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Décisions | Chambre civile

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C/22544/2015

ACJC/912/2021 du 09.07.2021 sur JTPI/8404/2020 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22544/2015 ACJC/912/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 9 JUILLET 2021

 

Entre

A______ LTD,

B_______ LTD,

C_______ LTD,

sises c/o D______ (CAYMAN) LTD, ______, Cayman Islands, appelantes toutes trois contre un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2020, comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elles font élection de domicile,

et

E______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8404/2020 du 29 juin 2020, notifié aux parties le 3 juillet 2020, le Tribunal de première instance, statuant sur reddition de compte, a condamné [la banque] E______ à remettre [aux fonds de placement] A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD, d'ici au 31 décembre 2020, en relation avec les relations bancaires n° 1______, 2______, respectivement 3______, les relevés de portefeuille au 28 avril 2010, 7, 11 et 28 mai 2010 ainsi qu'au 10 juin 2010, les relevés mensuels des comptes du 9 décembre 2008 au 31 mars 2010, les avis d'opérations établis du 9 décembre 2008 au 31 mars 2010, ainsi que les instructions données à F______ (SUISSE) SA du 9 décembre 2008 au 31 décembre 2015 en lien avec les opérations effectuées sur les comptes bancaires et les portefeuilles desdites relations bancaires (chiffres 1 à 3 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 10'000 fr., mis à charge des parties défenderesses et demanderesse pour moitié chacune, condamné en conséquence A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD, conjointement et solidairement, ainsi que E______ à verser 5'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5), ordonné la libération des sûretés de 10'000 fr. en faveur de A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD (ch. 6), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte déposé le 3 septembre 2020 au greffe de la Cour, A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD interjettent appel contre ce jugement, dont elles sollicitent l'annulation des chiffres 1 à 3 du dispositif, notamment en tant qu'ils impartissent un délai au 31 décembre 2020 à E______ pour produire les documents listés, ainsi que l'annulation des chiffres 4 à 7 dudit dispositif. Cela fait, elles concluent, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour ordonne à E______ de leur fournir, dans un délai de 30 jours, les documents suivants:

(a) la demande d'autorisation d'exercice de l'activité bancaire de F______ (SUISSE) SA et la demande d'autorisation de prise de contrôle de G______ SA par le groupe F______ telles que formées auprès de la FINMA;

(b) la demande d'autorisation pour la prise de contrôle de G______ SA et l'implantation d'une filiale bancaire en Suisse, telles que formées par le groupe F______ auprès de la Commission bancaire chinoise;

(c) les directives internes relatives au traitement des conflits d'intérêts des membres du conseil d'administration, de la direction et des employés de F______ (SUISSE) SA;

(d) la décision d'autorisation de la FINMA concernant les nouveaux dirigeants de F______ (SUISSE) SA à la suite du départ de H______ en avril 2010;

(e) pour chacun des comptes ouverts par les trois Fonds A______/B______/
C______, (i) les relevés de portefeuilles des 28 avril 2010, 7, 11 et 28 mai 2010, 10 et 30 juin 2010, (ii) les relevés de comptes du 9 décembre 2008 au 31 mars 2010 pour les trois relations bancaires, ainsi que les relevés de comptes du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012 pour la relation n° 1______, du 1er juin 2010 au 11 décembre 2012 pour la relation n° 2______ et du 1er juin 2010 au 30 juin 2013 pour la relation n° 3______, (iii) les avis d'opérations concernant les trois relations bancaires pour les mêmes périodes que les relevés de comptes, (iv) les instructions (transferts, achats/ventes, produits financiers, prêts, etc.) du 9 décembre 2008 au 31 décembre 2015, (v) les décomptes et documents relatifs à la rémunération, aux intérêts, frais et commissions perçus par F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008, (vi) l'intégralité de la correspondance interne et externe dès le 9 décembre 2008 entre, en particulier, les intervenants suivants: H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______ et W______ AG, ainsi que (vii) les notes internes et notes d'entretiens téléphoniques et de visites de F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008, y compris les interoffice memoranda;

(f) pour chacun des trois Fonds A______/B______/C______, (viii) l'intégralité des procès-verbaux de réunions du Comité de crédit et (ix) du Conseil d'administration de F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008, (x) l'intégralité du dossier du Compliance department, (xi) les dossiers de crédit complets (avec rapports, préavis, schémas, et tout autre document lié), (xii) les rapports internes et (xiii) externes de la Banque (juridiques, d'audit, de compliance ou de risques, avec leurs annexes), (xiv) l'annexe 1 (Letter of engagement) du rapport spécial de W______ AG du 21 juin 2010 et (xv) le Regulatory report de W______ AG du 31 mai 2010.

Les appelantes concluent par ailleurs à ce qu'un délai de deux mois leur soit imparti à réception des documents requis, afin qu'elles se déterminent à leur sujet.

Subsidiairement, elles sollicitent le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. E______ conclut au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du greffe de la Cour du 14 janvier 2021, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

 

C. Les éléments suivants résultent du dossier:

a. E______, sise à Zurich, a repris en 2012 les actifs et passifs de F______ (SUISSE) SA, qui était alors inscrite au Registre du commerce de Genève.

H______ fut le directeur général de F______ (SUISSE) SA du ______ décembre 2008 au 29 juillet 2010.

b. Les fonds de placement A______ LTD (ci-après: Fonds A______), B______ LTD (ci-après: Fonds B______) et C______ LTD (ci-après: Fonds C______), ainsi que X______ LTD (ci-après: Fonds X______) – ce dernier n'étant pas partie à la présente procédure – (ci-après également: les Fonds A___/B___/C___/X______) ayant leur siège aux Iles Caïmans et constitués sous forme de sociétés par actions soumises au droit de ce territoire, font partie de la catégorie des fonds d'investissement spéculatifs dont l'objectif est la recherche de performance maximale par l'utilisation d'effets de levier.

Ces fonds, créés entre 2004 et 2007 par H______, ont chacun noué des relations bancaires avec F______ (SUISSE) SA en décembre 2008 (cf. ci-après let. d.e).

A compter de l'année 2009, les prospectus de présentation des fonds précités indiquent, entre autres, que M______ et T______ en sont les administrateurs (étant précisé qu'ils sont responsables de la politique d'investissement globale, des objectifs et de la gestion des fonds et de leur administration), que la société Y______ LTD – également incorporée aux Iles Caïmans et dont les administrateurs sont M______ et T______ – est investment advisor (et que dans cette mesure, cette société est responsable, conformément au contrat de conseil en investissement, de l'investissement et du réinvestissement des actifs du fonds), que M______ est subadvisor (avec le pouvoir exclusif de prendre toutes les décisions d'investissement concernant les actifs des fonds – sous réserve des objectifs, stratégies et restrictions d'investissement en vigueur – et de la supervision générale des administrateurs des fonds et du conseiller en investissement), et que F______ (SUISSE) SA est custodian (et qu'en sa qualité de dépositaire, la banque n'est pas responsable de la surveillance des investissements effectués par le conseiller et le sous-conseiller en investissement ou de leur compatibilité avec la stratégie d'investissement et les restrictions d'investissement).

A teneur du prospectus, les fonds pouvaient recourir à l'effet de levier à la condition que celui-ci ne dépasse pas trois fois l'ensemble des actifs nets (Net Asset Value).

c. Des lignes de crédit ayant été octroyées aux Fonds précités, E______,
en sa qualité de successeur de F______ (SUISSE) SA, en réclame le remboursement (cf. ci-après let. r.a). C'est dans ce cadre que les Fonds A___/B___/C___/X______ agissent en reddition de compte à l'encontre de la Banque, aux fins de démontrer que celle-ci serait responsable des pertes survenues sur leurs comptes (cf. ci-dessous let. r.b et ss). La qualification juridique des rapports contractuels ayant lié les Fonds A___/B___/C___/X______ à F______ (SUISSE) SA est litigieuse.

d. Les relations entre les Fonds A_____/B_____/C_____/X______ et F______ (SUISSE) SA s'inscrivent dans le contexte suivant:

d.a Z______ SA, active dans le service et le conseil financier et dont H______ était administrateur président, a été créée le ______ juillet 2008. Après avoir obtenu la licence bancaire, Z______ SA est devenue F______ (SUISSE) SA le ______ décembre 2008, date à laquelle H______ en est devenu le directeur général (CEO), au bénéfice d'une signature collective à deux, et a étendu son domaine d'activité à l'exploitation d'une banque.

d.b G______ SA – société de droit suisse sise à Genève et active dans la gestion de fortune, dont H______ était l'un des actionnaires et également l'un des administrateurs d'octobre 2005 à août 2010 – est devenue, le ______ décembre 2008, Z______ (SUISSE) SA, société dont F______ (UK) LTD, puis F______ (SUISSE) SA a acquis 70% du capital-actions (étant précisé que Z______ (SUISSE) SA a été radiée du Registre du commerce en janvier 2011 par suite de fusion avec F______ (SUISSE) SA).

d.c Par le passé, G______ SA a été liée à Y______ LTD par des contrats de sous-conseil en investissement (investment subadvisory agreement) en relation avec chacun des Fonds A___/B___/C___/X______, lesdits contrats ayant cependant été résiliés le 28 novembre 2008, avec effet au 31 décembre 2008.

En novembre 2008, des discussions ont eu lieu quant au sort des Fonds A___/B___/C___/X______, dont la gestion était sous-déléguée à G______ SA (qui allait devenir Z______ (SUISSE) SA), désormais majoritairement détenue par F______ (SUISSE) LTD (laquelle allait devenir la banque dépositaire des actifs des Fonds A___/B___/C___/X______; cf. infra let. d.h).

Comme cela résulte d'un courriel expédié le 25 novembre 2008 par H______ à J______, directeur et CEO de F______ (UK) LTD, le premier nommé était alors conscient que le groupe F______ n'était pas favorable à promouvoir un tel produit financier, compte tenu notamment de leur mauvaise performance à l'époque. Il a cependant évoqué le fait qu'il était important pour lui que les Fonds ne soient pas fermés, dès lors que lui-même et plusieurs de ses amis comptaient parmi les investisseurs.

Aux termes de plusieurs échanges de courriels entre les personnes susvisées, il a été décidé que F______ (SUISSE) SA serait la banque dépositaire (custodian bank) des Fonds A___/B___/C___/X______ et que H______ deviendrait l'investment advisor desdits Fonds à titre personnel. En toutes hypothèses, le groupe F______ souhaitait qu'aucun lien ne puisse être établi par les tiers entre les Fonds A___/B___/C___/X______ et F______ (SUISSE) SA. J______ a encore précisé à H______ que son rôle de président du Conseil d'administration de Z______ (SUISSE) SA pouvait être différencié de son rôle personnel de manager des Fonds A___/B___/C___/X______ en s'assurant que la documentation appropriée, les politiques et procédures soient en place.

d.d Il avait ainsi été prévu, dans un premier temps, de modifier le prospectus des Fonds A___/B___/C___/X______ pour mentionner H______ en qualité d'investment advisor, fonction déclarée exercée à titre personnel.

Finalement, les prospectus des Fonds A___/B___/C___/X______ modifiés au 1er janvier 2009 indiquaient Y______ LTD en tant qu'investment advisor, M______ comme subadvisor et F______ (SUISSE) SA en qualité de banque dépositaire.

Par courriel adressé à un membre du groupe F______ le 5 janvier 2009, H______ a indiqué que les Fonds A___/B___/C___/X______ n'avaient dorénavant aucun lien avec F______, sous réserve de la qualité de banque dépositaire de F______ (SUISSE) SA, et confirmait qu'il gérait lui-même lesdits Fonds à titre privé. Ce courriel était destiné à rassurer le groupe qui avait eu vent de ce que des fonds gérés par Z______ avaient subi 95% de pertes, lui imputant ainsi la gestion des Fonds A___/B___/C___/X______.

Par courriel du 12 janvier 2009, I______, président du Conseil d'administration de F______ (SUISSE) SA, a demandé à H______ de se distancier davantage de ses activités personnelles de subadvisor des Fonds A___/B___/C___/X______ (éventuellement en nommant une tierce personne pour assumer ce rôle de gestion), afin d'éviter toute confusion auprès des tiers entre sa fonction au sein de la Banque et les Fonds.

d.e Dans l'intervalle, le 9 décembre 2008, chacun des Fonds A___/B___/C___/X______ a ouvert une relation bancaire dans les livres de F______ (SUISSE) SA (n° 1______ pour le Fonds A______, n° 4______ pour le Fonds X______, n° 2______ pour B______ et n° 3______ pour le Fonds C______).

Chaque relation bancaire était composée de plusieurs comptes bancaires en diverses monnaies ainsi que d'un portefeuille.

H______ a été nommé relationship manager de ces relations bancaires pour F______ (SUISSE) SA.

Pour leur part, T______ et M______ disposaient chacun d'une signature collective à deux sur ces comptes, de même que V______, employée de la banque.

d.f Le même jour, les Fonds A___/B___/C___/X______ ont mis H______ et Q______, alors directrice-adjointe de F______ (SUISSE) SA, au bénéfice d'une procuration générale avec signature individuelle sur chacun de leurs comptes, étant précisé que les mandataires ont indiqué leurs coordonnées personnelles (adresses postale et de messagerie électronique) sur ces documents, qui portent l'en-tête de F______ (SUISSE) SA.

Ces procurations leur conféraient le pouvoir de gérer, administrer et disposer de tout ou partie des fonds, titres, espèces et autres biens du client, sauf stipulation écrite contraire entre la banque et le client. En particulier, le représentant pouvait entreprendre toute transaction en bourse, contracter des emprunts, mettre en gage tout ou partie des biens et des titres, y compris en son nom ou au nom de tiers.

Le client s'engageait à garantir et décharger la banque de toute prétention qui pourrait être formulée contre elle. Le client approuvait par avance chaque transaction opérée par le représentant dans les limites de ses pouvoirs et déchargeait la banque de toute responsabilité dans ce contexte.

d.g Parmi les documents contractuels signés par les Fonds A___/B___/C___/X______ à l'occasion de l'ouverture des comptes précités figurent notamment les "Conditions for Forex, options and financial futures operations", régissant toutes les opérations de change et transactions d'options sur devises réalisées par la banque avec le client, ainsi que tous les contrats d'options et de "futures" (contrats à terme échangés en bourse) sur instruments financiers, matières premières et métaux précieux conclus par la banque, pour le compte de son client, avec des tiers.

Ces conditions prévoient notamment que:

-la banque ne conclura des contrats qu'après avoir reçu des instructions spécifiques qui lui seront données soit par le client ou par son mandataire dûment autorisé, soit dans le cadre d'un mandat de gestion discrétionnaire confié à la banque;

-la banque a le droit de prélever une commission pour tous les contrats d'options et contrats à terme sur instruments financiers, matières premières et métaux précieux conclus avec des tiers;

-un risque de variation est calculé par la banque à sa seule discrétion sur tous les contrats conclus par le client. Le client s'engage à maintenir une garantie ("collateral") suffisante, telle que définie dans les conditions générales de crédit, pour couvrir ce risque de variation;

-la banque a le droit, sans y être obligée, de liquider sans notification préalable tout contrat conclu par le client si les garanties ne sont pas suffisantes pour couvrir la marge de liquidation plus le coût de remplacement du contrat, tel que prévu dans les conditions générales de crédit;

-le client accepte que la banque lui débite la marge initiale requise par le courtier ou par la chambre de compensation à l'ouverture du contrat, puis débite toute marge additionnelle requise par le courtier ou la chambre de compensation pendant la durée de vie du contrat;

-le client confirme avoir de bonnes connaissances des règles du marché et des pratiques liées aux futures et options et est responsable d'assurer que tout engagement découlant de ses opérations est conforme à ses moyens financiers.

Il résulte d'un rapport établi le 4 novembre 2009 par O______, Risk Manager au sein de F______ (SUISSE) SA, que la Banque, en plus d'être la dépositaire des Fonds A___/B___/C___/X______ (cf. let. d.h ci-après), était devenue leur contrepartie pour tous leurs besoins de financement ainsi que pour leurs opérations spéculatives à terme sur le FOREX et futures.

d.h Le 19 décembre 2008, chacun des Fonds A___/B___/C___/X______ s'est lié à F______ (SUISSE) SA par un contrat de dépôt (custodian agreement), lequel mentionne expressément que chaque Fonds a par ailleurs conclu un investment advisory agreement avec Y______ LTD.

L'art. 5.1 du custodian agreement stipule que le fonds reconnaît et admet que le dépositaire n'est pas responsable de la surveillance des investissements effectués par le conseiller en investissement pour le fonds ou de leur conformité avec la politique d'investissement et les restrictions d'investissement.

A teneur de l'art. 5.2, le fonds reconnaît que dans certaines circonstances et dans le but de préserver ou de protéger les avoirs détenus sur le compte, la banque dépositaire peut décider, sans toutefois y être obligée, d'agir dans le meilleur intérêt du fonds sans obtenir d'instructions de sa part au préalable.

Selon l'art. 10.1, le dépositaire s'efforce de faire preuve de prudence et de diligence dans l'exécution de ses obligations et devoirs résultant de la convention, étant toutefois précisé que ni le dépositaire, ni ses administrateurs, dirigeants, employés et agents ne pourront être tenus pour responsables d'actes ou d'omissions dans l'exécution des services prévus par la convention ou de toute perte subie par le fonds en rapport avec ce contrat, sauf en cas de négligence grave, fraude, mauvaise foi, mauvaise exécution intentionnelle ou imprudence dans l'exécution des obligations prévues par le contrat.

d.i Après l'ouverture des comptes susmentionnés, F______ (SUISSE) SA a accordé, à chacun des Fonds A___/B___/C___/X______, un crédit lombard, soit une ligne de crédit garantie par un contrat de nantissement et de cession (Deed of pledge and declaration of assignment) en faveur de la Banque de tous les biens déposés par les Fonds auprès d'elle.

Ces lignes de crédit ont été octroyées en vue de permettre aux Fonds d'exercer leur activité au moyen d'effets de levier, conformément à leur stratégie d'investissement.

Ces crédits lombards ont initialement été concédés à hauteur de 4'000'000 USD pour le Fonds A______, 3'500'000 USD pour le Fonds X______, 10'000'000 USD pour le Fonds B______ et de 2'000'000 USD pour le Fonds C______, montant ensuite porté à 3'000'000 USD en faveur de cette dernière, après approbation le 18 juin 2009 par le Comité de crédit de F______ (SUISS) SA, dont H______ faisait partie.

Lors de sa séance du 7 septembre 2009 (à laquelle H______ participait en qualité d'invité), le Conseil d'administration de la Banque (Board of Directors), composé de I______, AA______, AB______, AC______ et S______ a décidé de porter la ligne de crédit du Fonds A______ à 10'000'000 USD et celle du Fonds X______ à 4'500'000 USD.

En novembre 2009, le Conseil d'administration a refusé d'accorder de nouvelles augmentations des limites de crédit (cf. rapport d'audit de W______ AG [cf. ci-dessous let. p], p. 14, qui relate un courriel du 26 novembre 2009 de P______, Head of risk management au sein de F______ (UK) LTD, exposant les motifs de ce refus, ce courriel ayant également été produit dans le cadre de la présente procédure). Une dernière demande d'augmentation de crédit a encore été refusée le 28 décembre 2009 (cf. jugement du Tribunal de police du 23 mai 2016, p. 3).

d.j Les Conditions générales de crédit prévoient notamment que la garantie (collateral) est constituée des actifs mis en gage par le client ou un tiers en faveur de la banque, conformément au contrat de nantissement; que la valeur de nantissement des actifs gagés est définie par la Banque, à sa seule discrétion, comme la multiplication de la valeur de marché de chaque actif par un ratio de prêt approprié; et que le client s'engage à maintenir des actifs suffisants pour que les dettes soient à tout moment couvertes par la valeur de nantissement des actifs gagés, telle que définie par la Banque.

L'acte de nantissement énonce les événements ouvrant le droit, pour la Banque, de faire réaliser les actifs gagés, soit notamment le cas de non-respect du niveau de marge déterminé par la Banque, entraînant une diminution de la valeur de marché des actifs gagés ou une augmentation de l'endettement (art. 6).

d.k Les documents contractuels, notamment le custodian agreement, les Conditions générales et les Conditions générales de crédit, prévoient une clause d'élection de droit suisse et de for à Genève.

e. Les Fonds A___/B___/C___/X______ ont investi une grande partie de leurs actifs dans des contrats de futures (indexés sur des indices des marchés japonais et chinois), ce qui a donné lieu à de nombreux appels de marge.

Durant l'année 2009 et au début de 2010, les Fonds A___/B___/C___/X______ ont régulièrement dépassé les limites de crédit, situation dont H______ a été systématiquement tenu informé, notamment par O______.

Par courriel du 26 novembre 2009, P______ a reproché à O______ les dépassements de limites de crédit par les Fonds A___/B___/C___/X______ et leur exposition excessive proportionnellement à leur valeur. Cette situation n'étant pas conforme à la politique de F______ (SUISSE) SA, il lui était demandé de ne plus tolérer ce genre de situations à l'avenir et de suivre les procédures établies en vue de la réalisation des titres ou d'affecter des garanties supplémentaires en cas de violation du ratio de liquidation.

O______ s'est déterminé le 2 décembre 2009 en soulignant que les irrégularités constatées au sujet des Fonds A___/B___/C___/X______ étaient généralement temporaires et dues aux fluctuations du marché et que sa responsabilité consistait uniquement à rapporter l'irrégularité au relationship manager. Il appartenait ensuite au management du relationship manager de prendre les mesures nécessaires et au top management de décider si un délai devait être alloué ou non pour restaurer les marges.

f. Par courriel du 28 janvier 2010, O______ a informé H______ de ce que trois des Fonds A___/B___/C___/X______ étaient en situation irrégulière (marge de sécurité requise par la Banque non respectée, ou couverture insuffisante, soit que les dettes étaient plus élevées que la valeur vénale des actifs gagés), ce à quoi ce dernier a répondu: "je m'en occupe".

Cependant, trois Fonds sur quatre se sont à nouveau trouvés en situation de marge ou couverture insuffisante à la fin du mois de février 2010.

g. H______ a quitté ses fonctions au sein de F______ (SUISSE) SA le 16 avril 2010 avec effet au 19 du même mois, avec la précision qu'il a quitté effectivement les murs de la Banque le 28 avril 2010, donnant encore des instructions de gestion des Fonds A___/B___/C___/X______ (notamment achat de futures, de devises ou d'actions ou transfert de liquidités) en tout cas jusqu'à ce moment-là.

Par convention du 23 avril 2010, H______ et F______ (SUISSE) SA ont réglé la fin de leurs rapports, soit notamment que le premier quittait ses fonctions de directeur général de la Banque, et que cette dernière lui rachetait le solde des parts qu'il détenait encore dans Z______ (SUISSE) SA.

Après son départ de la Banque, H______ a conservé la procuration qui lui avait été conférée par les Fonds A___/B___/C___/X______ et a continué à les représenter dans leurs relations avec celle-ci.

h. Le 28 avril 2010, le Comité de crédit s'est adressé à H______ car les comptes des Fonds A___/B___/C___/X______ se trouvaient encore en situation irrégulière, de sorte qu'un délai leur était fixé au 7 mai 2010 pour revenir à une situation conforme aux marges et limites approuvées par la Banque. Il a par ailleurs été décidé que les instructions devraient dorénavant être données à Q______ (H______ n'ayant dès lors plus la possibilité de donner ses instructions directement aux traders), celle-ci devenant responsable de vérifier les positions avant de donner les instructions aux courtiers, étant précisé que les instructions seraient refusées si leur exécution devait conduire à un manque de marge et/ou un dépassement de limite.

H______ a pris note de cette décision, précisant que dans la mesure où le 7 mai était un vendredi, il ferait de son mieux, mais garantissait que tout rentrerait dans l'ordre au plus tard le 11 mai 2010. Il a par ailleurs indiqué qu'à l'avenir certains comptes auraient besoin d'une augmentation de la limite de crédit.

i. Une détérioration du marché ayant été constatée le 5 mai 2010, le Comité de crédit a fait le point sur la situation des Fonds A___/B___/C___/X______. O______ s'est adressé à Q______ pour lui faire part de son inquiétude quant à la situation du Fonds C______ et de la décision du Comité de crédit de demander au "gestionnaire" de liquider les positions de ce Fonds. Q______ était dès lors chargée d'informer le client de ce qu'il devait donner les instructions pour liquider les positions d'ici 17h00, à défaut de quoi F______ (SUISSE) SA prendrait les dispositions nécessaires pour protéger ses intérêts. L'attention de Q______ était également attirée sur le fait que les trois autres Fonds A___/B___/X______ pouvaient se trouver dans la même situation le lendemain, voire d'ici quelques jours en fonction de l'évolution du marché.

j. Par courriel adressé le 5 mai 2010 à 18h44 à R______, chief operating officer, H______ a exposé que pour faire suite à leur conversation téléphonique, il confirmait qu'il offrait une garantie personnelle à concurrence de 1'000'000 fr. pour couvrir un éventuel déficit ("negative equity") s'agissant du Fonds C______, moyennant la mise en place de stop loss orders sur toutes les positions à terme restantes du Fonds C______.

R______ a confirmé l'accord du Comité de crédit par retour de courriel et les instructions de H______ ont été exécutées par la Banque le jour même.

k. Le 6 mai 2010, la Securities and Exchange Commission américaine a rendu un communiqué relevant une activité inhabituelle des marchés financiers, qu'elle déclarait investiguer.

D'après le procès-verbal de la séance du Comité de crédit tenue en urgence ce jour-là, Q______ et V______ ont contacté M______ pour lui faire part de la situation. Celui-ci était d'avis de liquider toutes les positions de tous les Fonds A___/B___/C___/X______ et de révoquer la procuration de H______. Q______ lui a rappelé que ces décisions n'étaient valables qu'avec le consentement des deux directeurs des Fonds. Contacté plus tard, T______ a refusé de donner son accord à la liquidation de toutes les positions, faute d'accord de H______. Leur attention a été attiré sur le fait que F______ (SUISSE) SA allait probablement liquider elle-même les positions pour protéger ses propres intérêts. Pour sa part, H______ a adressé un courriel au Comité de crédit pour demander du temps et un accès à la salle des marchés afin de pouvoir lui-même donner les instructions, au vu de sa garantie personnelle de 1'000'000 fr. R______ a alors demandé à H______ de formaliser ladite garantie en déposant la somme en question sur un compte bloqué d'ici le 7 mai à 12h00, faute de quoi leur arrangement serait nul. Pour le surplus, le Comité de crédit a décidé de tenir une réunion extraordinaire avec le Comité de direction (Executive management committee) à 22h00 pour décider de la suite des actions à entreprendre.

Le même jour, Q______ et V______ ont requis de F______ (SUISSE) SA que leur signature sur les comptes des Fonds A___/B___/C___/X______ soit retirée.

Par courriels adressés le 6 mai 2010 à 17h17 et 18h47, notamment à Q______, R______, O______ et T______, H______ a indiqué qu'il avait toujours honoré ses engagements, de sorte que le versement de la garantie sur un compte bloqué n'était pas nécessaire.

l. Du 7 au 10 mai 2010, F______ (SUISSE) SA a liquidé la quasi-totalité des positions des Fonds A___/B___/C___/X______.

m. Par courrier du 12 mai 2010, les Fonds A___/B___/C___/X______ ont reproché à F______ (SUISSE) SA d'avoir pris le contrôle de leurs avoirs à compter du 6 mai 2010 en refusant de suivre les instructions de leurs administrateurs et de leur gestionnaire et ceci malgré la garantie personnelle donnée par ce dernier, puis d'avoir liquidé les positions malgré les conditions anormales du marché. Ils ont notamment demandé à la Banque d'annuler toutes les transactions effectuées sur les comptes des Fonds A___/B___/C___/X______ et des clients en détenant des parts, de mettre immédiatement en place des contrats de tiers gérant pour permettre au gestionnaire d'exercer son activité ainsi que de rétablir dans les systèmes de la Banque et dans les portefeuilles des clients la valorisation des Fonds A___/B___/C___/X______ à la net asset value du
31 mars 2010. Faute d'agir en ce sens, ils menaçaient la Banque d'une
action en réparation du dommage et des pertes de chance causées par ses actions en tant que gestionnaire de fait et de banque dépositaire des Fonds A___/B___/C___/X______ sur la base de la valorisation des actifs des Fonds au 16 avril 2010 et du potentiel futur des marchés sur lesquels ils étaient investis.

La Banque a opposé une fin de non-recevoir à ces revendications, par courrier du 18 mai 2010.

n. Le 7 juin 2010, les Fonds A___/B___/C___/X______ ont mis en demeure la Banque de lui verser 43'422'245 USD d'ici au 20 juin 2010 à titre de réparation du dommage causé par ses manquements et agissements du 16 avril au 7 mai 2010, prétentions intégralement contestées par la Banque.

o. Sur demande de F______ (SUISSE) SA et de la FINMA, W______ AG a établi un rapport d'audit, daté du 21 juin 2010, au sujet des relations entre la Banque et les Fonds A___/B___/C___/X______, dans le but de mettre en lumière si la Banque ou Z______ (SUISSE) SA, ou l'un de leurs employés auraient violé la loi, la règlementation ou des procédures internes de la Banque ou encore des instructions reçues des Fonds en lien avec la gestion et d'identifier les déficiences organisationnelles qui ont pu y mener.

Les pages 4 à 9 du rapport précité font état des irrégularités constatées par la société d'audit dans son regulatory report (rapport d'audit prudentiel) de 2009 et des recommandations qui y figurent et qui sont pertinentes pour le rapport du 21 juin 2010, les irrégularités portant notamment sur des manquements significatifs identifiés dans l'organisation de l'activité de gestion discrétionnaire d'actifs (par exemple, non-respect des directives internes concernant la diversification des actifs) ainsi que sur les faiblesses du système de contrôle interne concernant l'activité de crédit (pour lesquelles la société d'audit recommandait, entre autres, de procéder à des appels de marge lorsque les niveaux d'appel de marge sont dépassés, conformément aux directives internes).

Concernant la gestion des Fonds A___/B___/C___/X______, le rapport fait uniquement référence à H______, indiquant qu'il les gérait de facto, de même que les portefeuilles des clients disposant de parts de ces Fonds, puisqu'il avait été constaté que ni M______, ni Y______ LTD n'avaient donné des instructions de gestion et que tous les ordres avaient été passés par H______ ou Q______ sur instructions de ce dernier. Le rapport précise par ailleurs que malgré des instructions claires du président du Conseil d'administration visant à ce que H______ ne gère pas personnellement les Fonds, toutes les preuves mettaient en évidence que l'ancien CEO de F______ (SUISSE) SA les avait effectivement gérés.

p. Le 29 octobre 2010, le Fonds X______ a assigné E______ en paiement de 29'443'410 USD plus intérêts, demande déclarée irrecevable par jugement JTPI/10539/2012 du 27 août 2012 (C/6______/2010).

q. Parallèlement, une plainte pénale a été déposée par AD______ (détentrice de parts des Fonds) le 2 novembre 2010 contre toute personne physique ou morale lui ayant occasionné directement ou indirectement un préjudice dans le cadre de la liquidation des Fonds A___/B___/C___/X______.

Le Ministère public a ouvert une procédure pénale le 24 mai 2011 contre inconnu, puis contre H______ dès le 23 août 2011, pour gestion déloyale, procédure qui s'est poursuivie malgré le retrait de la plainte pénale en juillet 2015 à la suite d'un accord passé entre la plaignante et le mis en cause.

Dans le cadre de cette procédure, le Ministère public a ordonné le séquestre, pour chacun des comptes des Fonds A___/B___/C___/X______ depuis leur ouverture, des états bimensuels détaillés des portefeuilles, des dossiers de crédit complets (avec rapports, préavis, schéma, etc.), de tous les rapports juridiques, d'audit, de compliance ou de risques internes et externes à la Banque, avec leurs annexes.

Par jugement du 23 mai 2016, aujourd'hui définitif, le Tribunal de police a, notamment, reconnu H______ coupable de gestion déloyale simple pour avoir régulièrement acheté, en violation des règles fixées par les prospectus d'émission et des principes d'une gestion diligente, des contrats de futures indexés sur des indices des marchés japonais et chinois et continué à donner des ordres d'achats de futures jusqu'au 21 avril 2010, soit même après son licenciement et alors que le plafond de leverage de 3.0 était déjà largement dépassé, continuant de parier à la hausse alors que les marchés affichaient une baisse depuis début avril, pour avoir exposé, par tous ses agissements, les Fonds A___/B___/C___/X______ aux fluctuations des indices asiatiques, en violation des règles usuelles de prudence, et pour avoir ainsi provoqué des pertes (indéterminées mais certaines), dopées par l'effet de levier, lorsque les marchés asiatiques s'étaient effondrés en mai 2010.

Le Tribunal de police a tenu pour établi que H______ gérait, de fait, les Fonds A___/B___/C___/X______. Même si ce pouvoir de gestion ne lui avait pas été confié par un contrat formel, il lui avait néanmoins été conféré formellement par le biais de la procuration avec signature individuelle sur les comptes. Le Tribunal de police a par ailleurs relevé que le prévenu jouait sur les mots lorsqu'il insistait sur le fait qu'il les gérait en sa qualité de CEO de la Banque, les différentes casquettes de l'intéressé rendant les choses peu lisibles. Selon le Tribunal de police, le pouvoir de gestion du prévenu avait cependant varié dans le temps. Il existait sans conteste jusqu'au 15 avril 2010, puis également du 16 au 28 avril 2010 – en dépit du fait qu'il n'était plus CEO de la Banque – puisque sa procuration individuelle sur les comptes avait été maintenue et qu'il avait passé des ordres auprès des traders les 19 et 27 avril 2010. En revanche, il résultait du procès-verbal du Comité de crédit du 28 avril 2010 que le pouvoir du prévenu de donner des instructions directement aux traders avait été révoqué à partir de ce jour-là, le contrôle des positions des Fonds A___/B___/C___/X______ étant désormais suivi par Q______, le prévenu ne pouvant plus qu'instruire celle-ci comme le ferait n'importe quel client. Il n'était dès lors pas certain que le prévenu disposât encore d'un pouvoir de disposition autonome depuis cette date. Il a par ailleurs été retenu que le fait que F______ (SUISSE) SA se soit trouvée en charge effective, à l'exclusion de H______, de la gestion des Fonds dès le 28 avril 2010 dans l'après-midi et n'ait rien fait, avec Q______, pour maîtriser le leverage et réduire l'exposition avait contribué à causer le dommage, mais n'était pas de nature à interrompre le lien de causalité entre les manquements du prévenu et ce dommage.

r.a Par acte déposé le 30 octobre 2015 devant le Tribunal de première instance, E______ a assigné trois des Fonds, soit les Fonds A______, C______ et B______, à l'exclusion du Fonds X______, en paiement d'un montant total de 5'435'103 USD plus intérêts, correspondant aux montants apparaissant aux débits de leurs comptes au 30 septembre 2015, E______ réclamant ainsi le remboursement des crédits concédés par F______ (SUISSE) SA.

r.b A réception de la demande en paiement, le Tribunal a octroyé un délai pour répondre aux trois Fonds, qui ont demandé et obtenu des prolongations successives jusqu'au 12 janvier 2017.

Par acte du 9 janvier 2017, les Fonds ont sollicité la suspension de leur délai pour répondre jusqu'à droit jugé sur la requête qu'ils formaient en vue d'obtenir l'apport de la procédure pénale susmentionnée diligentée contre H______, ainsi que la production de diverses pièces (essentiellement les mêmes que celles figurant dans leurs conclusions d'appel).

Les Fonds ont ensuite repris leurs conclusions en reddition de compte dans leur mémoire de réponse et de demande reconventionnelle expédié au Tribunal le 30 mars 2017.

Dans des écritures non sollicitées datées du 21 juillet 2017, reçues par le Tribunal le 24 juillet 2017, les parties défenderesses ont répliqué et modifié la liste des pièces requises en ce sens qu'elles les ont détaillées davantage et ont notamment changé la date des avis d'opération demandés.

Au fond, elles ont conclu à ce que la Banque soit déboutée des fins de sa demande, au motif qu'elle était seule responsable des soldes débiteurs de leurs comptes pour avoir violé ses obligations "contractuelles et délictuelles", que ce soit sous l'angle du mandat de gestion ou encore de la réglementation bancaire, causant ainsi un dommage aux quatre Fonds A___/B___/C___/X______, dommage dont la réparation était demandée dans la procédure instruite parallèlement (C/5______/2014 opposant le Fonds X______ à la Banque, étant précisé que le Fonds X______ agit en qualité de cessionnaire des créances des trois autres Fonds).

r.c E______ a conclu à l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles des parties défenderesses, subsidiairement à leur rejet.

r.d Par ordonnance ORTPI/445/18 du 1er juin 2018, le Tribunal a rejeté la requête en apport de la procédure pénale formée par les défenderesses.

Par ordonnance ORTPI/446/18 du même jour, le Tribunal, statuant en production de pièces en application des art. 152 et 160 CPC, a ordonné à la Banque de produire d'ici au 13 juillet 2018, les relevés du portefeuille de trois [des] Fonds (Fonds A______, C______ et B______) dans les livres de F______ (SUISSE) SA au 28 avril 2010, 7, 11 et 28 mai 2010 et 30 juin 2010, les relevés du compte détenu par le Fonds A______ dans les livres de la Banque du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012, les relevés du compte détenu par B______ du 1er juin 2010 au 11 décembre 2012, les relevés du compte détenu par le Fonds C______ du 1er juin 2010 au 30 juin 2013, les avis d'opération concernant le compte détenu par le Fonds A______ dans les livres de F______ (SUISSE) SA du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012, les avis d'opération concernant le compte détenu par B______ dans les livres de la Banque du 1er juin 2010 au 11 décembre 2012 et les avis d'opération concernant le compte détenu par le Fonds C______ du 1er juin 2010 au 30 juin 2013, et débouté pour le surplus les parties défenderesses de leurs conclusions en production de pièces des 9 janvier 2017, 31 mars 2017 et 24 juillet 2017.

r.e Le 13 juillet 2018, E______ a produit, pour chacun des trois Fonds: l'évaluation de leurs portefeuilles au 31 mars, 30 avril, 31 mai et 30 juin 2010, les relevés de leurs comptes ainsi que les avis d'opérations sur les comptes en question du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012 pour le Fonds A______, du 1er juin 2010 au 11 décembre 2012 pour B______ et au 30 juin 2013 pour le Fonds C______, tout en précisant qu'elle n'était pas en mesure d'établir des relevés de portefeuilles aux dates requises.

r.f Par arrêt ACJC/399/2019 du 12 mars 2019, la Cour a annulé l'ordonnance ORTPI/446/18 du 1er juin 2018 – au motif que le Tribunal avait commis un déni de justice formel en choisissant de traiter comme une requête procédurale les prétentions de droit matériel en reddition de compte formulées par les Fonds – et retourné la cause au premier juge pour qu'il soit statué – si nécessaire après instruction et, cas échéant, examen de l'existence d'un mandat de gestion entre la Banque et les Fonds – sur la demande en reddition de compte formée par ceux-ci.

r.g Invitées à actualiser leurs conclusions, les parties défenderesses ont persisté à solliciter la remise des pièces listées dans leurs écritures du 21 juillet 2017.

Pour sa part, E______ a conclu au rejet de la demande en reddition de compte. Subsidiairement, elle a fait valoir qu'il convenait de définir la portée du contrat de mandat conclu entre les parties, afin de déterminer l'étendue de son devoir de rendre compte.

r.h Le Tribunal a gardé la cause à juger sur reddition de compte le 4 février 2020.

D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a en premier lieu procédé à la qualification juridique des relations contractuelles ayant lié F______ (SUISSE) SA aux Fonds A___/B___/C___/X______, avant de statuer sur la demande de reddition de compte de ces derniers. Concernant le premier aspect, le premier juge a notamment retenu que les parties avaient été liées par un contrat de dépôt au sens large, sans qu'il soit nécessaire de le qualifier plus précisément à ce stade, ainsi que par un contrat de crédit lombard garanti par un gage sur les actifs déposés par les Fonds en mains de la Banque. Il était par ailleurs établi que H______ et Q______ bénéficiaient, à titre personnel, d'une procuration individuelle sur les comptes bancaires des Fonds A___/B___/C___/X______, de sorte qu'ils disposaient chacun individuellement d'un pouvoir de disposition autonome et total sur tous les avoirs en compte de ceux-ci. Examinant ensuite la thèse soutenue par les Fonds A___/B___/C___/X______, le Tribunal a nié qu'ils aient été liés à la Banque par un contrat de gestion de fortune, faute de volonté de toutes les parties d'être liées de la sorte. En effet, aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu'il y aurait eu une offre, respectivement une acceptation de conclure un contrat de gestion de fortune, ne serait-ce que par actes concluants. D'après les courriels échangés entre H______ et le groupe F______ avant même l'ouverture des comptes bancaires litigieux, le groupe ne souhaitait ni offrir les Fonds A___/B___/C___/X______ au titre de produit financier à ses clients, ni être mêlé à leur gestion. La gestion indépendante desdits Fonds par H______ était tolérée, pour autant qu'aucun lien ne puisse être établi avec la Banque au sujet de leur gestion. Ceci s'était concrétisé par l'absence de toute référence à H______ dans les prospectus des Fonds A___/B___/C___/X______ modifiés au 1er janvier 2009 et par l'établissement d'une procuration générale individuelle en sa faveur et en faveur de Q______, sans aucune référence à leurs rôles respectifs au sein de la Banque. De même, lorsque les deux administrateurs des Fonds A___/B___/C___/X______, seuls fondés à les engager contractuellement, ont modifié les prospectus en nommant expressément Y______ LTD et M______ en qualité de gestionnaires, ainsi que F______ (SUISSE) SA en qualité de banque dépositaire et ont signé les documents d'ouverture de compte et les procurations individuelles, ils ne pouvaient raisonnablement penser conclure un contrat de gestion avec la Banque elle-même, ni ne sauraient se prévaloir d'une quelconque ambiguïté éventuellement entretenue par celle-ci, lorsqu'ils ont confié la procuration susvisée au CEO de la Banque. Partant, ni la gestion concrète et effective desdits Fonds A___/B___/C___/X______ par H______, ni la tolérance par la Banque de cette situation n'emportaient conclusion d'un contrat de gestion de fortune entre cette dernière et les Fonds A___/B___/C___/X______. Le Tribunal a ensuite examiné les conclusions formulées par les Fonds A___/B___/C___/X______, au regard des principes régissant la reddition de compte.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. b et art. 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur des prétentions reconventionnelles en reddition de compte, dont la valeur est supérieure à 10'000 fr., au vu des prétentions pécuniaires auxquelles les renseignements ou documents requis peuvent servir de fondement en l'espèce (art. 308 al. 2 CPC; cf. notamment ATF 126 III 445 consid. 3b et arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1, dont il résulte qu'une requête en reddition de compte fondée sur l'art. 400 CO poursuit un but économique), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Compte tenu de l'élection de for et de droit prévue par les parties, il n'est à juste titre pas contesté que les juridictions genevoises sont compétentes pour connaître du litige et que le droit suisse est applicable (art. 5 al. 1 et 116 al. 1 et 2 LDIP).

