps, en constatation et contestation de filiation et en interdiction (let. d), représenter les parties ou les assister dans les affaires soumises à la procédure sommaire en vertu de l’article 248 CPC (let. e), représenter les parties ou les assister dans les affaires relevant de la compétence du Tribunal des baux (let. g), assister les parties dans les causes relevant de la compétence des tribunaux de prud’hommes (let. h). L’agent d’affaires breveté ne peut exercer sa profession que s’il a obtenu son inscription au tableau (art. 12 al. 1 LPAg). Pour ce faire, il doit notamment être porteur du brevet pour l’exercice de cette profession (art. 22 LPAg). Ce dernier est délivré par le Tribunal cantonal à la suite d’examens auxquels procède une commission d’experts (art. 15 al. 1 LPAg). Selon l’art. 17 LPAg, les examens ont lieu en deux séries, chaque série comportant un examen oral et un examen écrit (al. 1) ; la première série comprend une composition écrite sur une question en rapport avec des connaissances en matière de droit civil, de droit des obligations et de droit public fédéral et cantonal et deux épreuves orales, l’une sur le droit civil et le droit des obligations, l’autre sur les éléments du droit public fédéral et cantonal (al. 2) ; la deuxième série comprend une rédaction d’actes de procédure et de poursuite, puis quatre épreuves orales portant respectivement sur la procédure civile contentieuse et non contentieuse et l’organisation judiciaire, sur la législation en matière de poursuite pour dettes et de faillite, sur les éléments de droit public et de la procédure pénale en matière de délits de poursuite et sur la représentation des parties et de la profession d’agent d’affaires breveté (al. 3). Pour être admis aux examens de première série, le candidat doit préalablement avoir accompli un stage auprès d’un agent d’affaires breveté pratiquant dans le canton depuis cinq ans au moins et produire un témoignage favorable de celui-ci, la durée du stage étant de deux ans pour les titulaires d’un « bachelor » en droit délivré par une université suisse ou d’un titre jugé équivalent en vertu d’un traité international et de trois ans pour les porteurs d’une maturité gymnasiale ou professionnelle ou d’un titre jugé équivalent ainsi que pour les porteurs du brevet d’aptitude aux fonctions de préposé aux poursuites et aux faillites (art. 19 LPAg).

c. La LLCA, qui s’applique notamment aux titulaires d’un brevet d’avocat qui pratiquent, dans le cadre d’un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA), prévoit que tout avocat inscrit à un registre cantonal des avocats peut pratiquer la représentation en justice en Suisse sans autre autorisation (art. 4 LLCA). Pour être inscrit au registre, l’avocat doit ainsi être titulaire d’un brevet d’avocat, qui ne peut être délivré par les cantons que si le titulaire a effectué des études de droit sanctionnées par une licence ou un « master » délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l’un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes ainsi qu’un stage d’un an au moins effectué en Suisse et sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques (art. 7 al. 1 LLCA). Dans ce cadre, le droit des cantons de fixer les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat est réservé (art. 3 al. 1 LLCA).

A Genève, aux termes de l’art. 1 al. 1 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), l’avocat assiste et représente les justiciables et les administrés devant les autorités judiciaires et administratives. L’art. 2 LPAv précise que l’avocat peut seul recevoir mandat d’assister les parties, de procéder et de plaider pour elles devant les juridictions civiles et pénales, les exceptions prévues par la loi demeurant réservées. Pour obtenir le brevet d’avocat, le candidat doit avoir effectué des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un « master » délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalant délivré par une université de l’un des Etats membres ayant conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes, effectué une formation approfondie à la profession d’avocat validée par un examen, accompli un stage et réussi un examen final (art. 24 LPAv).

9) En l’espèce, les recourants allèguent que la décision litigieuse est contraire à la LMI, laquelle trouve application en tant que loi générale et subsidiaire par le biais de l’art. 68 al. 2 CPC, ce que l’autorité intimée conteste.

Il ressort du texte de l’art. 68 al. 2 CPC que cette disposition ne contient, en tant que telle, aucune référence à la libre circulation entre les cantons des personnes exerçant la représentation conventionnelle, mais se limite à renvoyer à l’application de lois spécifiques à ce titre. Ainsi, d’une part, l’art. 68 al. 2 let. a CPC se réfère, s’agissant des avocats, à la LLCA, laquelle consacre le principe selon lequel tout avocat inscrit à un registre cantonal peut pratiquer la représentation en Suisse sans autre autorisation (art. 4 LLCA). D’autre part, l’art. 68 al. 2 let. c CPC renvoie à l’application de l’art. 27 LP pour les représentants professionnels, cette disposition emportant également une reconnaissance intercantonale pour l’exercice de cette profession (art. 27 al. 2 LP). En revanche, les let. b et d de l’art. 68 al. 2 CPC sont conçues différemment, dès lors qu’elles se contentent de renvoyer à l’application du droit cantonal, sans autre précision concernant la libre circulation, entre les cantons, des agents d’affaires et des mandataires professionnellement qualifiés.

Il ne saurait toutefois être déduit du seul texte de l’art. 68 al. 2 CPC une application générale et subsidiaire de la LMI s’agissant de ces catégories de représentants conventionnels. Outre le fait que la disposition susmentionnée ne contient aucune référence à cette loi, la question de l’application ou non de la LMI doit se faire sur la base d’une approche nuancée, en tenant compte de différents éléments.

Le législateur n’a pas expressément abordé la question de la libre circulation intercantonale des agents d’affaires lors de l’adoption du CPC, dont le projet présenté aux Chambres par le Conseil fédéral dotait les agents d’affaires et les représentants professionnels au sens de l’art. 27 LP des mêmes compétences, à savoir en matière de procédure sommaire. Les discussions parlementaires mettent toutefois en évidence que la teneur actuelle de l’art. 68 al. 2 let. b CPC a été privilégiée par rapport à sa teneur initiale afin de permettre aux quelques cantons connaissant la profession d’agents d’affaires, dont les compétences dépassaient celles mentionnées par le projet, et notamment le canton de Vaud, de la maintenir. Le législateur ne visait ainsi pas à généraliser cette profession au niveau national, mais à la pérenniser au sein des cantons qui la connaissaient sous cette forme. L’art. 68 al. 2 let. b CPC réserve d’ailleurs expressément l’application du droit cantonal. De ce point de vue déjà, admettre l’application de la LMI et permettre aux agents d’affaires autorisés à pratiquer dans un canton d’exercer leur activité dans un canton ne connaissant pas cette profession ou ne lui octroyant que des compétences limitées paraît problématique.

Même si la formulation des art. 68 al. 2 let. b et 68 al. 2 let. c CPC, lequel doit être lu en parallèle avec l’art. 27 LP, n’est pas similaire, l’origine commune de ces dispositions renforce ce constat, puisque, comme précédemment mentionné, les agents d’affaires détenaient les mêmes compétences que les représentants professionnels, en matière de procédure sommaire. Or, le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 68 al. 2 let. c CPC opérait un renvoi à l’art. 27 LP, octroyant aux cantons la faculté de légiférer pour définir le cercle des représentants professionnels et leurs domaines de compétence non seulement pour la procédure devant les offices de poursuite et de faillite, mais également en matière de procédure sommaire, avec pour conséquence qu’en ces matières, la question de la libre circulation des représentants professionnels est régie par l’art. 27 al. 2 LP, à l’exclusion de la LMI, laquelle ne trouve ainsi pas application. S’il est vrai que l’art. 68 al. 2 let. b CPC ne contient pas de disposition semblable à l’art. 27 al. 2 LP, il n’en demeure pas moins que l’application de la LMI aux agents d’affaires ne saurait être conçue différemment, ce d’autant que cette profession n’est pas généralisée au plan national, à l’instar d’ailleurs des représentants professionnels, ce qui justifie la référence au droit cantonal pour la réglementer.

Le CPC délègue ainsi aux cantons la compétence d’élargir le champ de la représentation conventionnelle, en la confiant à d’autres professionnels que les seuls avocats mentionnés à l’art. 68 al. 2 let. a CPC. Ils se voient également offrir la possibilité de ne pas le faire et de n’admettre la représentation professionnelle en justice que par les avocats, comme le canton de Genève. Or, admettre l’application de la LMI aurait pour conséquence que des agents d’affaires pourraient exercer leur profession au sein d’un canton qui consacre le monopole de l’avocat, ce qui va à l’encontre du sens et de l’esprit de l’art. 68 al. 2 CPC.

Les agents d’affaires ne sont au bénéfice d’aucune réglementation uniforme, seuls certains cantons prévoyant l’exercice de cette profession, au moyen de compétences variables. De ce point de vue, cette activité se distingue de celle des avocats, soumis à la LLCA et subsidiairement à la LMI, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. En effet, tous les cantons réglementent la profession d’avocat, les conditions minimales de formation et les règles professionnelle étant fixées dans la législation fédérale, dès lors que la représentation professionnelle par les avocats constitue la règle, les cantons pouvant néanmoins prévoir des exceptions. Un tel cadre juridique n’existe toutefois pas pour les agents d’affaires. Pour ces motifs également, la LMI, même à titre subsidiaire, ne peut s’appliquer à ces derniers, ce d’autant qu’à la différence de la LLCA, qui ne réglemente pas de manière exhaustive tous les aspects de la profession d’avocat, le CPC, qui vise à uniformiser la procédure civile au niveau fédéral, constitue une telle législation exhaustive, tout en rétrocédant, par délégation, certaines compétences aux cantons, notamment en matière de représentation professionnelle.

La LMI constitue une loi-cadre, qui a pour objectif de créer un marché intérieur unifié en empêchant que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui-ci. Pour atteindre ce but, elle ne saurait toutefois imposer aux cantons de déroger à leur propre réglementation, d’autant moins lorsqu’elle a été adoptée sur la base d’une autre loi fédérale, en conformité avec celle-ci, ce qui rend d’ailleurs sans objet le grief de la violation de la primauté du droit fédéral soulevé par le recourant. En d’autres termes, admettre l’application de la LMI et permettre l’exercice de la profession d’agent d’affaires au bénéfice de compétences élargies au sein d’un canton ayant, en application du CPC, délibérément décidé de ne pas conférer de telles tâches de représentation devant les autorités judiciaires aux intéressés revient à éluder, si ce n’est à vider de leur substance, les dispositions du CPC, qui délèguent cette compétence aux cantons, et à uniformiser de manière implicite les réglementations cantonales, ce qui dépasse largement l’objectif de la LMI.

A cela s’ajoute que le CPC est entré en vigueur en 2011, postérieurement à la LMI. De plus, par rapport à cette dernière, il constitue une loi spéciale, puisqu’il vise à ne réglementer qu’un domaine spécifique, celui de la procédure civile, plus particulièrement la représentation conventionnelle. Dès lors, en tant que loi plus récente et spéciale, elle prime à ce double titre la LMI.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’art. 68 al. 2 let. b CPC ne permet pas une application de la LMI à titre général ou subsidiaire. Le refus de l’autorité intimée d’autoriser M. A______ d’exercer à Genève la profession d’agent d’affaires selon les prescriptions vaudoises est ainsi fondé, de sorte que les recours seront rejetés sur ce point.

10) M. A______ se plaint que la décision entreprise viole la liberté d’établissement, la garantie de la propriété et la liberté économique.

a. Selon l’art. 24 Cst., les Suisses ont le droit de s’établir en un lieu quelconque du pays (al. 1). Ils ont le droit de quitter la Suisse ou d’y entrer (al. 2). La liberté d’établissement enjoint ainsi à la Confédération, aux cantons et aux communes de permettre à tout ressortissant suisse de s’établir sur leur territoire, soit pour y constituer un domicile, soit pour y séjourner et a pour but de promouvoir et de garantir la libre circulation des personnes sur l’ensemble du territoire national (ATF 128 I 280 consid. 4.1.1 p. 282 s ; ATA/121/2013 du 26 février 2013 ; ATA 147/2004 du 10 février 2004 ; ATA 151/2002 du 26 novembre 2002 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., n. 757).

b. Aux termes de l’art. 26 al. 1 Cst., la propriété est garantie. Cette disposition protège, dans sa conception première, les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, soit celui de conserver sa propriété, d’en jouir et de l’aliéner. Elle vise ainsi à protéger les droits de chaque propriétaire individuel et s’étend non seulement à la propriété des biens mobiliers et immobiliers qu’aux droits réels restreints, aux droits contractuels, aux droits de propriété intellectuelle et aux droits acquis des citoyens contre l’Etat et à la possession (ATF 128 I 295 consid. 6a p. 311).

c. Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice, est garantie. Elle protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu et peut être invoquée tant par les personnes physiques que morales (ATF 137 I 167 consid. 3.1 p. 172 ; 135 I 130 consid. 4.2 p. 135 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_881/2013 du 18 février 2014 consid. 4.2).

d. A l’instar de toutes les libertés publiques, la liberté économique n’a pas valeur absolue et peut être restreinte aux conditions de l’art. 36 Cst. Aux termes de cette disposition, une restriction d’un droit fondamental est admissible si elle repose sur une base légale, qui doit être de rang législatif en cas d’atteinte grave (al. 1), est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2), et respecte le principe de la proportionnalité (al. 3) ainsi que l’essence du droit en question (al. 4).

Sont ainsi autorisées les restrictions à la liberté économique reposant sur des mesures de police, des mesure de politique sociale ou des mesures dictées par la réalisation d’autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a p. 326). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d’une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d’exploitation (ATF 137 I 167 consid. 3.6 p. 175 ; 131 I 223 consid. 4.2 p. 231 s ; 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53 ; 125 I 209 consid. 10 p. 221 ; 124 I 107 S. 113 consid. 3b). Pour être conforme au principe de la proportionnalité, la restriction d’un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive. En outre, un rapport raisonnable doit exister entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 p. 175 s ; 136 I 197 consid. 4.4.4 p. 205 ; 134 I 214 consid. 5.7 p. 218).

e. En l’espèce, M. A______ ne saurait se prévaloir de la liberté d’établissement, dès lors que la décision du département ne l’empêche pas de résider ou de séjourner à Genève, pas davantage qu’elle ne l’entrave à cette fin. La décision ne concerne ainsi pas son droit de circuler librement à l’intérieur du territoire suisse, mais a trait à l’exercice de sa profession, la mesure envisagée n’entrant pas dans le champ de protection de l’art. 24 Cst. Il en va de même s’agissant de la garantie de l’art. 26 al. 1 Cst., puisque la décision du département ne porte pas sur son droit de propriété, tel que défini par la jurisprudence, seul l’exercice de son activité économique étant concerné. Dès lors qu’elle refuse à M. A______ l’autorisation d’exercer la profession d’agent d’affaires dans le canton de Genève selon les prescriptions du canton de Vaud, la décision entre dans le champ de protection de l’art. 27 Cst. et emporte une restriction à la liberté économique de l’intéressé, puisqu’elle limite sa faculté de réaliser un gain en exerçant son activité à Genève.

Aussi convient-il d’examiner si une telle mesure est justifiée au regard des conditions de l’art. 36 Cst.

En alléguant qu’il n’existe pas de base légale interdisant formellement la pratique de la profession d’agent d’affaires à Genève selon les prescriptions du canton de Vaud, le recourant perd de vue que l’art. 2 LPAv consacre le monopole de l’avocat. Cette disposition, contenue dans une loi au sens formel, empêche par conséquent simultanément les personnes qui ne sont pas titulaires d’un tel titre et d’une formation minimale au sens de la LLCA et de la LPAv de représenter les parties en justice. Dès lors que ces conditions ne sont pas réalisées en la personne de M. A______, le refus de l’autorisation sur cette base est fondé. En tant qu’elle vise à empêcher que des personnes n’ayant pas les capacités requises exercent la représentation professionnelle en justice, la décision entreprise poursuit un but d’intérêt public, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le recourant, et respecte le principe de la proportionnalité, dans ses trois composantes. En effet, la poursuite de ce but ne peut être obtenue qu’en refusant au recourant l’autorisation d’exercer les mêmes prérogatives que les avocats genevois, dès lors qu’il n’a pas suivi la même formation et n’est pas au bénéfice d’un tel titre, étant précisé qu’il lui est loisible d’exercer celles dévolues aux agents d’affaires genevois, au sens de la LPAA. Dans ce cadre, la présomption d’équivalence ne saurait trouver application, dès lors qu’elle est spécifique à la LMI et que la pesée des intérêts en présence ne doit être prise en compte que du point de vue genevois, le législateur ayant considéré que la protection du public l’emportait face à l’intérêt privé des agents d’affaires de pratiquer la représentation professionnelle, ce d’autant qu’en dépit d’une dénomination identique dans les cantons de Genève et de Vaud, il ne s’agit pas de la même profession dans ces deux cantons. De plus, la décision entreprise n’empêche pas le recourant d’exercer son activité d’agent d’affaires, mais seulement de le faire à Genève en tant qu’elle dépasse le cadre de la LPAA, de sorte qu’elle ne porte pas atteinte au noyau intangible de la liberté économique.

Il résulte de ce qui précède que la décision du département emporte une restriction à la liberté économique, qui est toutefois justifiée pour les motifs susmentionnés. Le recours sera également rejeté sur ce point.

11) Vu ce qui précède, les recours interjetés par M. A______ et la COMCO seront rejetés.

12) a. Selon l’art. 87 LPA, la juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments, l’Etat, les communes et les institutions de droit public ne pouvant en général se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours (al. 1). La juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (al. 2).

Aux termes de l’art. 4 al. 3 LMI, les décisions relatives aux restrictions doivent faire l’objet d’une procédure simple, rapide et gratuite. La gratuité de la procédure constitue une exigence minimale de la LMI et vaut de manière générale pour les procédures relatives à l’accès au marché et pas seulement lorsque des restrictions sont envisagées. Cette exigence s’applique toutefois seulement à la procédure de première instance, à l’exclusion de la procédure de recours (ATF 136 II 470 consid. 3.2 p. 477 ; 134 II 329 consid. 7 p. 339 s ; 125 II 56 consid, 5b p. 63).

b. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. A______, qui succombe, et il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure. Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la COMCO, ni d’indemnité de procédure allouée à l’Etat de Genève, qui est réputé disposer de son propre service juridique et ne pas devoir recourir aux services d’un mandataire extérieur (ATA/113/2013 du 26 février 2013 ; ATA/362/2010 du 1er juin 2010).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 24 octobre 2013 par Monsieur A______ et le 25 octobre 2013 par la commission de la concurrence contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 1er octobre 2013 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominik Gasser, avocat de M. A______, à la Commission de la concurrence ainsi qu’à Me Christian Luscher, avocat du département de la sécurité et de l’économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :