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Décisions | Chambre civile

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C/7611/2022

ACJC/683/2025 du 21.05.2025 sur JTPI/9210/2024 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7611/2022 ACJC/683/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 21 MAI 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juillet 2024, représentée par Me Christophe GAL, avocat, CG Partners, rue du Rhône 100,
1204 Genève,

et

B______ & CIE SA, sise ______, intimée, représentée par Me Gabriel RAGGENBASS, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/9210/2024 du 26 juillet 2024, reçu le 30 juillet 2024 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, s'est déclaré incompétent ratione materiae pour statuer sur la demande formée le 10 octobre 2022 par A______ à l'encontre de B______ & CIE SA ainsi que sur la requête de mesures provisionnelles formée le 22 janvier 2024 par la seconde contre la première (chiffre 1 du dispositif), a en conséquence déclaré ces actes irrecevables (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 6'200 fr., compensés avec les avances effectuées par les parties (ch. 3) et mis à la charge de A______ à raison de 5'200 fr. et de B______ & CIE SA à raison de 1'000 fr. (ch. 4), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ le solde de son avance en 24'000 fr. (ch. 5), condamné celle-ci à verser à B______ & CIE SA 10'000 fr. à titre de dépens (ch. 6) ainsi que débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le 16 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Elle conclut, avec suite de frais, à ce que la Cour ordonne la comparution personnelle des parties et l'audition en tant que témoins de C______ et D______, constate que sa demande du 10 octobre 2022 est recevable et renvoie la cause au Tribunal pour qu'il l'instruise et procède au fond. Subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour qu'il l'instruise et procède au fond et ordonne à celui-ci de procéder à la comparution personnelle des parties ainsi qu'à l'audition en tant que témoins des deux personnes susmentionnées.

b. B______ & CIE SA conclut à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Le 3 mars 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

Les parties

a. A______ est propriétaire des immeubles sis rue 1______ no. ______ et rue 2______ no. ______ à Genève, lesquels comportent 44, respectivement 10 appartements.

Dans le cadre des faits faisant l'objet du litige, C______, l'époux de A______, a agi en qualité de représentant de celle-ci.

B______ & CIE SA a pour but les activités suivantes : "prestation de services en matière de gestion; exploitation et gestion de tous commerces dans les domaines de l'hôtellerie et de la restauration, location, gérance, achat, vente et construction de biens immobiliers à l'exclusion de toute opération prohibée par la Loi Fédérale sur l'Acquisition d'Immeubles par des personnes à l'Etranger (LFAIE); conseil et assistance en matière administrative".

E______ en est l'administrateur unique avec signature individuelle.

Contrat conclu entre les parties

b. B______ & CIE SA allègue que C______ a été mis en prévention dans une procédure pénale étrangère au présent litige (P/3______/2013).

Entendu par la police le 14 mai 2013 à titre de renseignements dans ce cadre, E______ s'est présenté comme le directeur de B______ & CIE SA, dont l'activité consistait à gérer les immeubles de trois propriétaires, dont celui des immeubles sis rue 1______ no. ______ (43 appartements gérés) et rue 2______ no. ______ (8 appartements gérés).

Il a déclaré que les loyers relatifs à l'ensemble de ces biens lui étaient payés en espèces (10%) ou par versements bancaires (90%). Les occupants qui payaient en espèces étaient de passage et restaient entre une semaine et un mois. Il s'agissait d'artistes de cabaret (90%) ou de prostituées enregistrées en tant que telles à la police (10%), lesquelles logeaient et exerçaient leurs activités dans les appartements en question. B______ & CIE SA fixait un forfait journalier de 100 fr. pour les prostituées et 62 fr. pour les artistes. Les loyers qui étaient acquittés par virements bancaires concernaient des logements sociaux payés par l'Etat ou des logements standards.

L'immeuble sis rue 1______ no. ______ était occupé par des artistes de cabaret, des prostituées et des "placements sociaux". L'immeuble sis rue 2______ no. ______ comportait essentiellement des logements sociaux et "pour des familles".

A la question de la police s'agissant de savoir comment il "redistribuait l'argent" aux trois propriétaires des immeubles gérés, E______ a répondu que deux d'entre eux souhaitaient être payés par la banque. Le troisième, celui des immeubles sis rue 1______ no. ______ et rue 2______ no. ______, voulait être payé en espèces en mains de C______, lequel datait et signait un reçu. Cette remise avait lieu en général de façon hebdomadaire et portait sur 15'000 fr. en moyenne.

c. Pour ce qui est des relations des parties telles que présentées à certains tiers, en juin 2020, les Services industriels de Genève (SIG) ont adressé un courrier à "A______ p.a. B______ & CIE SA rue 1______ no. ______" portant sur le contrôle périodique des installations électriques de l'immeuble sis rue 1______ no. ______. Les précitées ont été informées qu'il leur incombait, en tant que propriétaire ou représentant de ce dernier, de procéder audit contrôle.

Par ailleurs, en février et mai 2022, des curateurs du Service de protection de l'adulte (SPAd) ont informé B______ & CIE SA par courriers adressés à la rue 1______ no. ______, que leurs protégés disposaient des ressources nécessaires à la prise en charge de leur hébergement dans l'hôtel de la société, au prix de 85 fr. par jour.

Aux termes de documents de l'Hospice général de mai 2022 intitulés "Annulation de la prise en charge des frais du séjour dans un hôtel conventionné avec l'Hospice général", "Hôtel B______, rue 1______ no. ______" était l'établissement hôtelier à qui le montant de 85 fr., 100 fr. ou 130 fr. par nuitée était dû par l'occupant dont était en charge un assistant social.

Contrats conclus avec les occupants des immeubles

d. A______ allègue que les logements litigieux ont fait l'objet de contrats de bail entre les occupants et elle, représentée par B______ & CIE SA agissant en qualité de gérante des immeubles. Celle-ci expose avoir pris à bail ces appartements et les avoir sous-loués pour son propre compte à leurs occupants. Elle allègue, ce qui est contesté et non démontré, que les appartements ont été rénovés et meublés par ses soins.

Le dossier ne contient aucun contrat de bail conclu en la forme écrite entre B______ & CIE SA et les occupants des appartements avant que ne débute le litige entre les parties.

Le Tribunal a retenu que 43 des appartements de la rue 1______ no. ______ et 9 de la rue 2______ no. ______ avaient été loués meublés par B______ & CIE SA à leurs occupants, avec parfois en sus des prestations para-hôtelières ou de nettoyage.

