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Décisions | Chambre civile

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C/21308/2016

ACJC/1632/2021 du 03.12.2021 sur JTPI/15323/2020 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21308/2016 ACJC/1632/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 3 DECEMBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France), appelant d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 décembre 2020, comparant par Me Fabien RUTZ, avocat, PYXIS LAW, rue de Hesse 16, case postale 1970, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

et

B______ SA, sise c/o C______ SA, ______ [GE], intimée, comparant par
Me Corinne NERFIN, avocate, BORY & ASSOCIES AVOCATS, place Longemalle 1, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/15323/2020 du 10 décembre 2020, notifié aux parties le 11 décembre 2020, le Tribunal de première instance a condamné B______ SA à payer à A______ la somme de 26'514 fr. (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 25'950 fr. – pour 80% à la charge de A______ et pour 20% à la charge de B______ SA, laissé la part des frais due par A______ à la charge de l'Etat sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire, compensé les frais avec les avances fournies par B______ SA, condamné B______ SA à verser un solde de 2'440  fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 26 janvier 2021, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif.

Principalement il conclut à la condamnation de B______ SA à lui payer les sommes de 13'297 fr. 60 et 15'921 fr. 75 (subsidiairement de EUR 12'440.17 et EUR 14'895.45) plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2014, de 142'799 fr. 90 et 14'108 fr. 90 (subsidiairement de EUR 133'595.19 et EUR 13'199.46) plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015, de 40'000 fr. et 4'000 fr. (subsidiairement de EUR 37'421.65 et EUR 3'742.16) plus intérêts à 5% l'an dès le prononcé du jugement, de 5'836 fr. 33, 63'992 fr. 90 et 6'399 fr. 30 (subsidiairement de EUR 4'885.80, EUR 53'570.70 et EUR 5'357.-) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2017, de 707 fr. 60, 56'219 fr. 50 et 5'621 fr. 95 (subsidiairement de EUR 620.30, EUR 49'276.- et EUR 4'927.60) plus intérêts à 5% l'an dès le 30 octobre 2018, de 870 fr. 95 (subsidiairement de EUR 794.15) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 juillet 2019 et de 32'663 fr. 85 et 3'266 fr. 40 (subsidiairement de EUR 29'783.80 et EUR 2'978.40) plus intérêts à 5% l'an dès le 20 août 2019, ainsi qu'à la condamnation de B______ SA à supporter tous les frais judiciaires de première instance, tous les frais judiciaires d'appel et tous les dépens d'appel.

Préalablement, A______ conclut à ce que soit ordonnée l'audition de D______ et de E______ en qualité de témoins, à ce qu'une demande de renseignements écrits soit adressée à F______ afin qu'il produise toute pièce comptable ou indication financière permettant d'apprécier le chiffre d'affaires et les charges de l'épicerie qu'exploitait G______ durant les mois de décembre et janvier pour les années 2010 à 2014, et à ce qu'une une ou plusieurs expertises soient ordonnées aux fins de répondre aux questions suivantes: (i) vu la formation de A______, vu ses démarches pour postuler ainsi que l'ensemble des pièces du dossier, à tout le moins sur le marché romand de l'horlogerie, dès le mois de novembre 2014, à quelle date aurait-il pu, en l'absence de l'accident du 24 novembre 2014, trouver un emploi mieux rémunéré que celui qu'il avait à l'époque dudit accident ? (ii) quel aurait pu être cet emploi ? (iii) quel aurait été le revenu prévisible de A______, sans l'accident et après changement d'emploi, et quelles auraient été les perspectives d'augmentation de salaire au cours des ans dans ce nouvel emploi ? (iv) quelle est la conséquence de la perte de gain de A______ depuis l'accident survenu le 24 novembre 2014 ? (v) et quelle est la perte de rente (LPP, prévoyance libre ou autre) de A______, compte tenu du marché de l'emploi et des indemnités journalières perçues par celui-ci depuis son accident?

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut au déboutement de A______ de toutes ses conclusions d'appel.

Simultanément, elle forme un appel joint tendant à l'annulation du chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, à la constatation que le montant de 50'000 fr. qu'elle a versé à A______ couvre l'intégralité du dommage subi par ce dernier, ainsi qu'à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus, avec suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de ses conclusions, B______ SA produit trois courriers de la SUVA datés des 14, 16 et 29 septembre 2020, ainsi qu'un courriel adressé à son conseil le 9 février 2021.

c. Dans sa réponse à l'appel joint, A______ conclut au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions.

Il a simultanément répliqué, persistant dans les conclusions de son appel.

d. B______ SA a dupliqué, persistant dans ses conclusions sur appel et sur appel joint.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 6 juillet 2021.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. B______ SA est une société inscrite au registre du commerce de Genève, ayant pour but l'achat, la vente, l'exploitation et la location d'immeubles.

Elle est notamment propriétaire d'une parcelle sise 1______ à H______ (GE), sur laquelle est érigé un immeuble de bureaux.

b. A______, de nationalité espagnole, est né en 1968. Il est domicilié à I______ (France), à proximité de Genève, et bénéficie d'une autorisation de travail de type G (permis frontalier).

Entre 1985 et 1991, A______ a suivi avec succès plusieurs formations techniques (mécanicien tourneur, mécanicien monteur, mécanicien fraiseur, carrossier réparateur et peintre en carrosserie). Il a ensuite travaillé comme vendeur de véhicules automobiles, programmateur en mécanique générale et tôlier-peintre.

c. Entre novembre 2009 et septembre 2012, A______ a travaillé pour la société française K______, spécialisée dans le commerce de gros et le commerce inter-entreprises de minerais et métaux, en qualité de délégué commercial. Il avait pour attributions principales la préparation et l'animation d'actions commerciales dans les agences partenaires et les hôtels, et ce pour une rémunération de EUR 2'300.- par mois pour 42 heures de travail par semaine. Il indique s'être spécialisé dans le domaine de la gestion de métaux précieux dans le cadre de cette activité,

La société K______ a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en septembre 2012.

d. En janvier 2014, A______ a été engagé comme coursier par la société genevoise L______ SARL. Son salaire mensuel s'élevait à 2'100 fr. brut par mois (soit 1'925 fr. net, impôts à la source non déduits) pour 26 heures de travail par semaine. Son salaire assuré s'élevait quant à lui à 2'254 fr. par mois.

Selon un courrier adressé par E______, associé-gérant de la société susvisée, au conseil de A______ le 23 juin 2016, il était prévu que l'employé travaille à plein temps (40 heures par semaine) à compter du premier avril 2015. Son salaire devait ensuite augmenter en fonction notamment de l'obtention d'un permis de conduire certains véhicules et du suivi d'une formation aux techniques de défense, pour atteindre 5'920 fr. brut par mois dès le 1er juillet 2015, puis 6'080 fr. brut par mois dès le 1er juillet 2016, indexation non comprise.

e. Parallèlement, A______ a effectué à l'automne 2014 des démarches en vue de trouver un emploi dans le secteur de l'horlogerie, s'inscrivant notamment auprès de l'agence de placement M______, compétente dans ce domaine.

Selon une attestation établie par M______ le 26 janvier 2015, A______ devait postuler à un poste d'opérateur auprès d'une manufacture horlogère au mois de décembre 2014.

f. Le 24 novembre 2014, A______ a reçu de L______ SARL la mission d'effectuer une livraison dans des bureaux sis 1______, à H______, soit dans l'immeuble propriété de B______ SA.

Arrivé sur place à pied, aux alentours de 13h, il a constaté que la réception des bureaux était fermée. Il s'est alors approché de l'immeuble, afin de faire un signe à travers la façade vitrée à l'un des employés travaillant à l'intérieur du bâtiment.

A______ a alors chuté à travers une grille de saut-de-loup non munie de garde-corps et qui n'était pas sécurisée.

g. Après sa chute, A______ a ressenti une très vive douleur au niveau du pied, qui lui a coupé le souffle et l'a totalement immobilisé.

Il a appelé au secours et le concierge de l'immeuble, ainsi qu'une passante, lui ont apporté leur aide. La police municipale, présente par hasard sur les lieux, a constaté qu'un trou, non couvert ni dûment signalé, avait été découpé dans la grille du saut-de-loup, apparemment à la suite de travaux; le jour de l'accident, les barrières du chantier n'étaient pas en place et l'accès au site avait été laissé ouvert au public.

h. A______ a été hospitalisé le jour-même de l'accident, souffrant d'une fracture tri-malléolaire (fracture des deux malléoles et du bord postérieur du tibia) complexe de la cheville droite; une attelle cruro-pédieuse a été posée sur ladite cheville.

Les médecins ont préconisé une intervention chirurgicale sous forme d'ostéosynthèse (traitement de fractures osseuses par des vis, plaques, clous ou broches). En raison d'un œdème important, cette intervention n'a pu être effectuée que le 3 décembre 2014.

A______ est sorti de l'hôpital le 9 décembre 2014.

i. Dès le 20 janvier 2015, A______ a commencé à suivre des séances de physiothérapie et de rééducation hebdomadaires à Genève.

Il a été réopéré le 3 mars 2015. Une vis distale de la malléole externe droite, mise en place le 3 décembre 2014, a alors été extraite.

j. Entre le 15 septembre et le 14 octobre 2015, A______ a été hospitalisé à la Clinique N______ afin d'y suivre des thérapies physiques et fonctionnelles pour une algodystrophie du pied droit, soit un syndrome douloureux régional complexe.

Il a été réopéré le 28 octobre 2016 et une plaque latérale de la cheville droite, mise en place lors de la première intervention, a été retirée. Il a quitté l'hôpital le lendemain.

k. Le 30 janvier 2017, le médecin d'arrondissement de la SUVA a dressé un rapport d'examen final, duquel il ressort que la mobilité de la cheville est fortement réduite, A______ ne pouvant garder le pied qu'à l'horizontale au vu de la flexion dorsale à 0° de sa cheville; le patient a souffert dès le mois de septembre 2015 d'une algoneurodystrophie, soit des symptômes douloureux localisés au niveau de la cheville et liés à la fracture occasionnée par l'accident et/ou à l'opération subie ensuite de l'accident; la marche s'effectue avec une boiterie importante, en gardant le genou raide et la mobilisation de la cheville entraîne des douleurs importantes.

Le rapport relève que la situation personnelle de l'assuré concernant le trajet domicile-emploi (10 minutes de marche pour atteindre la gare, 35 minutes de train puis bus à Genève) ne pouvaient pas être prises en compte pour déterminer l'exigibilité d'un retour à l'emploi. En conclusion, il indique que l'ancienne activité de coursier de A______ n'est plus exigible, mais qu'une autre activité professionnelle à temps complet est envisageable, sans perte de rendement, si elle peut être réalisée en position assise, avec des déplacements très limités, sans port de charges, sans déplacements répétés dans des escaliers, sans devoir monter sur une échelle, sans devoir s'agenouiller et sans limitation au niveau des membres supérieurs.

l. Aux mois de mars et de novembre 2018, A______ a subi de nouveaux examens à la Clinique N______; la présence d'une algodystrophie toujours active a été constatée.

m. Aujourd'hui, A______ utilise toujours des béquilles pour se déplacer et poursuit ses séances de physiothérapie hebdomadaires à Genève. Il est en outre contraint de prendre une médication lourde.

n. A______ a été en incapacité de travail totale jusqu'au 31 juillet 2017.

Le 6 juillet 2015, il a déposé une demande de prestation à l'assurance-invalidité, dans l'optique d'une reconversion professionnelle.

Le 1er août 2017, il a été admis au bénéfice de l'assurance-invalidité à 50%.

o. Entre août et novembre 2017, A______ a suivi une mesure d'orientation professionnelle auprès de l'association O______.

Il a ensuite entamé, en février 2018, une formation de réinsertion AI, dans le domaine du polissage en terminaison horlogère auprès de P______. Il a choisi cette reconversion, car l'activité de polissage s'effectue en position assise.

Il a obtenu son certificat de polisseur en novembre 2018.

p. Le 1er novembre 2018, toujours sous l'égide de l'assurance-invalidité, A______ a débuté, à 50%, un stage de 6 mois auprès de Q______, société active en polissage et terminaison rhodiage dans le domaine de l'horlogerie et de la joaillerie. Ce stage a pris fin de manière prématurée en juillet 2019, le responsable dudit stage ayant quitté la société.

Entre août 2019 et janvier 2020, A______ a pu achever son stage auprès de la société R______, grâce à la Fondation S______.

q. Entre le 24 novembre 2014 et le 31 juillet 2017, A______ a perçu de son assurance accident professionnelle (SUVA) des indemnités journalières qui s'élevaient à 59 fr. 30 par jour, sept jours par semaine, soit en moyenne 1'803 fr. 70 nets par mois. Son opposition au montant versé a été rejetée par la SUVA en octobre 2016.

Lors de ses deux séjours hospitaliers, la SUVA a opéré des retenues de participation d'entretien de 11 fr. 85 par jour sur quarante-cinq jours, pour un total de 533 fr. 25.

La SUVA n'a pas pris en charge ses frais de déplacement lors des rendez-vous médicaux, au motif que ses soignants ne se situaient pas au plus proche de son domicile.

r. Depuis le 1er août 2017, A______ perçoit des indemnités de l'assurance-invalidité qui s'élèvent à 60 fr. brut par jour, soit en moyenne 1'711 fr. 40 net par mois (déductions sociales de 6.225% comprises).

s. Entre janvier et décembre 2016, l'assurance responsabilité civile de B______ SA a versé à A______ une indemnité totale de 50'000 fr., sans attribuer la somme ainsi versée à des postes spécifiques du dommage subi.

t. Au mois de septembre 2020, A______ a également perçu de la SUVA une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 18'900 fr., ce dont le conseil de B______ SA a été informé par courrier du 9 février 2021.

D.           a. Par demande du 2 novembre 2016, déclarée non conciliée le 21 décembre 2016 et introduite devant le Tribunal le 3 avril 2017, A______ a conclu à la condamnation de B______ SA à lui payer une somme totale de 230'128 fr. 15, se décomposant comme suit:

-          13'297 fr. 60 (subsidiairement de EUR 12'440.17) plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2014, correspondant à:

o   la différence entre son gain assuré (2'254 fr. par mois) et les indemnités journalières perçues (1'803 fr. 70 par mois) depuis l'accident, soit 12'764 fr. 33;

o   les retenues de participation d'entretien opérées par la SUVA lors des hospitalisations (11 fr. 85 x 45 jours d'hospitalisation) soit 533 fr. 25;

-          15'921 fr. 75 (subsidiairement EUR 14'895.45) plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2014, correspondant à:

o   des frais de pharmacie et de matériel médical non remboursés (médicaments, cannes anglaises, step, chaussures et semelles adaptées), pour 52 fr. 90 et EUR 795.87 au total, dont 34 fr. 40 et EUR 86.80 sont effectivement à la charge du patient selon les pièces produites;

o   des frais de transport à hauteur de 201 fr. et de EUR 12'925.75 au total, soit 127,5 trajets aller-retour entre I______ et Genève en voiture (EUR 90.- par trajet), 75.5 trajets identiques en train (EUR 1'418.40), 94 fr. pour un trajet en train vers la Clinique N______, EUR 31.90 de péage, 75 fr. de parking et 32 fr. de bus;

o   des frais de badge (20 fr.) et une partie des frais d'entretien mis à sa charge lors des séjours à la Clinique N______ (367 fr. 35, soit 31 jours à 11 fr. 85);

o   sa participation aux frais d'assistance juridique pour 480 fr. (16 mois à 30 fr. par mois);

-          142'799 fr. 90 (subsidiairement EUR 133'595.19) plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015, correspondant à sa perte de gain estimée, soit à la différence entre les indemnités versées et le salaire de 6'500 fr. brut versé 13 fois l'an auquel il aurait pu prétendre s'il avait été engagé comme gestionnaire en métaux précieux auprès de la manufacture horlogère avec laquelle il devait avoir une entrevue au mois de décembre 2014, soit W______ SA, et ce pour la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 2 avril 2017, soit un total de 129'818 fr. 10 plus 12'981 fr. 81 (10%) de prévoyance professionnelle;

-          14'108 fr. 90 (subsidiairement EUR 13'200.-) plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015, correspondant à la perte de gain subie par sa compagne, qui lui avait prodigué des soins après l'accident et qui avait dû, selon une attestation établie le 13 juin 2016 par son comptable, fermer l'épicerie qu'elle exploitait en France voisine pendant onze demi-journées au total, perdant ainsi un chiffre d'affaires de EUR 13'200.- HT durant la période concernée;

-          40'000 fr. (subsidiairement EUR 37'421.65) avec intérêts à 5% l'an dès le prononcé du jugement, correspondant à l'indemnité réclamée pour tort moral;

-          4'000 fr. (subsidiairement EUR 3'742.16) plus intérêts à 5% l'an dès le prononcé du jugement avec intérêts, correspondant à des frais de défense avant procès.

b. Dans sa réponse B______ SA a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle avait déjà versé au lésé la somme de 50'000 fr. par le biais de son assurance, à ce qu'il soit dit que cette somme couvrait le dommage subi suite à l'accident du 24 novembre 2014, et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment reconnu sa responsabilité de propriétaire de bâtiment à l'égard du précité et contesté l'étendue de la réparation demandée. Elle a également reproché à celui-ci une faute concomitante, justifiant à ses yeux une réduction d'indemnité d'un tiers.

c. En cours de procédure, A______ a amplifié ses conclusions à plusieurs reprises, sollicitant au total le paiement des montants supplémentaires suivants:

-          5'836 fr. 33 (subsidiairement EUR 4'885.80) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2017, 707 fr. 60 (subsidiairement EUR 620.30) plus intérêts à 5% l'an dès le 30 octobre 2018 et 870 fr. 95 (subsidiairement EUR 794.15) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 juillet 2019 correspondant à des frais médicaux, des frais de transport et d'autres frais supplémentaires, soit plus exactement:

o   EUR 5'670.- pour 63 trajets aller-retour entre I______ et Genève en voiture (EUR 90.- par trajet), EUR 150.50 pour 7 trajets identiques en train et 205 fr. 20 pour deux trajets en train vers la Clinique N______;

o   EUR 60.13 pour des frais de matériel médical (chevillière), 14 fr. de frais d'assurance lors de la formation O______ et 10 fr. 65 facturés par la Clinique N______;

o   930 fr. de participation aux frais de l'assistance juridique (31 mois à 30 fr. par mois);

-          63'992 fr. 90 (subsidiairement EUR 53'570.70) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2017, 56'219 fr. 50 (subsidiairement EUR 49'276.-) plus intérêts à 5% l'an dès le 30 octobre 2018 et 32'663 fr. 85 (subsidiairement EUR 29'783.80) plus intérêts à 5% l'an dès le 20 août 2019, correspondant à la perte de gain supplémentaire alléguée, soit à la différence entre les indemnités versées (59 fr. 30 par jour de la SUVA jusqu'au 31 juillet 2017 et 60 fr. par jour de l'AI dès le 1er août 2018) et le salaire de 6'500 fr. versé 13 fois l'an auquel il aurait selon lui pu prétendre auprès de W______ SA;

-          6'399 fr. 30 (subsidiairement EUR 5'357.-) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2017, 5'621 fr. 95 (subsidiairement EUR 4'927.60) plus intérêts à 5% l'an dès le 30 octobre 2018 et 3'266 fr. 40 (subsidiairement EUR 2'978.40) plus intérêts à 5% l'an dès le 20 août 2019, correspondant à la perte de rente LPP supplémentaire alléguée.

A chaque fois, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de ses prétentions supplémentaires.

d. Par ordonnance du 26 mars 2018, le Tribunal a ouvert des débats d'instruction et convoqué les parties à une audience fixée au 14 mai 2018, à charge pour celles-ci de fournir alors toutes explications utiles sur les mesures probatoires sollicitées, notamment sur les témoins dont elles demandaient l'audition.

A l'audience du 14 mai 2018, A______ a déposé une écriture intitulée "bordereau de preuve" dans laquelle il a sollicité l'audition comme témoins notamment de la Dresse U______, de V______ (directeur de l'agence M______), de D______ (employée de M______), de E______ (associé-gérant de L______ SARL), ainsi que de sa compagne, G______. Il a également sollicité qu'une demande de renseignements écrits, au sens de l'art. 190 CPC, soit adressée à V______, aux Offices cantonaux genevois de l'emploi et de la statistique, à sa compagne G______ et à F______, comptable de cette dernière.

A l'audience de premières plaidoiries du 19 novembre 2018, A______ a notamment déclaré que peu avant son accident, il avait eu un entretien chez M______ avec D______. Il a ajouté que lorsqu'il était hospitalisé, la prénommée l'avait appelé pour fixer un entretien avec W______ SA en vue d'un poste de gestionnaire de métaux précieux et de pierres.

e. Par ordonnance ORTPI/22/2019 du 11 janvier 2019, le Tribunal a ordonné l'audition de la Dresse U______, de V______ et de G______ parmi les témoins proposés par A______. Il a simultanément rejeté la requête de renseignements écrits formée par celui-ci.

Le Tribunal a considéré qu'il ne se justifiait pas de donner suite à ladite demande de renseignements en tant qu'elle concernait V______ et G______, dès lors que l'audition des précités comme témoins était admise comme moyen de preuve. S'agissant des renseignements requis de F______, G______ pourrait elle-même être entendue sur le chiffre d'affaires et les charges du commerce qu'elle exploitait. A______ n'exposait par ailleurs pas avoir lui-même tenté d'obtenir des Offices genevois de l'emploi et de la statistique les renseignements souhaités concernant les placements effectués pour un profil comparable, la durée moyenne des recherches d'emploi dans le secteur de l'horlogerie/bijouterie ou le salaire moyen dans ledit secteur. A______ était par conséquent invité à se procurer lui-même les renseignements en question.

f. Les éléments suivants ressortent notamment de l'audition des témoins :

f.a La Dresse U______, déliée du secret médical, a exposé que A______ était son patient depuis 2015. Il présentait une algoneurodystrophie avec limitation de la mobilité de la cheville et de fortes douleurs mécaniques lors de l'appui et mobilisation de la cheville. Il suivait des séances de physiothérapie environ une fois par semaine, des séances d'ergothérapie également une fois par semaine et prenait un dérivé de morphine, principalement le soir, ainsi qu'un analgésique traitant les douleurs neurogènes, principalement le matin pour éviter l'endormissement. Il utilisait en outre une pommade anti-inflammatoire et analgésique. Sa capacité de travail était nulle jusqu'en 2016 et s'élevait à 50% depuis février 2018 environ, ce dans une activité avec limitation de port de charges et de déplacement. Il se déplaçait toujours avec des cannes. Il pouvait effectuer certaines tâches ménagères, de façon incomplète (par exemple faire la cuisine ou faire son lit), mais sans utilisation d'escabeau et sans port de charges supérieures à 5 ou 10 kg.

f.b V______, directeur de M______ entre 2014 et 2018, a confirmé que son agence collaborait à l'époque avec des manufactures horlogères dont W______ SA, pour laquelle une demande continue de postes existait. Il ne se rappelait pas si un poste de gestionnaire de métaux était recherché fin 2014/début 2015, ni si A______ avait fait appel à son agence début 2015. Selon lui, le travail de gestionnaire de métaux chez W______ SA nécessitait des compétences de gestion de stock et de gestion d'approvisionnement informatique; il s'agissait d'un travail de bureau assis et d'un travail de transport au niveau des flux de métaux. De mémoire, il a estimé à environ 30 fr. brut de l'heure la rémunération perçue par un gestionnaire de métaux.

f.c G______, compagne de A______ depuis 2002, a confirmé que celui-ci devait marcher avec des béquilles toute la journée, car il ne pouvait prendre appui à l'avant au niveau du pied, sauf pour des courtes distances (environ 50 m.). Avant l'accident, il faisait du ski, du trail et se déplaçait à moto, activités qu'il ne pouvait plus accomplir. Au niveau du ménage, il ne participait pas beaucoup aux tâches ménagères avant l'accident, sauf le dimanche; actuellement il l'aidait uniquement dans les taches assises (cuisine, étendre le linge, etc.).

Pour pouvoir accompagner son compagnon à ses soins, elle avait dû fermer pendant environ dix demi-journées l'épicerie fine qu'elle exploitait à I______ depuis 2012. A cette période de fin d'année, elle réalisait environ 40 à 45% de son chiffre d'affaires, qui était sauf erreur de l'ordre de EUR 120'000.- en 2014, pour un bénéfice annuel de EUR 20'000.- environ. Cette épicerie avait été fermée au printemps 2019. Avant l'accident, A______ avait déposé un dossier chez M______, mais elle-même ne connaissait pas la date d'ouverture du poste convoité chez W______ SA. Son compagnon avait alors reçu un téléphone de M______ et elle avait entendu parler d'un salaire de 5'000 fr. à 6'000 fr. par mois pour ce poste, sans savoir s'il s'agissait de salaire net ou brut.

g. A l'issue de l'audition des témoins, le Tribunal a ouvert une instruction sur expertise.

B______ SA a soumis au Tribunal une liste des questions qu'elle se proposait de poser à l'expert, portant en substance sur le diagnostic retenu, sur l'incidence de l'état de santé de A______ sur sa capacité de travail et d'effectuer des tâches ménagères, sur le lien de causalité naturelle entre l'accident du 24 novembre 2014 et l'état de santé du prénommé, ainsi que sur le traitement suivi par ce dernier.

A______ a pour sa part produit une liste de questions portant en substance sur le type d'emploi auquel il aurait pu prétendre en l'absence de l'accident, sur la date à laquelle il aurait pu trouver un tel emploi, sur le revenu prévisible y afférent, sur la date à laquelle il serait susceptible, compte tenu de l'accident, de recouvrer une capacité de gain dans un domaine où il disposait de chances de réinsertion sur le marché du travail genevois, ainsi que sur son revenu prévisible à ce moment et à l'avenir.

h. Par ordonnance du 18 septembre 2019, le Tribunal a ordonné l'établissement d'une expertise médicale de A______ et commis à cette fin le Dr X______, spécialiste en Chirurgie orthopédique et traumatologie. Il l'a chargé de répondre à différentes questions sur le diagnostic retenu, sur le traitement et l'évolution des troubles de santé de A______, sur le lien de causalité naturelle entre l'accident du 24 novembre 2014 et l'état de santé du prénommé, sur le type d'activité professionnelle qu'il pouvait envisager compte tenu de son état de santé et sur sa capacité de travail passée, actuelle et future.

Le Tribunal a notamment considéré que la détermination du type d'emploi auquel A______ aurait pu prétendre en l'absence de l'accident, soit notamment la question de savoir s'il aurait pu être engagé par W______ SA en qualité de gestionnaire de métaux, ne nécessitait pas de compétence scientifique particulière, mais dépendait du parcours professionnel antérieur de l'intéressé et devait être tranchée sur la base de témoignages et/ou des statistiques de l'emploi à Genève. La détermination du type d'emploi dans lequel il disposait de chances de réinsertion, au vu des séquelles de l'accident, était quant à elle de nature médicale, de sorte que l'expertise devait porter notamment sur cette question. La détermination du revenu prévisible dans un tel type d'emploi relevait cependant des statistiques de l'emploi à Genève et/ ou des éventuelles conventions collectives applicables, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'interroger l'expert sur ce point.

i. Secondé par le Dr Y______, le Dr X______ a rendu son rapport le 7 février 2020, répondant ainsi aux questions suivantes :

1. Quels sont les troubles de la santé dont A______ a souffert après la chute du 24 novembre 2014. Quels diagnostics peuvent être posés ?

"Monsieur A______ a souffert d'une fracture tri-malléolaire luxée de la cheville droite ayant nécessité une réduction fermée en urgence le 24 novembre 2014 aux HUG. Cette fracture a nécessité une prise en charge chirurgicale le 3 décembre 2014 sous forme d'une réduction ouverte et ostéosynthèse des malléoles interne, externe et postérieure aux HUG par le Dr Z______ et le Dr AA______."

2. Quelle a été l'évolution des troubles de la santé dont A______ a souffert après la chute du 24 novembre 2014. Quels diagnostics peuvent être posés ?

" L'évolution a été marquée par une algoneurodystrophie (CRPS sévère) du pied droit. Une ablation partielle du matériel d'ostéosynthèse au niveau de la malléole externe a été réalisée le 3 mars 2015 en raison du recul d'une vis aux HUG par le Dr Z______ puis de la plaque latérale dans son intégralité le 28 octobre 2016 en raison d'une gêne sur le matériel."

3. Quels sont les troubles de la santé dont A______ souffre actuellement ? Quels diagnostics peuvent être posés ?

"M. A______ souffre d'algoneurodystrophie du pied droit chronicisée. Il a de plus développé une gonalgie gauche ainsi que des lombalgies en lien avec une boiterie du membre inférieur droit."

4. Ces troubles de la santé et leur évolution à ce jour sont-ils en lien de causalité avec la chute du 24 novembre 2014 ? Si oui, ce rapport est-il qualifié de possible, vraisemblable, ou certain ?

"Oui, les critères de Budapest sont toujours remplis. De plus, le diagnostic a été validé par le PD Dr AB______ (N______) le 23 mars 2018 lors d'un consilium demandé par la SUVA. L'ensemble des soignants qui ont suivi Monsieur A______ se rangent également de cet avis. Le rapport de causalité est certain."

5. Le traitement suivi est-il adapté à son état de santé ? Existe-t-il un traitement plus adapté ?

"Oui. Tout comme le diagnostic, le traitement a été validé par le PD Dr AB______ (N______) et les experts.

Selon notre expérience, l'acupuncture apporte parfois un soulagement dans ce type de pathologie. ( )"

6. Dans quel(s) type(s) d'activité(s), A______ est-il capable de travailler ?

6.1    Pour chaque type d'activité envisageable, à quel degré (en pourcent) évaluez-vous sa capacité de travail, actuelle et passée ?

"Pour un travail de force, sa capacité de travail est nulle actuellement. Pour un travail sédentaire, nous l'évaluons à 50%. Avant l'accident, sa capacité de travail était complète."

6.2 En cas de limitation de sa capacité de travail, cette limitation découle-t-elle de la chute du 24 novembre 2014 ? si oui, en totalité ou seulement en partie ?

"Oui en totalité. A la connaissance des experts et à la lumière de la littérature, ce syndrome apparait de manière post-traumatique ou post-chirurgie. "

6.3 En cas de limitation de sa capacité de travail, cette limitation de travail est-elle définitive? En cas d'évolution probable, quel est le pronostic; ce pronostic est-il qualifié de possible, vraisemblable, ou certain ?

"La lecture du dossier ainsi que l'anamnèse prise auprès de Monsieur A______ montre une lente évolution de la situation grâce à la prise en charge médicale. On peut espérer une amélioration de sa capacité de travail. Il est toutefois difficile de formuler un pronostic quant à la vitesse d'évolution de sa capacité de travail et d'établir un cadre temporel ou un niveau d'amélioration."

j. Le Dr Y______ a confirmé la teneur du rapport susvisé lors de l'audience du 31 août 2020.

Il a précisé, s'agissant de la question 6.1, qu'était entendu par travail de force le fait d'être debout et de se déplacer en portant une charge. Un travail qui nécessiterait un appui prolongé sur la cheville, par exemple une activité où il faudrait marcher en permanence, ne serait pas non plus indiqué pour A______. Un travail administratif avec une prévisibilité des déplacements, notamment pour prendre des pauses, pouvait constituer un travail sédentaire.

S'agissant de la dernière question, A______ avait fait part d'une légère amélioration suite à la thérapie mise en place. Selon l'expérience de l'expert, le pourcentage d'amélioration était cependant extrêmement faible, de l'ordre de quelques pourcents. Selon lui, l'état de santé du patient était stabilisé, ainsi que l'avait déjà retenu la SUVA.

Un arrêt complet du traitement mis en place n'était par ailleurs pas souhaitable, mais ce traitement pourrait être moins intense sans que le patient n'en souffre. Pour lui, il était plus important de maintenir l'ergothérapie plutôt que la physiothérapie. Les médicaments pris par A______ n'avaient pas d'impact sur sa capacité de travail, sauf le dérivé morphinique qui pouvait engendrer des somnolences, des nausées ou des troubles de la concentration et pouvait impliquer de ne pas conduire. Sur le long terme, les patients pouvaient développer une certaine tolérance à ce type de médicament.

k. A l'issue de l'audience du 31 août 2020, sur interpellation du Tribunal, les parties ont indiqué qu'elles souhaitaient procéder par plaidoiries finales écrites.

Le Tribunal a prononcé la clôture des débats principaux, ordonné des plaidoiries finales écrites et imparti aux parties un délai pour déposer leurs dernières écritures.

l. Dans leurs plaidoiries finales écrites du 28 octobre 2020, les parties ont persisté dans leurs précédentes conclusions.

A réception de ces écritures, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le bâtiment propriété de B______ SA présentait un défaut lors de l'accident du 24 novembre 2014, ce qui n'était pas contesté. L'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre cet accident, l'incapacité de travail et les douleurs subies par A______ devait par ailleurs être admise. Les conditions de la responsabilité de B______ SA étaient ainsi réunies et seule la quotité du dommage devant être réparé demeurait litigieuse.

S'agissant de la perte de gain, A______ échouait à démontrer que l'accident l'avait empêché de commencer un emploi auprès de W______ SA. Il avait uniquement déposé son dossier auprès d'une agence de placement et le directeur de ladite agence avait témoigné ne pas se souvenir de ce qu'il avait fait appel à ses services, ni même qu'un tel poste était recherché à cette période. Sa compagne n'avait pas davantage pu donner de précisions sur la date d'ouverture du poste en question. Les allégations de A______ selon lesquelles il était convenu avec L______ SARL que son taux d'activité de 50% soit doublé en décembre 2014, dans l'hypothèse où il ne serait pas engagé chez W______ SA, n'étaient par ailleurs attestées par aucun témoignage ni aucun document écrit. La perte de gain ne s'élevait dès lors qu'à la différence entre le salaire perçu pour l'activité de coursier (2'254 fr. brut assurés, soit 2'067 fr. 80 net) et les indemnités versées par la SUVA (1'803 fr. 70 net pendant 32.25 mois), puis par l'AI (1'711 fr. 40 net pendant 28,1 mois), soit au total 18'532 fr.

Concernant les frais médicaux non couverts, il ressortait des pièces versées à la procédure que seules des sommes totalisant 128 fr. 35 (soit 34 fr. 40 et EUR 86.80) n'avaient pas été remboursées par l'assurance. A______ pouvait donc uniquement prétendre au paiement de ce total.

A propos des frais de transport, il ne pouvait être exigé de A______ qu'il recoure en toute circonstance aux transports publics pour se rendre à ses rendez-vous médicaux à Genève, compte tenu de son état de santé. Si des médecins et thérapeutes compétents pratiquaient certainement en France à proximité de son domicile, il fallait admettre qu'il ne pouvait lui être imposé de changer de thérapeutes après son hospitalisation et les premiers traitements mis en place à Genève après son accident. A______ pouvait dès lors prétendre au remboursement de ses frais de transport en voiture entre son domicile et Genève, arrêtés à 0 fr. 60 par kilomètre conformément aux recommandations n. 1/94 de la commission ad hoc sinistres LAA de l'Association suisse d'assurance, soit un montant de 10'396 fr. 50, frais de péage et de parking compris. Il pouvait également prétendre au remboursement de ses frais de transport en train et en bus, qui s'élevaient à 2'029 fr., ce qui portait le total des frais de transport dus à 12'425 fr. 50.

S'agissant de la participation aux frais de l'assistance juridique, les sommes réclamées ne constituaient pas un dommage pouvant faire l'objet d'une indemnisation séparée, puisque ces frais étaient liés à la présente procédure; leur sort devait dès lors être réglé dans le cadre des dépens.

La somme réclamée au titre de la participation aux frais d'hospitalisation laissée à la charge de l'assuré correspondait à des frais d'entretien (frais de bouche) que A______ aurait également dû supporter en l'absence d'accident. Par conséquent, cette somme ne pouvait pas faire l'objet d'un remboursement.

Les frais d'avocat encourus avant procès étaient dûment documentés et leur montant de 4'000 fr. n'était pas contesté. A______ pouvait dès lors prétendre à leur remboursement.

La compagne du prénommé avait confirmé avoir été contrainte de fermer son commerce pendant dix demi-journées environ pour accompagner celui-ci à des soins à Genève après l'accident. Selon ses indications, le bénéfice annuel dudit commerce s'élevait à EUR 20'000.-, ce qui correspondait à quelques EUR 40.- par demi-journée. En majorant ce montant de 100% pour tenir compte de la période de fin d'année, A______ pouvait à ce titre prétendre au remboursement de 1'428 fr. 40 pour onze demi-journées de fermeture.

S'agissant du préjudice moral, A______ avait subi une incapacité de travail totale pendant plus de 3 ans, puis de 50% depuis août 2018, et ne pouvait plus pratiquer d'activités de loisir ni se déplacer à moto. Au vu des sommes admises par la jurisprudence, l'atteinte portée à sa santé aurait justifié de lui allouer une somme supérieure au montant de 40'000 fr. réclamé à titre de réparation du tort moral; il convenait donc de lui allouer la totalité de cette dernière somme, sans déduction de l'éventuelle indemnité qui lui serait versée en application de la LAA.

Sous déduction de la somme de 50'000 fr. déjà versée, le solde des sommes dues à A______ s'élevait ainsi à 26'514 fr. Il n'y avait au surplus pas lieu de réduire les différents montants alloués à titre de réparation en raison d'une faute concomitante commise par le prénommé lors de l'accident. L'ouverture dans laquelle il était tombé n'était pas couverte, ni dûment signalée, et aucune barrière de chantier ne restreignait l'accès à la zone concernée. Il ne pouvait dès lors lui être reproché de s'être approché de l'immeuble pour adresser un signe par la fenêtre à un employé. Tout au plus pouvait-on lui reprocher de n'avoir pas accordé suffisamment d'attention à sa propre sécurité en ne regardant pas attentivement le sol pour éviter d'éventuels obstacles inattendus. Une telle imprudence ne pouvait toutefois être qualifiée que de très légère et ne justifiait pas de réduction des indemnisations octroyées.

Enfin, les frais judiciaires de la procédure de première instance devaient être arrêtés à 25'950 fr. et mis pour 80% à la charge de A______, qui obtenait gain de cause sur le principe de la responsabilité mais se voyait allouer moins de 10% de ses prétentions financières. Le précité plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais devait être laissée à la charge de l'Etat, qui pourrait en demander le remboursement ultérieurement. B______ SA devait quant à elle supporter le 20% restant des frais judiciaires, tandis que l'équité commandait de renoncer à l'allocation de dépens.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce,le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à plus de 400'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ) l'appel est recevable.

Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 CPC) et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable.

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties, A______ sera ci-après désigné comme l'appelant et B______ SA comme l'intimée.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             L'intimée produit à l'appui de son appel joint plusieurs pièces non soumises au Tribunal.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de première instance de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce les trois courriers de la SUVA produits par l'intimée devant la Cour, relatifs à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) perçue par l'appelant ont été rédigés antérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Le dernier courrier produit par l'intimée, daté du 9 février 2021, démontre cependant que celle-ci, soit pour elle son conseil, n'a pris connaissance de ces premiers courriers qu'après la date susvisée.

Il s'ensuit que l'intimée ne pouvait pas soumettre ces courriers de la SUVA au premier juge, même en faisant preuve de la diligence requise, et que l'ensemble de ces courriers, ainsi que les faits qu'ils attestent, sont aujourd'hui recevables, ce qui n'est pas contesté.

3.             L'appelant se plaint de plusieurs violations de son droit d'être entendu, et plus particulièrement de son droit à la preuve, en relation avec l'instruction de la présente cause. Il reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à l'audition de D______ et de E______ en qualité de témoins, de ne pas avoir adressé de demande de renseignements écrits à F______ et de ne pas avoir ordonné d'expertise visant à déterminer le type d'emploi qu'il aurait pu occuper en l'absence de son accident, ainsi que les revenus qu'il aurait pu tirer d'un tel emploi. Il sollicite préalablement que la Cour procède elle-même à de telles mesures d'instruction.

Ces moyens étant susceptibles de sceller le sort de l'appel, il convient de les examiner en priorité.

3.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend notamment pour l'intéressé celui de se déterminer avant que ne soit prise une décision touchant sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles, ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b).

3.1.1 Le droit à la preuve se déduit également de l'art. 8 CC et trouve désormais une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2;
138 III 374 consid. 4.3.1). Il confère au justiciable le droit de faire administrer les moyens de preuve adéquats qu'il propose régulièrement et en temps utile à l'appui de faits pertinents pour le sort du litige (ATF 140 I 99 consid. 3.4; 133 III 295 consid. 7.1; 129 III 18 consid. 2.6). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 141 I 60 consid. 3.3; 138 III 374 consid. 4.3.2; 129 III 18 consid. 2.6).

Le droit d'être entendu – dont le respect doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 140 III 1 consid. 3.1.1) – est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). En d'autres termes, si l'autorité précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation de sa décision demeure la règle, dans la mesure où les justiciables peuvent, en principe, se prévaloir de la garantie du double degré de juridiction (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et 2.7).

3.1.2 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves.

Elle renoncera toutefois à procéder elle-même à des vérifications et renverra la cause au premier juge lorsque l'instruction à laquelle celui-ci a procédé est incomplète sur des points essentiels (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC; ATF
138 III 374 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_417/2013 du 25 février 2014 consid. 5.2; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5 in fine et 5A_939/2012 du 8 mars 2013 consid. 4.2).

3.2 En l'espèce, il convient d'examiner séparément les différentes violations du droit d'être entendu invoquées par l'appelant.

3.2.1 S'agissant du témoin D______, le Tribunal n'a pas indiqué, ni dans son ordonnance du 11 janvier 2019, ni dans le jugement entrepris, les raisons pour lesquelles il convenait de renoncer à l'audition de cette personne en relation avec l'éventuel engagement de l'appelant auprès d'une manufacture horlogère. Dans sa décision finale, le Tribunal a considéré que les témoins V______, directeur de l'agence M______ au moment des faits, et G______, compagne de l'appelant, n'avaient pas pu confirmer qu'un poste susceptible d'être occupé par l'appelant dans une telle entreprise, était recherché durant la période concernée, de sorte que celui-ci échouait à démontrer qu'il aurait pu occuper un tel poste si l'accident litigieux n'était pas survenu. S'il est exact que les souvenirs des témoins susvisés étaient flous, il convient d'observer que l'appelant avait indiqué, à l'audience précédant le prononcé de l'ordonnance du 11 janvier 2019, que c'était D______ qui était son interlocutrice auprès de l'agence M______ et que celle-ci l'avait appelé durant son hospitalisation pour le convier à un entretien en vue d'un poste de gestionnaire de métaux précieux. Au vu de ces allégations, le Tribunal ne pouvait valablement renoncer à l'audition de ce témoin que s'il estimait, par une appréciation anticipée des preuves, que l'audition dudit témoin ne serait pas non plus susceptible d'apporter la preuve du fait que l'appelant disposait concrètement de la perspective d'être engagé par une manufacture horlogère à l'époque de l'accident. Dans le jugement entrepris, le Tribunal n'a cependant pas retenu que l'appelant échouerait à démontrer qu'il aurait pu obtenir le poste convoité, même si un tel poste était recherché et s'il avait eu un entretien à cette fin avec W______ SA; le premier juge n'a pas non plus tenu un raisonnement impliquant que l'audition de D______ ne se justifiait pas pour un autre motif. Ce faisant, le Tribunal a effectivement violé le droit à la preuve de l'appelant et, partant, son droit d'être entendu au sens des dispositions et principes rappelés ci-dessus.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, le seul fait que l'appelant n'ait pas expressément persisté à requérir l'audition du témoin susvisé à l'issue de l'instruction ne permet par ailleurs pas de retenir qu'il aurait renoncé à cette audition. Vu l'absence de motivation du refus de celle-ci, l'appelant pouvait en effet de bonne foi inférer que ce refus se fondait sur une appréciation anticipée des preuves selon laquelle l'audition du témoin en question serait nécessairement sans incidence sur l'issue du litige. Or, il découle de ce qui précède que tel n'est pas le cas.

Le jugement entrepris doit dès lors être annulé sur ce point et la cause retournée au Tribunal afin qu'il procède à l'audition du témoin susvisé ou, s'il estime que cette audition n'est pas nécessaire, qu'il en expose le cas échéant les motifs dans une nouvelle décision au fond, et ce afin de respecter le principe du double degré de juridiction sur un aspect essentiel de la demande.

3.2.2 Le Tribunal n'a pas non plus indiqué les raisons pour lesquelles il a renoncé à l'audition du témoin E______, telle que sollicitée par l'appelant. Dans le jugement entrepris, il a seulement considéré que les allégations de l'appelant selon lesquelles il était convenu que son taux d'activité de coursier serait doublé au début de l'année 2015, s'il ne trouvait pas dans l'intervalle un emploi dans une manufacture horlogère, n'étaient pas établies, ni par témoignage, ni par pièce. Or, cette dernière appréciation fait fi du courrier du 23 juin 2016 produit par l'appelant en première instance, dans lequel E______ énonce avoir eu l'intention d'augmenter le taux d'activité de l'appelant à compter du mois d'avril 2015, si l'accident litigieux n'était pas survenu. Si le Tribunal estimait que cette pièce était impropre à vérifier le fait concerné, notamment parce que la force probante d'un tel témoignage écrit demeure limitée si elle n'est pas corroborée par d'autres moyens de preuve (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_723/2017 du 17 décembre 2018 consid. 7.4.2), il lui incombait précisément d'entendre son auteur comme témoin, comme le sollicitait l'appelant pour étayer ses allégations susvisées. Le premier juge ne pouvait notamment pas retenir, sans procéder à cette audition, que l'appelant échouait à démontrer une future augmentation de son taux d'activité, ni que ses revenus seraient durablement cantonnés à ceux qu'il réalisait en qualité de coursier à temps partiel. Ce faisant, le Tribunal a là aussi violé le droit à la preuve de l'appelant et, pour cette raison également, la cause doit lui être retournée pour instruction et nouvelle décision sur les prétentions de l'appelant au titre de la perte de gain.

3.2.3 C'est en revanche à tort que l'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir adressé de demande de renseignements écrits à F______, comptable s'occupant de l'épicerie tenue par sa compagne. Comme l'a retenu le premier juge dans son ordonnance du 11 janvier 2019, on ne voit notamment pas en quoi on ne pourrait exiger de l'appelant qu'il obtienne lui-même les renseignements écrits souhaités auprès de la personne concernée, cas échéant par le biais de sa compagne. L'appelant ne produit aucune pièce indiquant qu'il aurait tenté en vain d'obtenir du comptable susvisé davantage de renseignements que n'en contient l'attestation du précité versée à la procédure; au cours de son témoignage, sa compagne n'a pas fait état d'une telle démarche. Par conséquent, aucune violation du droit à la preuve de l'appelant ne peut être retenue sur ce point et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de renseignements requise, ni d'inviter le Tribunal à ordonner une telle mesure en vue de sa prochaine décision.

3.2.4 L'appelant reproche également à tort au Tribunal de ne pas avoir ordonné d'expertise visant à déterminer abstraitement le type d'emploi qu'il aurait pu occuper en l'absence de l'accident et les revenus qu'il aurait pu tirer d'un tel emploi. L'expertise visée aux art. 183 ss CPC vise en effet à établir des faits et non à émettre des hypothèses ou des conjectures. Comme l'a retenu le Tribunal dans son ordonnance du 11 janvier 2019, la détermination de l'éventuel emploi que l'appelant aurait pu occuper doit être examinée sur la base de la formation et du parcours professionnel de l'appelant, ainsi que sur celle des statistiques officielles s'agissant notamment de la rémunération associée. Cette détermination relève pour le surplus de l'appréciation en droit, qui échoit à la seule compétence du juge et non à celle de l'expert. Le Tribunal n'a dès lors pas violé le droit à la preuve de l'appelant en refusant d'ordonner une telle expertise et il n'y a pas lieu de conduire une telle mesure d'instruction à ce stade, ni d'inviter le Tribunal à y procéder avant sa prochaine décision.

3.2.5 L'appelant observe enfin à juste titre que le Tribunal ne lui a pas alloué de sommes au titre de dommage de rente LPP nonobstant l'allocation d'une indemnité pour perte de gain, alors qu'il concluait expressément au paiement d'un supplément de 10% à ce premier titre. Le Tribunal n'a pas davantage motivé ce refus, ce qui constitue également, à tout le moins, une violation du droit d'être entendu de l'appelant, dès lors que l'on ignore si le rejet des prétentions de l'appelant sur ce point est délibéré ou non. Partant, il convient d'inviter le Tribunal à examiner expressément, dans sa prochaine décision relative à la perte de gain subie par l'appelant, l'éventuelle perte de rente découlant de ladite perte de gain (ou comprise dans celle-ci).

4.             L'annulation du chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, qui a statué globalement sur l'ensemble des prétentions de l'appelant, et le renvoi de la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision sur la question de la perte de gain et de la perte de rente, ne dispensent pas la Cour d'examiner le sort des autres prétentions de l'appelant, qui demeurent litigieuses et sont en état d'être jugées.

En l'occurrence, le principe de la responsabilité de l'intimée en tant que propriétaire d'immeuble (art. 58 al. 1 CO), l'existence d'un défaut d'entretien, ainsi que l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre ce défaut et le préjudice subi par l'appelant, ne sont pas contestés. L'appelant ne remet en cause que la quotité des montants alloués par le Tribunal en relation avec divers postes de son préjudice, tandis que l'intimée conteste que les sommes dues ne soient pas intégralement couvertes par les indemnités déjà versées; elle soutient en outre que l'indemnisation doit être réduite en raison d'une faute concomitante commise par l'appelant.

Ces questions seront donc successivement examinées ci-dessous.

5.             5.1 Aux termes de l'art. 46 al. 1 CO, la victime de lésions corporelles a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique.

5.1.1 Les frais concernés sont les dépenses que le lésé doit encourir à la suite de la lésion. Ils couvrent aussi bien les frais actuels que les frais futurs, dans la mesure où on peut les prévoir. On comprend dans ce poste les frais de traitement (ambulance, hôpital, médecin, médicaments, cure, physiothérapie, prothèses, etc.), pour autant qu'ils soient justifiés d'un point de vue médical. Cette limite n'exclut pas que le responsable doive assumer le remboursement d'un traitement inadéquat, lorsqu'on ne peut pas immédiatement identifier le traitement optimal (Werro/Perritaz in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd., 2021, n. 5 ad art. 46 CO, avec réf.).

Sont également compris les autres frais, que le lésé n'aurait pas eu à supporter s'il n'avait pas subi d'atteinte. En font partie notamment les frais de défense, d'expertise, de soins et d'assistance à domicile, y compris, dans certains cas, les frais de déplacement des proches rendant visite à la victime. De même, le surcroît de dépenses résultant du fait que la victime a dû louer un logement plus cher ou acquérir des moyens supplémentaires (p.ex. en cas de paralysie) doit être réparé. Lorsque la victime séjourne en milieu hospitalier, on doit déduire les frais d'entretien épargnés de ce fait de la facture d'hôpital (Werro/Perritaz, loc. cit.).

S'agissant des soins à domicile, ceux qui sont le fait des proches font partie du dommage: fournis pour favoriser la victime, et non le responsable, ils ne constituent pas des prestations de tiers que le principe de l'imputation des avantages exigerait de diminuer du montant de la créance du lésé. Lorsqu'un membre de la famille interrompt son activité lucrative, le dommage d'assistance correspond en principe au gain manqué de cette personne, à moins que celui-ci ne dépasse considérablement le coût de l'engagement d'une aide extérieure (Werro/ Perritaz, op. cit., n. 6 ad art. 46 CO).

5.1.2 La preuve de l'existence du dommage et de sa quotité incombe au demandeur (art. 8 CC et 42 al. 1 CO; Werro, La responsabilité civile, 3ème éd., 2017, n. 1079). En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l'art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait pertinent. Lorsque le demandeur introduit une action en dommages-intérêts, il doit alléguer et prouver tous les faits constitutifs de responsabilité. Il supporte le fardeau de la preuve de chacun de ces faits pertinents, ce qui signifie que si le juge ne parvient pas à une conviction, n'est pas à même de déterminer si chacun de ces faits s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au détriment du lésé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.3 et les références citées).

Dans certaines circonstances, l'art. 42 al. 2 CO autorise le juge à statuer sur l'existence et la quotité du dommage ex aequo et bono, en considération du cours ordinaire des choses. L'allègement du fardeau de la preuve que consacre cette disposition étant d'application restrictive, le lésé est tenu de fournir, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant d'évaluer en équité sa quotité; les circonstances alléguées doivent ainsi faire apparaître un préjudice comme pratiquement certain, une simple possibilité étant insuffisante pour l'allocation de dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2013 du 3 octobre 2013 consid. 7.1.2). Lorsque le créancier ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir les éléments utiles à ces estimations, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée; il est alors déchu du bénéfice de cette disposition, quand bien même l'existence d'un dommage serait certaine (arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4, in SJ 2013 I p. 487).

5.2 En l'espèce, en dehors de la perte de gain et de la perte de rente dont l'examen est renvoyé au Tribunal, les postes pertinents du dommage subi par l'appelant se présentent comme suit:

5.2.1 S'agissant des frais médicaux et de matériel médical non couverts, l'appelant fait grief au Tribunal de n'avoir retenu qu'un montant de 128 fr. 35 sur un total de frais allégués de 1'009 fr. 90 (aux termes de ses conclusions initiales et de ses conclusions amplifiées).

Comme le Tribunal, la Cour constate cependant qu'à teneur des pièces produites et des listings établis par l'appelant lui-même, seuls des frais de cannes anglaises pour 34 fr. 40 et EUR 86.80 ont été effectivement laissés à la charge de l'appelant par son assurance accident. Les allégations de l'appelant selon lesquelles il ne ferait aucun doute que le solde des autres frais était également à sa charge ne sont étayées par aucun élément probant. Contrairement à ce qu'il soutient, il ne s'agit pas de lui imposer la preuve d'un fait négatif; s'il est vrai que la prise en charge des frais médicaux par une assurance peut être présumée, il incombe à l'appelant d'établir non pas l'absence de remboursement par celle-ci, mais le refus de l'assurance de couvrir les frais en question, ce qui peut être fait par pièces, comme pour les frais de cannes anglaises susvisés.

Or, en l'occurrence, l'appelant échoue à rapporter une telle preuve. Il sera donc retenu que l'intimée reste lui devoir la somme de 128 fr. 35 susvisée à ce titre, plus intérêts dès le 24 novembre 2014, somme que l'intimée ne conteste pas en tant que telle.

5.2.2 En ce qui concerne les frais de transport et de déplacement, le nombre et la nécessité des trajets comptabilisés par l'appelant pour se rendre auprès de ses médecins à Genève et à la Clinique N______ ne sont pas contestés.

L'appelant reproche seulement au Tribunal de ne pas avoir estimé le coût de ses trajets en voiture entre I______ et Genève à l'équivalent de EUR 90.- par aller-retour (soit EUR 1.- par kilomètre, frais de péage et de parking non compris), comme il l'indiquait, mais à 54 fr. par aller-retour, soit une indemnité de 0 fr.60 par kilomètre, conformément aux recommandations de la commission ad hoc sinistres LAA de l'Association AC______, particulièrement à la directive n. 1/94 édictée par ladite commission. Ceci a conduit le Tribunal à n'allouer à l'appelant qu'une somme de 12'425 fr. 50 sur le total de 20'580 fr. environ réclamé pour ses frais de déplacement (selon ses conclusions initiales et ses conclusions amplifiées).

Comme le Tribunal, la Cour constate que l'appelant n'a jamais allégué ni étayé par pièces le détail des frais kilométriques qu'il invoque (carburant, usure, amortissement, etc.) pour parvenir au montant réclamé de EUR 90.- par aller-retour. Or ce montant paraît à tout le moins élevé. Dans ces conditions, le premier juge comme la Cour peuvent librement se référer à la directive susvisée de [l'association] AC______, afin de déterminer l'indemnité due conformément à l'art. 42 al. 2 CO. Si cette directive émane certes d'un organisme privé et n'a pas force de loi, comme le relève l'appelant, elle est néanmoins publiquement accessible sur internet et les montants qu'elle prévoit pour les transports concernés sont adéquats, notamment en cas de transport transfrontalier. On relèvera que l'application de l'indemnité kilométrique prévue par cette directive, pour un résultat de 54 fr. par trajet, est notamment plus favorable à l'appelant que le forfait prévu par les normes genevoises d'insaisissabilité, par exemple (actuellement de 55 fr. par mois, indépendamment des distances parcourues, cf. RS Ge E 3 60.04).

Par conséquent, la Cour retiendra comme le Tribunal que l'intimée reste devoir à l'appelant la somme de 12'425 fr. 50 à titre d'indemnité pour ses frais de transport et de déplacement, plus intérêts dès la date moyenne du 31 août 2015, somme que l'intimée ne conteste pas en tant que telle.

5.2.3 La décision du Tribunal de trancher la question des frais de participation à l'assistance juridique dans le cadre de sa décision sur les frais de la procédure n'est pas contestée par les parties. Compte tenu de l'annulation du chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris et du renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, la décision susvisée sur les frais (ch. 2 et 3 du dispositif) sera également annulée et le Tribunal devra trancher globalement la question des frais de première instance, comprenant la participation de l'appelant aux frais de l'assistance juridique.

5.2.4 S'agissant des frais d'hospitalisation, l'appelant reproche au Tribunal de ne pas lui avoir alloué le remboursement des déductions opérées sur ses indemnités journalières lors de ses séjours à l'hôpital, soit un montant de 533 fr. 25.

Comme le Tribunal, la Cour constate que ces déductions correspondent aux frais d'entretien que l'appelant a épargnés en raison de son hospitalisation. Or, il est conforme aux principes rappelés sous consid. 5.1.1 ci-dessus que ces frais soient retranchés du préjudice à indemniser. La décision entreprise doit donc être confirmée sur ce point et il ne sera pas donné suite aux conclusions de l'appelant tendant au paiement du montant de 533 fr. 25 susvisé.

5.2.5 Le principe de l'indemnité due pour les soins prodigués à l'appelant par sa compagne n'est pas contesté.

L'appelant critique le calcul opéré par le Tribunal, qui a considéré que l'intéressée tirait de son commerce un bénéfice de EUR 20'000.- par an, selon son témoignage, soit environ EUR 40.- par jour. Il convenait ensuite de doubler ce chiffre en raison de la période de fin d'année, pour arriver à une perte totale de 1'428 fr. 40 pour onze demi-journées de fermeture. L'appelant conclut pour sa part au paiement d'une somme de 14'108 fr. 90 à ce titre, correspondant selon lui au bénéfice manqué résultant de l'attestation comptable versée à la procédure.

Au cours de son témoignage, la compagne de l'appelant a également indiqué qu'elle réalisait à l'époque un chiffre d'affaires de EUR 120'000.- par an, dont 40% à 45% durant la période des fêtes de fin d'année. On peut donc estimer qu'elle réalisait un chiffre d'affaire d'environ EUR 50'000.- durant le dernier mois de l'année. A raison de vingt-et-un jours d'ouverture durant le mois concerné, ceci donne un chiffre d'affaires d'environ EUR 2'380.- par jour ou EUR 1'190.- par demi-journée. Ce chiffre est en l'espèce très proche de celui résultant de l'attestation établie par le comptable de l'intéressée et versée à la procédure, laquelle fait état d'une perte de chiffre d'affaires (et non de bénéfice) de EUR 1'200.- HT par demi-journée de fermeture durant la période concernée.

En l'absence d'autres indications, il faut donc retenir que la compagne de l'intéressé réalisait également 40% à 45% de son bénéfice annuel, qui selon son témoignage s'élevait à EUR 20'000.- environ, durant le dernier mois de l'année, soit environ EUR 8'500.- (EUR 20'000 x 42,5%). Réparti sur vingt-et-un jours d'ouverture, soit quarante-deux demi-journées, ce bénéfice devait représenter environ EUR 202.38 par demi-journée (EUR 8'500.- / 42). Il représente donc un gain manqué de EUR 2'226.20 pour onze demi-journées (EUR 202.38 x 11), correspondant à 2'408 fr. 75 au taux de 1.082 admis par les parties.

Partant, la Cour fera partiellement droit aux conclusions de l'appelant sur ce point et retiendra que l'intimée reste lui devoir la somme de 2'408 fr. 75 à ce titre, plus intérêts dès le 1er janvier 2015.

5.2.6 Le Tribunal a alloué à l'appelant le plein de ses conclusions relatives aux frais d'avocat encourus avant procès. Cette décision n'est pas remise en cause par les parties.

La Cour retiendra donc que l'intimée reste devoir à l'appelant le montant correspondant, soit 4'000 fr., plus intérêts dès le 2 novembre 2016, date du dépôt de la demande.

6.             Les parties ne contestent pas le montant de l'indemnité pour tort moral allouée par le Tribunal à l'appelant, soit 40'000 fr., ce qui correspond aux prétentions de celui-ci à ce titre.

Sur appel joint, l'intimée sollicite toutefois que le montant de cette indemnité soit partiellement compensé avec l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique (IPAI) de 18'900 fr. dernièrement perçue par celui-ci, et ce avant déduction de l'autre somme de 50'000 fr. déjà versée de l'ensemble des sommes qui lui sont allouées.

6.1 Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte des circonstances, allouer une indemnité équitable à la victime de lésions corporelles à titre de réparation morale.

6.1.1 L'indemnité pour tort moral a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 132 III 117 consid. 2.2.2; 123 III 306 consid. 9b).

L'indemnité pour tort moral est une prétention de nature civile. Dès lors, le fardeau de la preuve des faits déterminants incombe au demandeur (art. 8 CC; ATF 114 II 289 consid. 2a; SJ 2001 I 555).

6.1.2 La LAA prévoit le versement à l'assuré d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) lorsque celui-ci souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique ou mentale (art. 24 al. 1 LAA). Cette indemnité, qui s'élève en règle générale au pourcentage indiqué du montant maximum du gain assuré (cf. annexe 3 OLAA), est de même nature que l'indemnité versée à titre de réparation morale fondée sur le CO (cf. art. 74 al. 2 let. e LPGA). Elle se distingue toutefois du tort moral dans la mesure où elle ne prend pas en compte les souffrances ressenties par la victime. La réparation n'est donc que partielle, les aspects subjectifs étant exclus (Werro, La responsabilité civile, 3ème éd., Berne, 2017, p. 406 n. 1439).

Parmi les circonstances impliquant une réduction de l'indemnité, il convient de tenir compte de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité versée par les assurances, qui vient en déduction de l'indemnité pour tort moral versée au lésé par la personne responsable (ATF 141 III 97 consid. 11.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_543/2014 du 30 mars 2015 consid. 11.4; Guyaz, Le tort moral en cas d'accident; mise à jour, in SJ 2013 II 215, p. 260).

L'indemnité pour atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 LAA est en effet de même nature que l'indemnité à titre de réparation morale (art. 74 al. 2 let.e LPGA) et tombe de ce fait sous le coup de la subrogation instituée en faveur de l'assureur social (ATF 123 III 306 consid. 9b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_631/2017 du 24 avril 2018 consid. 4.1). Le lésé perd ainsi ses droits contre le tiers responsable (ou son assurance responsabilité civile), à concurrence de la prétention subrogatoire de l'assureur social. Ce mécanisme tend à éviter une surindemnisation du lésé (ATF 131 III 360 consid. 6.1; 124 V 174 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_631/2017 du 24 avril 2018 consid. 4.1 et les références citées).

6.2 En l'espèce, il est conforme aux principes rappelés ci-dessus que l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) perçue par l'appelant, dont le versement est aujourd'hui acquis, soit déduite de l'indemnité qui lui est due en application de l'art. 47 CO, dont elle couvre la composante objective.

Lorsqu'il soutient que son préjudice moral serait en réalité plus élevé que le montant de 40'000 fr. réclamé et alloué en première instance, de sorte que l'indemnité IPAI susvisée ne devrait pas être déduite de ce montant, l'appelant se prévaut de facto aujourd'hui d'un élément nouveau, soit précisément du fait que l'indemnité réclamée en application de l'art. 47 CO ne suffirait pas à couvrir son préjudice moral. Or, devant le Tribunal, l'appelant indiquait pourtant en dernier lieu qu'une indemnité de 40'000 fr. lui paraissait "pleinement justifiée" pour compenser l'important tort moral qu'il subissait (cf. plaidoiries finales écrites, p. 36 in fine). Devant la Cour, il n'invoque aucune circonstance nouvelle ayant pu aggraver son préjudice moral dans l'intervalle; il ne se prévaut pas davantage d'une circonstance préexistante dont il ignorait de bonne foi l'existence, qui l'aurait empêché de connaître et de faire valoir d'emblée la totalité dudit préjudice moral (cf. art. 317 al. 1 let. a CPC). Partant, l'appelant est aujourd'hui forclos à se prévaloir d'un préjudice moral supérieur et à amplifier implicitement ses conclusions sur ce point, afin que l'indemnité pout atteinte à l'intégrité (IPAI) ne soit pas déduite de l'indemnité lui revenant en application de l'art. 47 CO.

S'il est vrai que le Tribunal a envisagé que le tort moral subi par l'appelant puisse être d'un montant supérieur, de sorte que l'éventuelle indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) qui lui serait versée ne devait pas être déduite du montant alloué à titre de réparation du tort moral, force est de constater que l'appelant a clairement chiffré ses conclusions et choisi d'arrêter ses prétentions à ce titre à 40'000 fr. pour la totalité du préjudice subi. Dès lors que le versement d'une indemnité IPAI est aujourd'hui acquis et que le montant de celle-ci est connu, le raisonnement du Tribunal ne peut être suivi sans statuer ultra petita, ce qui n'est pas admissible.

Par conséquent, la Cour retiendra que l'intimée reste devoir à l'appelant la somme de 21'100 fr. (40'000 fr. – 18'900 fr.) à titre d'indemnité pour le tort moral subi. Conformément aux conclusions de l'appelant, cette somme portera intérêts dès la date du prononcé du jugement entrepris, soit dès le 10 décembre 2020.

6.3 Avant de statuer sur les sommes dues à l'appelant, il convient d'examiner encore si ces sommes sont susceptibles d'être réduites, comme le soutient l'intimée.

7.             Sur appel joint, l'intimée reproche au Tribunal de n'avoir pas réduit le montant des différentes indemnités allouées à l'appelant en raison de la faute concomitante commise par celui-ci.

7.1 A teneur de l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. Cette disposition ne dédouane pas l'auteur de sa responsabilité mais permet au juge de réduire, voire de supprimer les dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2018 du 3 avril 2019 consid. 6.1).

Une faute concomitante du lésé doit être retenue si ce dernier, par son comportement, a contribué dans une mesure importante à créer ou à aggraver le dommage alors que l'on aurait pu attendre raisonnablement de tout tiers se trouvant dans la même situation qu'il prenne des mesures de précaution, susceptibles d'écarter ou de réduire ce dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_124/2007 du 23 novembre 2007 consid. 5.4.1).

Le Tribunal fédéral admet qu'une faute légère de la victime exclut en principe une réduction des dommages-intérêts. La règle n'est cependant pas absolue. Il appartient au juge d'apprécier, au regard de l'ensemble des circonstances, si une telle faute doit ou non conduire à une réduction de l'indemnité. Lorsque la disproportion entre la faute légère de la victime et la grave négligence commise par le responsable est manifeste, on admet en principe la réparation intégrale du dommage (ATF 132 III 249, consid. 3.5, JdT 2006 I 468; 113 II 323, consid. 2b, JdT 1988 I 693; 112 II 450, consid. 4; Werro/Perritaz, op. cit. n. 17 ad art. 44 CO).

Lorsque la responsabilité de l'auteur est de nature objective et que le responsable a aussi commis une faute, le juge doit en tenir compte en tant que faute additionnelle. Plus cette faute est grande, plus la faute concomitante de la victime perd de son importance (ATF 132 III cité consid. 3.5, Werro/Perritaz, op. cit. n. 18 ad art. 44 CO). Il incombe au débiteur qui invoque une faute concurrente du lésé de l'établir (art. 8 CC; ATF 112 II 439 consid. 2; 108 II 64 consid. 3).

7.2 En l'espèce, il est établi que l'appelant était chargé d'effectuer, le jour de l'accident, une livraison dans l'immeuble de bureaux dont l'intimée est propriétaire à H______, où il a trouvé porte close. Si l'intimée indique que l'appelant a choisi de longer sans autorisation la façade dudit immeuble pour signaler sa présence à des personnes se trouvant à l'intérieur, elle ne conteste pas que la bordure de l'immeuble fût alors librement accessible depuis la voie publique, ni que le chantier pour lequel une ouverture avait été pratiquée dans la grille de sol litigieuse n'était gardé par aucune barrière. Comme l'a retenu le Tribunal, on ne saurait dès lors considérer que l'appelant a commis une faute en adoptant le comportement susvisé.

L'intimée ne conteste pas davantage que l'ouverture pratiquée dans la grille susvisée n'était elle-même pas signalée, ni sécurisée d'une quelconque manière. Contrairement à ce qu'elle soutient, rien ne permet d'affirmer que tout tiers placé dans la situation de l'appelant aurait nécessairement, en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances, remarqué la présence de l'ouverture découpée dans la grille litigieuse et contourné celle-ci en conséquence. Des doutes subsistent quant à la visibilité de l'ouverture en question, placée en bordure de façade, et l'appelant ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'une telle ouverture ait été pratiquée dans la grille concernée.

A supposer qu'un défaut d'attention puisse être néanmoins reproché à l'appelant, l'importance de celui-ci ne pourrait en tous les cas être que minime par rapport à la faute commise par l'intimée (ou par les auxiliaires dont celle-ci répond). Il aurait en effet été facile et nécessaire pour l'intimée de signaler la présence de l'ouverture susvisée par des mesures appropriées telles que des banderoles ou des cônes de chantier, ou de recouvrir ladite ouverture par une planche aux dimensions adéquates. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la disproportion entre les manquements aux règles élémentaires de prudence commis par l'intimée, d'une part, et l'éventuelle faute concomitante pouvant être reprochée à l'appelant, sous forme d'un léger défaut d'attention, excluent en tous les cas une réduction de l'indemnisation due à l'appelant.

Partant, il n'y a pas lieu de réduire les montants déterminés ci-dessus en faveur de l'appelant et ceux-ci restent pleinement dus.

8.             Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision sur certaines prétentions de l'appelant, il sera à ce stade uniquement statué sur le sort des prétentions restantes. L'intimée sera ainsi condamnée à payer à l'appelant les montants arrêtés aux consid. 5 et 6 ci-dessus, avec intérêts à compter des dates fixées.

Afin que l'appelant ne soit pas privé de la possibilité d'imputer la somme de 50'000 fr. déjà perçue en priorité sur les intérêts échus, comme l'art. 85 al. 1 CO l'y autorise, y compris sur les intérêts des indemnités pour perte de gain et dommage de rente dont le sort reste à fixer, la Cour renoncera à opérer à ce stade la déduction de ladite somme des montants arrêtés ci-dessus. Il sera seulement prononcé que les montants alloués à l'appelant sont dus sous déduction des 50'000 fr. versés entre les mois de janvier et décembre 2016, un décompte final ne pouvant être opéré à ce stade.

9.             9.1 Au vu du renvoi de la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision, la décision du premier juge sur les frais sera annulée et il lui incombera de régler le sort de l'ensemble des frais de première instance, y compris sur la participation de l'appelant aux frais de l'assistance juridique, au vu de l'issue globale du litige.

9.2 Les frais judiciaires de l'appel et de l'appel joint seront arrêtés à 6'800 fr. au total (art. 17 et 35 RTFMC) et mis pour moitié à la charge de chacune des parties, qui succombent toutes deux partiellement (art. 105 al. 1, art. 106 al. 2 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de 1'800 fr. fournie par l'intimée, qui demeure acquise à l'Etat, et celle-ci sera condamnée à verser le montant de 1'600 fr. restant (art. 111 al. 1 CPC). L'appelant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais judiciaires sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat, qui pourra en demander le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 al. 1 CPC et 19 RAJ).

Au vu de l'issue du litige devant la Cour, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et d'appel joint (art. 106 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 26 janvier 2021 par A______ contre le jugement JTPI/15323/2020 rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21308/2016.

Déclare recevable l'appel joint formé par B______ SA contre ce même jugement.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Condamne B______ SA à payer à A______ les sommes de 128 fr. 35 plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2014, de 2'408 fr. 75 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015, de 12'425 fr. 50 plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2015, de 4'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 2 novembre 2016 et de 21'100 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 2020.

Dit que ces sommes sont dues sous déduction d'une somme totale de 50'000 fr. versée par B______ SA à A______ entre les mois de janvier et de décembre 2016.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision sur le solde des prétentions de A______ au titre de la perte de gain et du dommage de rente, dans le sens des considérants.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel et de l'appel joint à 6'800 fr. au total, les met à la charge de A______ et de B______ SA pour moitié chacun et les compense partiellement avec l'avance de frais de 1'800 fr. fournie par B______ SA, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SA à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'600 fr. à titre de solde des frais judiciaires d'appel et d'appel joint.


 

Dit que la somme de 3'400 fr. due par A______, qui plaide au bénéfice de l'assistance juridique, est provisoirement supportée par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'Assistance juridique.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel et d'appel joint.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.