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Décisions | Chambre civile

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C/17381/2023

ACJC/1066/2024 du 03.09.2024 sur DTPI/4210/2024 ( OO ) , JUGE

Normes : CPC.98; RTFMC.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17381/2023 ACJC/1066/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 3 SEPTEMBRE 2024

 

Pour

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre une décision rendue par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 avril 2024, représenté par Me Gabriel RAGGENBASS, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. a. Par acte déposé le 14 novembre 2023 au greffe du Tribunal de première instance, B______ a formé contre son frère, A______, une action en partage successoral (cause C/17381/2023).

B______ a notamment pris les conclusions suivantes :

-          Déterminer la valeur de la succession de feu C______ sur la base des allégués et preuves administrées;

-          Dire que la part héréditaire de chacune des parties est de moitié et en fixer la valeur;

-          Ordonner sur cette base le partage de la succession susvisée;

-          Composer deux lots de valeurs égales comprenant les biens suivants :

Premier lot :

·         Immeuble sis no. ______, rue 1______ à D______ [GE] (parcelle no. 2______ du cadastre de D______), sous déduction de l'hypothèque ouverte dans les livres de la banque E______;

·         Une soulte devant être versée au bénéficiaire du second lot afin d'égaliser les parts successorales;

Deuxième lot :

·         L'intégralité du montant figurant sur le compte IBAN 3______, 3______, auprès de [la banque] F______;

·         La part sociale de E______;

·         L'intégralité des avoirs figurant sur les comptes IBAN 4______ et IBAN 5______ ouverts dans les livres de la banque E______;

·         L'intégralité du contenu du coffre-fort n° 6______ auprès de la même banque, celui-ci contenant quatre G______ [pièces d'or] de 20 fr., deux G______ de 10 fr., deux H______ [pièces d'or] et une pièce I______;

·         La part sociale de la banque J______ à Saint-Gall;

·         L'intégralité des avoirs figurant sur le compte épargne sociétaire IBAN 7______ ouvert auprès de la banque précitée à Saint-Gall;

·         L'intégralité du contenu du compte dépôt n° 8______ ouvert dans la banque précitée à Saint-Gall, comprenant 300 actions de la société K______ AG, représentant au 31 décembre 2020 une valeur de 37'500 fr. et 75 actions nominatives de L______ AG;

·         Les trois parcelles n° 9______, 10_____ et 11_____ du cadastre de M______ à Saint-Gall;

·         Une soulte à recevoir du bénéficiaire du premier lot afin d'égaliser les parts successorales.

-          Attribuer le premier lot à A______ et le second lot à B______;

-          Condamner A______ à payer à B______ une soulte de 908'217 fr. 70 afin d'égaliser les parts successorales ou, subsidiairement, déterminer le montant de la soulte à payer par A______ en faveur de son frère afin d'égaliser les parts successorales.

B______ a par ailleurs pris des conclusions subsidiaires, tendant à la mise en vente aux enchères publiques des immeubles susmentionnés, situés à D______ et Saint-Gall, et à la répartition du prix net de la vente, proportionnellement aux parts héréditaires.

a.a B______ a estimé la valeur litigieuse de son action à 1'808'448 fr. 97 ce qui correspond, selon lui, à la moitié des actifs nets successoraux.

a.b Le Tribunal a requis de la part de B______ une avance de frais de 40'200 fr. (sur la base des art. 2, 13 et 17 RTFMC).

b. Dans sa réponse du 28 mars 2024, A______ a notamment acquiescé au principe du partage.

Dans ses conclusions, il a conclu au partage des mêmes actifs successoraux que dans la demande, mais en sollicitant une répartition différente.

B. a. Par décision DTPI/4210/2024 non motivée du 19 avril 2024, notifiée le 31 du même mois, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 21 mai 2024 pour fournir une avance de frais de 20'000 fr., cette décision étant basée sur les art. 91 ss CPC ainsi que 2 et 14 RTFMC.

C. a. Par acte expédié le 2 mai 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ interjette recours contre cette décision, dont il sollicite l'annulation, avec suite de frais et dépens.

b. Par décision du 6 mai 2024, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision entreprise.

c. Dans ses déterminations du 30 mai 2024, le Tribunal a conclu au rejet du recours. Selon lui, A______ avait pris des conclusions propres dont l'admission pourrait impliquer aussi des droits en sa faveur. Il était donc établi qu'il s'agissait de conclusions reconventionnelles, lesquelles devaient être taxées.

d. A______ s'est déterminé spontanément le 13 juin 2024, persistant dans ses conclusions.

e. Par avis du greffe de la Cour du 14 juin 2024, A______ a été avisé de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC (TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], 2011, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC).

Interjeté dans ce délai (art. 142 al. 3 CPC) et selon la forme prévue par la loi, le recours est recevable (art. 321 al. 1 CPC).

2. Le recourant conteste le principe du versement d'une avance de frais.

2.1
2.1.1
Le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés (art. 98 CPC et 2 al. 1 RTFMC).

L'art. 98 CPC est une "Kann-Vorschrift", le Tribunal jouissant en la matière d'un important pouvoir d'appréciation, puisque s'il doit en principe réclamer une avance de frais correspondant à l'entier des frais judiciaires présumables, il peut également réclamer un montant inférieur, voire renoncer à toute avance de frais, étant cependant relevé que le prélèvement d'une avance de frais pleine et entière est la règle et que celle d'une avance moindre, ou la renonciation à percevoir une avance, sont l'exception (ATF 140 III 159 consid. 4.2). L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).

En cours de procédure, le tribunal peut exiger un complément d'avance de frais lorsque celle-ci paraît insuffisante (art. 2 al. 2 RTFMC).

Les décisions en matière d'avance de frais peuvent être modifiées, notamment (mais, selon la doctrine dominante, pas exclusivement) en cas de changement des circonstances (Stoudmann, Petit commentaire, Code de procédure civile, 2020, n. 11 ad art. 98 CPC et les réf. citées).

2.1.2 L'amplification d'une demande, une demande additionnelle ou une demande reconventionnelle donne lieu à un émolument au même titre qu'une demande principale (art. 14 RTFMC).

La reconvention est une contre-attaque, par laquelle le défendeur fait valoir une prétention qui est indépendante de celle de la demande principale (ATF
124 III 207 consid. 3a, JdT 1999 I 55; 123 III 35 consid. 3c, JdT 1997 I 322). Si la demande principale est liquidée, pour quelque raison que ce soit, par exemple ensuite d'un retrait ou d'un désistement, le tribunal demeure saisi de la demande reconventionnelle et doit la trancher (art. 14 al. 2 CPC; Hohl, Procédure civile, T. II, 2010, n° 191). Le sort de la demande reconventionnelle est indépendant de celui de la demande principale (Bohnet, Procédure civile, 2011, p. 138).

Ne sont pas des conclusions reconventionnelles les conclusions propres que le défendeur peut prendre en cas d'action dont l'admission pourrait impliquer aussi des droits en sa faveur (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 17 ad art. 222 CPC et n. 4 ad art. 224 CPC). Dans certaines procédures particulières, le défendeur peut en effet prendre des conclusions indépendantes sans agir reconventionnellement. L'action est alors dite "réciproque" (actio duplex; "doppelseitige Klage"). En raison de la nature du rapport juridique litigieux, son admission conduit à la liquidation de certains droits du défendeur. C'est par exemple le cas lorsque, dans le procès en divorce, le conjoint défendeur conclut à l'attribution de sa part à la liquidation du régime matrimonial ou lorsque, dans une action en partage (art. 604 CC), l'héritier défendeur conclut à l'attribution de sa part successorale. Le défendeur y fait alors valoir ses propres prétentions, en formulant ses propres conclusions, sans former de demande reconventionnelle (RVJ 2010 p. 244 et les références citées). De telles conclusions ne peuvent pas donner lieu à une avance de frais (cf. ACJC/1058/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2.1).

2.2 En l'occurrence, le recourant s'est limité à prendre des conclusions sur la base des actifs successoraux listés dans la demande déposée par son frère. Il n'a pas allégué l'existence d'actifs supplémentaires. Les conclusions prises par l'intéressé n'augmentent dès lors pas la valeur litigieuse. Par ailleurs, le sort des conclusions formulées par le recourant dépend de celui de la demande principale.

Partant, les conclusions de l'intimé ne doivent pas être qualifiées de demande reconventionnelle au sens de l'art. 94 CPC. Aucune avance de frais ne peut ainsi être requise de sa part.

Le recours sera donc admis et la décision entreprise annulée.

3. Compte tenu de l'issue de la procédure, il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 7 al. 2 RTFMC). L'avance fournie par le recourant lui sera, par conséquent, restituée.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre la décision DTPI/4210/2024 rendue le 19 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17381/2023.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Sur les frais :

Dit qu'il est statué sans frais.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance de 400 fr. qu'il a versée.

Dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.