Décomptes

e. A______ allègue que B______ & CIE SA établissait et lui remettait des décomptes annuels. Elle produit à cet égard des documents signés (cf. infra, let. f), lesquels faisaient état, selon elle, des "montants" qui lui revenaient conformément à ce qui avaient été convenu par les parties et lui avaient été payés par la société l'année précédente au titre de la restitution des loyers perçus des occupants des logements litigieux. Ces montants payés étaient "définitifs" et ne constituaient donc pas des "avances".

B______ & CIE SA conteste avoir établi et signé les documents produits. Selon elle, ceux-ci étaient vraisemblablement établis par C______ afin de faire correspondre le montant des "loyers" annuels aux "avances sur le loyer principal" reçues chaque semaine, lesquelles excédaient les montants des loyers convenus. B______ & CIE SA a précisé qu'il lui était arrivé de rédiger des "états locatifs" sur demande de C______. Celui-ci modifiait toutefois ces projets pour qu'ils correspondent aux montant reçus, à des fins comptables, selon les explications qui lui avaient été fournies. Lesdits décomptes ne faisaient pas état des loyers qui lui étaient payés par les sous-locataires, mais des loyers qu'elle avait payés à A______, lesquels ne correspondaient pas aux montants convenus entre les parties.

f. A______ a versé à la procédure des tableaux annuels sur lesquels semble figurer, comme elle l'allègue, la signature de E______, ce qui est contesté. Ces tableaux, qui portaient sur les années 2012 à 2020 et chacun des deux immeubles litigieux, étaient intitulés "résidence 1______ no. ______" et "2______ no. ______". Ils faisaient mention de la liste des appartements concernés, de l'étage, du nombre de pièces, du "locataire" (B______ & CIE SA) du montant du "loyer" (lequel pouvait varier au fil des ans) et de "charges" (A______ ou B______ & CIE SA étant mentionnés). Les tableaux de 2012 et 2013 portant sur la rue 2______ faisaient état, en lien avec le loyer de deux des six appartements mentionnés, que ce loyer était "encaissé" par B______ & CIE SA.

Dès 2015 s'agissant de la rue 1______ et dès 2012 pour ce qui est de la rue 2______, il ressort des tableaux un montant mensuel à déduire des loyers au titre de "frais d'entretien" (4'200 fr., respectivement 2'900 fr.), étant précisé ce qui suit: "L'entretien de l'immeuble, effectué par B______ & CIE SA, est à la charge de A______ (nettoyage escaliers, sortie poubelles, ménage appartements meublés, changement de linges, draps, achat produits d'entretien, etc.). Les frais d'entretien sont déduits mensuellement et directement par A______ sur la facture de location de B______ & CIE SA. 160 heures [respectivement 90 heures] d'entretien par mois, à 25 fr. de l'heure [respectivement 30 fr. de l'heure], soit 4'000 fr. [respectivement 2'700 fr.] + 200 fr. de produits divers = 4'200 fr. [respectivement 2'900 fr.] par mois".

Toujours à teneur des tableaux, en 2013, le total des loyers, sous déduction des éventuels frais d'entretien, s'est monté à environ 40'800 fr. par mois pour l'immeuble sis rue 1______ et 10'300 fr. par mois s'agissant de celui situé à la rue 2______, soit au total un montant de l'ordre de 11'800 fr. par semaine (51'100 fr. / 4.33 semaines).

En 2015, le total des loyers, sous déduction des frais d'entretien, s'est élevé à environ 52'800 fr. par mois pour l'immeuble sis rue 1______ et 16'500 fr. par mois s'agissant de celui situé à la rue 2______, soit au total un montant de l'ordre de 16'000 fr. par semaine (69'300 fr. / 4.33 semaines).

En 2018, les loyers ont totalisé environ 55'600 fr. par mois pour l'immeuble sis rue 1______ et 10'400 fr. par mois s'agissant de celui situé à la rue 2______, soit au total un montant de l'ordre de 15'200 fr. par semaine (66'000 fr. / 4.33 semaines). Il est relevé que les deux tableaux relatifs à cette année-là sont les seuls qui font mention de la date à laquelle la signature de E______ y a été apposée, à savoir le 30 août 2019.

Paiements entre les parties

g. B______ & CIE SA allègue que les paiements hebdomadaires de E______ en faveur de C______ relatifs aux immeubles litigieux ont été effectués par la remise d'espèces en mains de ce dernier jusqu'en juin 2013, puis par virements bancaires à A______ dès juillet 2013 à la demande de C______, en raison de la procédure pénale précitée alors menée contre lui et d'un "besoin accru de traçabilité de l'argent reçu par le couple". Selon B______ & CIE SA, il s'agissait d'avances sur les loyers principaux.

A______ expose que ces paiements consistaient dans la rétrocession des loyers encaissés par B______ & CIE SA pour son compte auprès des occupants, sous déduction des frais d'entretien (conciergerie) de 7'100 fr. par mois au total pour les deux immeubles (4'200 fr. + 2'900 fr.) et du coût des prestations para-hôtelières fournies par B______ & CIE SA.

B______ & CIE SA a versé à la procédure un document faisant état de reçus, pour l'essentiel hebdomadaires, signés et datés de janvier à juin 2013. Les montants concernés étaient compris entre 10'000 fr. et 50'000 fr.

Les versements bancaires de B______ & CIE SA en faveur de A______ intervenus entre juillet 2013 et 2022 ont été effectués avec la référence aux immeubles de la rue 1______ et de la rue 2______ et celle d'"avance loyer", d'"acompte loyer" ou de "loyer".

Le Tribunal a retenu, sans être critiqué, que B______ & CIE SA avait procédé à des versements hebdomadaires en faveur de A______, dont le montant avait varié au fil du temps pour s'établir à 16'000 fr. de 2018 au premier trimestre 2022, ce qui ressort effectivement des pièces bancaires produites.

Mises en demeure

h. Dès courant 2021, B______ & CIE SA n'a plus été régulière dans ses versements à A______.

Par courrier du 21 janvier 2022, A______ a mis B______ & CIE SA en demeure de lui verser au plus tard le 30 avril 2022 les loyers arriérés pour 2021, soit 296'001 fr. au 31 décembre 2021. Elle lui a par ailleurs rappelé qu'il lui incombait de payer les loyers dus à hauteur de 66'000 fr. par mois et l'a menacée de résilier le contrat de bail si la situation ne devait pas être régularisée et les échéances mensuelles prévues pour 2022 non respectées.

B______ & CIE SA a effectué trois versements de 16'000 fr. en faveur de A______, les 19 et 28 janvier ainsi que 10 février 2022.

Par courrier du 10 février 2022, A______ a sommé B______ & CIE SA de payer les arriérés de loyers, faute de quoi elle résilierait le mandat qu'elle lui avait confié.

B______ & CIE SA lui a répondu le 17 février 2022 que depuis décembre 2009, elle avait versé chaque semaine des avances sur loyer dont le montant total annuel excédait celui des "états locatifs" de plusieurs dizaines de milliers de francs par an. Elle n'était donc pas sa débitrice, mais sa créancière.

Comportements et déclarations des parties en lien avec un sinistre

i. Le 12 février 2022, à la suite d'une fuite d'une "colonne de chute" desservant cinq appartements de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, des travaux destinés à préparer le remplacement de cette installation ont été réalisés dans les appartements nos 14 et 24, lesquels avaient dans ce but été évacués de leurs locataires. Ceux-ci avaient été déplacés dans des logements vacants de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, au même titre que les locataires des appartements nos 34 et 54.

En février 2022, C______ et E______ ont échangé les messages suivants en lien avec ce sinistre :

E______ : "distribution de l'eau chaude au 2 Etag no 24"; "je fais intervenir le sanitaire"; "Donc l'assurance prendra du re chaussée au 2etage plus carreleur plus le plafond du hall d'entrée les salles de bains 1er, 2ème et le 3eme jusqu' au 5 eme sera toi de payer donc gonfler le devis l'assurance pour amortir la suite des travaux concernant les murs +plus les carrelages ça peut aller dans les amortissements de la fin d'année a quand je te donne les états locatives comme ça l'assurance a rien à dire il peut commencer les travaux déjà le début du mois mars et je m'arrange pour déplacer les locataires étape par étape ça c'est une solution sauf ce toi as autre idéal mais ça c'est très gravé faire commencer le plus vite".

C______ : "as-tu payé les 16'500 ??"

E______ : "je viens payer vendredi passez plus cette semaine avant jeudi encore 16'000. Ce l'argent rentre je pourrais te verser 48'000 fr. je fais que ça derrière l'hospice"; "bon dieux je viens de préparer il peut commencer à changer la colons jusqu'à au 5ème toute est okey"; "colonne eau chaude et froide jusqu'à au 5eme je viens de manéger les locataires toute la colonne il peut déjà travailler"; "mon mec il pourrait casser et faire les travaux à partir du studio 34-44-54 depuis les res-chaus et le 2 étage c'est l'assurance qui prendrait l'accident"; "ou soit après les devis d'autres entreprises on fera une facture F______ comme ça on pourrait faire un amortissement sur la suite des travaux qu'est tu penses et je ajusterai une facture pour 1etag + 2eme pour la pertes locatives ??"; "dis moi qu'est-ce comme je dois procéder".

C______ : "salut as tu versé de l'argent ?"

E______ : "demain".

C______ : "du moment que c'est ouvert c'est mieux de changer toute la colonne".

E______ : "oui le problème ou je vou loger le 34,44,54 pars que les jeunes des autres studios je mise déjà à [rue] 2______ provisoirement"; "Donc il va changer par étapes 1 et 2 après je démange les gens du 3 et 4 après il fait par étape. Ça c'est logique comme ça il pourra changer tout"; "tu penses quoi"; "Bonjour C______ il faut faire déclaration pour l'assurance on a 2 studios occupé qui j'ai été dans l'obligation de les démanger cause des dégâts pars que on a été obligé des déménager…".

C______ : "ok je m'en occupe je suis à l'étranger"; "Appelle G______ c'est lui l'assureur".

E______ : "ok le sanitaire vient déjà ce matin pour réparer changer le tuyau distribution de l'eau chaude cette matin je le demanderai un report de son travail et j'appelle G______ vers 9h00 pour la déclaration de l'accident"; "salut C______ je suis en train de m'occuper de remplir les attestations pour la déclaration de l'accident, je reçu la facture du plombier et maintenant j'attends les devis des l'entreprise peintre et le carreleur sur du hall d'entrée à changer tout le plafond et faire un autre devis".

C______ : "je vais venir sur place pour choisir le carrelage et je veux pas changer le carrelage de l'entrée"; "on se voit à quelle h aujourd'hui".

E______ : "pas possible je suis hors de Genève je rentre dans la soirée".

C______ : "je veux te voir aujourd'hui absolument tu as versé combien depuis janvier".

Résiliation du contrat liant les parties

j. Par pli du 3 mars 2022, A______ a informé B______ & CIE SA qu'elle résiliait le mandat de gérance les liant, avec effet au 31 mars 2022, mandat qui serait repris par la régie H______ SA dès le 1er avril 2022. La totalité des loyers et acomptes de charges perçus à son nom et pour son compte et qui lui étaient dus jusqu'au 31 mars 2022 devraient être versés sur le compte bancaire de cette régie.

k. Par lettre circulaire du 12 avril 2022, A______ a informés les locataires des immeubles litigieux que B______ & CIE SA n'était plus autorisée à encaisser les loyers, ceux-ci devant désormais être versés directement sur son propre compte dont elle leur communiquait les références.

Procédure pénale

l. En avril 2022, A______ a porté plainte au Ministère public genevois à l'encontre de E______ pour abus de confiance (art. 138 CP) en lien avec les faits du présent litige. Par ordonnance de juin 2022, le Ministère public a refusé d'entrer en matière. B______ & CIE SA n'avait pas la qualité de gérant au sens de l'art. 158 CP, la relation contractuelle liant les parties relevant de la gérance d'immeubles conventionnelle (art. 394 ss CO). Ainsi la question de savoir si la société était légitimée à interrompre les versements en 2021 était du ressort du juge civil.

Par arrêt de septembre 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a annulé l'ordonnance précitée et renvoyé la cause au Ministère public. Les parties entretenaient une relation contractuelle depuis plusieurs années en lien avec des appartements dont A______ était propriétaire et une procédure était pendante devant les juridictions civiles, dans le cadre de laquelle se posait la question de la qualification juridique du contrat. Sur la base des explications de A______, l'infraction de gestion déloyale n'apparaissait pas d'emblée exclue, B______ & CIE SA semblant disposer d'une autonomie suffisante dans la gestion qui lui aurait été confiée. Ainsi, la décision de refus d'entrer en matière paraissait prématurée, d'autant plus en l'absence d'acte d'instruction, comme l'audition du représentant de la mise en cause. Le Ministère public devait procéder aux actes d'enquêtes utiles à clarifier la situation.

