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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2928/2009

ATA/306/2011 du 17.05.2011 sur DCCR/1757/2010 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2928/2009-ICCIFD ATA/306/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2011

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

administration fédérale des contributions

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 novembre 2010 (DCCR/1757/2010)


EN FAIT

1. Le 27 octobre 2008, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a transmis à Monsieur A______ les bordereaux de taxation concernant l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) de l’année 2007.

En matière d’ICC, M. A______ avait réalisé un revenu brut annuel de CHF 22'287.-, soit CHF 11'144.- de salaire brut et CHF 11'143.- de rentes AVS/AI. Une fois déduit le rabais d’impôt, seule la taxe personnelle de CHF 25.- était due. Pour l’IFD, une somme de CHF 26,95 lui était demandée.

2. Par courrier du 18 novembre 2008, M. A______ a signalé à l’AFC qu’une erreur s’était glissée dans le bordereau précité. Il ne percevait aucune rente et seul le montant du salaire était valable.

Ce pli indiquait avoir été rédigé à Winterthur.

3. Par deux plis datés du 3 juin 2009, l’AFC a décidé - sur opposition - de remettre à M. A______ des « bordereau[x] rectificatif[s] qui tient[tiennent] compte de vos remarques ».

Dans les bordereaux rectificatifs annexés, la rubrique « Rentes AVS/AI » n’était plus mentionnée. Une rubrique « Autres revenus », comportant un montant de CHF 24'850.-, avait été ajoutée, entraînant un supplément d’impôts de CHF 3'048,05 pour l’ICC et de CHF 123,95 pour l’IFD.

4. Le 22 juillet 2009, la mère de M. A______ s’est présentée au guichet de l’AFC. Selon le procès-verbal d’entretien qu’elle a signé, elle déposait une réclamation tant pour l’ICC que l’IFD. La date de notification des bordereaux était le 3 juin 2009. Le seul revenu perçu par l’intéressé durant l’année 2007 était de CHF 11'144.-, ainsi qu’il l’avait indiqué dans sa déclaration d’impôts.

5. Le 5 août 2009, l’AFC a informé M. A______ que sa réclamation, considérée comme un recours, avait été transmise à la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

6. Le 18 août 2009, la commission a invité M. A______ à verser, dans les trente jours, une avance de frais de CHF 300.- ainsi qu’à lui communiquer, dans les quinze jours, la date à laquelle il avait reçu les décisions sur réclamation de l’AFC. Le même jour, la commission a imparti à l’AFC un délai échéant au 28 février 2010 pour transmettre le dossier fiscal de l’intéressé ainsi que d’éventuelles observations.

7. Le 2 mars 2010, l’AFC a demandé à ce que le délai en question soit prolongé au 30 avril 2010.

8. Le 19 avril 2010, l’AFC a conclu à l’irrecevabilité du recours, déposé plus de trente jours après la notification des décisions sur réclamation du 3 juin 2009.

9. Par décision du 28 novembre 2010, la commission a déclaré le recours irrecevable. Ce dernier était tardif, dès lors que la représentante de l’intéressé avait déclaré à l’administration, le 22 juillet 2009, que la décision sur réclamation lui avait été notifiée le 3 juin 2009.

Cette décision a été reçue par M. A______ le 13 décembre 2010, à son adresse genevoise.

10. Par décision du 14 janvier 2011, le vice-président du Tribunal civil a accordé l’assistance juridique à M. A______ et a nommé une avocate. Cette dernière ne s’est pas manifestée auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative).

11. Par courrier déposé à la poste à Winterthur le 19 janvier 2011, M. A______ - agissant en personne - a formé recours. Le délai de recours se terminait le 20 janvier 2011. Il n’avait pas réussi à atteindre son avocate. Il était malade et ne pouvait bouger pendant une semaine, situation qui était confirmée par un certificat médical. Ce pli, adressé à la commission, a été transmis pour raison de compétence à la chambre administrative le 21 janvier 2011.

12. Le 24 janvier 2011, le juge délégué a imparti un délai échéant le 11 février 2011 à M. A______ afin qu’il complète son recours, conformément aux exigences de l’art. 65 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

13. Le 8 mars 2011, M. A______ a complété son recours. Bien qu’une avocate ait été nommée, il déposait seul son écriture. Il avait quitté Genève en 2006 et avait trouvé un travail à Winterthur. Il avait logé dans différentes chambres, au camping ou chez des amis. Ses documents administratifs étaient dispersés dans plusieurs endroits. Il avait sous-loué son studio genevois.

Au mois de décembre 2010, il avait enfin trouvé un appartement et pu rassembler tous ses documents. C’est à ce moment qu’il s’était rendu compte qu’il avait commis une erreur. Il avait égaré le bordereau de taxation initial et avait dû retrouver ultérieurement l’avis de taxation indiquant des revenus erronés. Il avait signalé cela à l’AFC, qui lui avait notifié un supplément d’impôts de plus de CHF 3'000.-.

Le courrier adressé à son adresse genevoise lui était transmis par son sous-locataire, de manière très irrégulière. Cette personne ne pouvait retirer les recommandés à la poste. M. A______ avait essayé de contacter l’AFC, mais n’avait jamais pu savoir à quoi correspondait les « Autres revenus » figurant dans le bordereau rectificatif du 3 juin 2009.

A cet acte étaient jointes diverses annexes, notamment :

- un certificat médical indiquant que l’intéressé avait été en arrêt de travail pour cause de maladie du 17 au 24 janvier 2011 ;

- une enveloppe mise à la poste en courrier A à Genève le 13 décembre 2010, destinée à M. A______, à la poste restante de Winterthur. Au verso figurait un timbre humide « Winterthur 14.12.2010 ».

- une attestation des service sociaux de la ville de Winterthur. M. A______ était suivi par ce service depuis le 1er mai 2010 et n’avait pas de domicile fixe avant le 16 décembre 2010.

14. Le 31 mars 2011, l’AFC a conclu à la confirmation de la décision de la commission.

15. Les parties n’ayant pas sollicité d’actes d’instruction complémentaires dans le délai qui leur avait été accordé, la cause a été gardée à juger le 19 avril 2011.

16. Il ressort de la consultation de la base de donnée de l’office cantonal de la population que l’intéressé a annoncé son départ de Genève pour Winterthur le 6 avril 2010.

EN DROIT

1. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 131 et 132 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 LPA).

2. a. Le délai de recours est de trente jours lorsqu’il s’agit d’une décision finale (art 62 al. 1 let a LPA; art. 63 al. 1 let. a LPA dans sa teneur au 31 décembre 2010). Il commence à courir le lendemain de la communication de la décision et lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié, il expire le premier jour utile (art. 17 al. 1 et 3 LPA).

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/851/2010 du 30 novembre 2010 consid. 3  ; ATA/775/2010 du 9 novembre 2010 consid. 5  ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/745/2010 du 2 novembre 2010 consid. 5 ; ATA/498/2009 du 6 octobre 2009 consid. 2 et arrêts cités).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1 2ème phrase LPA ; ATA/586/2010 du 31 août 2010 consid. 4 et les références citées).

S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (P. MOOR et E. POLTIER, Droit administratif, Vol. 2, 3ème éd., Berne 2011, p. 352/353, n. 2.2.8.4).

c. Le 1er janvier 2011 est entré en vigueur le nouvel art. 63 LPA, qui prévoit notamment que les délais fixés par la loi sont suspendus du 18 décembre au 2 janvier inclusivement.

En vertu du principe de non-rétroactivité, le nouveau droit ne s’applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (ATA/386/2010 du 8 juin 2010 et les références citées). Il ne peut avoir un effet rétroactif que si la rétroactivité est prévue par la loi, est limitée dans le temps, ne conduit pas à des inégalités choquantes, est motivée par des intérêts publics pertinents et ne porte pas atteinte à des droits acquis (B. KNAPP, op. cit., p. 118).

Le législateur n’a pas prévu de dispositions transitoires concernant l’entrée en vigueur de l’art. 63 LPA, ce qui interdit son application rétroactive (ATA/234/2011 du 12 avril 2011).

En l’espèce, la décision de la commission a été remise à l’ancienne adresse genevoise de l’intéressé le 13 décembre 2010 et a été acheminée par courrier simple à la poste restante de Winterthur, où elle est arrivée le 14 décembre 2010. Elle a été retirée, selon les dires de son destinataire, le 20 décembre 2010, soit avant le terme d’un délai de garde de sept jours, analogue à celui en vigueur pour les courrier recommandés.

Le délai de trente jours a donc couru pendant onze jours, entre le 21 décembre 2010 et le 31 décembre 2010. En raison de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, de la nouvelle teneur de l’art. 63 LPA, il a été suspendu les 1er et 2 janvier 2011. Les dix-neuf jours restants ont recommencé à courir le 3 janvier 2011, de sorte que le dernier jour du délai était le vendredi 21 janvier 2011.

Mis à la poste le 19 janvier 2011, le recours est en conséquence recevable.

3. La commission a déclaré le recours contre les décisions sur réclamation irrecevable car tardif en se fondant sur la date de réception annoncée par la mère du recourant lors d’un entretien avec l’AFC.

a. Pour des raisons de coût, l'AFC n'envoie pas - sauf exception - les bordereaux et les décisions sur réclamation par pli recommandé. Ce faisant, elle prend le risque de ne pas pouvoir rapporter la preuve qui lui incombe, selon une jurisprudence constante (ATA/65/2011 du 1 février 2011 ; ATA/549/2001 du 28 août 2001). Or, si la notification ou sa date est contestée et qu'il existe un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 124 V 400 consid. 2a, p. 402 ; 120 III 117 consid. 2 p. 118).

En l’espèce, la décision sur réclamation est datée du 3 juin 2009 ; conformément à la pratique de l’AFC, elle a dû être expédiée par pli simple non prioritaire. L’administration est ainsi dans l’incapacité d’établir à quelle date elle l'a effectivement remise à l'office postal, comme celle à laquelle le recourant l’a reçue.

La déclaration que la représentante du recourant a faite lors de son passage dans les bureaux de l’administration le 22 juillet 2010 est à prendre avec circonspection. Le formulaire d’entretien dactylographié par la personne ayant reçu la mère de l’intéressé contient en effet au moins une erreur manifeste, le nom du recourant étant orthographié « G______ » au lieu de « A______ ». De plus, il ressort de la réclamation initiale que M. A______ se trouvait déjà à Winterthur. Au regard des conditions de réacheminement décrites par le recourant, il apparaît exclu que celui-ci ait réceptionné les décisions sur réclamation à la date figurant sur le document en cause.

b. Selon la doctrine et la jurisprudence, un défaut de motivation d’une décision de taxation a pour conséquence de créer un motif de restitution du délai lorsque le vice en question a empêché le contribuable de former une réclamation dans les délais (RDAF 1997 p. 612 ; P. MOOR et E. POLTIER, Droit administratif, Vol. 2, 3ème éd., Berne 2011, p. 356, n. 2.2.8.5). 

En l’espèce, les décisions sur réclamation indiquent que les bordereaux rectificatifs ont été établis en tenant compte des remarques de M. A______, ce qui n’est manifestement pas le cas : l’IFD a été multiplié par quatre et l’ICC par un facteur supérieur à cent. On peut, au vu des indications manifestement erronées figurant dans les décisions sur opposition, comprendre que le recourant n’ait pas immédiatement réalisé la situation.

4. Au vu de ce qui précède, la chambre administrative retiendra que les indications figurant sur le formulaire de réclamation, qui constitue le recours à la commission, concernant la date de réception des décisions sur opposition, sont erronées, l’AFC, étant dès lors dans l’incapacité d’établir la date de réception. De plus, la motivation erronée des décisions sur opposition permettait en tout état la restitution du délai. C’est donc à tort que la commission a déclaré le recours irrecevable. La décision du 29 novembre 2010 sera en conséquence annulée et le dossier renvoyé à l’autorité de première instance afin qu’elle tranche le fond du litige.

5. Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'AFC. Aucun indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n’y a pas conclu (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2011 par Monsieur A______ contre la décision du 29 novembre 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 29 novembre 2010 ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance pour nouveau jugement après instruction du recours de Monsieur A______ ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l'administration fiscale cantonale ;

n’alloue aucune indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au recourant, au tribunal administratif de première instance, à l’administration fiscale cantonale et, pour information, au service de l’assistance juridique.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :