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Décisions | Chambre civile

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C/15572/2018

ACJC/1371/2022 du 20.10.2022 sur JTPI/11979/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15572/2018-1 ACJC/1371/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU jeudi 20 octobre 2022

 

Entre

Monsieur A______, p.a. B______, ______ (VD), appelant d’un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 septembre 2021, comparant par Me Alexis LAFRANCHI, avocat, HELVETICA AVOCATS, rue de Rive 14, 1260 Nyon (VD), en l’Etude duquel il fait élection de domicile,

et

1.             Monsieur C______, domicilié ______ (VD), intimé,

2.             Monsieur D______, domicilié ______ (VS), autre intimé,

Tous deux comparant par Me Cédric AGUET, avocat, BONNARD LAWSON, rue du Grand-Chêne 8, case postale 5463, 1002 Lausanne, en l’Étude duquel ils font élection de domicile.

 


 

EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/11979/2021 du 22 septembre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ et E______, solidairement entre eux, à payer à C______ la somme de 8'011 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 4 septembre 2014 (ch. 1), a condamné A______ et E______, solidairement entre eux, à payer à D______ la somme de 22'662 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 4 septembre 2014 (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 3'930 fr., les a compensés avec les avances de frais fournies par C______ et D______, a condamné A______ et E______, solidairement entre eux, à payer à C______ et D______ le montant de 2'620 fr. (ch. 3), a condamné A______ et E______, solidairement entre eux, à payer à C______ et D______ le montant de 5'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            Dans la décision entreprise, le Tribunal a constaté que C______ et D______ étaient consorts nécessaires et faisaient valoir une seule et même prétention, soit celle de la masse en faillite, à l’encontre de A______, en sa qualité d’administrateur, et de E______, en sa qualité d’organe de fait. Partant, il a retenu que l’action fondée sur l’article 754 CO était recevable. Cependant, le Tribunal a laissé ouverte la question d’une action fondée sur l’article 41 CO, considérant que F______ n’avait aucune responsabilité dans la faillite de l’entreprise, n’avait pas la qualité d’organe de fait et qu’aucune cession de la masse en faillite n’avait été émise le concernant.

Au fond, le Tribunal a ensuite examiné si les conditions de l’action en responsabilité contre les organes d’une société anonyme de l’article 754 CO étaient remplies. Tout d’abord, le Tribunal a retenu qu’avant même le début des activités de G______ SA, elle s’était endettée de EUR 100'000 auprès de l’un de ses actionnaires, H______. Le Tribunal a considéré que la décision de prêter cet argent était constitutive d’une faute et engageait en tout cas la responsabilité de E______. Le premier juge a retenu que A______ et E______ avaient commis une faute en ne donnant pas à la société les moyens nécessaires pour assumer ses charges par elle-même dès sa création et en ne libérant pas un capital suffisant pour payer toutes les charges auxquelles la société aurait à faire face avant de pouvoir commencer à commercialiser le I______[type particulier de véhicule]. Cette faute avait causé un dommage à la société car celle-ci s’était rapidement retrouvée à court de liquidités. Le Tribunal a retenu que A______ avait manqué à son devoir d’administrateur diligent en suivant la décision des actionnaires de réserver les ressources de la société pour développer le prototype de I______[type particulier de véhicule], plutôt que de payer la charge de loyer. Le premier juge a considéré que la responsabilité de A______ était donc engagée par cette décision. De même, la décision d’envoyer le prototype aux Pays-Bas avait nui aux intérêts de la société et de ses créanciers et avait engagé la responsabilité de E______ et A______. Considérant ce qui précède, le Tribunal a conclu que l'ensemble des décisions défavorables à la société détaillées ci-dessus, prises par A______ et E______, avaient eu pour conséquence de provoquer la faillite de G______ SA, et que la responsabilité de ceux-ci, fondée sur l'article 754 CO, était donc engagée. Le premier juge a rejeté les prétentions des demandeurs fondées sur l’article 41 CO à l’encontre de F______, jugeant que les demandeurs avaient échoué à démontrer que ce dernier avait commis une faute dans son travail. Concernant les prétentions en paiement des honoraires d’avocat avant procès, le Tribunal a débouté les demandeurs, étant donné qu’il n’était pas possible de déterminer avec précision si des activités avant procès de leur conseil, qui ne seraient pas en lien avec ces différentes procédures, pourraient éventuellement être indemnisées.

C.           a. Le 21 octobre 2021, A______, ci-après cité comme l’appelant, a formé appel contre ce jugement notifié le 22 septembre 2021, concluant principalement à son annulation, au rejet de la demande déposée par C______ et D______ le 22 mars 2019 dans son intégralité et au déboutement de toute autre ou plus ample conclusion. A______ a conclu subsidiairement à l’annulation du jugement JTPI/11979/2021 rendu par le Tribunal de première instance le 22 septembre 2021 et au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour statuer dans le sens des considérants de l’arrêt à intervenir.

b. Dans son acte d’appel du 18 janvier 2021, l’appelant a fait grief au Tribunal de première instance d’avoir admis qu’un prêt avait été effectué par la société à un de ses actionnaires, que A______ avait adopté un comportement négligent et que la faillite de la société était certaine. Il reproche au premier juge d’avoir retenu qu’il n’avait pas averti les actionnaires du fait que l’argent injecté dans la société devait servir à la fois à payer les charges courantes telles que le loyer et le salaire, et financer le développement du prototype. L’appelant fait également grief au Tribunal d’avoir retenu que le transport du prototype aux Pays-Bas avait été onéreux et que cette décision n’était pas judicieuse compte tenu des nombreuses factures impayées et de lui avoir reproché de ne pas avoir attiré l’attention des actionnaires sur le fait que le salaire de H______ représentait, en une année, près de la moitié du capital-actions. En outre, l’appelant reproche au premier juge d’avoir admis que le prêt de 100'000 EUR avait fait l’objet d’une décision de l’administrateur et constituait une faute de sa part, de lui avoir reproché de ne pas avoir immédiatement cessé de verser le salaire de H______ dès l’échéance du prêt que ce dernier avait convenu avec E______ et de ne pas avoir pris l’initiative de régler le loyer. En outre l’appelant fait encore grief au Tribunal d’avoir retenu qu’il avait commis une faute en ne donnant pas à la société les moyens nécessaires pour assumer ses charges par elle-même dès sa création et en ne libérant pas un capital suffisant pour payer toutes les charges auxquelles la société aurait à faire face avant de pouvoir commencer à commercialiser le I______[type particulier de véhicule]. Finalement, l’appelant a reproché au premier juge d’avoir retenu une responsabilité fondée sur l’art. 754 al. 1 CO, sans avoir fait aucune démonstration de l’existence d’un rapport de causalité entre la prétendue violation de ses devoirs d’administrateurs et la survenance d’un dommage soit la faillite de la société.

c. Les parties intimées n’ont pas déposé de réponse.

d. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 21 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

D.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour :

a. G______ SA était une société de droit suisse dont le but était la fabrication, la production, le marketing, l’achat, la vente et la revente de véhicules en tous genres, en particulier de I______ (extrait RC).

Elle a été inscrite au registre du commerce le ______ 2012. La faillite de la société a été prononcée le ______ 2014, par jugement du Tribunal de première instance.

Son siège était à Genève et elle louait des locaux à K______ (Vaud).

Le capital de G______ SA était constitué de 7'500 actions de 100 fr. chacune.

b. A______ était l’administrateur unique de G______ SA.

Les actionnaires de la société étaient H______, A______ et E______. Ce dernier était l’investisseur principal de la société.

c. F______ et G______ SA étaient liés par contrat de travail du 1er août 2012. F______ avait un poste d’ingénieur-développeur, et un salaire annuel net de 120'000 fr.

d. H______ et G______ SA étaient liés par contrat de travail du 1er août 2012. H______ avait un poste de directeur général et de responsable de la promotion et des ventes. Son salaire annuel net était de 360'000 fr., auquel s’ajoutait le remboursement des frais inhérents à son activité professionnelle.

e. D______ est ingénieur, spécialisé dans la conception en 3D. G______ SA a fait appel à ses services pour établir des plans en 3D dès novembre 2012.

f. C______ est mécanicien de précision. G______ SA a fait appel à ses services pour la fabrication de pièces mécaniques dès février 2013.

g. Les premières factures de C______ et D______ ont été honorées par G______ SA.

h. Les factures n° 1______et 2______ de C______ du 3 avril 2013, d’un montant de 297 fr. 50 et 3'250 fr. et la facture n° 3______ du 14 avril 2013, d’un montant de 1'275 fr., n’ont pas été payées par G______ SA, soit un total de 4'822 fr. 50.

i. Les factures de D______ n° 4______ du 15 mars 2013, d’un montant de 4'590 fr., n°5______ du 28 mars 2013, d’un montant de 4'211 fr. 50, n°6______ du 15 avril 2013, d’un montant de 4'590 fr. et n°7______ du 30 avril 2013, d’un montant 4'320 fr., n’ont pas été acquittées par G______ SA, soit un total de 17'711 fr. 50.

j. Le 3 juillet 2013, C______ et D______ ont déposé une requête en séquestre auprès du Tribunal, craignant une fuite des actifs de G______ SA, les locaux occupés par l’entreprise ayant été vidés.

k. Le 25 juillet 2013, le Tribunal a ordonné le séquestre des avoirs détenus par G______ SA auprès de la banque J______ SA.

l. La faillite de G______ SA a été prononcée le ______ 2014.

m. Dans le cadre de la liquidation de la société, A______ a été entendu par l’Office des faillites le 17 septembre 2014. Il a expliqué que H______ et E______ étaient actionnaires de G______ SA à hauteur de 30% chacun, F______ et lui-même à hauteur de 3% chacun.

Le capital avait été libéré par un versement en espèces de 250'000 fr. lors de la constitution, un versement en espèces de 115'000 fr. en novembre 2012 et le solde de 385'000 fr. par compensation de créances en juillet 2013.

G______ SA avait un découvert d’environ 200'000 fr. et était débitrice auprès d’une trentaine de créanciers.

Le prototype de I______[type particulier de véhicule] était en mains de E______ dans son usine aux Pays-Bas, les biens sis dans l’atelier à K______ avaient été saisis au profit du bailleur.

n. L’état de collocation du 31 mai 2016 faisait apparaître des dettes de G______ SA auprès de la bailleresse des locaux à K______ pour des loyers impayés du 1er novembre 2012 au 15 avril 2014, d’un montant de 155'265 fr. 35, un solde de décompte chauffage de 12'526 fr. 25, des dettes vis-à-vis des assurances sociales, de l’administration fiscale, de L______ et de divers autres prestataires. Le total des créances colloquées était de 240'849 fr. 30.

H______ a fait valoir des salaires impayés de janvier 2013 à août 2014 auprès de la masse en faillite, créance qui a été écartée.

o. Les créances de C______ et D______ étaient constituées de leurs factures impayées et de divers frais et dépens dus par G______ SA à la suite de différentes procédures engagées par ceux-ci pour obtenir le paiement de leurs factures impayées, montant auxquels s’ajoutaient les intérêts jusqu’à l’ouverture de la faillite. Le détail de leurs créances figure dans l’état de collocation du 31 mai 2016.

p. Pour C______, les montants colloqués dans la faillite sont les suivants :

317 fr. 66 note d’honoraires impayée n° 1______du 3 avril 2013.

3'470 fr. 28 note d’honoraires impayée n° 2______ du 3 avril 2013.

1'364 fr. 60 note d’honoraires impayée n° 3______ du 14 avril 2013.

211 fr. 22 frais judiciaires selon ordonnance de séquestre (C/8______/2013) du 25 juillet 2013.

316 fr. 83 dépens alloués selon ordonnance de séquestre (C/8______/2013) du 25 juillet 2013.

310 fr. 54 dépens alloués selon jugement sur opposition (C/8______/2013) du 23 décembre 2013.

307 fr. 04 frais judiciaires selon décision de la Justice de paix du district de K______ du 17 mars 2014.

1'023 fr. 47 dépens alloués selon décision de la Justice de paix du district de K______ du 17 mars 2014.

137 fr. 57 frais de poursuite n° 9______.

150 fr. frais judiciaires selon jugement de faillite du 3 septembre 2014.

402 fr. dépens alloués selon jugement de faillite du 3 septembre 2014.

q. Pour D______, les montants colloqués dans la faillite sont les suivants :

4'931 fr. 70 note d’honoraires impayée n°4______ du 15 mars 2013.

4'517 fr. 42 note d’honoraires impayée n°5______ du 28 mars 2013.

4'590 fr. note d’honoraires impayée n°6______ du 15 avril 2013.

4'614 fr. note d’honoraires impayée n°11______ du 30 avril 2013.

828 fr. 11 dépens alloués selon jugement sur opposition (C/10______/2013) du 23 décembre 2013.

2'110 fr. 79 avance de frais judiciaires selon demande en paiement du 23 juin 2014 déposée au Tribunal d’arrondissement de la Côte.

146 fr. 90 frais selon courrier de l’Office des poursuites de Zürich du 28 janvier 2014.

410 fr. 16 frais selon ordonnance de séquestre (C/10______/2013) du 3 mars 2014.

512 fr. 71 dépens alloués selon ordonnance de séquestre (C/10______/2013) du 3 mars 2014.

r. Le 9 mars 2017, l’Office des faillites a indiqué aux créanciers de la masse en faillite que l’administration de la société faillie avait porté à l’inventaire des créances en responsabilité contre les organes de la faillite, à savoir E______ en tant qu’organe de fait et A______ en tant qu’administrateur, et proposé d’abandonner ces prétentions.

Il a également indiqué qu’une créance de 125'900 fr. 55 à l’encontre de H______ avait été portée à l’inventaire.

L’administration de la faillite estimait que les démarches à entreprendre en vue de recouvrer ces montants requéraient le déploiement de moyens disproportionnés et proposait d’y renoncer.

s. Le 30 mai 2017, l’Office des faillites a cédé les droits de la masse à M______ SA, C______ et D______ s’agissant d’une prétention à l’encontre de H______, actionnaire, d’une prétention en responsabilité contre E______, organe de fait, et d’une prétention en responsabilité contre A______, administrateur.

t. M______ SA a finalement renoncé à agir, et la cession la concernant a été révoquée.

u. Par acte déposé en vue de conciliation au greffe du Tribunal le 2 juillet 2018, C______ et D______ ont assigné A______, E______ et F______ en paiement des sommes de 15'980 fr. s’agissant de C______ et 30'468 fr. s’agissant de D______.

v. Par assignation reçue par le greffe du Tribunal le 26 mars 2019, C______ et D______ requièrent le paiement, sur la base de l’autorisation de procéder délivrée le 6 décembre 2018, par A______, E______ E______ et F______, conjointement et solidairement, sous suite de frais et dépens, des sommes suivantes :

-          8'011 fr. avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 4 septembre 2014 en faveur de C______ au titre des factures impayées, des frais et dépens, le tout avec les intérêts courant jusqu’au jour de l’ouverture de la faillite;

-          7'968 fr. 65 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 30 novembre 2017 en faveur de C______ au titre de remboursement des frais d’avocat avant la rédaction de la requête en conciliation;

-          22'662 fr. avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 4 septembre 2014 en faveur de D______ au titre des factures impayées, des frais et dépens, le tout avec les intérêts courant jusqu’au jour de l’ouverture de la faillite;

-          7'806 fr. 25 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 30 novembre 2017 en faveur de D______ au titre de remboursement des frais d’avocat avant la rédaction de la requête de conciliation.

w. C______ et D______ ont allégué avoir exécuté correctement le travail pour lequel ils avaient été mandatés, de novembre 2012 à avril 2013.

G______ SA n’avait pas les liquidités suffisantes pour les rémunérer, ce qu’elle savait lorsqu’elle les avait mandatés, ni pour payer les charges courantes, comme le loyer ou les impôts.

Le 17 juillet 2013, moins de la moitié du capital-actions avait été libéré. Ce jour-là, l’un des actionnaires avait facturé 385'000 fr., sans fondement, somme payée par compensation avec la créance de G______ SA en paiement du solde du capital, du même montant.

De plus, un montant de 125'900 fr. 55 avait été versé à H______, pour couvrir ses besoins personnels. Il s’est avéré que celui-ci était un escroc; G______ SA n’avait donc aucune chance de récupérer sa créance.

Ce faisant, G______ SA avait restitué à l’un des actionnaires une partie de son apport sous forme de prêt, ce qui avait eu pour conséquence que toute personne ayant pris part à cette décision avait commis un acte illicite.

G______ SA n’ayant jamais couvert la moitié de son capital, elle se trouvait en situation de surendettement. A______ avait failli à son obligation d’avis selon l’art. 725 CO.

Fin avril 2013, G______ SA avait brusquement quitté les locaux qu’elle occupait à K______ et acheminé aux Pays-Bas, dans une usine appartenant à E______, le prototype et les plans du I______[type particulier de véhicule]. La société qui avait récupéré ces biens n'avait rien payé en contrepartie. Elle avait ainsi acquis la propriété intellectuelle de G______ SA gratuitement.

Constatant que G______ SA quittait la Suisse et craignant une fuite des actifs, C______ et D______ avaient obtenu le séquestre des avoirs de G______ SA.

Ces diverses actions avaient eu pour conséquence de vider G______ SA de toute sa substance, laissant de nombreuses factures impayées, dont celles de C______ et D______.

A______, E______ et F______ avaient ainsi gravement violé leur devoir de diligence, ce qui avait causé un préjudice à G______ SA.

Si le capital-actions avait été entièrement libéré, il aurait suffi pour couvrir les arriérés de G______ SA.

C______ et D______ ont précisé cumuler deux actions dans leur demande. L'une était une action en responsabilité dirigée contre A______ (administrateur) et E______ (organe de fait), selon les articles 752ss CO. Ils faisaient valoir le dommage de la faillite, en limitant leurs prétentions aux montants de leurs créances colloquées, plus les frais.

L'autre était une action en responsabilité pour acte illicite selon les articles 41ss CO, dirigée contre A______, E______ et F______. C______ et D______ faisaient valoir leur dommage direct pour un montant total de 46'448 fr. 90.

Ils procédaient ainsi à un cumul d'actions au sens de l'article 90 CPC, soumis à la procédure ordinaire.

x. Par mémoire de réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019, A______ a demandé que la question de la recevabilité de la demande de C______ et D______ fasse l’objet d'un examen préalable.

Il a allégué que C______ et D______ n'étaient pas autorisés à procéder à un cumul d'actions au sens de l'article 90 CPC. Les conclusions relatives à la créance de C______ étaient d'un montant inférieur à 30'000 fr., donc soumises à la procédure simplifiée, et les conclusions relatives à la créance de D______ étaient d'un montant supérieur à 30'000 fr., donc soumises à la procédure ordinaire. Le cumul d'actions n'était pas possible lorsque les prétentions étaient soumises à deux procédures différentes.

Par ailleurs, C______ et D______ agissaient en tant que consorts simples au sens de l’article 71 al. 1 CPC, ce qui n’était pas possible lorsque les causes relevaient de procédures différentes (article 71 al. 2 CPC).

En conséquence, A______ a conclu à ce que la demande de C______ et D______ soit déclarée irrecevable.

y. Par ordonnance du 11 octobre 2019, le Tribunal a rejeté la requête en simplification de A______.

z. Par son deuxième mémoire de réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2019, A______ a conclu au rejet des conclusions de C______ et D______.

Il a allégué que G______ SA s'était acquittée des premières factures de C______ et D______. Il était donc faux de prétendre que la société savait qu'elle ne pourrait pas les rémunérer lorsqu'elle les avait mandatés.

La conception de la coque du I______[type particulier de véhicule] s'était révélée plus complexe que ce qui avait été envisagé. Au mois de mars 2013, plusieurs intervenants avaient totalement raté la conception de la seconde coque, ruinant plusieurs semaines de travail.

Le I______[type particulier de véhicule] n'était pas opérationnel et ne pouvait pas faire l'objet de démonstrations, ce qui avait compliqué la recherche de clients potentiels.

G______ SA avait connu des problèmes de liquidités dès avril 2013, et avait en conséquence résilié le contrat de F______ et arrêté de verser le salaire de H______.

G______ SA avait envoyé une lettre de résiliation à F______ le 29 mars 2013 mettant fin au contrat de travail pour le 31 mars 2013. Le courrier indiquait que si la société parvenait à recouvrer suffisamment de liquidités, elle le réengagerait.

G______ SA avait décidé de poursuivre l'élaboration du prototype dans les usines de E______ aux Pays-Bas, afin d'utiliser comme main d'œuvre les ingénieurs travaillant déjà dans ses usines.

Malheureusement, E______ avait décidé d'arrêter de financer le projet, ce qui avait eu pour conséquence que G______ SA ne pouvait plus payer les factures en cours, par manque de liquidités, et provoqué sa faillite.

Entre le 23 novembre 2012 et le 5 avril 2013, E______ avait régulièrement versé de l'argent à G______ SA, que ce soit en personne ou par le biais de ses sociétés, N______ AG ou O______ SA, pour un total de 786'593 fr. 73.

Une partie des créances de E______, d'un montant 385'000 fr., avait été convertie en actions en juillet 2013, ce qui avait permis l'entière libération du capital.

Par ailleurs, en septembre 2012, E______ avait versé directement à H_____ un montant de EUR 100'000, au lieu de verser cette somme sur le compte de la société. H______ s’était engagé à rembourser ce montant d'ici le 31 décembre 2012 directement à G______ SA.

A______ a allégué l'avoir appris après coup, ne pouvant que prendre note de ce versement. Il n'avait pas pris part à cette décision.

A______ a contesté que G______ SA ait été en état de surendettement.

Il a estimé avoir été diligent et n'avoir commis aucune faute engageant sa responsabilité en tant qu'administrateur. Le fait que le principal investisseur ait renoncé à poursuivre les investissements dans la société échappait à son contrôle et ne saurait lui être reproché.

aa. E______ et F______ n’ont pas déposé de réponse.

bb. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 20 janvier 2020, C______ et D______ ont répliqué.

Ils ont allégué agir en qualité de cessionnaires des droits de la masse en faillite, de sorte qu'il s'agissait d'un cas de consorité nécessaire.

S'agissant des défendeurs, ils étaient tous responsables au sens de l'art. 759 CO, en leur qualité d'organes de la société faillie. Ils pouvaient être actionnés conjointement.

C______ et D______ ont fait valoir un concours de chefs de responsabilité ; ils n'ont pas cumulé leurs prétentions directes et celles de la société.

Ils ont donc estimé que leur demande était recevable.

Par ailleurs, E______ et F______ étaient défaillants. C______ et D______ considéraient donc que les faits qu’ils alléguaient devaient tous être considérés comme admis en tant qu'ils les concernaient.

cc. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 18 février 2020, A______ a dupliqué.

Il a allégué que la réplique de C______ et D______ était irrecevable car tardive.

En tant que cessionnaires des droits de la masse, C______ et D______ étaient des consorts nécessaires et auraient dû, à ce titre, prendre une seule et unique conclusion portant sur l'ensemble de leurs prétentions, et non prendre chacun une conclusion séparée portant sur leur propre créance.

Par ailleurs, ils ne pouvaient pas cumuler une action en responsabilité contre les organes de la société au nom de la masse en faillite et une action pour acte illicite pour leur dommage propre.

De plus, en limitant les prétentions à une somme inférieure aux prétentions globales de la masse, ils faisaient en réalité valoir un dommage par ricochet, qui découlait de l'insolvabilité de G______ SA, ce qui n'était pas admissible.

A______ a nié que la propriété intellectuelle de la société ait été cédée gratuitement à un tiers. Seuls le prototype et les plans avaient été déplacés aux Pays-Bas, et non cédés.

D'ailleurs, ce matériel avait été proposé à la vente par le préposé à l'Office des faillites, sans trouver preneur.

dd. Lors de l'audience de débats d'instruction du Tribunal du 18 février 2020, C______ et D______ ont requis divers actes d'instruction.

Le Tribunal a ordonné l'interrogatoire des parties et réservé la suite de la procédure.

ee. Lors de l'audience de débats principaux du 4 décembre 2020, F______ a indiqué qu'il était responsable du développement technique pour le compte de G______ SA. Il avait un pouvoir décisionnel au niveau technique, et non au niveau financier.

Il n'avait jamais eu accès à la comptabilité de la société. Il était employé en tant que technicien, il se considérait comme un subordonné.

A la création de la société, tout le matériel nécessaire avait été acheté pour fabriquer le I______[type particulier de véhicule] et aménager les locaux. Il y avait notamment deux quads et deux jets-skis.

Au printemps 2013, il y avait eu un ratage sur la réalisation de la coque. Il n'était plus possible de la réparer, d'un point de vue technique. C'était ce qui avait entraîné la résiliation de son contrat de travail.

ff. A______ a indiqué que les actionnaires de la société étaient étrangers et désiraient que l'administrateur soit de nationalité suisse. En tant qu'avocat, il avait pu les aider à s'installer en Suisse.

Le capital avait été libéré à hauteur de 250'000 fr. en septembre 2012, puis de 365'000 fr. en novembre 2012, par des apports de liquidités.

Le montant versé par E______ était de plus en plus élevé. Il avait donc été décidé de convertir en actions une partie de sa créance, à concurrence du solde du capital social, et de postposer le solde de la créance, ce qui avait permis de sortir la société du surendettement.

Au début de la vie de la société, elle ne faisait que dépenser le capital social pour la recherche et le développement du I______[type particulier de véhicule]. Les entrées d'argent étaient constituées des apports des actionnaires. Ensuite, il était prévu de démarrer sa commercialisation, ce qui aurait permis d'autres rentrées d'argent.

Le père de E______, propriétaire de l'usine aux Pays-Bas, avait décidé de couper les vivres de son fils, lequel avait donc cessé d'investir dans la société, soit postérieurement au moment où la coque avait subi des dommages. La décision de la déplacer aux Pays-Bas avait pour but d'essayer de la réparer. Ces évènements avaient eu lieu en avril 2013.

L'usine de la famille E______ fabrique des bateaux et avait la compétence pour réparer la coque endommagée, alors que G______ SA n'avait pas ces compétences, ni les moyens de racheter une coque.

Tant que E______ mettait de l'argent dans la société, la poursuite du projet était possible. Il avait décidé d'un coup de cesser son financement, y compris de payer les factures en cours, ce qui avait provoqué la faillite de la société.

Le prototype était à disposition de l'Office des faillites et d'un tiers intéressé à le racheter. Il n'avait pas été rapatrié à Genève pour des raisons de coûts. Le prototype n'avait jamais continué à être développé aux Pays-Bas.

Rien n'avait été cédé à la société hollandaise.

S'agissant du prêt de 100'000 EUR à H______, si l'argent s'était trouvé sur le compte de la société, il n'aurait jamais accepté ce prêt.

Il n'avait pas eu de soucis pour résilier le contrat de travail de F______, contrairement à H______, qui désirait continuer à être salarié de la société, malgré les problèmes évidents de liquidités. A______ avait donc cessé de lui verser son salaire.

En outre, il avait dû refuser plusieurs demandes de remboursement de frais de la part de H______. S'agissant du montant élevé de son salaire, à partir du moment où les actionnaires étaient d'accord, il estimait n'avoir pas de raison de le remettre en cause.

Il n'avait rien entrepris pour recouvrer la créance de la société à l'encontre de H______. Celui-ci avait disparu.

gg. D______ a indiqué avoir été mandaté en novembre 2012. Il avait cessé de travailler en avril 2013 lorsqu'il avait constaté que trois de ses factures étaient impayées. Il travaillait dans les locaux de G______ SA. Il s'occupait des dessins techniques et faisait le lien entre F______ et le fabricant des pièces.

Il avait eu connaissance du problème de coque endommagée, mais cela lui paraissait normal que certains engins ne fonctionnent pas dans le cadre du développement d'un projet.

hh. C______ avait commencé à travailler pour la société en février 2013. Après avoir fourni son travail et émis ses factures, il n'avait plus revu personne.

ii. Par courrier du 21 décembre 2020, A______ a envoyé un bordereau de pièces requises au Tribunal, lequel comprenait les contrats de travail de H______ et de F______ ainsi que les pièces comptables de G______ SA.

jj. A l'audience de débats principaux du 4 mai 2021, A______ a indiqué ne plus se souvenir du montant global qu'il avait perçu pour ses honoraires. Il était censé recevoir 5'000 fr. par mois mais cela n'avait pas été le cas.

Il a confirmé que G______ SA possédait un actif immatériel. Il en ignorait toutefois la valeur.

S'agissant du montant de 393'281 fr. 89 figurant à la page 1 du bilan au 31 décembre 2013, il a précisé qu'il représentait les immobilisations corporelles meubles, la conception, les moules et le prototype.

Concernant les prêts effectués par E______, il était prévu de les rembourser lorsque la société aurait commencé à faire des bénéfices.

Ces prêts intervenaient au fur et à mesure des besoins de la société pour continuer ses activités.