3. Les appelantes se plaignent de déni de justice formel, au motif que le premier juge aurait persisté dans son refus de statuer sur leurs prétentions en reddition de compte, en se contentant de répéter le dispositif de l'ordonnance ORTPI/446/2018 sous couvert d'une nouvelle décision.

3.1 Une autorité commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. féd. lorsqu'elle se refuse à statuer ou ne le fait que partiellement (ATF 144 II 184 consid. 3.1), ou lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2020 du 5 février 2021 consid. 2.1).

3.2 Dans la mesure où le premier juge a statué, après examen de la nature des relations juridiques entre les parties, sur chacune des prétentions émises par les appelantes, le grief tiré d'un prétendu déni de justice est mal fondé. La question de savoir si c'est à tort ou à raison que le Tribunal a rejeté la plupart de leurs chefs de conclusion sera examinée ci-après (consid. 6).

4. Invoquant une violation de leur droit d'être entendues et du principe d'égalité des armes ainsi qu'une constatation arbitraire des faits, les appelantes reprochent au premier juge d'avoir établi les faits sans prendre en compte les pièces qui devront être remises par la Banque et quiseraient susceptibles d'avoir une incidence sur la qualification du contrat, en se basant quasi exclusivement sur les pièces produites par la Banque, en tenant compte de faits dépourvus de pertinence à ce stade du procès et en qualifiant le contrat sans avoir entendu les parties.

4.1 Le droit à un procès équitable est garanti notamment par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Le principe d'égalité des armes, tel qu'il découle du droit à un procès équitable, exige un "juste équilibre entre les parties": chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.3.1 et les références citées).

Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et les références).

Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influencer la décision (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Le refus d'une mesure probatoire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références).

4.2 En l'espèce, les appelantes font grief au Tribunal d'avoir établi les faits portant sur la gestion des Fonds et procédé à la qualification juridique du contrat en prenant notamment en compte des éléments relatifs à l'implication de H______ dans la création et la gestion de ceux-ci et la condamnation pénale de l'intéressé, alors que ces faits seraient, selon elles, dépourvus de pertinence pour statuer sur la question de la reddition de compte. Elles soutiennent que dans l'hypothèse où les faits en question auraient une quelconque portée pour la décision à rendre, il ne pouvait en être tenu compte sans qu'ils fassent préalablement l'objet de débats.

Cette argumentation est mal fondée.

Appelé à statuer de manière définitive sur les prétentions en reddition de compte formées par les appelantes, le premier juge n'avait d'autre choix que de qualifier les rapports juridiques entre les parties, ne serait-ce que pour examiner si les dispositions légales applicables à ces relations prévoyaient une telle obligation de reddition de compte. Il ne pouvait en particulier s'abstenir d'examiner si les parties avaient été liées par un mandat de gestion, par opposition à d'autres formes de relations bancaires, puisque l'étendue du devoir de rendre compte de la banque à l'égard de ses clients est fonction du type de contrat conclu (cf. ci-dessous consid. 6; pour un cas d'application: arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 7.1.2).

Pour répondre à ces questions, le premier juge devait se fonder sur les faits résultant du dossier, c'est-à-dire ceux valablement allégués par les parties (ou notoires) et soit non contestés, soit retenus au terme d'une libre appréciation des preuves administrées. Aucune disposition légale ne l'autorisait à ne pas prendre en compte certains éléments de preuve valablement apportés à la procédure par les parties ou, au contraire, à tenir compte de manière anticipée d'éléments de preuve non encore apportés à la procédure.

Dans le cas d'espèce, le premier juge a procédé à la qualification juridique des relations contractuelles entre les parties et, ce faisant, a notamment écarté l'existence d'un mandat de gestion, au terme d'un raisonnement juridique fondé sur un état de fait résultant d'une analyse des allégués des parties et d'une appréciation des preuves administrées, parmi lesquelles figurent de nombreuses pièces relatives aux rôles respectifs des principaux intervenants, dont H______.

Les appelantes, pour leur part, n'expliquent pas comment le premier juge aurait pu statuer sur leurs conclusions en reddition de compte sans préalablement qualifier les relations entre les parties. Elles n'indiquent pas davantage quelle mesure probatoire régulièrement offerte par elles-mêmes aurait été rejetée à tort par le premier juge.

Enfin, comme leur partie adverse, elles ont eu l'occasion de se déterminer à de nombreuses reprises en première instance sur les faits et questions juridiques litigieux, étant rappelé que le respect des garanties offertes par l'art. 29 Cst. n'implique pas que les parties soient entendues oralement avant qu'une décision les concernant ne soit prise.

La circonstance que, comme elles le soutiennent, le premier juge se soit principalement fondé sur les pièces produites par la Banque pour établir les faits n'est pas non plus de nature à violer leur droit d'être entendu ou le principe d'égalité des armes, puisqu'elles ont eu l'occasion de prendre position à leur propos et qu'elles ont ainsi pu faire valoir leurs moyens à satisfaction de droit.

Les griefs tirés d'une prétendue violation du droit d'être entendu des appelantes ou du principe d'égalité des armes et d'une constatation arbitraire des faits seront, par conséquent, tous rejetés.

5. Avant de statuer sur les griefs relatifs à la reddition de compte fondée sur l'art. 400 CO, il y a lieu d'examiner la qualification juridique des relations nouées entre la Banque et les Fonds, puisque les parties s'opposent sur la question de savoir si les règles du mandat sont applicables à l'ensemble de leurs relations contractuelles.

Il convient cependant de préciser que la thèse de l'existence d'un mandat de gestion tacite conféré à la Banque ne sera pas examinée, puisqu'elle a été rejetée par le Tribunal et que les appelantes n'ont émis aucune critique à l'égard du raisonnement opéré par le premier juge sur cette question, se bornant à invoquer, de manière injustifiée (cf. ci-dessus consid. 4), une violation de leur droit d'être entendues.

5.1.1 Lorsque, en vertu de la volonté des parties, les divers rapports qui les lient ne constituent pas des contrats indépendants, mais représentent des éléments de leur convention liés entre eux et dépendant l'un de l'autre, on est en présence d'un contrat mixte ou d'un contrat composé ou complexe, qui doit être appréhendé comme un seul et unique accord. On parle d'un contrat composé ou complexe lorsque la convention réunit plusieurs contrats distincts, mais dépendants entre eux (ATF 139 III 49 consid. 3.3 et les références citées, JdT 2014 II p. 217).

La personne qui ouvre un compte bancaire, y fait virer des fonds et procède à des placements noue avec la banque une relation contractuelle complexe dans laquelle on discerne les éléments caractéristiques d'un compte-courant (pour le décompte des opérations), d'un dépôt irrégulier (pour les fonds remis), d'un mandat (au moins pour la gestion administrative des titres) et d'une commission (pour l'achat ou la vente des titres au nom de la banque). On peut également discerner un contrat de dépôt en ce qui concerne les titres placés en portefeuille (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1).

Vu la dépendance réciproque des différents éléments du contrat composé ou complexe, il n'est pas possible que la même question soit réglée différemment pour chacun d'eux. Il convient donc de rechercher pour chaque question juridique le centre de gravité des relations contractuelles pour déterminer quelles sont les règles applicables à la question litigieuse (ATF 139 III 49 consid. 3.3).

Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu'une banque et un client sont liés par plusieurs contrats intrinsèquement liés entre eux et dépendants les uns des autres, il faut donner une réponse unique au point de savoir s'il y a des obligations de rendre compte et de restituer pour tous les éléments du contrat. Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, la relation contractuelle des parties se fondait sur un contrat portant sur l'ouverture d'un compte et d'un dépôt, un contrat-cadre pour des transactions sur devises de gré à gré (over the counter, OTC) ainsi que des options call et put sur devises et métaux précieux, un contrat-cadre pour un crédit lombard et un nantissement général. Le crédit avait été consenti en vue de couvrir la marge pour des transactions commerciales de gré à gré ou des contrats d'option ou de futures. Le droit contractuel de la banque d'exiger de sa cliente une majoration de ses sûretés par un appel de marge était lié tant au prêt accordé qu'aussi et surtout au mandat d'acquérir des options. Tant avec le contrat-cadre pour les opérations de gré à gré sur devises qu'avec le contrat de gage mobilier, la banque avait obtenu le droit d'exiger, pendant que les transactions étaient en cours, des sûretés supplémentaires, de demander après coup des sûretés pour une transaction effectuée sans couverture ou un complément de couverture en cas de diminution de celle-ci. Les valeurs grevées de gage avaient finalement servi de sûretés tant pour le prêt (crédit lombard) que pour la conclusion de transactions de gré à gré. Le capital mis à disposition par la banque avait permis d'exercer un effet de levier sur les transactions relatives aux options. Les crédits accordés étaient en lien direct avec des transactions sur des options, puisque les premiers avaient permis de couvrir un appel de marge nécessaire aux secondes. Ainsi, la question de l'obligation de rendre compte et de restituer devait être réglée par les dispositions applicables au contrat de commission, donc par l'art. 400 CO applicable par renvoi de l'art. 425 al. 2 CO, puisque les éléments de ce contrat nommé se trouvaient au premier rang (ATF 139 III 49 consid. 3.4).

5.1.2 Lorsque la banque exécute pour le compte du client des transactions d'achat ou de vente de choses mobilières ou de papiers-valeurs, banque et client sont en général liés par un contrat de commission au sens de l'art. 425 ss CO. En vertu du renvoi contenu à l'art. 425 al. 2 CO, les règles du droit du mandat trouvent application aux rapports entre les parties. Ces dispositions s'appliquent par analogie aux transactions portant sur des actifs non incorporés dans des papiers-valeurs (droits-valeurs) ou aux contrats (par exemple, vente d'indices boursiers) qui ne donnent lieu qu'au paiement d'une somme d'argent sans livraison de l'actif sous-jacent. La banque est la représentante indirecte du client. Elle exécute les transactions en son propre nom, mais pour le compte du client, intervenant pour lui sur le marché. Il n'y a pas de rapport direct entre le client de la banque et le marché (Lombardini, Droit bancaire suisse, 2ème éd. 2008, p. 717).

