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Décisions | Tribunal pénal

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P/21292/2021

JTDP/159/2025 du 10.02.2025 sur OPMP/7025/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.251; LEI.115; LEI.115; LEI.118
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 21


10 février 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur A______, prévenu, né le ______ 1990, domicilié ______[GE], assisté de Me Gazmend ELMAZI


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du prévenu des chefs d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), de tentative d'infraction à l'article 118 alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et d'infraction à l'article 92 alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) et requiert le prononcé d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 70.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.

A______, par la voix de son conseil, conclut au classement des infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c LEI pour la période pénale allant du 15 août 2015 au 9 février 2018, et à son acquittement pour le surplus hormis l'infraction aux art. 115 al. 1 let. b et c LEI pour la période du 10 février 2018 au 24 juillet 2019. Il demande, pour la période précitée, à ce qu'il soit exempté de peine conformément à l'art. 52 CP.

*****

Vu l'opposition formée le 17 août 2022 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 15 août 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du Ministère public du 15 août 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, entre le 15 août 2015 et le 15 août 2022, date de son interpellation, persisté à séjourner et travailler sur le territoire suisse, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires.

Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI).

b. Il lui est également reproché d'avoir, le 25 juillet 2019, produit à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), dans le cadre de l'opération "Papyrus", différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève. Il a de la sorte, tenté d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses années passées en Suisse et sur ses employeurs, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu'une telle autorisation ne lui a finalement pas été délivrée. Dans ce cadre-là, il a en particulier produit des faux certificats de travail prétendument établis par C______ pour les années 2010 et 2011, ainsi qu'un faux certificat de travail daté du 1er juin 2009 et prétendument établi par C______ pour la période allant du 1er septembre 2007 au 31 mai 2009.

Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 CP cum 118 al. 1 LEI).

c. Il lui est enfin reproché de s'être, à Genève, entre le 15 août 2015 et le 15 août 2022, jour de son interpellation, dérobé à l'obligation de s'assurer pour le risque maladie, laquelle est prévue par l'article 3 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal).

Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public d'infraction à l'art. 92 al. 1 let. a LAMal.

B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants.

a.a. Le 1er novembre 2021, le service juridique de l'OCPM a dénoncé au Ministère public les agissements d'A______, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 25 juillet 2019. Les soupçons étaient liés à l'existence de certificats de salaire et d'un certificat de travail établis par l'entreprise C______.

a.b. A l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a produit les documents suivants:

-          un extrait du registre du commerce de C______, dont il ressort que cette société a été déclarée en faillite, par jugement du Tribunal de première instance le 12 novembre 2012. D______, seule personne inscrite au registre du commerce, avait pouvoir de signature individuelle;

-          une attestation de travail en faveur d'A______ au nom de la société C______, datée du 1er juin 2009, signée par "L'employeur" (sic) et portant sur la période du 1er septembre 2007 au 31 mai 2009, certifiant qu'A______ a travaillé dans l'entreprise "en qualité d'apprentissage en peinture bâtiment" (sic), précisant que ce dernier avait quitté l'entreprise le 31 mai 2009 pour des "raisons économiques";

-          un certificat de salaire en faveur d'A______ au nom de la société C______, daté du 12 janvier 2011 et portant sur l'année 2010, à teneur duquel A______ a perçu CHF 11'000.- à titre de salaire annuel brut, les cotisations AVS s'élevant à CHF 2'200.-;

-          un certificat de salaire établi le 18 janvier 2012 par C______ pour l'année 2011, à teneur duquel A______ a perçu CHF 18'000.- à titre de salaire brut , les cotisations AVS s'élevant à CHF 4'950.-;

-          un extrait du compte individuel AVS d'A______ délivré par la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: OCAS) le 10 mars 2020, sur lequel aucune mention ne figure, en particulier sous les rubriques "employeur ou genre de revenu".

b. Il ressort notamment du rapport d'arrestation du 15 août 2022 qu'A______ n'a jamais eu de statut légal en Suisse.

