Décisions | Chambre civile
ACJC/1580/2025 du 04.11.2025 sur OTPI/33/2025 ( SDF ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/1646/2018 ACJC/1580/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 4 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [VS], appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 janvier 2025, représenté par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate, rue Ferdinand-Hodler 7,
1207 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Tania SANCHEZ WALTER, avocate, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4, case postale 412, 1211 Genève 4.
A. Par ordonnance OTPI/33/2025 du 13 janvier 2025, reçue par A______ le 20 janvier 2025, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a débouté celui-ci des fins de sa requête (chiffre 1 du dispositif), réservé sa décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 30 janvier 2025 au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour), A______ a formé appel de cette ordonnance, dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour dise et constate qu'il ne doit plus aucune contribution à l'entretien de B______, avec effet au 1er avril 2024 et condamne celle-ci à lui payer, par mois et d'avance, 1'180 fr. pour son entretien, sous suite de frais.
b. Dans sa réponse du 17 mars 2025, B______ a conclu au déboutement de A______, sous suite de frais. Elle a produit des pièces nouvelles.
c. Les parties se sont ensuite déterminées à plusieurs reprises dans les délais impartis, en persistant dans leurs conclusions respectives, soit A______ les 28 mars, 5 et 30 mai ainsi que 24 juin 2025 et B______ les 17 avril, 16 mai, 12 juin et 10 juillet 2025.
Elles ont toutes deux produit des pièces nouvelles, étant relevé que dans ses déterminations du 16 mai 2025, B______ a conclu à ce que la Cour déclare irrecevables les faits nouveaux allégués et pièces nouvelles produites par sa partie adverse le 5 mai 2025.
d. la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par avis du 29 juillet 2025.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a. A______, né en 1964, et B______, née en 1965, tous deux de nationalité suisse, ont contracté mariage en 1984 au Portugal. De cette union sont issus deux enfants, aujourd'hui majeurs, soit C______, né en 1992, et D______, née en 1995, tous deux à Genève. Les époux se sont séparés en 2017.
b. Le 19 janvier 2018, les parties ont saisi le Tribunal d'une requête commune en divorce. La procédure a été suspendue, puis reprise le 14 juillet 2021, les pourparlers entamés sur les effets accessoires du divorce n'ayant pas abouti.
c. Sur mesures provisionnelles, le 29 octobre 2021, B______ a requis la condamnation de son époux à lui verser 3'300 fr. par mois à titre de contribution à son entretien et celui-ci a conclu au déboutement de son épouse de cette prétention.
Par ordonnance du 31 mars 2022, le Tribunal a condamné le second à verser à la première 2'600 fr. par mois dès le 1er novembre 2021. Sur appel du précité, la Cour a confirmé cette décision par arrêt du 19 octobre 2022.
d. Les 11 juin et 15 octobre 2024, le Tribunal a entendu des témoins, à savoir C______, le fils des parties, et E______, le frère de A______.
e. Le 10 septembre 2024, invoquant la dégradation de la situation financière de F______ SA et par conséquent de la sienne, A______ a requis la modification des mesures provisionnelles prononcées, concluant à ce que le Tribunal constate qu'il ne doit plus de contribution à l'entretien de son épouse dès le 1er avril 2024 et condamne celle-ci à lui verser, par mois et d'avance, 1'180 fr. à titre de contribution à son propre entretien.
Le 14 octobre 2024, B______ a conclu au déboutement de son époux de ses conclusions sur mesures provisionnelles.
La cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles par le Tribunal à l'issue de l'audience de plaidoiries sur mesures provisionnelles du 10 décembre 2024.
f. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :
Revenus de A______
f.a Dans sa requête de mesures provisionnelles du 29 octobre 2021, B______ a estimé les revenus de son époux à 8'647 fr. nets par mois, correspondant à ses salaires perçus de F______ SA (7'095 fr.) et, pour des travaux de conciergerie, de G______ SA (1'551 fr.).