Si, en général, la banque agit comme représentante indirecte du client et lui sert d'intermédiaire pour conclure et exécuter une transaction qui est en réalité conclue avec un tiers, elle peut également se porter directement contrepartie du client et devenir elle-même la cocontractante de son client. Tel est le cas si elle est chargée d'acheter ou de vendre des marchandises, des effets de change ou d'autres papiers-valeurs cotés à la bourse ou sur le marché (art. 436 al. 1 CO). Les dispositions du droit de la vente s'appliquent également, même si la banque est rémunérée en recevant la provision convenue et que les rapports entre les parties restent empreints des obligations caractéristiques des relations entre mandant et mandataire, notamment en ce qui concerne l'obligation de fidélité, de diligence et de rendre compte (Lombardini, op. cit., p. 719-720 et note de bas de page n° 12). Les banques se portent contreparties pour les transactions sur actions, droits de participation, obligations, parts de fonds de placement et options cotées à la bourse. Les règles de la commission simple s'appliquent aux transactions sur Eurex ou sur des actifs cotés à l'étranger ou négociés OTC (Lombardini, op. cit. p. 720, note de bas de page n° 15 et la référence citée).

5.2 En l'occurrence, le principe même d'un droit des appelantes à la reddition de compte n'est, à juste titre, pas remis en question par les parties, puisque F______ (SUISSE) SA et les premières nommées ont été liées par un contrat de compte/dépôt bancaire, qui comporte des éléments de mandat, s'agissant en particulier du devoir de diligence et de fidélité de la banque.

S'appuyant sur l'ATF 139 III 49 précité du Tribunal fédéral, les appelantes font cependant valoir que leur droit à la reddition de compte aurait une portée plus large que celle fondée sur le contrat de compte/dépôt bancaire, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

Pour sa part, l'intimée argue que les principes découlant de l'arrêt en question ne seraient pas transposables au cas d'espèce, car la situation dont le Tribunal fédéral avait eu à juger était, selon elle, complètement différente de la présente cause, de sorte qu'aucun rapport de mandat ne se trouverait au centre de gravité des relations contractuelles actuellement litigieuses.

L'intimée ne peut toutefois être suivie. Contrairement à ce qu'elle affirme, les parties étaient également liées par un contrat de dépôt dans l'affaire précédemment portée devant le Tribunal fédéral. Par ailleurs, l'intimée prétend que les règles relatives au contrat de commission ne seraient pas applicables à la relation contractuelle qui fait l'objet du présent litige, au motif que les contrats d'options souscrits par les Fonds A___/B___/C___/X______ l'étaient en leur propre nom (sans que cette affirmation ne s'appuie sur une quelconque pièce du dossier), et non par la Banque en qualité de commissionnaire. Il résulte cependant des "Conditions for Forex, options and financial futures operations" que les contrats d'options et de "futures" étaient conclus par la Banque pour le compte de son client, et non par le client lui-même directement avec des tiers, la Banque pouvant prélever une commission pour ces transactions conclues avec des tiers. Il ressort en outre d'un rapport établi par O______ en 2009 que la Banque était devenue la contrepartie des Fonds pour leurs opérations spéculatives à terme sur le FOREX et futures. Au regard de ce qui précède et des règles rappelées ci-dessus, les transactions effectuées par la Banque, notamment celles liées aux futurs financiers, remplissaient les conditions d'un contrat de commission, contrairement à l'opinion de l'intimée, cette dernière n'ayant pas démontré qu'il devrait en aller autrement lorsqu'il s'agit d'opérations boursières. Il s'ensuit que la relation entre les parties comportait d'autres composantes du droit du mandat que celle qui est propre à l'activité de banque dépositaire.

A l'instar de l'affaire dont se prévalent les appelantes, les parties ont conclu plusieurs contrats intrinsèquement liés entre eux et dépendant les uns des autres, puisque la Banque dépositaire a été chargée d'effectuer, entre autres, des transactions sur futures pour les appelantes, qu'elle leur a accordé des crédits en vue de l'exécution de ces transactions et que ces crédits étaient garantis par le nantissement des avoirs des appelantes.

Ainsi, vu l'interdépendance entre les éléments liés au prêt et ceux liés au mandat, le rapport contractuel entre les parties doit être qualifié de contrat complexe et appréhendé comme un seul accord, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, avec pour conséquence qu'il faut donner une réponse unique au point de savoir s'il y a des obligations de rendre compte et de restituer pour tous les éléments du contrat. Compte tenu des similarités du cas d'espèce avec celui qui a donné lieu à l'ATF 139 III 49, il se justifie de retenir que l'aspect du mandat constitue le centre de gravité des relations contractuelles.

Sous cet angle, c'est à juste titre que les appelantes se plaignent du fait que le Tribunal a statué sur leurs prétentions en "découpant" les relations qui les liaient à la Banque et en excluant par principe du champ de la reddition de compte tout ce qui était demandé en relation avec le contrat de prêt.

6. Les appelantes invoquent une violation de leur droit à la reddition de compte.

6.1.1 Selon l'art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu'il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit.

L'obligation de rendre compte comprend deux aspects : l'obligation de renseigner et l'obligation de présenter des comptes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2015 du 16 décembre 2015 consid. 4.2.1; Werro, in Commentaire romand CO-I, 2012, n. 3 ad art. 400 CO).

L'obligation de renseigner implique que le mandataire fournisse en temps utile toute information réclamée ou spontanée en rapport avec l'exécution du mandat. Le mandataire doit présenter un compte-rendu suffisamment clair et détaillé afin de tenir le mandant au courant des actes accomplis et de certains faits importants. L'information permet au mandant de vérifier si les activités du mandataire correspondent à une bonne et fidèle exécution du mandat (ATF 139 III 49 consid. 4.1.2; ATF 110 II 181 consid. 2) et, le cas échéant, de réclamer des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité du mandataire. Elle est également nécessaire pour que le mandant puisse exiger la restitution (ATF 110 II 181 consid. 2; ATF 138 III 425 consid. 6.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_413/2007 consid. 3.3; Werro, op. cit., n. 4, 7 et 8 ad art. 400; arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2015 du 16 décembre 2015 consid. 4.2.1).

L'étendue de l'obligation de renseigner dépend du type de mandat en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 5 et les références citées).

Par ailleurs, l'étendue de l'obligation de rendre compte est limitée aux opérations concernant le rapport de mandat. Le mandataire doit informer le mandant de manière complète et véridique et lui remettre tous les documents concernant les affaires traitées dans l'intérêt du mandant. L'obligation de restituer concerne tout ce qui a été remis au mandataire par le mandant en exécution du mandat ou ce que le mandataire a reçu de tiers. Font exception les documents purement internes, tels que les études préalables, les notes, les projets, le matériel rassemblé et la comptabilité de l'intéressé (ATF 139 III 49 consid. 4.1.3, in JdT 2014 II p. 217).

Il faut différencier entre les documents internes (non soumis à l'obligation de restitution) dont le contenu doit être porté sous une forme appropriée à la connaissance du mandant pour lui permettre de contrôler l'activité du mandataire et les documents purement internes, comme par exemple des projets de contrat qui n'ont jamais été envoyés, qui ne sont de toute façon pas pertinents pour vérifier si le mandataire a exécuté le mandat conformément au contrat. Des relevés sur les visites de clients et les contacts peuvent faire l'objet d'une obligation de rendre compte, bien que ces relevés (internes) ne soient en principe pas soumis à l'obligation de restitution. Si un document interne est en principe soumis à l'obligation de rendre compte, cela ne signifie pas encore qu'il doit être présenté au mandant sans autre examen. Au contraire, il faut en pareil cas procéder à une pesée d'intérêts avec les intérêts du mandataire au maintien du secret. On peut tenir compte des intérêts légitimes du mandataire en prévoyant que dans le cas concret un document ne doit être présenté que sous la forme d'extraits (ATF
139 III 49 consid. 4.1.3).

Les exigences quant au degré de précision de la demande d'informations ne doivent pas être trop élevées. Dès lors que le demandeur ne sait pas du tout quel est le contenu exact de l'information à laquelle il a droit, on ne peut exiger de lui qu'il désigne séparément chaque preuve qu'il demande. Au contraire, il doit suffire qu'il expose clairement, en formulant sa conclusion, dans quel but et sur quoi il demande des informations ou une reddition de compte et pour quelle période et sous quelle forme il les demande. Si la demande tend à la reddition de comptes, il n'est pas nécessaire que le demandeur indique quel doit être le contenu des comptes, dès lors qu'il n'aura précisément connaissance de la situation comptable que par la reddition de comptes. Si en vue d'un but concret, il requiert des pièces qui ne sont pas déterminées avec précision, il incombe au défendeur d'opérer la sélection des pièces. Si la demande d'informations est certes claire, mais formulée de manière trop générale, le juge doit la limiter de manière appropriée aux éléments qu'il estime décisifs et pour le reste, rejeter la conclusion (ATF
143 III 297 consid. 8.2.5.5)

6.1.2 En matière bancaire, la Cour de céans a retenu que le devoir de renseigner s'étendait à tous les faits que le mandant pouvait avoir intérêt à connaître pour déterminer si le mandataire avait exécuté le contrat avec diligence et s'il s'en était tenu aux instructions, sans que cela n'implique une obligation du mandataire de justifier de sa diligence. Les renseignements fournis devaient être suffisants et compréhensibles et couvrir l'ensemble des éléments permettant au client de comprendre les opérations effectuées et d'être éclairé sur les éventuelles erreurs du mandataire. Il a encore été précisé que ce devoir de renseigner subsistait même lorsque le mandataire avait déjà complètement renseigné le mandant de son vivant et qu'il s'étendait non seulement aux affaires en cours, mais également aux affaires antérieures (Jacquemoud-Rossari, Reddition de comptes et droit aux renseignements, in SJ 2006 II p. 27).

Le mandataire doit ainsi présenter un compte-rendu détaillé, accompagné des pièces justificatives (avis de transaction, relevés du compte, etc.) et ce, même si les pièces ont déjà été communiquées par le passé, étant précisé que le client n'a pas besoin de justifier d'un intérêt particulier; ce dernier peut de surcroît demander des explications supplémentaires au sujet des écritures portées sur les documents qui lui ont été communiqués. L'exigence de recevoir des relevés sous un aspect uniforme, de manière à avoir une meilleure compréhension des opérations et de leurs effets est justifiée (Jacquemoud-Rossari, op. cit., p. 27-28).