H______ avait amené plusieurs potentiels clients, mais les commandes ne s'étaient jamais concrétisées.

Aucun des loyers n'avait été payé car les investissements étaient focalisés sur le développement du prototype, soit l'élément qui aurait permis à G______ SA de dégager des bénéfices. Ils avaient estimé que la garantie de loyer versée était suffisante pour couvrir les premiers loyers. Les actionnaires étrangers étaient peu familiers du droit suisse, ils estimaient avoir déjà suffisamment versé grâce à la garantie de loyer et désiraient focaliser leurs forces sur le développement.

F______ a indiqué que l'idée du I______[type particulier de véhicule] était nouvelle à l'époque mais avait été réalisée depuis ; il doutait donc que l'actif immatériel ait encore une quelconque valeur.

kk. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 28 juin 2021, C______ et D______ ont transmis leurs plaidoiries écrites.

S'agissant de la recevabilité de la demande, ils ont indiqué agir en vertu d'un mandat procédural qui leur permettait de faire valoir, en leur propre nom, la créance de la communauté des créanciers, Leur demande était donc recevable.

Le défaut de E______ avait pour conséquence que tous les allégués le concernant devaient être admis.

Ils ont allégué que E______ et F______ étaient des organes de fait et étaient impliqués, aux côtés de l'administrateur A______, dans la gestion et la formation de la volonté sociale de la société. Ils engageaient donc tous trois leur responsabilité.

En prêtant EUR 100'000 à l'un des actionnaires, ils avaient restitué une partie des apports de celui-ci, ce qui était illicite, et n'avaient rien fait pour récupérer l'argent, par exemple en opérant une compensation avec son salaire après l'échéance du prêt. Ils avaient ainsi violé leurs devoirs de diligence et de fidélité.

A______ avait appris l'existence de ce prêt le 4 septembre 2012, soit avant l'inscription de la société au registre du commerce. Il était libre de renoncer à s'engager dans la société.

Par ailleurs, A______, E______ et F______ avaient engagé la société de manière excessive compte tenu des ressources de celle-ci. La société avait des charges courantes incompressibles pour environ 700'000 fr. par an (masse salariale fixe de 480'000 fr., masse salariale pour les employés temporaires de 13'000 fr., charges sociales de 15'000 fr., loyer de 120'000 fr., honoraires de la fiduciaire de 10'000 fr., honoraires de l'administrateur de 27'000 fr. et divers honoraires pour conseils juridiques).

A______ a allégué que E______ avait prêté un montant total de 786'593 fr. 75. Un montant de 385'000 fr. avait été converti en actions, ce qui laissait une somme prêtée de 401'593 fr. 75, et démontrait que la société vivait largement au-dessus de ses moyens. Dans ces circonstances, l'espérance de vie de la société ne dépassait pas quelques mois. Le fait que la société doive emprunter des montants importants à l'un des actionnaires pour payer ses factures démontrait qu'elle n'était pas en mesure de les honorer elle-même.

En outre, le transfert du prototype et des plans aux Pays-Bas avait eu pour effet de dévoiler à un tiers des secrets de production, faisant perdre toute sa valeur à la propriété intellectuelle y relative.

Pour tous ces motifs, A______, E______ et F______ avaient engagé leur responsabilité.

ll. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 28 juin 2021, A______ a transmis ses plaidoiries écrites.

En substance, il a allégué que les premières factures de C______ et D______ avaient été acquittées, ce qui suffisait à démontrer que G______ SA avait les liquidités suffisantes pour rémunérer le travail pour lequel ils avaient été mandatés.

Le fait que l'investisseur principal E______ ait cessé de financer le projet avait été soudain et inattendu, et avait eu pour conséquence que la société avait rencontré des problèmes de liquidités insurmontables, vu que le I______[type particulier de véhicule] n'était pas commercialisable. Il s'agissait d'un problème courant que pouvait rencontrer une start-up.

La société avait fait faillite en raison du détournement de EUR 100'000 par un actionnaire, des problèmes survenus lors de la conception et de l'arrêt brutal du financement par l'investisseur principal, éléments dont l'administrateur ne saurait être tenu pour responsable.

Quant à la propriété intellectuelle, elle n'avait pas été cédée gratuitement à une entreprise hollandaise. Ce qui avait été transféré aux Pays-Bas avait toujours été à disposition de l'Office des faillites si un repreneur s'était montré intéressé.

S'agissant du montant de EUR 100'000 prêté à H______, A______ n'avait jamais donné son accord. Par ailleurs, il s'attendait à récupérer cet argent car H______ s'était engagé par écrit à rembourser ce montant d'ici le 31 décembre 2012, ce qui aurait permis à la société de payer ses factures.

Lorsque la société avait commencé à avoir des problèmes de liquidités, A______ avait entrepris avec diligence toutes les démarches nécessaires à la sauvegarde des intérêts de l'entreprise. Il n'avait commis aucune violation de ses obligations de diligence et aucune responsabilité ne pouvait lui être imputée.

mm. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 16 juillet 2021, A______ a transmis des plaidoiries écrites complémentaires.

nn. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 19 juillet 2021, C______ et D______ ont transmis des plaidoiries écrites complémentaires.

oo. Par écriture déposée au greffe du Tribunal de première instance le 29 juillet 2021, A______ a transmis des plaidoiries écrites complémentaires.

pp. Par courrier du 29 juin 2021, le Tribunal a informé les parties que la cause serait gardée à juger dans un délai de 15 jours.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse étant, en l'espèce, supérieure à 10'000 fr., l'appel interjeté par l’appelant, motivé et formé par écrit dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision finale, est recevable (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC).

1.2.1 L’article 70 al. 1 CPC qui traite de la consorité nécessaire, précise que les parties à un rapport de droit qui n’est susceptible que d’une décision unique doivent agir ou être actionnées conjointement.

La cession des droits de la masse (art. 260 LP) permet au cessionnaire d’entamer un procès en son propre nom et pour son compte à la place de la masse (Prozessstandschaft). Lorsque plusieurs créanciers reçoivent ces droits, ils forment entre eux une consorité nécessaire à compléter, en ce sens que la prétention ne peut faire l'objet que d'un seul jugement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2018 du 18 septembre 2018, consid. 4.1.1).

L’article 71 al. CPC traite de la consorité simple et précise que les personnes dont les droits et les devoirs résultent de faits ou de fondements juridiques semblables peuvent agir ou être actionnées conjointement. Le même type de procédure doit être applicable aux différentes actions (art. 71 al. 2 CPC) et la même compétence matérielle doit s'appliquer à toutes les demandes en justice. Par faits ou motifs juridiques similaires au sens de l'art. 71 al. 1 CPC, le Tribunal entend un lien matériel nécessaire ("connexité") : les prétentions invoquées ne doivent pas être cumulatives, mais simplement alternatives et reposer sur des faits ou des fondements juridiques semblables (Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, n. 4 et 6 ad art. 71 CPC ; ATF 142 III 581 consid. 2.1).

La consorité simple se caractérise par la liberté des consorts d’agir indépendamment. Etant donné que, dans le cadre de la consorité simple, chaque consort peut mener le procès indépendamment des autres (art. 71 al. 3 CPC), les actions subjectivement cumulées restent en principe juridiquement indépendantes, même si elles sont liquidées par un jugement (Jeandin/Peyrot, Précis de procédure civil, n. 209).