f.b Dans son arrêt sur mesures provisionnelles du 19 octobre 2022, la Cour a retenu ce qui suit :
Le salaire perçu de F______ SA s'est élevé pendant de nombreuses années à 98'000 fr. bruts par an, soit 8'100 fr. bruts par mois ou environ 7'200 fr. nets après déduction des charges sociales. Ce salaire a soudainement baissé à 6'500 fr. nets par mois dès le 1er janvier 2022, sans aucune explication crédible. Or, une baisse de salaire aussi substantielle aurait dû être justifiée par des résultats économiques en baisse et/ou une réorganisation du temps de travail du précité ou de son rôle dans l'entreprise, ce que A______ n'a pas fait. Il n'a produit aucune pièce concernant la situation financière de la société, se contentant d'affirmer que les résultats économiques étaient en baisse. En outre, il est administrateur et actionnaire de cette société, de sorte qu'il peut vraisemblablement modifier librement son salaire. Le salaire perçu est vraisemblablement de 7'200 fr., comme il l'a été pendant de nombreuses années ou, à tout le moins, un tel montant doit être retenu à titre de revenu hypothétique.
L'affirmation selon laquelle le montant de 3'240 fr. par mois issu de la gérance de H______ SARL serait entièrement absorbé par le loyer des locaux occupés par l'entreprise n'est pas rendue vraisemblable, faute de toute documentation. En outre, A______ a exposé se partager l'exploitation de cette société avec son frère, ce qui tend à rendre vraisemblable que celui-ci devrait aussi participer aux charges de loyer et donc laisser un montant disponible pour A______ sur les paiements du gérant.
De surcroît, A______ a précédemment omis d'annoncer aux autorités fiscales ses participations dans les sociétés qu’il détient ou dirige. Ainsi, la déclaration fiscale 2016 du couple est muette sur lesdites participations, alors que le précité était actionnaire ou associé d'au moins trois personnes morales, à savoir F______ SA, H______ SARL et I______ SARL. Les références qu'il fait à ses déclarations fiscales ou à ses avis de taxation paraissent ainsi dénuées de pertinence, dès lors que ces documents ne reflètent pas sa situation financière réelle en l'absence d'éléments essentiels de son patrimoine, qui sont susceptibles de générer des revenus réguliers. Il en va de même de la production de sa documentation bancaire sur une seule courte période, ce qui est insuffisant pour obtenir une image complète de ses revenus.
En outre, le contrat de fiducie conclu en lien avec I______ SARL révèle un arrière-plan économique particulièrement obscur, puisqu'il aurait été conclu, selon les documents et explications postérieures, pour garantir un prêt dont il n'est pas fait mention dans le contrat de fiducie. Celui-ci mentionne au contraire une volonté de l'appelant de ne pas apparaître au Registre du commerce et dénote plutôt une volonté de dissimuler sa prise de participation, ce qui est congruent avec l'absence de mention des participations de l'appelant dans les déclarations fiscales.
Enfin, les allégués des parties sont contradictoires concernant J______ SA, puisque l'épouse affirme que l'époux en serait le détenteur économique et que celui-ci allègue que son fils et sa nièce en seraient actionnaires, sans toutefois apporter le moindre élément à ce sujet et sans que cela ressorte des registres publics.
En conclusion, A______ n'obtient certes vraisemblablement plus de revenu de son activité de concierge. Percevant 7'200 fr. nets par mois de son activité salariée, il est toutefois vraisemblable qu'il touche de ses diverses participations dans des sociétés un revenu supplémentaire. Il se justifie ainsi de procéder à une estimation de ces revenus en fonction des pièces produites et le montant de 9'000 fr. nets par mois au minimum retenu par le premier juge sous l'angle de la vraisemblance apparaît adéquat.
f.c Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté ce qui suit :
Depuis le 17 mai 2022, A______ administre seul F______ SA, dont il détient désormais l'intégralité des actions. Le frère du précité, également administrateur et salarié de cette société, a quitté cette dernière en 2022.
Il est en outre toujours inscrit au registre du commerce genevois en qualité d'associé à hauteur de la moitié du capital-social et de gérant avec signature individuelle de H______ SARL.