Quand bien même la fixation et le calcul des marges appliquées se faisaient de manière discrétionnaire par la banque et qu'ils n'avaient pour seul but que de protéger les intérêts de la banque, afin de limiter ses risques dans l'éventualité de l'insolvabilité de son client (cf. ACJC/863/2005 du 7 juillet 2005; Jacquemoud-Rossari, op. cit., p. 28-29), il résulte de l'ATF 139 III 49 cité ci-dessus que, dans le cadre d'un litige entre une banque et son client en lien avec un appel de marge, le mandant avait un intérêt à obtenir une reddition de compte sur le point de savoir quelles valeurs avaient été prises en compte et comment elles avaient été calculées.

6.1.3 L'obligation de rendre compte trouve ses limites dans l'application des règles de la bonne foi. Selon la jurisprudence, il y a violation de la bonne foi si le client ne s'est jamais plaint durant des années des notes d'honoraires et qu'il estime soudain que celles-ci sont insuffisamment détaillées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_144/2012 du 11 septembre 2012 consid. 3.2.2). La demande peut être qualifiée d'abusive et rester sans suite également lorsque l'exercice de la prétention en reddition de compte ne repose sur aucun intérêt légitime de la part du demandeur, notamment parce qu'il paraît chicanier ou inopportun. Tel est notamment le cas si le demandeur possède déjà les informations nécessaires ou qu'il serait en mesure de les obtenir en consultant ses propres documents, alors que le mandataire ne pourrait les fournir qu'avec les plus grandes difficultés ou bien si le demandeur n'a formé aucune requête durant des années, sans émettre de réserve et sans qu'apparaisse un élément nouveau justifiant des explications. Le point de savoir si la demande en reddition de compte peut ou non être considérée comme abusive dépend de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 4C.206/2006 du 12 octobre 2006 consid. 4.3.1).

6.2 En l'occurrence, les appelantes sollicitent que la Banque soit condamnée à leur fournir davantage de renseignements et documents (listés ci-dessous) aux fins d'obtenir une situation claire de la situation, notamment en relation avec la liquidation, en mai 2010, de la quasi-totalité des positions ouvertes dans leurs portefeuilles.

Par souci de clarté, la même numérotation que celle figurant dans la partie EN DROIT du jugement entrepris sera reprise ci-après.

(a) La demande d'autorisation d'exercice de l'activité bancaire de F______ (SUISSE) SA et la demande d'autorisation de prise de contrôle de G______ SA par le groupe F______ telles que formées auprès de la FINMA ainsi que (b) la demande d'autorisation pour la prise de contrôle de G______ SA et l'implantation d'une filiale bancaire en Suisse, telles que formées par le groupe F______ auprès de la Commission bancaire chinoise

Les appelantes reprochent au Tribunal d'avoir retenu que ces documents n'étaient pas propres à rendre compte de l'activité de la Banque, au motif qu'ils avaient été établis antérieurement à toute relation contractuelle entre les parties. Elles font valoir que le seul critère déterminant pour la reddition de compte est la pertinence des documents sollicités pour contrôler la correcte exécution du mandat, de sorte qu'une limitation temporelle serait inappropriée à cet égard.

Or, dans la mesure où les documents en question se rapportent à des demandes d'autorisation formées par le groupe F______, lequel n'est pas partie aux relations contractuelles présentement litigieuses, ils ne sauraient être obtenus par le biais d'une demande de reddition de compte fondée sur l'art. 400 CO à l'encontre de l'intimée.

Pour le surplus, en dehors du fait que la documentation sollicitée est sans rapport avec les relations bancaires qui font l'objet du présent litige, l'on ne voit pas en quoi des demandes telles que celle visant à obtenir une autorisation d'exercer une activité bancaire seraient d'une quelconque utilité pour contrôler concrètement les actes de la Banque dans le cadre des relations contractuelles qui la liaient aux Fonds A___/B___/C___/X______, puisque ces documents et les informations qu'ils comportent ne sont pas de nature à renseigner les appelantes sur l'exécution par la mandataire des instructions qui lui ont été données.

L'appel sera dès lors rejeté sur ces points.

(c) les directives internes relatives au traitement des conflits d'intérêts des membres du conseil d'administration, de la direction et des employés de F______ (SUISSE) SA

Le Tribunal a considéré que les directives internes sollicitées ne portaient pas sur l'activité effectuée par la Banque au cours des relations contractuelles et ne permettaient dès lors pas d'évaluer son activité concrète dans ce cadre. A cela s'ajoutait que même si la Banque avait établi de telles directives, cela ne signifiait pas qu'elles auraient effectivement été appliquées.

Les appelantes font valoir que l'approche du Tribunal serait doublement fausse, au motif que les directives relatives aux conflits d'intérêts au sein de la Banque devraient nécessairement s'appliquer à toutes les opérations menées par elle, faute de quoi elles n'auraient aucune utilité. Par ailleurs, le non-respect des directives internes permettrait de démontrer que la Banque a failli à son devoir de diligence dans sa relation avec les Fonds A___/B___/C___/X______.

Il y a cependant lieu de rappeler que les directives internes d'une banque ne sont en principe pas sujettes à reddition de compte, puisqu'elles sont destinées à un usage interne, à moins qu'elles présentent un intérêt pour les mandantes dans le cadre de la supervision de l'activité de leur mandataire et que cet intérêt soit prépondérant à celui de la banque au maintien du secret.

En l'occurrence, les appelantes n'ont pas confié la gestion de leur fortune à la Banque, de sorte que celle-ci n'était pas responsable de la surveillance des investissements effectués par leur représentant ou de leur conformité avec la politique d'investissement et les restrictions d'investissement (cf. en particulier art. 5 du custodian agreement). Le mandat de la Banque était limité à l'exécution des instructions données par les Fonds ou leur représentant autorisé.

La circonstance que le représentant des Fonds se soit trouvé en situation de potentiel conflit d'intérêts (notamment en ses qualités d'investisseur dans ceux-ci, de gestionnaire de leurs avoirs et de directeur de la Banque) – ce que les Fonds ne pouvaient ignorer au moment où ils lui ont conféré une procuration générale sur leurs comptes – peut certes avoir eu une influence, notamment sur le choix des investissements qui ont été effectués – mais l'on ne voit pas en quoi elle aurait pu avoir une incidence sur le respect par la Banque des instructions qui lui ont été données par le premier nommé.

Il s'ensuit que le contenu des directives internes de la Banque ne constitue pas une information dont les appelantes ont besoin pour vérifier si celle-ci a correctement exécuté les instructions qui lui ont été communiquées.

Il sera pour le surplus rappelé que c'est au regard des principes légaux et jurisprudentiels applicables en la matière, et non sur la base d'éventuelles directives que se serait fixées l'intimée, qu'un éventuel défaut de diligence de sa part doit être apprécié.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point.

(d) la décision d'autorisation de la FINMA concernant les nouveaux dirigeants de F______ (SUISSE) SA à la suite du départ de H______ en avril 2010

Ce document est dépourvu de pertinence pour contrôler l'activité concrète de la Banque dans le cadre des relations contractuelles qui la liaient aux Fonds A___/B___/C___/X______, puisqu'il ne permettrait pas de renseigner les appelantes sur l'exécution par la mandataire des instructions qui lui étaient données.

Dès lors que les informations résultant de ce document excèdent le cadre des renseignements que la Banque doit fournir à ses mandantes, c'est avec raison que le Tribunal a rejeté cette prétention des appelantes.

(e) pour chacun des comptes ouverts auprès de la Banque par les trois Fonds A______/B______/C______ parties à la présente procédure: (i) les relevés de portefeuilles des 28 avril 2010, 7, 11 et 28 mai 2010, 10 et 30 juin 2010, (ii) les relevés de comptes du 9 décembre 2008 au 31 mars 2010 pour les trois relations bancaires, ainsi que les relevés de comptes du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012 pour la relation n° 1______, du 1er juin 2010 au 11 décembre 2012 pour la relation n° 2______ et du 1er juin 2010 au 30 juin 2013 pour la relation n° 3______, (iii) les avis d'opérations concernant les trois relations bancaires pour les mêmes périodes que les relevés de comptes, (iv) les instructions (transferts, achats/ventes, produits financiers, prêts, etc.) du 9 décembre 2008 au 31 décembre 2015

En l'occurrence, le Tribunal a fait droit à ces chefs de conclusion des appelantes, sous réserve du fait que s'agissant des instructions (let. iv), le Tribunal a exclu du champ de la reddition de compte tout ce qui avait trait aux demandes de prêts ou d'augmentation des limites de crédit (y compris les décisions d'approbation ou de refus par la Banque), puisque cela ne s'inscrivait pas dans un quelconque rapport de mandat.

Les appelantes font valoir qu'une telle restriction en ce qui concerne les informations et documents liés aux prêts ne serait pas compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral citée ci-dessus en matière de reddition de compte en relation avec des contrats composés ou complexes et aboutirait au résultant aberrant et choquant qu'un client ne pourrait pas obtenir une copie des "instructions qu'il aurait données à sa banque en lien avec un prêt".

Le grief des appelantes est fondé, puisqu'elles ont le droit de requérir une copie de toutes les instructions qu'elles ont données à la Banque, indépendamment du fait que celles-ci portent sur leurs propres actifs ou sur ceux qui leur ont été prêtés.

Il sera dès lors précisé dans le dispositif du présent arrêt que la reddition de compte ordonnée au quatrième tiret des chiffres 1 à 3 du dispositif du jugement entrepris porte également sur les instructions données à la Banque en lien avec les crédits octroyés (pour autant qu'il y ait eu de telles instructions, puisque les prêts ont, a priori, essentiellement servi à répondre aux appels de marge).

(e) (v) les décomptes et documents relatifs à la rémunération, aux intérêts, frais et commissions perçus par F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008

Sur ce point, le Tribunal a retenu que dans la mesure où il a été ordonné à la Banque de fournir les relevés d'opérations pour la période du 9 décembre 2008 au 31 mars 2010 et que figuraient déjà à la procédure les avis d'opérations du 1er juin 2010 au 10 décembre 2012, ainsi que les relevés d'intérêts jusqu'au 31 décembre 2015, les appelantes seront en possession de toutes les informations recherchées.

Faute de grief intelligible à l'encontre de cet aspect du jugement, ce dernier sera confirmé.

(e) (vi) l'intégralité de la correspondance interne et externe dès le 9 décembre 2008 entre, en particulier, les intervenants suivants: H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______ et W______ AG ainsi que (vii) les notes internes et notes d'entretiens téléphoniques et de visites de F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008, y compris les interoffice memoranda.