S’agissant du recours, un consort peut attaquer de manière séparée et indépendante la décision qui le concerne, sans égard à la renonciation d’un autre consort à entreprendre cette même décision ; de même n’aura-t-il pas à se soucier du maintien des recours formés par d’autres consorts, s’il entend retirer le sien. Ainsi, chaque consort simple est libre de remettre en cause le jugement en exerçant individuellement les voies de droit (ATF 140 III 520, c.3.2.2 ; Petit commentaire du Code de procédure civile ad art. 71 n. 15 s).

1.2.2 En l’espèce, C______ et D______ ont fait valoir en première instance une seule et même prétention, soit celle de la masse en faillite dont ils sont cessionnaires, à l’encontre de A______, E______ et F______. A ce titre, ils sont consort nécessaires.

A______ et E______ ont été actionnés en première instance sur la base de l’art. 754 CO, en leur qualité d’administrateur, respectivement d’organe de fait, et sur la base de faits similaires. De ce fait, A______ et E______ sont des consorts simples au sens de l’art. 71 CPC et l’appelant pouvait agir indépendamment de son consort, sans citer son consort dans son appel. Il devait par contre diriger son appel contre les consorts nécessaires intimés, ce qu’il a fait.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413, consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016, consid. 5.3).

Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). Selon l'art. 55 al. 1 CPC, chaque partie supporte le fardeau de l'allégation des faits sur lesquels elle fonde ses prétentions.

Le fardeau de la preuve quant à lui incombe au titulaire du droit qui fait l'objet de la contestation (art. 8 CC).

Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu. Il est inadmissible de juger selon une simple vraisemblance là où il manque l'ultime conviction du juge et où il reste un doute dans l'état de fait ou de se baser sur des affirmations rendues vraisemblables mais non prouvées. L'importance du fardeau de la preuve réside précisément en ceci que les doutes qui subsistent doivent agir au détriment de celui auquel incombe la preuve (ATF 118 II 235 consid. 3c, JdT 1994 I 331, SJ 1983 p. 336 consid. 2b).

En vertu de la présomption de l'art. 150 al. 1 CPC, il est admissible dans le cadre de la maxime des débats de considérer comme non contestés les faits retenus dans la décision attaquée s'ils ne sont pas critiqués par l'appelant (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III 126; Reetz/Theiler, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2013, n. 38 ad art. 311 ZPO).

1.4 Les éléments relevés par les parties, qui découlaient du dossier de première instance, ont été intégrés dans l'état de fait dressé ci-dessus dans la mesure de leur pertinence.

2.             L’appelant fait grief au premier juge d’avoir constaté les faits de manière erronée, en particulier d’avoir retenu qu’il aurait violé un de ses devoirs d’administrateur et de l’avoir ainsi condamné sur la base de la responsabilité de l’administrateur de l’art. 754 CO. La Cour de céans analysera donc les points soulevés par l’appelant concernant la constatation erronée des faits, la violation du devoir d’administrateur et le principe de causalité.

2.1 Selon l’art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil d’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l’égard de la société, de même qu’envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu’ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.

La responsabilité fondée sur l’art. 754 CO suppose la réunion de quatre conditions cumulatives : la violation d’un devoir, une faute, un dommage et une relation de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir et le dommage (CR CO III-Corboz/Girardin, art. 754 N 17).

Le demandeur doit alléguer les faits sur lesquels il se fonde avec une précision suffisante pour permettre d’administrer des preuves et contre-preuves. Le fardeau de la preuve incombe en principe au demandeur (CR CO III-Corboz/Girardin, art. 754 N 17).

La violation du devoir qui fonde la responsabilité prévue par l’art. 754 CO peut résulter aussi bien d’une action que d’une omission ; dans le cas d’une omission, il faut déduire des circonstances que la personne recherchée avait l’obligation juridique d’agir ; l’omission d’aviser le juge en cas de surendettement en violation de l’art. 725 al. 2 CO est un cas fréquent en pratique (CR CO III- Corboz/Girardin, art. 754 N 35).

Dans le cadre des obligations déterminées par la loi et les statuts, l’art. 717 al. 1 CO permet de définir le standard minimum que doit respecter l’administrateur pour se conformer à ses devoirs. Il doit notamment contrôler de manière régulière la situation économique et financière de la société et constituer des provisions pour les risques reconnaissables (CR CO III- Corboz/Girardin, art. 754 N 21a). Il doit s’abstenir de dépenses qui n’ont aucune justification commerciale ou qui apparaissent excessives, compte tenu des ressources de la société ; il ne doit pas accepter d’engagement d’un insolvable (CR CO III- Corboz/Girardin, art. 754 N 22). L'obligation de surveillance subsiste même si l'administrateur a délégué le pouvoir d'agir à l'actionnaire unique et propriétaire économique de la société ; en effet, l'administrateur n'est pas seulement responsable envers les actionnaires, il l'est aussi envers la société en tant qu'entité juridique autonome et envers les créanciers de la société (arrêt du Tribunal fédéral 4A_133/2021, 4A_135/2021 du 26 octobre 2021, consid. 7.2.1).

L'administrateur qui n'exerce pas ses attributions avec toute la diligence nécessaire manque à ses devoirs au sens de l'art. 754 al. 1 CO. L'administrateur doit ainsi faire preuve de toute la diligence nécessaire, et pas seulement de l'attention qu'il porterait à ses propres affaires. La diligence due doit être appréciée objectivement en tenant compte de toutes les circonstances : il faut donc comparer le comportement que l'administrateur a eu avec celui qu'un administrateur raisonnable, confronté aux mêmes circonstances, aurait eu. En se plaçant au moment du comportement ou de l'omission reproché à l'administrateur, il faut se demander si, en fonction des renseignements dont il disposait ou pouvait disposer, son attitude paraît raisonnablement défendable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2020, 4A_342/2020 du 29 juin 2021, consid. 5.2.2, et les références citées).

L'administrateur doit avoir commis une faute intentionnelle ou par négligence. Toute faute, même une négligence légère (leichte Fahrlässigkeit) suffit. La faute doit s'apprécier objectivement, c'est-à-dire en fonction de ce que l'on pouvait raisonnablement attendre de l'administrateur dans les circonstances concrètes. Seules des circonstances exceptionnelles pourraient conduire à la conclusion que l'administrateur qui a failli à ses devoirs est exempt de faute ; pour qu'il en soit ainsi, il faut que la personne recherchée ait été, au moment des faits, en état d'incapacité de discernement, dans une situation de contrainte absolue ou dans celle d'erreur inévitable sur les faits provoquée notamment par la tromperie d'un tiers. Le fait que l'administrateur responsable doit suivre les instructions d'un tiers ou d'un organe auquel il est subordonné n'exclut pas sa faute (arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2020, 4A_342/2020 du 29 juin 2021, consid. 5.2.2, et les références citées).

2.2 L’appelant reproche au Tribunal d’avoir retenu que la société avait octroyé un prêt d’un montant de EUR 100'000 auprès de l’un de ses actionnaires, alors que celle-ci devait assumer des charges importantes au début de ses activités, et d’avoir ainsi considéré que l’appelant avait mis en péril la vie de la société dès sa création. L’appelant estime que ce prêt a été accordé par E______, sans que la société ne soit impliquée, et qu’il n’avait pas été informé.

Il sied de relever que le Tribunal est arrivé à la conclusion que E______ a autorisé ce prêt et que A______ a été mis devant le fait accompli. Le premier juge a ainsi retenu que cette décision était constitutive d’une faute qui engageait « en tout cas » la responsabilité de E______. Dès lors que le Tribunal n’a pas retenu que la responsabilité de l’appelant était engagée sur ce point, la question de l’existence d’un prêt de la société, constitutif d’une violation d’un devoir de l’administrateur au sens de l’art. 754 CO, n’est pas pertinente en l’espèce.

2.3 L’appelant fait en outre grief au Tribunal d’avoir admis qu’il avait, avec E______, pris des décisions ayant entraîné la faillite de G______ SA et qu’ils n’avaient pris aucune mesure afin d’éviter cette issue.

L’appelant revient sur plusieurs points examinés par le Tribunal. Les arguments avancés par l’appelant ne sont pas convaincants.

Tout d’abord, l’appelant fait grief au Tribunal d’avoir retenu qu’un capital de 750'000 fr. était largement insuffisant au vu des charges courantes de la société, alors que selon lui, la société était suffisamment dotée en capital au moment de sa création afin d’assumer ses charges courantes jusqu’à l’aboutissement d’un premier prototype commercialisable. A l’appui de son argumentation, l’appelant se réfère à un planning établi par F______, ainsi qu’à des estimations établies par les actionnaires. Cependant, ces éléments n’ont été produits ni devant le juge de première instance ni dans le cadre de la présente procédure. L’appelant fait dès lors grief au Tribunal de ne pas avoir fait porter des mesures d’instruction sur ces éléments.

Il convient de rappeler que dans le cadre de cette procédure, le Tribunal applique la maxime des débats. Il est dès lors de la responsabilité des parties d’apporter les preuves qui fondent leurs allégués. De ce fait, l’appelant ne fournit aucun élément tangible appuyant et prouvant ses allégations.

Au contraire, l’argument du premier juge repose sur un calcul des charges de la société à l’aide des pièces produites dans la présente procédure. Dans son calcul des charges annuelles incompressibles, le premier juge a pris en compte les salaires des employés (120'000 fr. pour F______ et 360'000 fr. pour H______), auxquels il a ajouté des charges sociales annuelles découlant du compte pertes et profits et les charges sociales impayées entre août 2012 et avril 2013, pour un total d’environ 20'000 fr., ainsi qu’une charge annuelle de loyer de 113'000 fr. A ce montant, le Tribunal a également ajouté, selon le compte de pertes et profits, les honoraires de la fiduciaire en 57'000 fr., les frais de publicité en 50'000 fr. et les frais divers, tels que l’électricité, la sécurité ou le téléphone pour environ 24'000 fr. Il sied de préciser que ce calcul n’est pas complet. A ces montants s’additionnent encore de nombreuses charges, notamment le remboursement des frais professionnels et le salaire des employés temporaires. Ce raisonnement reposant sur les différentes pièces produites par les parties, le premier juge a, à juste titre, conclu que le capital-social de 750'000 fr. était insuffisant, les charges annuelles incompressibles dépassant les 700'000 fr.

Ensuite, l’argument de l’appelant, qui soutient qu’on ne peut pas lui reprocher de n’avoir pris aucune mesure avant les premières difficultés financières de la société ne peut être suivi. En sa qualité d’administrateur, il lui appartenait de vérifier lors de la création de la société que celle-ci était dotée d’un capital-actions suffisant pour couvrir les charges auxquelles elle devrait faire face avant de pouvoir réaliser un prototype puis commercialiser le I______[type particulier de véhicule]. Il était prévisible qu’une version finale de ce projet ne pourrait être commercialisée rapidement après la création de la société et que la phase de développement ne générerait pas de revenus.

En outre, l’appelant allègue que la faillite de la société a été causée par les coûts supplémentaires occasionnés par les problèmes de réalisation de la coque.

Cependant, comme l’a relevé le Tribunal, les prêts essentiels pour payer les charges qui n’étaient pas couvertes par le capital-social non libéré, ont commencé avant l’endommagement de la coque du prototype. En effet, il ressort du procès-verbal de l’audience du 4 mai 2021 ainsi que de la page 33 de la pièce 69 déf., que les prêts essentiels de E______, pour permettre à la société de continuer ses activités, selon les dires de A______, avaient commencé en juillet 2012, alors que la coque a été endommagée en mars 2013. La société avait donc déjà des problèmes de liquidités, avant que les problèmes techniques ne surviennent. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir l'appelant, l’endommagement de la coque du prototype n’a pas causé la faillite de la société mais a accéléré son processus.

Outre le fait que le capital-social ne couvrait pas les charges de la société, la survie de cette dernière reposait depuis sa création sur des hypothèses, soit que E______ continuerait d’investir dans la société, que le prototype resterait intact pendant son développement et qu’un potentiel acheteur intéressé aurait investi dans le projet. Tous ces éléments étaient indépendants de la volonté de l’administrateur et n’étaient pas garantis.

De plus, contrairement à l’argument avancé par l’appelant, il n’était pas certain que, sans les problèmes de réalisation du prototype, E______ ou un autre investisseur aurait continué à octroyer des prêts à la société. Le fait que E______ était également actionnaire de la société ne permettait pas de retenir qu’il aurait continué à avancer des fonds. La survie de la société dépendait donc du bon vouloir de E______, ce qu’un administrateur diligent n’aurait pas accepté.

Il sied de remarquer que l’appelant était conscient de cette problématique. En effet, lors de son audition du 4 décembre 2020, il a expliqué que tant que E______ injectait de l’argent dans la société et croyait au projet, la poursuite de ce dernier, et donc de celle-là, était possible.

A l’instar du Tribunal, il sied de retenir qu’en tant qu’administrateur, l’appelant aurait dû s’inquiéter du fait que la viabilité de la société dépendait d’éléments imprévisibles et faire augmenter le capital-actions de G______ SA afin de lui permettre d’assumer ses charges par elle-même dès sa création. Il aurait dû réagir et prendre des mesures bien avant l’endommagement de la coque du prototype. En ne prenant pas les mesures adéquates, l’appelant a commis une faute.

2.4 L’appelant reproche ensuite au premier juge d’avoir retenu qu’il n’avait pas averti les actionnaires du fait que l’argent injecté dans la société devait servir à payer les charges courantes, notamment le loyer et le salaire, et à financer le développement du prototype, ni attiré l’attention des actionnaires sur le fait que le salaire de H______ représentait en une année la moitié du capital-actions.

L’appelant soutient pourtant qu’il avait prévenu les actionnaires du danger du montant démesuré de la rémunération de H______ et de l’importance de payer le loyer. Cependant, il n’apporte aucun élément qui soutiendrait sa thèse. Or, le fardeau de la preuve lui incombait sur ce point, qui est demeuré à l’état d’une déclaration de partie.

De plus, il ressort du procès-verbal de l’audience du 4 mai 2021, que A______ a pris part à la décision des actionnaires de focaliser les investissements sur le développement du prototype, à savoir l’élément qui leur aurait permis de dégager des bénéfices, estimant que la garantie de loyer versée serait suffisante pour couvrir les premiers loyers.

Sur la base de cette explication et de la procédure, la Cour ne peut que rejoindre l’argumentation du Tribunal, qui considère que A______, en tant qu’avocat de profession, savait que le versement, respectivement la constitution, de la garantie de loyer n’exonère pas le locataire du paiement régulier des loyers, et qu’en tant qu’administrateur de la société, il devait en informer les actionnaires. En prenant cette décision, ou, à tout le moins, en la suivant ou en y participant, A______ a failli à ses devoirs d’administrateur de gérer les intérêts financiers de la société et de payer les factures courantes.

Un raisonnement similaire peut être appliqué au second grief de l’appelant. Il ressort du procès-verbal de l’audience du 4 décembre 2020, que A______ estimait qu’en sa qualité d’administrateur, il ne pouvait pas remettre en cause la rémunération importante de H______ à partir du moment où les actionnaires étaient d’accord avec celle-ci. L’appelant s’est donc accommodé de la décision des actionnaires, sous prétexte qu’il était lié par leurs choix, et n'a prévu aucune mesure pour permettre à la société de payer ce salaire en plus des charges. Dès lors, l’appelant a nui aux intérêts de la société et failli à ses devoirs d’administrateur.

C'est donc à juste titre que le Tribunal a constaté que A______ avait violé ses devoirs d’administrateur et engagé sa responsabilité.

2.5 Ensuite, l’appelant fait grief au premier juge de lui avoir reproché de ne pas avoir immédiatement cessé de verser le salaire de H______. Cependant, l’appelant admet que le Tribunal n’a pas retenu que ce comportement était constitutif d’une violation du devoir d’administrateur. Ce grief n’étant pas pertinent en l’espèce, la Cour ne se prononcera pas sur celui-ci.

2.6 A______ fait en outre grief au Tribunal d’avoir considéré que le transport du prototype aux Pays-Bas avait été onéreux et que cette décision n’était pas judicieuse compte tenu des nombreuses factures impayées.

Lorsque la coque du prototype endommagé a été envoyée aux Pays-Bas, la société avait déjà de nombreuses factures impayées. De plus, la réparation et le développement du prototype reposaient sur la volonté de E______ de continuer d’investir dans la société. Il n’était donc pas certain que le prototype puisse être réparé. Pourtant, E______ et A______ ont pris la décision de l’envoyer aux Pays-Bas. Il était attendu de A______ qu’il prenne des mesures drastiques de réduction de coûts. Or, il est difficile de concevoir comment ce transport aurait pu atteindre cet objectif.

En outre, il sied de suivre l’argumentaire du Tribunal selon lequel cette décision a soustrait le prototype à la masse en faillite. En effet, dans son courrier du 21 avril 2016, le Préposé de l’Office des faillites a expliqué que les créanciers de la masse en faillite devaient décider si le rapatriement de la coque était opportun, sachant que de son prix de vente il convenait de soustraire le prix de son rapatriement. Or, si cette coque était restée à K______, la masse en faillite aurait pu disposer de cet objet, sa vente en aurait été facilitée et le produit d’une éventuelle vente aurait été supérieur. L’appelant soutient que E______ s’engageait à rapporter à ses frais le prototype ; on ne saurait suivre son argumentaire qui reste encore une fois au stade de l’allégation pure et simple.

Ainsi, non seulement la décision d’envoyer cette coque aux Pays-Bas n’apparaissait pas opportune pour réduire les coûts de la société, mais elle a également augmenté le prix de vente du prototype et ainsi réduit les chances de sa vente, ce qui a nui aux intérêts de la société et des créanciers. Par conséquent, cette décision de E______ et A______ engage leur responsabilité.

2.7 Finalement, l’appelant a reproché au premier juge d’avoir retenu une responsabilité fondée sur l’art. 754 al. 1 CO, sans faire aucune démonstration de l’existence d’un rapport de causalité entre la violation de son devoir d’administrateur et la survenance d’un dommage pour la société, soit sa faillite.

Un rapport de causalité (naturelle et adéquate) existe entre l'événement dommageable, soit la violation fautive par l'appelant de ses devoirs et, d'autre part, le dommage invoqué (CR CO III- Corboz/Girardin, art. 754 N 48).

La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit. Le juge doit se demander, en face d'un enchaînement concret de circonstances, s'il était probable que le fait considéré produisît le résultat intervenu; à cet égard, c'est la prévisibilité objective du résultat qui compte (ATF 112 II 439 consid. 1d; 101 II 73 consid. 3a). Pour retenir une causalité naturelle en cas d'omission, il faut admettre par hypothèse que le dommage ne serait pas survenu si l'intéressé avait agi conformément à la loi ou au contrat. Le rapport de causalité étant hypothétique, le juge se fonde sur l'expérience générale de la vie et il porte un jugement de valeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C_449/2004 du 9 mars 2005 consid. 4.1).

Il convient d’examiner les différents évènements qui ont conduit à l’augmentation du passif et, finalement, à la faillite de la société.

Tout d’abord, le capital-actions initial de la société était insuffisant et ne lui permettait pas de couvrir ses charges courantes. Ainsi, dès sa création, sa viabilité était incertaine ; ce d’autant que sa survie dépendait du bon vouloir d’un seul actionnaire et de la rapide réussite du projet. Pourtant, A______ a accepté le mandat d’administrateur, sans s’assurer que la société soit suffisamment dotée en capital.

De plus, A______ n’a pas exigé la libération d’un capital suffisant pour payer toutes les charges de la société avant la commercialisation du I______[type particulier de véhicule]. Cette faute de l’administrateur a causé un dommage à la société qui s’est rapidement retrouvée à court de liquidités et s’est alors vue contrainte de contracter des prêts pour payer les charges non couvertes par le capital social non-libéré.

En outre, A______ n’a décidé d’aucune mesure drastique en vue de réduire les coûts de la société. Au contraire, malgré la fragilité économique de la société, l’administrateur a accepté de verser un salaire annuel exorbitant à H______ correspondant à la moitié du capital-actions de la société. Il a également accepté de réserver les actifs pour le développement du projet au lieu de s’acquitter du paiement du loyer. Ces différentes décisions ont aggravé l’instabilité financière de la société, et ont ainsi causé un dommage à la société.

Si l'appelant et E______ avaient fait preuve de toute la diligence requise par les circonstances, en particulier s’ils avaient donné à la société les moyens nécessaires pour assumer ses charges par elle-même dès sa création, et avaient libéré un capital suffisant pour payer toutes les charges auxquelles la société devait faire face avant la commercialisation du I______[type particulier de véhicule], la viabilité de la société n’aurait pas été dépendante du bon vouloir de E______ et elle aurait ainsi pu survivre à l’arrêt de ses prêts, s’acquitter de ses charges, notamment payer les cités, et éviter la faillite.

Il est évident que l’enchainement de ces différents éléments a conduit à l’augmentation du passif puis finalement à la faillite de la société, sans aucune réaction de A______. Ces omissions fondent ainsi la responsabilité de ce dernier.

La condition du lien de causalité étant réalisée, toutes les conditions de la responsabilité de l'appelant en sa qualité d’administrateur de G______ SA sont réalisées.

Infondé, l’appel sera rejeté et le jugement attaqué confirmé.

3.             Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront fixés à 3'300 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie par l'appelant (art. 111 al. 1 CPC).

Aucune indemnité de dépens ne sera allouée aux intimés, lesquels n’ont pas pris position.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé par A______ contre le jugement JTPI/11979/2021 rendu le 22 septembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15572/2018-4.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d’appel à 3'300 fr., les met à la charge de A______ et les compense entièrement avec l’avance de frais fournie par celui-ci, qui demeure acquises à l'Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, juge; Monsieur Serge FASEL, juge suppléant; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.