Le chiffre d'affaires de F______ SA est passé de 1'847'087 fr. fin décembre 2022 (12 mois) à 853'812 fr. fin septembre 2023 (9 mois) pour des charges de salaires passées concomitamment de 815'316 fr. à 397'892 fr. La société a réalisé un bénéfice de 13'950 fr. fin 2022 et 84'112 fr. au 30 septembre 2023, étant précisé que le bénéfice reporté à cette date s'élevait à 956'184 fr. Les états financiers de la société au 31 décembre 2022, rappelant ceux à fin 2021, et ceux au 30 septembre 2023, rappelant ceux à fin 2022 sont présentés différemment en tant que les premiers présentent, à fin 2022, dans les actifs circulant, une ligne intitulée banque, compte courant pour un total de 1'271'970 fr. tandis que les seconds répartissent ce montant sur deux lignes à fin 2022 également, l'une intitulée liquidités (10'350 fr.) et l'autre compte courant actionnaire (1'261'619 fr.). Ce poste affichait un montant de 1'307'689 fr. au 30 septembre 2023.
Sur réquisition de la FONDATION COLLECTIVE K______, un commandement de payer, puis une commination de faillite ont été notifiés à F______ SA pour une créance en capital de 70'867 fr. afférente à "des Primes LPP suite à la résiliation du 31 juillet 2023". Ce créancier a ensuite requis la faillite de la société par courrier du 13 février 2024. Par jugement du 18 avril 2024 cette dernière a été déclarée en état de faillite pour n'avoir fait valoir aucun des moyens prévus aux art. 172 et 173 LP. Le recours formé contre ce jugement par F______ SA a été rejeté par la Cour par arrêt du 23 mai 2024, la société n'ayant pas produit de pièce attestant du paiement de la dette, du retrait de la requête en faillite, ni de la vraisemblance de sa solvabilité. Outre la poursuite de FONDATION COLLECTIVE K______, F______ SA s'est vue notifier trois autres commandements de payer en 2023, dont deux sur réquisition de la Caisse genevoise de compensation (cotisations paritaires en 14'981 fr. et 6'056 fr.) et un sur celle de la Commune de L______ [GE] (taxe professionnelle en 2'490 fr.).
H______ SARL a réalisé un bénéfice en 2017 (11'785 fr.), en 2018 (25'982 fr.) et en 2019 (5'489 fr.), mais une perte en 2020 (25'254 fr.), en 2021 (2'749 fr.) et en 2022 (37'900 fr.), étant précisé qu'à l'issue de cet exercice le bénéfice reporté s'élevait encore à 2'684 fr. et que ses charges de salaires sont passées de 105'619 fr. en 2021 à 163'124 fr. en 2022.
F______ SA a versé à A______ un salaire mensuel net de 6'499 fr. (8'000 fr. bruts) de janvier à mars 2022, 5'692 fr. (7'000 fr. bruts) de juin à décembre 2022, puis 4'377 fr. (5'400 fr. bruts) de janvier à novembre 2023.
A______ bénéficie depuis le 21 juin 2024 de l'assurance chômage pour un maximum de 520 indemnités journalières. Le montant de l'indemnité journalière a été fixé initialement à 182 fr. pour un gain assuré de 5'646 fr., puis en juillet 2024 à 150 fr. pour un gain assuré de 4'664 fr.
Depuis le 1er juillet 2024, il fait l'objet d'une saisie desdites indemnités à concurrence de 1'200 fr. par mois opérée par l'Office des poursuites des districts de M______ [VS], faute de s'être acquitté de la contribution à l'entretien de son épouse fixée sur mesures provisionnelles.
f.d Il ressort des faits et pièces nouveaux de seconde instance, ce qui suit :
A teneur d'un contrat signé le 2 février 2025 par N______ SA et non signé par A______ ainsi que des fiches de salaire produites, celui-ci a été engagé à 80% pour une durée indéterminée en qualité de chauffeur poids-lourds à compter de cette date, moyennant un salaire mensuel net de 3'583 fr. en février 2025 et 3'410 fr. en mars ainsi qu'en avril 2025.
La retenue de salaire de A______ auprès de la Caisse cantonale de chômage de M______ a été annulée dès le 24 mars 2025.
Un commandement de payer a été notifié le 20 février 2025 par la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève à A______ pour une créance en capital de 156'080 fr. afférente aux "Loyers et charges impayés du 1er août 2023 au 31 janvier 2025, selon contrat de bail signé entre les parties en date du 8 décembre 2015 pour des locaux commerciaux situés à la route 1______ à L______".
S'agissant de son état de santé, à teneur d'un rapport médical du 11 juin 2025, A______ a subi un choc à son épaule droite deux mois auparavant, ce qui lui a causé une entorse bénigne et des douleurs l'ayant conduit à consulter une semaine après. Le traitement antalgique administré jusque-là lui permettait de poursuivre ses activités de chauffeur poids-lourds sans limitations majeures. Cette lésion s'insérait dans un contexte sous-jacent de déchirure massive et irréparable de la coiffe des rotateurs, étant relevé que le patient "se disait asymptomatique de son épaule" avant le traumatisme intervenu deux mois plus tôt. En conclusion, il était proposé un traitement antalgique à la demande pour l'entorse et aucun contrôle futur n'était fixé.
Charges de A______
f.e S'agissant des charges de A______, selon l'arrêt de la Cour du 19 octobre 2022, elles se montent à 3'790 fr. par mois, comprenant le montant de base LP (1'200 fr.), le loyer (759 fr.), l'assurance-maladie (460 fr.), les frais médicaux (117 fr.), le 3ème pilier (551 fr.) et la charge fiscale (700 fr.). Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a actualisé la prime d'assurance-maladie (521 fr.) et le loyer (900 fr. depuis le 1er décembre 2024).
Revenus et charges de B______
f.f A teneur de l'arrêt de la Cour du 19 octobre 2022, B______ réalisait en qualité de concierge un revenu de 4'500 fr. par mois.
Dans la décision attaquée, le Tribunal a constaté que l'employeur de la précitée avait mis fin à son contrat de travail pour le 31 juillet 2024 et que celle-ci avait été en incapacité de travailler du 24 mai au 28 juillet 2024 et du 12 septembre au 12 octobre 2024.
Devant la Cour, la précitée produit une lettre de licenciement de son employeur avec effet au 1er mai 2025 et des certificats médicaux attestant de son incapacité totale de travailler du 22 décembre 2024 au 31 mars 2025.
f.g Les charges mensuelles de B______, telles que fixées par la Cour le 19 octobre 2022, se montent à 4'945 fr. Dans la décision attaquée, le Tribunal n'a pas constaté les charges de la précitée.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).
En l'espèce, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte (cf. art. 92 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.2 Interjeté dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée (art. 142, 311 al. 1 et 314 al. 2 CPC), l'appel est recevable. Il en est de même de la réponse à l'appel (art. 314 al. 2 CPC) et des déterminations subséquentes des parties (art. 53 al. 3 CPC).
1.3 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).
Le litige portant sur la contribution d'entretien de l'épouse, la maxime inquisitoire sociale (art. 272 et 276 al. 1 CPC; Bohnet Commentaire pratique, Droit matrimonial fond et procédure, 2016, n. 31 ad art. 276 CPC) et la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2) s'appliquent.
La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe ainsi de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 130 III 102 consid.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_616/2021 du 7 novembre 2022 consid. 8.3).
1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
1.4.2 En l'espèce, la question de la recevabilité de la recherche "GOOGLE" portant sur H______ SARL et de l'extrait du site internet O______.ch produits par l'intimée dans sa réponse à l'appel, respectivement ses déterminations du 17 avril 2025 peut demeurer indécise, faute de pertinence pour l'issue du litige.
La lettre de licenciement de son employeur du 3 mars 2025 et les certificats médicaux des 7 janvier, 5 février et 18 février 2025 accompagnant la réponse de l'intimée du 17 mars 2025 sont recevables, étant postérieurs à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger (10 décembre 2024) et produits sans retard. Il en est de même des pièces nouvelles de l'appelant à l'appui de ses déterminations du 28 mars 2025, à savoir un contrat de travail du 2 février 2025, une fiche de salaire de février 2025, un extrait bancaire portant sur son salaire de mars 2025, une annulation de saisie de salaire du 25 mars 2025 et un commandement de payer du 13 février 2025. Tel est le cas également de ses fiches de salaire de mars et avril 2025 et des quittances de paiement du 30 mars 2025 et d'avril 2025 produites par l'appelant avec ses déterminations du 5 mai 2025, de la convocation à une consultation médicale le 30 mai 2025 qu'il a versée à la procédure avec ses déterminations du même jour et du rapport médical du 11 juin 2025 produit à l'appui de ses déterminations du 24 juin 2025.
Le certificat médical du 20 novembre 2024 produit par l'intimée avec sa réponse à l'appel est en revanche irrecevable, ayant pu être produit en première instance. Il en est de même de l'état de collocations dans la faillite de F______ SA du 6 novembre 2024, la liste des productions de créances dans dite faillite du 14 septembre 2024 et l'attestation de domicile du 6 décembre 2024 accompagnant les déterminations de l'appelant du 5 mai 2025. Ces pièces de l'appelant ont en tout état été produites en seconde instance tardivement, dès lors qu'elles auraient pu être fournies à l'occasion de l'appel du 30 janvier 2025. Pour ce même dernier motif, le courrier de son conseil au Tribunal du 19 décembre 2024 produit par l'appelant avec ses déterminations du 30 mai 2025 est irrecevable également.
La confirmation de sa désinscription de l'Office régional de placement de M______ du 12 février 2025 et la quittance de paiement de février 2025 produites par l'appelant à l'appui de ses déterminations du 5 mai 2025 sont irrecevables, dès lors qu'elles auraient pu être fournies avec ses déterminations du 28 mars 2025. Il en est de même de l'attestation de N______ SA du 4 mai 2025 produite le 5 mai 2025, vu qu'elle aurait pu être rédigée antérieurement. La "demande d'examen" de son épaule, le "rendez-vous de physiothérapie", le contrat de location d'une chambre et la quittance de paiement accompagnant également cette écriture du 5 mai 2025 doivent être déclarés irrecevables, faute d'être datés. L'ensemble de ces pièces est en tout état sans incidence sur l'issue du litige.
2. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir considéré qu'aucun changement essentiel et durable n'était intervenu dans ses revenus.
2.1 Saisi d'une requête commune ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC), le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, en appliquant par analogie les dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 276 al. 1 CPC).
Une fois que des mesures provisionnelles ont été ordonnées, elles ne peuvent être modifiées qu'aux conditions de l'art. 179 CC, applicable par renvoi de
l'art. 276 al. 1 CPC (ATF 137 III 614 consid. 3.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1.1; 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1).
Aux termes de l'art. 179 al. 1, 1ère phrase CC, le juge prononce les modifications commandées par les faits nouveaux et lève les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n'existent plus.
La modification des mesures provisionnelles ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (ATF 143 III 617 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 précité, ibidem; 5A_436/2020 précité, ibidem). A l'appui de leur requête en modification, les parties ne peuvent pas invoquer une mauvaise appréciation des circonstances initiales, que le motif relève du droit ou de l'établissement des faits allégués sur la base de preuves déjà offertes; pour faire valoir de tels motifs, seules les voies de recours sont ouvertes, car la procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_783/2020 du 31 mars 2021 consid. 4.3.2; 5A_154/2019 du 1er octobre 2019 consid. 4.1). La modification selon l'art. 179 CC ne doit pas se substituer aux voies de droit permettant de contester une décision infondée, ni permettre de remettre librement en cause en tout temps la réglementation arrêtée. Une partie ne peut ainsi invoquer des faits antérieurs qui lui étaient connus et dont elle aurait pu se prévaloir plus tôt, voire qu'elle avait déjà tenté d'invoquer dans une procédure antérieure (Tappy, CR CPC, 2019, n. 69b ad art. 273 CPC).
La survenance d'une modification essentielle et durable dans la situation familiale s'apprécie à la date du dépôt de la demande de modification (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 précité, ibidem; 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 4.1). Si un autre motif de modification survient après l'introduction de l'instance mais avant le début des délibérations sur le jugement, il peut et doit être invoqué dans la procédure en cours, pour autant toutefois que le caractère durable du changement soit intervenu avant cette limite temporelle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_253/2020 précité, ibidem).
Lorsqu'il admet que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures provisoires se sont modifiées durablement et de manière significative, le juge doit fixer à nouveau la contribution d'entretien, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent et litigieux devant lui (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_689/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1).
2.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que la perception d'indemnités de l'assurance chômage par l'appelant depuis juillet 2024 constituait sur le principe une modification durable des circonstances qui devrait permettre d'entrer en matière sur sa requête. Les circonstances ayant conduit à cette modification de revenu méritaient toutefois d'être examinées.
Selon le Tribunal, le précité était non seulement salarié de F______ SA, mais également son unique administrateur ainsi que son unique actionnaire, impliquant que le sort de son contrat de travail, mais aussi et surtout celui de la société dépendaient principalement de lui. La faillite avait été prononcée suite à une requête d'un créancier non payé et parce que la société n'avait fait valoir aucun moyen. Le recours formé par la société en se prévalant pourtant de sa solvabilité avait été rejeté faute par elle d'avoir apporté les éléments justifiant d'un paiement et rendant vraisemblable sa solvabilité. A fin septembre 2023, le chiffre d'affaires (853'812 fr.) et le bénéfice (84'112 fr.) réalisés par F______ SA sur neuf mois étaient pourtant encore importants et le bénéfice reporté conséquent (956'184 fr.). Parmi ses actifs figuraient en outre un compte courant actionnaire concernant vraisemblablement l'appelant ou son frère, voir les deux, pour plus de 1'300'000 fr. L'appelant ne disait en outre rien de la suite donnée au prononcé de la faillite. Il se contentait de soutenir qu'il touchait un revenu réduit constitué uniquement des indemnités journalières de l'assurance chômage, sans même indiquer qu'il chercherait vainement un emploi. Enfin, la situation de F______ SA et celle des autres sociétés auxquelles le précité était lié devait être clarifiée au fond, notamment au moyen des enquêtes.
Ainsi, c'était vraisemblablement l'action, respectivement l'inaction, de l'appelant qui avait provoqué la situation actuelle, de sorte que sa requête devait être rejetée.
L’appelant soutient avec raison que la faillite de sa société F______ SA et son nouvel emploi constituent des faits nouveaux au sens de l'art. 179 al. 1, 1ère phrase CC, lesquels justifient d’entrer en matière sur sa requête de modification des mesures provisionnelles prononcées par la Cour dans son arrêt de 2022. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, les éléments concrets du dossier ne suffisent en effet pas à retenir que l’appelant a volontairement provoqué la faillite de sa société, ni même qu’il est responsable de celle-ci, faute d’avoir pris les mesures nécessaires pour l’éviter. Il est vraisemblable que la société n’avait pas les moyens de payer ses dettes lesquelles étaient importantes.
Dans la mesure où il doit être admis que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures provisoires se sont modifiées, il convient dès lors, après avoir notamment établi et actualisé tous les éléments à prendre en compte pour le calcul dans l’arrêt dont la modification est sollicitée concernant chacune des parties, de fixer à nouveau la contribution d'entretien éventuellement due, d’examiner si celle précédemment fixée doit être modifiée ou supprimée et à compter de quelle date le cas échéant, ainsi que statuer sur la conclusion de l’appelant tendant à ce que son épouse soit condamnée à contribuer à son entretien.
Le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera donc annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour instruction complémentaire sur la situation financière des parties et nouvelle décision dans le sens des considérants qui précèdent.
3. 3.1 La question du sort des frais de première instance sur mesures provisionnelles a été renvoyée à la décision finale en conformité des dispositions applicables (art. 104 al. 1 et 3 CPC), de sorte que la décision déférée ne sera pas modifiée sur ce point.
3.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune (art. 107 al. 1 let. c CPC). La part de ces frais incombant à l'appelant sera compensée avec l'avance qu'il a fournie, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Il se verra restituer le solde de son avance en 400 fr. (art. 122 al. 1 let. c CPC). L'intimée plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, la part des frais judiciaires qui lui incombe sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieur aux conditions de l'art. 123 CPC.
Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 30 janvier 2025 par A______ contre l'ordonnance OTPI/33/2025 rendue le 13 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1646/2018.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise et renvoie la cause au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de l'appel à 800 fr., les met à la charge des parties par moitié chacune et les compense partiellement avec l'avance versée par A______, acquise à l'Etat de Genève à concurrence de 400 fr.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 400 fr. à A______.
Dit que la part des frais judiciaires mise à la charge de B______ sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, sous réserve de l'art. 123 CPC.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.