Le Tribunal a ordonné à la Banque (en relation avec les conclusions visées au point (e) (iv) ci-dessus) de remettre aux appelantes toutes les informations portant sur leurs instructions, respectivement celles de H______ et/ou Q______, relatives aux transferts, aux paiements, aux achats de produits financiers ou encore aux ventes de produits financiers, pour la période du 9 décembre 2008 au 31 décembre 2015, cette remise pouvant consister à fournir copies des pièces (courriels, courriers, notes internes, notes d'entretiens, notes d'entretiens téléphoniques ou rapports de visites, voire éventuellement sous forme d'interoffice memoranda, etc.) qui les justifient lorsqu'elles existent, étant rappelé que des instructions orales n'étaient pas exclues et que, dans de telles circonstances, toute remise sous forme de pièce n'était par définition pas possible, sous réserve de l'établissement d'une liste desdites instructions, ce qui 10 ans après les faits apparaissait difficile à mettre en œuvre.

Le Tribunal a cependant retenu que toute correspondance interne ou externe en lien avec les crédits lombards octroyés aux Fonds A___/B___/C___/X______ ne relevaient pas du contrat de mandat, mais du contrat de prêt, pour lequel le prêteur n'avait pas d'obligation de rendre compte.

Les appelantes se prévalent à nouveau de l'arrêt topique du Tribunal fédéral en matière de contrats complexes pour soutenir qu'une telle limitation basée sur la nature du contrat serait dépourvue de fondement. Elles font par ailleurs valoir que les informations résultant des documents requis en lien avec les crédits qui leur ont été octroyés permettraient de mettre en lumière les multiples rôles de la Banque dans sa relation avec chacun des Fonds A___/B___/C___/X______ et d'apprécier le comportement et la diligence de ses employés et de ses organes, ce qui correspondrait, selon elles, au contrôle de la bonne et fidèle exécution du mandat.

Cela étant, les divers statuts de la Banque (dépositaire, créancière-gagiste, commissionnaire, etc.) résultent déjà des pièces figurant au dossier, soit notamment de tous les différents documents contractuels et leurs annexes.

Pour le surplus, quand bien même la question du devoir de la Banque de rendre compte de son activité devrait trouver une réponse unique pour l'ensemble des relations contractuelles nouées entre les parties, les appelantes n'expliquent pas en quoi la correspondance échangée entre les collaborateurs de la Banque ou avec des tiers (notamment W______ AG, qui a d'ailleurs été mandatée postérieurement à la liquidation litigieuse des positions des Fonds), ou encore des notes internes au sujet des crédits sollicités par les Fonds A___/B___/C___/X______ contiendraient des informations dont les appelantes auraient besoin pour vérifier si leur mandataire a correctement exécuté les instructions qui lui ont été données et si c'est avec diligence qu'elle a liquidé leurs investissements en mai 2010.

Dès lors que l'exercice de la prétention en reddition de compte ne repose sur aucun intérêt légitime des appelantes, c'est à bon droit que le Tribunal a refusé d'y donner suite.

L'appel sera dès lors rejeté sur ce point.

(f) pour chacun des trois Fonds A______/B______/C______: (i) l'intégralité des procès-verbaux de réunions du Comité de crédit et (ii) du Conseil d'administration de F______ (SUISSE) SA dès le 9 décembre 2008, (iii) l'intégralité du dossier du Compliance department, (iv) les dossiers de crédit complets (avec rapports, préavis, schémas, et tout autre document lié), (v) les rapports internes et (vi) externes de la Banque (juridiques, d'audit, de compliance ou de risques, avec leurs annexes).

Le premier juge a retenu que les appelantes ne pouvaient prétendre à la remise de tels documents, au motif qu'ils étaient tous en lien avec les crédits lombards qui leur avaient été concédés et étaient destinés à évaluer le risque pour la Banque en lien avec les engagements des Fonds A___/B___/C___/X______ et leur capacité à faire face et n'étaient pas en lien avec son activité de banque dépositaire, ni même, si l'on admettait l'existence d'un tel contrat, avec une activité de gestion. En outre, le moment des appels de marge, leur fixation et leur montant étaient inhérents à la relation de crédit entre une banque et son client et non à une quelconque relation de mandat.

Dans le cadre de leur appel, les appelantes se contentent de soutenir qu'une telle limitation basée sur la prétendue nature du contrat serait privée de fondement. Renvoyant aux développements qui figurent dans leurs écritures de première instance, elles font valoir que les documents requis permettraient de vérifier la bonne exécution du mandat et tomberaient dès lors dans le champ d'application de l'art. 400 CO.

Quand bien même il serait avéré que les motifs qui ont conduit le Tribunal à refuser de faire droit aux conclusions susvisées des appelantes ne seraient pas conformes aux principes applicables, il n'en demeure pas moins qu'il appartenait aux intéressées d'expliquer et de démontrer pour quelles raisons les documents demandés, qui constituent tous des documents internes de la Banque, seraient pertinents et utiles pour contrôler que celle-ci a correctement exécuté ses obligations contractuelles. Pour le surplus, elles n'ont notamment pas exposé pourquoi les nombreux documents déjà transmis par la Banque et figurant au dossier (ainsi que les renseignements encore à fournir par celle-ci selon le jugement du 29 juin 2020) ne leur permettraient pas de comprendre les opérations effectuées, y compris celles qui ont eu lieu dans le contexte de la liquidation de leurs positions, d'être éclairées sur les éventuelles erreurs de la Banque, de vérifier que celle-ci a bien respecté les instructions qui lui ont été données ou encore de chiffrer leur dommage. En se contentant de renvoyer à l'argumentation contenue dans leurs écritures de première instance, les appelantes n'ont pas satisfait aux exigences de motivation d'un appel (cf. ATF 140 III 115 consid. 2).

L'appel est dès lors irrecevable en tant qu'il porte sur ces points du jugement entrepris.

(f) (vii) l'annexe 1 (Letter of engagement) du rapport spécial de W______ AG du 21 juin 2010 et (viii) le Regulatory report de W______ AG du 31 mai 2010.

Le Tribunal a retenu que le rapport de W______ AG avait pour objet l'audit des relations entre F______ (SUISSE) SA et les Fonds A___/B___/C___/X______ et de déterminer si celle-ci, F______ (recte: Z______ (SUISSE) SA) ou leurs employés avaient violé la loi, la réglementation et les procédures internes de la banque ou encore les instructions des Fonds en lien avec la gestion. Dans la mesure où ledit rapport ne portait pas sur l'activité de banque dépositaire et où la Banque n'avait pas reçu de mandat de gestion, les Fonds ne pouvaient pas prétendre à la remise de documents établis en lien avec ce rapport.

Contestant cette opinion du premier juge, les appelantes se bornent à affirmer que le refus d'ordonner la remise des documents susvisés constituerait une violation crasse de l'art. 400 CO, car il empêcherait toute possibilité de contrôle effectif de l'activité du mandataire.

A supposer que ce grief soit suffisamment motivé, il est dépourvu de fondement. L'on peine en effet à discerner en quoi la lettre d'engagement d'une société d'audit pourrait contenir des informations susceptibles de contrôler si la Banque a correctement exécuté les instructions données par ses mandantes ou leur représentant, étant pour le surplus relevé que le contexte dans lequel l'auditeur a établi ce rapport résulte de ce document (cf. notamment p. 20).

Par ailleurs, le regulatory report, soit le rapport d'audit prudentiel, dont les appelantes demandent une copie, est destiné à la FINMA et n'a pas à être remis aux clients d'une Banque. Au demeurant, les informations pertinentes de ce rapport au sujet des irrégularités commises au sein de la Banque dans le cadre de sa relation avec les Fonds A___/B___/C___/X______ ont été retranscrites dans le rapport d'audit du 21 juin 2010, de sorte que les appelantes disposent d'ores et déjà des informations recherchées.

L'appel sera dès lors rejeté sur ces points.

6.3 En définitive, il résulte des considérants qui précèdent que, sous réserve des documents et renseignements que l'intimée a été condamnée à remettre aux appelantes, la première nommée a rempli ses obligations de rendre compte de l'activité qu'elle a fournie en faveur des secondes.

Il s'ensuit que, en dehors de la précision à apporter en ce qui concerne les instructions données en relation avec les crédits accordés par la Banque, le jugement entrepris sera intégralement confirmé.

Au regard du temps dont la Banque a disposé depuis la reddition du jugement entrepris, le délai pour remettre les documents et renseignements sera d'un mois dès la notification du présent arrêt.

7. Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour de fixer un délai aux parties pour se déterminer sur les pièces qui seront produites par la Banque sur reddition de compte, la conduite de la procédure de première instance étant du ressort du Tribunal.

8. Faute de motivation concernant les chefs de conclusion visant à l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif du jugement querellé, il ne sera pas entré en matière sur ces points.

9. Les frais judiciaires d'appel sont arrêtés à 10'000 fr. vu la complexité de la cause et le caractère autonome des prétentions en reddition de compte, et mis à la charge des appelantes, qui succombent dans une très large mesure (art. 95 et 106 al. 1 CPC; art. 19 al. 1 et 4 LaCC; art. 17 RTFMC). Ils seront compensés à concurrence de 5'000 fr. avec l'avance fournie par les appelantes, qui seront condamnées à verser le montant restant de 5'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (art. 111 al. 1 CPC).

Bien qu'en principe la valeur litigieuse d'une action en reddition de compte soit calculée en fonction des prétentions pécuniaires auxquelles les renseignements ou documents requis peuvent servir de fondement (ATF 126 III 445 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1), l'application du tarif conduirait à un résultat disproportionné par rapport aux particularités de la présente cause (art. 85, 87 et 90 RTFMC). Il sera donc fait appel à la possibilité prévue à l'art. 23 al. 1 LaCC, applicable aux cas spéciaux, et les dépens dus par les appelantes en faveur de l'intimée seront arrêtés à 5'000 fr., débours et TVA inclus, montant qui correspond à la difficulté de la cause, ainsi qu'à l'ampleur modérée de la question litigieuse et du travail qu'elle a impliqué.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 septembre 2020 par A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD contre le jugement JTPI/8404/2020 rendu le 29 juin 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22544/2015.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris, avec la précision, aux chiffres 1 à 3 du dispositif de ce jugement, que les documents et renseignements à remettre par E______ concernant les instructions données à F______ (SUISSE) SA du 9 décembre 2008 au 31 décembre 2015 en lien avec les opérations effectuées sur les comptes bancaires et les portefeuilles des relations bancaires n°1______, 2______, 3______ concernent également les instructions données en relation avec les crédits accordés par F______ (SUISSE) SA.

Dit que l'ensemble des documents et renseignements figurant aux chiffres 1 à 3 du dispositif du jugement entrepris devront être remis par E______ à A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD dans un délai d'un mois dès la notification du présent arrêt.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 10'000 fr., les met à la charge de A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD, solidairement entre elles, et dit que ces frais sont compensés à hauteur de 5'000 fr. avec l'avance versée.

Condamne A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD, solidairement entre elles, à verser 5'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ LTD, B______ LTD et C______ LTD, solidairement entre elles, à verser 5'000 fr. de dépens à E______.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.