Par ordonnance de mai 2023, le Ministère public a à nouveau refusé d'entrer en matière. Par arrêt d'octobre 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a annulé cette décision et renvoyé la cause au Ministère public afin qu'il ouvre une instruction, en particulier qu'il procède à une audience de confrontation des parties et à l'audition de C______.

Présente procédure

m.a Parallèlement, dans la présente cause, par acte déposé en conciliation le 4 mai 2022 et introduit le 10 octobre 2022 à l'encontre de B______ & CIE SA, A______ a conclu en substance à ce que le Tribunal :

- condamne B______ & CIE SA à lui verser 496'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2022, 448'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 10 octobre 2022 et 16'000 fr. par semaine à compter du 10 octobre 2022 et jusqu'à la restitution de la possession des appartements situés dans les immeubles sis rue 1______ no. ______ et rue 2______ no. ______ ;

- dise et constate qu'elle est la bailleresse de ces appartements loués ;

- interdise à B______ & CIE SA tout acte de gestion, représentation et/ou administration en lien avec ces appartements, y compris la perception de loyers ;

- ordonne à B______ & CIE SA de lui restituer les données en sa possession relatives à l'exploitation desdits appartements (état locatif, archives locatives, contrats de bail en cours, correspondance avec les locataires, correspondance technique, contrats d'entretien existants et pièces comptables comprenant factures de frais) et les clés des immeubles et appartements litigieux ;

- ordonne à B______ & CIE SA de lui communiquer un décompte de gestion pour la période courant de 2009 au 31 mars 2022 comprenant les produits et charges d'exploitation des appartements qu'elle a gérés, accompagné des justificatifs de frais et des avis de crédit des montants encaissés.

Dans sa demande, A______ allègue avoir conclu en 2009 avec B______ & CIE SA un contrat innommé comprenant des éléments de mandat et de société simple. Ce contrat portait sur l'exploitation et la gestion d'appartements meublés, soit 43 appartements dans l'immeuble sis rue 1______ no. ______ et 9 appartements dans l'immeuble sis rue 2______ no. ______. Il avait été convenu qu'elle "confie" ces biens à B______ & CIE SA et que celle-ci "mette à profit" sa clientèle, son industrie et son expérience. Il incombait à B______ & CIE SA de fournir des services "para-hôteliers" et "de gérer de ses seules décisions et sous son unique responsabilité la location des appartements, d'encaisser les loyers et de lui reverser un montant hebdomadaire au titre de participation forfaitaire au bénéfice d'exploitation locative, déduction faite de sa part d'une moitié des frais para-hôteliers et de nettoyage décidés par B______ & CIE SA". En guise de rémunération pour ses services, B______ & CIE SA conservait une partie du produit de l'exploitation locative des appartements, supportant, comme elle, sa part des frais inhérents lorsqu'elle décidait d'inclure des prestations para-hôtelières et/ou de nettoyage, à l'exception des charges de chauffage, des abonnements d'entretien et de tous autres frais liés à l'exploitation des immeubles concernés laissés à sa charge en tant que propriétaire ainsi que des frais d'électricité jusqu'en 2018, lorsque B______ & CIE SA avait obtenu la réduction du montant du forfait de participation aux loyers et qu'il avait été proposé en contrepartie que ces frais soient reportés sur les locataires.

m.b Dans sa réponse du 28 février 2023, B______ & CIE SA a conclu à ce que le Tribunal déboute A______ de ses conclusions et dise que les loyers consignés depuis le 25 octobre 2022 seraient libérés en sa faveur.

Elle a fait valoir l'irrecevabilité de la demande, au motif que les parties auraient été liées par des contrats de bail à loyer, de sorte que leur litige relèverait de la compétence du Tribunal des baux et loyers.

Elle allègue avoir convenu avec C______ qu'elle prendrait à bail les résidences litigieuses en étant libre de les exploiter en la forme commerciale conformément à son but social et pour son propre compte, soit en les sous-louant à des locataires de courte durée. Il était en principe déduit du montant total des loyers 2'900 fr. par mois correspondant en partie aux frais de ménage des immeubles ("parties communes; nettoyage escalier; sortie des poubelles") et des studios ("meublés changement des linges et draps"). La déduction de ces frais forfaitaires du montant du loyer visait à la dédommager en partie des frais d'entretien généraux des résidences, tels que des frais de peinture, de carrelage, d'installation d'internet, etc., à la charge de la bailleresse principale et dont elle faisait l'avance. Vu les frais d'entretien importants qu'elle déboursait, C______ avait indiqué à E______ que les loyers ne seraient dus que lorsque les studios seraient occupés. Il était ainsi convenu qu'aucun loyer n'était dû lorsque le studio concerné était en travaux, et donc inexploitable, ou inoccupé par un sous-locataire. Les paiements hebdomadaires qu'elle effectuait en faveur de A______ ne correspondaient pas à des montants dus de manière fixe, mais à des avances, dont le sort devait être réglé par des décomptes annuels finaux, lesquels n'avaient jamais été réalisés de manière conforme à la réalité.

Elle fait valoir par ailleurs deux contrats de bail conclus en la forme écrite en 2005 et 2006 entre C______ et B______ SA, société sise à Genève, dont E______ était l'administrateur et qui a été radiée en 2008. Ces contrats formels portaient sur des studios situés dans les immeubles de la rue 1______ no. ______ et de la rue 2______ no. ______. En lien avec ces pièces, B______ & CIE SA soutient que B______ SA louait depuis 2005 une trentaine de studios dans les immeubles susvisés qu'elle [B______ SA] avait meublés et sous-loués à des artistes de passage. Après la radiation de B______ SA, B______ & CIE SA avait continué cette activité, comme il avait été fait avec d'autres propriétaires. Elle produit sur ce point un contrat de bail conclu en la forme écrite en 2007 entre B______ SA et un propriétaire d'immeuble et un contrat de bail conclu en la forme écrite en 2010 entre B______ & CIE SA et ce même propriétaire.

m.c Lors de l'audience de débats d'instruction et de débats principaux du 22 janvier 2024, B______ & CIE SA a formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.

Le Tribunal a limité la procédure à la question de sa compétence à raison de la matière et la cause a été gardée à juger sur cette question.

m.d Par ordonnance du 25 janvier 2024, le Tribunal a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles de B______ & CIE SA. Le sort des frais a été réservé.

m.e En date du 20 mars 2024, A______ a répondu à la requête de mesures provisionnelles, concluant au déboutement de B______ & CIE SA.

m.f La cause a ensuite été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Procédure devant le Tribunal des baux et loyers

n. Parallèlement, en septembre et novembre 2022, indiquant ne pas se considérer liée par un contrat de bail, mais agir pour sécuriser ses droits, A______ a résilié les contrats de bail la liant à B______ & CIE SA en lien avec les appartements de la rue 1______ et de la rue 2______.

En octobre et décembre 2022 ainsi que février 2023, B______ & CIE SA a déposé devant le Tribunal des baux et loyers des requêtes en contestation de ces congés. Les causes ont été jointes sous le numéro C/4______/2022.

Par ordonnance du 25 avril 2023, le Tribunal des baux et loyers a suspendu cette cause jusqu'à droit jugé dans la présente.

D.           Dans le jugement querellé, le Tribunal a relevé qu'il ressortait des allégations de A______ et des pièces produites à leur appui que depuis 2009, B______ & CIE SA lui versait des montants qui avaient varié au fil du temps pour s'établir à 16'000 fr. par semaine depuis 2018. Les déclarations des parties divergeaient au sujet de la prestation que ces versements étaient censés rémunérer. La première considérait qu'il s'agissait de la rétrocession des loyers encaissés en son nom par sa gérante, après déduction du paiement de ses prestations para-hôtelières et de nettoyage. La seconde soutenait que ces montants correspondaient aux loyers des logements qu'elle avait pris en location afin de les sous-louer.

Le montant de 16'000 fr. par semaine n'avait pas varié depuis 2018, alors que les logements n'avaient pas été systématiquement occupés. En effet, lors de la fuite sur la colonne de chute en février 2022, les occupants de certains appartements avaient été déplacés dans des logements vacants. Or, si B______ & CIE SA avait agi en qualité de gérante de l'immeuble en encaissant les loyers pour le compte de A______, le montant dû à celle-ci aurait varié en fonction de l'occupation des logements et donc des loyers encaissés, ce qui n'avait pas été le cas. Dans le même sens, A______ n'avait pas produit de pièces établissant qu'elle se serait souciée depuis 2009 de l'identité des occupants des logements ou des montants versés à B______ & CIE SA. Au contraire, il ressortait de ses allégations et pièces qu'elle exigeait un montant fixe de 16'000 fr. par semaine depuis 2018, quelle que soit l'occupation des logements et que les loyers soient ou non payés par les occupants.

Il en allait de même du prétendu contrat de société qui aurait lié les parties, dans le cadre duquel elles auraient participé toutes deux au bénéfice tiré de l'activité de mise à disposition onéreuse des logements meublés. Le fait que le montant hebdomadaire payé ne variait pas quels que soient l'occupation des appartements et les loyers encaissés montrait qu'il n'y avait pas de partage des risques et bénéfices entre les parties.

Ainsi, la position soutenue par A______ était incohérente puisqu'elle allait à l'encontre de ses allégations. Il ne pouvait donc être fait application de la théorie des faits doublement pertinents en fondant la compétence du Tribunal sur les conclusions et moyens de la précitée.

Les parties étaient liées par un contrat mixte. Celui-ci présentait des éléments relevant du mandat pour ce qui avait trait aux prestations de conciergerie fournies par B______ & CIE SA. Il comportait par ailleurs des éléments caractéristiques du contrat de bail à loyer, dans la mesure où A______ avait cédé à la précitée l'usage des logements moyennant le paiement d'un loyer, voire de bail à ferme si l'on devait considérer que les logements, une fois meublés, étaient des biens productifs.

Au vu des montants correspondant à chacun des aspects du contrat, soit 16'000 fr. par semaine pour les contrats de bail et 7'100 fr. par mois pour la conciergerie, celui du bail était prépondérant, de sorte que le Tribunal des baux et loyers était compétent ratione materiae et il se justifiait de déclarer la demande irrecevable. Il en allait de même de la requête de mesures provisionnelles formée par B______ & CIE SA.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la procédure demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 En tant qu'il constate l'incompétence ratione materiae du Tribunal, le jugement entrepris constitue une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC; Jeandin, CR CPC, 2019, n. 9 ad art. 308 CPC). La valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 2 CPC).

1.3 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1 et 3, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 et 2 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2.             L'appelante invoque une violation de son droit d'être entendue, au motif que le premier juge n'aurait à tort pas donné suite à sa requête de mesures d'instruction, et réitère celle-ci devant la Cour.

2.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, l'appelante fait à tort grief au Tribunal de ne pas avoir procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition de C______ et D______ sur les allégués pertinents en lien avec la question de la qualification juridique du contrat et donc de la compétence ratione materiae du Tribunal. Comme il sera exposé ci-dessous (cf. infra, consid. 4), ces allégués étaient doublement pertinents. Ainsi, le premier juge devait examiner sa compétence sur leur base sans procéder à aucune mesure d'instruction. Pour le même motif, la Cour ne procédera pas non plus à l'administration des preuves requises. En tout état, il sera fait droit aux conclusions de l'appelante pour ce qui est de la recevabilité de sa demande, de sorte que point n'est besoin d'entrer en matière sur son grief et sa requête de mesures d'instruction.

3. L'appelante se plaint d'une constatation inexacte de certains faits par le premier juge, de sorte que le jugement entrepris a été complété sur les points concernés.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir déclaré sa demande irrecevable.

4.1.1 En vertu de l'art. 60 CPC, le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité d'une demande sont remplies, notamment s'il est compétent à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b CPC).

4.1.2 La compétence matérielle des tribunaux est du ressort des cantons (art. 4 al. 1 CPC).

A Genève, selon l'art. 86 al. 1 LOJ, le Tribunal de première instance est compétent pour tous les actes de la juridiction civile contentieuse ou non contentieuse que la loi n'attribue pas à une autre autorité judiciaire ou administrative.

La compétence ratione materiae de la juridiction genevoise des baux et loyers est définie par l'art. 89 LOJ. Selon cette disposition, le Tribunal des baux et loyers connaît des litiges relatifs au contrat de bail à loyer (art. 253 à 273c CO) et au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO) portant sur une chose immobilière (art. 89 al. 1 let. a LOJ).

La compétence du Tribunal des baux et loyers doit s'interpréter largement; elle s'étend à tout état de fait pouvant tomber sous le coup du droit du bail selon les titres huitième et huitièmebis du Code des obligations. Ainsi, la juridiction spécialisée est compétente pour trancher une prétention entre un bailleur et un sous-locataire au titre d'une occupation illicite ou les différends qui mettent en cause non seulement des bailleurs et des locataires ou fermiers, mais encore des tiers, en particulier les personnes qui ont émis des garanties en rapport avec des contrats de bail, quand bien même les parties ne sont pas liées par un contrat de bail. Elle ne l'est toutefois pas pour statuer sur les rapports entre un locataire et un occupant à titre gratuit titulaire d'un contrat de prêt à usage (ACJC/646/2019 du 6 mai 2019 consid. 2.1.2 et 2.1.7 et les références citées).

4.1.3 Lorsque le Tribunal examine sa compétence, il doit d'abord examiner si les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de "théorie de la double pertinence" (ATF 147 III 159 consid. 2).

Les faits sont simples lorsqu'ils ne sont déterminants que pour la compétence. Ils doivent être prouvés au stade de l'examen de la compétence, lorsque la partie défenderesse soulève l'exception de déclinatoire en contestant les allégués du demandeur. Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal sont également ceux qui sont déterminants pour le bien-fondé de l'action. Tel est notamment le cas lorsque la compétence dépend de la nature de la prétention alléguée, par exemple lorsque le for a pour condition l'existence d'un acte illicite ou d'un contrat. C'est à ces faits que s'applique la théorie de la double pertinence (ATF 147 III 159 consid. 2.1.1 et 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.1 et 5.2).

Les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés, mais sont censés établis sur la seule base des écritures du demandeur. En effet, conformément à la théorie de la double pertinence, le juge examine sa compétence uniquement sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse, et sans procéder à aucune administration de preuves. Il faut et il suffit que le demandeur allègue correctement les faits doublement pertinents, c'est-à-dire de telle façon que leur contenu permette au tribunal d'apprécier sa compétence (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2 et 6.1).  

Si les faits doublement pertinents ne doivent pas être prouvés, cela ne dispense toutefois pas le juge d'examiner s'ils sont concluants, c'est-à-dire s'ils permettent juridiquement d'en déduire la qualification du contrat ou de l'objet du litige et, partant, le for invoqué par le demandeur. Pour permettre au tribunal d'effectuer cette appréciation (juridique), il faut et il suffit que le demandeur allègue le fait doublement pertinent de façon suffisante, c'est-à-dire de telle façon que son contenu permette cette appréciation juridique (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2 et 6.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid. 5.2.2; 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.2).

Si, sur la base d'un examen restreint, le tribunal arrive à la conclusion qu'il n'est pas compétent, il doit rendre une décision d'irrecevabilité (ATF 141 III 294 consid. 5.2). En revanche, s'il admet sa compétence au regard des allégations du demandeur, le tribunal procède alors à l'administration des preuves, puis à l'examen du bien-fondé de la prétention au fond (ATF 142 III 467 consid. 4.1; 141 III 294 consid. 5.2).

Il est fait exception à l'application de la théorie de la double pertinence notamment en cas d'abus de droit de la part du demandeur, par exemple lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la nature véritable, lorsque les allégués sont manifestement faux, que la thèse de la demande apparaît d'emblée spécieuse ou incohérente, ou se trouve réfutée immédiatement et sans équivoque par la réponse et les documents de la partie défenderesse (ATF 147 III 159 consid. 2.2; 141 III 294 consid. 5.3; 136 III 486 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 5.2).

4.1.4 Lorsqu'un canton institue une juridiction spécialisée pour connaître des litiges découlant d'un contrat de travail ou de bail, ledit contrat constitue un fait doublement pertinent (arrêts du Tribunal fédéral 4A_484/2018 précité consid. 5.2; 4A_186/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2).

S'il se pose une question délicate de délimitation (par exemple s'il est possible, sur la base des éléments allégués, de désigner aussi bien un contrat de travail qu'un autre contrat), elle devra être tranchée lors de l'examen du bien-fondé de la prétention au fond, en même temps que celle de savoir si un contrat a réellement été passé (ATF 142 III 466 consid. 4.1; 137 III 32 consid. 2.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_510/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2; 4A_573/2015 précité consid. 5.2.2; 4A_73/2015 précité consid. 4.2).

4.1.5 Le contrat de gérance d'immeubles doit être qualifié de mandat ou de contrat sui generis soumis aux règles du mandat conformément à l'art. 394 al. 2 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2016 du 19 juillet 2016 consid. 3.1).

La gestion ordinaire d'immeubles comprend la maintenance de l'immeuble, sa location et la tenue des comptes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2016 précité consid. 5.1). La relation avec les locataires comprend la recherche et la sélection de locataires potentiels, la rédaction et la conclusion des baux, la réception des sûretés exigées du locataire, l'établissement de l'état des lieux d'entrée et de sortie, l'encaissement des loyers et frais à charge du locataire, le suivi des baux y compris les adaptations de loyers aux échéances contractuelles dans la mesure usuelle, le traitement des sinistres et, d'une manière plus générale, les autres relations avec les locataires (Thevenoz, Le contrat de gérance d'immeubles, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2003, p. 113 ss; Marchand, La gérance d'immeubles, conventionnelle et légale, 14ème Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2006, p. 5).

La représentation du mandant est en règle générale directe (Montavon, Les contrats de gérance d'immeubles, Etude et pratique, 1991, p. 170; Thevenoz, op. cit., p. 115). La représentation peut toutefois également être indirecte. Ce mode est appliqué par les régisseurs pour de petites opérations courantes de gestion ordinaire (Montavon, op. cit., p. 171). Certains gérants se font autoriser à conclure les contrats de baux en leur propre nom, mais pour le compte du propriétaire; ce faisant, ils acceptent d'encourir une responsabilité personnelle envers le locataire sans diminuer d'autant leur responsabilité personnelle envers le propriétaire (Thevenoz, op. cit., p. 115).

La rémunération pour la gestion ordinaire peut être fixée à l'avance et de façon forfaitaire lors de la conclusion du contrat, au regard du caractère prévisible des activités de gérance ordinaire. En revanche, la rémunération pour la gestion extraordinaire varie en fonction du service rendu. Elle doit dès lors faire l'objet d'un décompte détaillé permettant d'établir les activités effectivement réalisées par le gérant (Marchand, op. cit., p. 12; Montavon, op. cit., n. 563 p. 200).

4.1.6 Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire moyennant un loyer (art. 253 CO).

Selon l'art. 275 CO, le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.

Il y a bail à ferme notamment lorsque le bailleur cède l'exploitation d'une entreprise entièrement équipée, c'est-à-dire d'un outil de production; en revanche, il faut retenir la qualification de bail à loyer s'il cède des locaux qu'il appartient au cocontractant d'aménager pour en faire une entreprise productive. La mise en gérance libre d'un établissement public complètement équipé donne lieu à un bail à ferme non agricole (ATF 128 III 419 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_379/2011 du 2 décembre 2011 consid. 2.1; 4C_43/2000 du 21 mai 2001 consid. 2b).

La sous-location est un contrat par lequel le locataire cède, moyennant le paiement d'un loyer, l'usage de la chose louée à un tiers (le sous-locataire) avec le consentement du bailleur (art. 262 al. 1 CO; art. 291 al. 1 CO pour le sous-affermage). La sous-location, respectivement le sous-affermage, est un contrat de bail à part entière, distinct du bail principal, soumis en principe aux règles des art. 253 ss CO (ATF 139 III 353 consid. 2.1.2).

La loi ne prescrit aucune forme pour le contrat de bail (art. 11 al. 1 CO). Il peut être conclu par écrit, oralement ou par actes concluants (art. 1 al. 2 CO; ATF 119 III 78 consid. 3c.; Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 203). Cela étant, pour que tel soit le cas les parties doivent manifester leur volonté de façon concordante sur tous les points essentiels du contrat (art. 1 CO). La conclusion d'un bail tacite ne doit être retenue qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2015 consid. 3.1.1 et 4.1; 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1).

4.1.7 La société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO). Chaque associé doit faire un apport, qui peut consister en argent, en créances, en d'autres biens ou en industrie (art. 531 al. 1 CO). L'apport de l'associé peut consister aussi bien dans une prestation patrimoniale que dans une prestation personnelle (ATF 137 III 455 consid. 3.1).

Ce contrat ne requiert, pour sa validité, l'observation d'aucune forme spéciale; il peut donc se créer par actes concluants, voire sans que les parties en aient même conscience (ATF 124 III 363 consid. II/2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_377/2018 du 5 juillet 2019 consid. 4.1; 5A_881/2018 du 19 juin 2019 consid. 3.1.1.3).

Les associés doivent avoir l'animus societatis, soit la volonté de mettre en commun des biens, ressources ou activités en vue d'atteindre un objectif déterminé, d'exercer une influence sur les décisions et de partager non seulement les risques et les profits, mais surtout la substance de l'entreprise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_421/2020 du 26 février 2021 consid. 3.1; 4A_251/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1; 4A_619/2011 du 20 mars 2012 consid. 3.6).

Les décisions de la société simple sont prises du consentement de tous les associés (art. 534 al. 1 CO).

4.1.8 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales - mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2019 du 16 avril 2020 consid. 5.3.1).

4.2 En l'espèce, l'existence du contrat allégué par l'appelante comprenant des éléments de la société simple et du contrat de gérance d'immeubles constitue un fait doublement pertinent puisque celui-ci est pertinent tant pour la compétence que pour le fond.

Compte tenu des éléments fournis par l'appelante, la délimitation entre l'hypothèse d'une société simple doublée d'un contrat de gérance d'immeubles, d'une part, et celle d'un contrat de bail à loyer ou à ferme, d'autre part, est délicate et ce d'autant plus après la prise en considération de l'argumentation de l'intimée. A ce stade, avant instruction et examen au fond, il est en effet possible de désigner aussi bien l'une que l'autre des deux hypothèses et celle de l'appelante n'est pas incohérente, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, dans le cadre de la procédure pénale ouverte entre les parties, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a annulé à deux reprises les ordonnances du Ministère public refusant d'entrer en matière et renvoyé la cause à celui-ci pour instruction et clarification de la question de la qualification du contrat conclu entre les parties.

Autrement dit, sur la base d'une analyse restreinte, la thèse de l'appelante, selon laquelle les parties n'ont pas conclu un contrat de bail à loyer ou à ferme, mais un autre contrat, ce qui suffirait à fonder la compétence du Tribunal de première instance, est concluante, étant relevé que les faits allégués par celle-ci sont censés établis, sous réserve d'un abus de droit, dont ne se prévaut pas spécifiquement l'intimée.

En premier lieu, aucun contrat de bail à loyer ou à ferme entre les parties ni de sous-location avec les occupants des immeubles n'a été conclu en la forme écrite avant l'éclatement du litige. A cet égard, il est relevé à ce stade que les contrats de bail conclus en la forme écrite entre C______ et B______ SA en 2005 et 2006, entre cette dernière et un autre propriétaire d'immeuble en 2007 et entre l'intimée et ce même propriétaire en 2010 ne sont d'aucun secours à l'intimée. Comme le souligne l'appelante, ils concernent des tiers, sont antérieurs aux faits litigieux et, surtout, démontrent que lorsqu'il prend à bail des locaux pour les sous-louer, E______ ne manque pas de signer des contrats de bail à loyer en la forme écrite.

En deuxième lieu, lorsqu'il a été entendu par la police en 2013, dans une affaire étrangère au présent litige et avant l'éclatement de celui-ci, le représentant de l'intimée n'a pas exposé être un locataire de l'appelante et d'autres propriétaires, mais sans ambiguïté qu'il agissait en qualité de gérant de leurs immeubles et qu'il leur versait les loyers qu'il encaissait à ce titre des occupants.

En troisième lieu, rien ne permet de retenir qu'un loyer ou un fermage aurait été convenu entre les parties.

En effet, la thèse de l'appelante, consistant à dire que les tableaux annuels signés par l'intimée de 2012 à 2020 tenaient lieu des comptes de la gérance et faisaient état des montants qui lui étaient dus pour l'année précédente et lui avaient été payés par B______ & CIE SA au titre de la restitution en partie des loyers perçus des occupants des logements est crédible. Cela même si l'intimée y est désignée en tant que "locataire". Le type des réels locataires, soit notamment des prostituées ou des personnes de passage, explique que le nom de celles-ci n'était pas mentionné sur ces tableaux annuels et que l'appelante ne se soit pas souciée de leur identité, le motif retenu par le Tribunal en lien avec ce dernier point n'étant ainsi pas convaincant. La thèse selon laquelle l'intimée, en qualité de locataire ou fermière, aurait établi et/ou signé chaque année pour l'année précédente un décompte des montants dus à l'appelante au titre des loyers ou fermages convenus fait en revanche moins de sens.

Par ailleurs, contrairement à ce que relève le Tribunal, le fait que le montant versé chaque semaine par l'intimée à l'appelante ait été fixe ne permet pas de conclure à l'existence d'un loyer ou fermage dû par l'intimée en qualité de locataire ou fermière plutôt qu'à celle de la restitution d'une partie du loyer encaissé par celle-ci en qualité de gérante auprès des locataires. D'une part, ce montant n'a pas été fixe de 2009 à 2018. D'autre part, les termes du courrier de l'intimée du 17 février 2022 et l'argumentation de celle-ci en procédure plaident dans le sens contraire. Il en ressort que si ce versement était fixe dès 2018, ce n'était pas parce que le montant dû selon la convention des parties consistait dans un loyer ou un fermage. A en croire l'intimée, s'il était fixe, c'était parce qu'il s'agissait d'une avance sur le montant convenu, lequel était variable et établi après un décompte de l'occupation des appartements et donc des loyers encaissés. Selon l'intimée, ce montant fixe versé de façon hebdomadaire et par avance aurait d'ailleurs excédé le montant variable en définitive dû, de sorte qu'elle estime être la créancière de l'appelante. Les termes suivants exprimés par l'intimée dans ses messages à l'appelante en février 2022 vont dans le même sens : "ça peut aller dans les amortissements de la fin d'année a quand je te donne les états locatives"; "je ajusterai une facture pour 1etag + 2eme pour la pertes locatives ??"

En quatrième lieu, cette mention dans le message ci-dessus d'une facture de l'intimée et de son ajustement en fonction des loyers encaissés, qui fait apparaître la notion d'une rémunération de celle-ci pour son activité, accrédite la thèse de l'appelante de la conclusion d'un contrat de gérance d'immeubles à l'exclusion d'un contrat de bail à loyer ou à ferme. Il en est de même de la référence à la "facture de location de B______ & CIE SA" que comportent les tableaux annuels signés portant sur les années 2012 à 2020 produits par l'appelante.

En cinquième lieu, le comportement des parties et leurs déclarations tels que découlant de leurs échanges de février 2022 par WhatsApp ne militent pas dans le sens d'une relation bailleur-locataire/fermier. En particulier, les termes de l'intimée cités deux paragraphes plus haut in fine ("quand je te donne les états locatives") confirment l'existence de décomptes de gestion remis par ses soins à l'appelante, tout comme ses allégations selon lesquelles il lui était arrivé de rédiger des "états locatifs" sur demande de C______. Les échanges de février 2022 par WhatsApp attestent en outre d'une collaboration entre les parties en vue d'un objectif commun, de décisions communes qu'elles devaient prendre et de prestations fournies par l'intimée peu compatibles avec la qualité de locataire ou fermière (déclarations à l'assurance; conduite des travaux; gestion des devis et des factures des entreprises; gestion du calendrier des travaux; propositions de stratégies à adopter en lien avec les amortissements et l'assurance; etc.).

Le fait que les parties aient convenu que l'appelante prendrait à sa charge les frais de ménage et changement des linges et draps des appartements meublés, prestation atypique pour un bailleur, plaide encore à l'encontre de la conclusion d'un contrat de bail à loyer ou à ferme. Il en est de même de la qualité de représentante de l'appelante qu'attribuaient à l'intimée les SIG aux termes de leur courrier de juin 2020. Quant au fait qu'aux yeux du SPAd et de l'Hospice général, l'intimée était le cocontractant des occupants des appartements de l'"hôtel", il n'impose pas de retenir la conclusion d'un contrat de bail à loyer ou à ferme entre les parties, à l'exclusion d'un contrat de gérance d'immeubles. La représentation n'est en effet pas forcément directe dans le cadre de ce dernier contrat. Des contrats de bail ont pu être conclus avec les occupants au nom de l'intimée en sa qualité de gérante, mais pour le compte de l'appelante en sa qualité de propriétaire.

Enfin, l'intimée fait en vain valoir le courrier de l'appelante du 21 janvier 2022, aux termes duquel la seconde a menacé la première de résilier le "contrat de bail". Cette qualification juridique de la convention liant les parties, en tant qu'elle est isolée et émane d'une personne dont il n'est pas invoqué qu'elle disposerait de connaissances juridiques, ne saurait commander de s'écarter de la conclusion qui s'impose sur la base de l'ensemble des autres éléments développés ci-dessus.

Au vu de ce qui précède, la compétence ratione materiae du Tribunal de première instance doit être admise à ce stade, sans préjudice quant à la décision à rendre sur le fond, sur la qualification du contrat notamment.

Partant, le jugement sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour qu'il entre en matière sur la demande formée par l'appelante, à l'exclusion de la requête de mesures provisionnelles de l'intimée, celle-ci n'ayant pas formé appel ni appel joint.

Le Tribunal devra instruire la cause puis statuer au fond sur les conclusions formulées par les parties. En application du principe iura novit curia (art. 57 CPC), il devra pour ce faire examiner tous les fondements juridiques envisageables entrant dans le cadre de l'objet du litige, tel que défini par les conclusions de la demande et le complexe de faits sur lesquels elles se fondent, même si ces fondements relèvent de la compétence matérielle d'une autre juridiction, comme le Tribunal des baux et loyers.

5.             5.1 Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final de première instance (art. 104 al. 1 CPC).

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 5'400 fr. tenant compte de la valeur litigieuse, mais également du fait que la procédure s'est limitée à la recevabilité de la demande sous l'angle de la théorie de la double pertinence (art. 7, 17 et 35 RTFMC). Ils seront mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés à hauteur de ce montant avec l'avance de frais versée par l'appelante (art. 111 al. 1 aCPC), laquelle reste acquise à l'Etat de Genève. L'intimée sera par conséquent condamnée à verser 5'400 fr. à l'appelante à titre de remboursement de l'avance de frais (art. 111 al. 2 aCPC).

Les dépens d'appel, arrêtés à 6'000 fr. débours et TVA compris (art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC), seront également mis à la charge de l'intimée (art. 106 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 septembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/9210/2024 rendu le 26 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7611/2022.

Au fond :

Annule ce jugement.

Dit que le Tribunal de première instance est compétent à raison de la matière pour connaître de la demande formée le 10 octobre 2022 par A______ à l'encontre de B______ & CIE SA.

Renvoie la cause au Tribunal pour reprise de la procédure et décision sur le fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'400 fr., les met à la charge de B______ & CIE SA et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais de même montant versée par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ & CIE SA à verser 5'400 fr. à A______ à titre de remboursement de l'avance des frais d'appel.

Condamne B______ & CIE SA à verser 6'000 fr. à A______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.