c. A______ a été entendu par la police le 15 août 2022. Il a expliqué avoir grandi au Kosovo puis être venu en Suisse en février ou mars 2007 pour rejoindre son père. Il avait trouvé "une sorte d'apprentissage" au sein de l'entreprise C______, où il avait travaillé sur appel, à raison de deux à trois jours par mois. Il avait perçu son salaire "de la main à la main", en espèces, sans signer aucune quittance. Il avait rencontré le patron de cette entreprise, D______, qui l'avait engagé pour l'aider, par le biais d'amis en commun. Confronté au fait que son relevé individuel de l'OCAS ne comportait aucune mention de cette entreprise et que les montants des cotisations indiqués sur ses certificats de salaire étaient erronés, il a expliqué qu'à l'époque, il était jeune et ne comprenait pas vraiment le système. Ces certificats avaient été établis par son patron pour "prouver quelque chose" et il n'avait pas vérifié si les charges sociales avaient été payées. Il a ensuite indiqué avoir reçu ces documents de son patron à l'époque où il travaillait au sein de cette entreprise. Il avait également travaillé en qualité de peintre pour d'autres entreprises à cette époque, mais il ne se souvenait plus de leurs noms. Il avait également suivi des cours pour apprendre le français.

A______ a admis avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires, jusqu'à sa demande de régularisation. Il avait travaillé, de manière irrégulière, sur appel. Depuis environ deux ans, il travaillait en qualité de jardinier au sein d'E______, travail qui était déclaré. Souhaitant légaliser sa situation en Suisse, il avait déposé une demande dans le cadre de l'opération "Papyrus" en 2019. Il avait effectué cette demande seul en se renseignant sur internet.

Il n'avait pas encore souscrit à une assurance maladie mais avait entrepris des démarches dans ce sens.

e. Par ordonnance pénale du 15 août 2022 rendue par le Ministère public, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende fixée à CHF 70.- le jour, peine assortie du sursis avec délai d'épreuve d'une durée de trois ans, pour séjour et exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b. et c LEI), faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI et infraction à l'art. 92 al. 1 let. a LAMal.

f. En date du 17 août 2022, par l'intermédiaire de son conseil, A______ a formé opposition contre l'ordonnance pénale précitée.

g. Le 2 février 2024, une audience de confrontation s'est tenue par-devant le Ministère public.

g.a. Entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, D______ a déclaré qu'il était propriétaire de l'entreprise C______ et qu'il s'y occupait de tout. Il décrochait les chantiers, travaillait sur des derniers et s'occupait d'engager le personnel de l'entreprise. Le comptable se chargeait de la comptabilité et la caisse du GGE établissait les fiches de salaire.

Interrogé au sujet d'A______, il a affirmé qu'il ne le connaissait pas et que l'intéressé n'avait jamais travaillé au sein de C______.

Confronté à l'attestation de travail ainsi qu'aux certificats de salaire litigieux, D______ a indiqué que le papier entête n'était pas celui qu'il utilisait et que ni la signature ni le timbre humide n'était de son fait. S'agissant des certificats de salaire, ceux-ci étaient également faux, dès lors qu'il ne les signait jamais. En effet, la caisse du GGE était en charge de les signer.

g.b. A______ a confirmé ses précédentes déclarations à la police et contesté l'ensemble des infractions qui lui étaient reprochés. Il a confirmé avoir travaillé à Genève entre 2007 et 2011. Il a expliqué qu'il n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour entre le 15 août 2015 et le 15 août 2022, mais qu'il avait déposé une demande "Papyrus" auprès des autorités compétentes. Dès le dépôt de sa demande, l'OCPM lui avait délivré une autorisation provisoire.

Il a également affirmé qu'il ne connaissait pas D______. Un certain F______ lui avait remis les certificats de salaire, ainsi que l'attestation de travail et lui avait indiqué qu'il allait travailler pour D______. Toutefois il ne connaissait pas celui-ci. Il s'était rendu sur des chantiers mais n'avait jamais vu D______. F______ l'appelait lorsqu'il avait besoin d'aide sur un chantier et il allait travailler avec celui-ci. Il n'avait aucun doute sur la véracité des documents qu'il avait soumis à l'OCPM.

Il a ajouté que, suite à son audition à la police en août 2022, il avait souscrit à une assurance maladie obligatoire.

h. