Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2395/2012

ATA/759/2012 du 06.11.2012 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2395/2012-PRISON ATA/759/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 novembre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame X______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1. Madame X______, née le ______ 1969, ressortissante suisse, a été placée en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) le 5 juin 2012.

2. Le 28 juin 2012, Madame Y______, surveillante à la prison, a rédigé un rapport d'incident à l'intention du directeur de l'établissement.

Le même jour, lors de la distribution des médicaments, à 7h15, Mme X______, surexcitée et dans un état second, avait traité de menteuse l'infirmière, s'était plainte que cette dernière faisait mal son travail et l'avait agressée verbalement pour solliciter d'autres médicaments, ce qui lui avait été refusé.

Mme X______, voulant rentrer dans sa cellule, avait retenu la porte avec sa main, puis, une fois la porte fermée, avait donné des coups violents contre celle-ci. C'était tous les jours la même chose lors de la distribution des médicaments, Mme X______ se fâchait constamment avec l'infirmière.

Sur décision de Monsieur Z______, gardien sous-chef, la détenue avait été conduite en cellule forte à 7h30.

3. Le même jour à 9h15, Monsieur A______, gardien-chef adjoint, a entendu Mme X______ au sujet de ces faits et lui a signifié oralement à 9h20 une punition de deux jours de cellule forte, soit jusqu'au 30 juin à 7h30. Un exemplaire écrit de cette notification de punition, signée par le directeur de la prison, a été remis à 18h30 à l'intéressée - qui se trouvait déjà en cellule forte depuis le matin.

4. La sanction a été entièrement exécutée et Mme X______ a réintégré sa cellule le 30 juin 2012.

5. Par acte manuscrit posté le 27 juillet 2012, Mme X______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la punition précitée, sans prendre de conclusions formelles.

La sanction lui avait été notifiée à sa sortie de cellule forte, le 1er juillet 2012 (sic), et non à la date mentionnée sur la décision.

Lors de la distribution des médicaments du 28 juin 2012 au matin, alors qu'elle s'apprêtait à poser son gobelet d'eau et prendre le reste de ses comprimés, la porte lui avait été fermée au nez. L'infirmière avait alors dit : « elle ne veut donc pas ses médicaments ». Elle avait été abasourdie. Après deux minutes, elle avait sonné à deux reprises et tapoté contre la porte de la cellule. Une dizaine de minutes plus tard, 8 à 10 gardiens étaient venus la chercher pour la conduire en cellule forte, sans qu'elle en comprenne la raison. Elle était tombée par hasard sur la notification de sa punition le jour de sa sortie de cellule forte.

6. Le 22 août 2012, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours.

Le 27 juin 2012, soit la veille de l'incident en cause, Mme X______ avait insulté une codétenue. Les faits survenus le 28 juin 2012 s'étaient déroulés conformément au rapport d'incident, si bien que la sanction prononcée devait être confirmée.

7. Le 1er octobre 2012, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes.

a. Madame B______ était l'infirmière ayant procédé à la distribution de médicaments le 28 juin 2012. Avec les surveillantes qui l'accompagnaient, elles étaient allées de cellule en cellule, en appelant les détenus en précisant « médical ». Elles avaient ce jour-là commencé par l’aile des femmes et étaient très limitées dans le temps.

Lorsqu'elles étaient arrivées à la cellule de Mme X______, celle-ci n’était pas encore levée. Elles l’avaient appelée deux fois en tout cas. Une des surveillantes présentes était allée lui toucher l’épaule et l’avait appelée par son prénom, en faisant preuve de douceur. Mme X______ s'était levée, avait pris de l’eau et une cigarette, puis lui avait demandé quelque chose par rapport à un médicament qu’elle avait sollicité deux jours plus tôt, soit le mardi. Mme B______ lui avait répondu négativement ; Mme X______ n’avait pas apprécié et l'avait traitée de menteuse. Elle devait cependant encore prendre son traitement. Ce dernier était scindé en deux, la prise contrôlée ingérée en présence du personnel soignant et le traitement remis au détenu pour la journée, tout se faisant normalement en une seule fois. A ce moment, Mme X______ était rentrée dans sa cellule. Mme B______ avait donc dit : « si elle ne veut pas son traitement, on continue la tournée ». La suveillante avait refermé la porte, Mme X______ avait alors réagi en donnant des coups à cette dernière.

b. Mme X______ a déclaré qu'après avoir pris ses médicaments sous le contrôle de l’infirmière, elle avait demandé le traitement susmentionné, et que l’infirmière avait refusé de le lui administrer. Elle s'était alors retournée pour poser son verre, en vue de chercher les médicaments et tout bien contrôler ; elle se trouvait à un pas de la porte. Lorsqu'elle s'était retournée, elle avait reçu la porte sur le pied, et en avait du reste encore des séquelles. Elle avait tapoté à la porte et avait sonné deux fois car elle entendait encore l'infirmière dans le couloir. Elle ne l'avait pas traitée de menteuse. Lorsqu'elle était en cellule forte, elle avait demandé des médicaments mais n'avait rien reçu de toute la journée. Elle admettait d’une part qu'elle était dépendante aux stupéfiants, et d’autre part qu'elle avait eu des attitudes glaciales vis-à-vis de cette infirmière, mais elle pensait que Mme B______ avait des préjugés à l’encontre des personnes dépendantes. Du reste, tout se passait bien depuis que cette infirmière n’avait plus fait la distribution de médicaments.

c. Mme Y______ a maintenu son rapport. Sa mention d'un état second signifiait que selon son appréciation, Mme X______ se trouvait dans un état de manque.

8. Le 2 octobre 2012, le juge délégué a indiqué aux parties que. comme cela avait été indiqué à la fin de l'audience de la veille, sans toutefois être verbalisé, la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; H. SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; K. SPUHLER/A. DOLGE/D. VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Zurich/St-Gall 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 précité ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 précité).

e. Quand bien même la recourante a exécuté la mesure contestée, la situation pourrait se présenter à nouveau. Dès lors, la chambre administrative renoncera à l'exigence de l'intérêt actuel pour statuer (ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2e ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009).

3. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner liminairement (Arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2.1), la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, car la sanction lui aurait été notifiée non pas le 28 juin 2012, mais le 1er juillet 2012, alors qu'elle l'avait déjà exécutée.

4. La procédure administrative est conduite par le juge selon le principe de la maxime d’office (recte : la maxime inquisitoire ; art. 19 LPA) dans le respect du droit d’être entendu garanti par les art. 29 al. 2 et 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Elle est en principe écrite mais, si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA).

Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes ; l'autorité de décision peut ainsi se livrer à une appréciation de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/655/2010 du 21 septembre 2010 et les références citées).

5. En l'espèce, la version des faits livrée par la recourante n’est pas crédible. Elle indique en effet avoir terminé l'exécution de sa sanction le 1er juillet 2012, alors que la fin de celle-ci était prévue le 30 juin 2012 à 7h30 ; ce faisant, elle n'allègue nullement que la sanction aurait duré trois jours, si bien qu'elle se trompe manifestement sur ce point. De plus, elle allègue être « tombée par hasard » sur la décision, sans donner aucune explication à ce sujet.

La chambre de céans n'a donc aucun motif de s’écarter de la version des faits présentée par la prison, et documentée par pièces, selon laquelle la détenue a reçu oralement notification de la sanction le 28 juin vers 9h20, a reçu une notification écrite en cellule forte le même jour vers 18h30, et a exécuté la sanction jusqu'au 30 juin 2012 à 7h30.

Le grief doit ainsi être écarté.

6. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire, et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit observer une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison (art. 44 RRIP). Il lui est notamment interdit de faire du bruit et, d’une manière générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. a et h RRIP).

7. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

Le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes :

a)  suppression de visite pour quinze jours au plus ;

b)  suppression des promenades collectives ;

c)  suppression d’achat pour quinze jours au plus ;

d)  suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ;

e)  privation de travail ;

f)  placement en cellule forte pour cinq jours au plus (art. 47 al. 3 RRIP), étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

8. En l’espèce, le rapport de Mme Y______ est conforté par le témoignage de l'infirmière Mme B______. Mme X______ présente les faits à son avantage en déclarant ne pas avoir traité l'infirmière de menteuse, et n'avoir fait que « tapoter » sur la porte, alors qu’elle a bien tenu ces propos et frappé la porte de manière audible.

De par ces comportements, Mme X______ n'a pas observé une attitude correcte vis-à-vis du personnel de l'établissement, a fait du bruit et troublé l'ordre et la tranquillité de la prison, contrevenant ainsi aux art. 44 et 45 let. a RRIP.

9. Ces agissements sont de gravité fort moyenne. Ils ne constituaient toutefois pas les premiers manquements de la recourante ; dès lors, la sanction de deux jours de cellule forte, quoique relativement sévère, respecte encore le principe de proportionnalité.

10. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu, ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 LPA ; art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juillet 2012 par Madame X______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 28 juin 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame X______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :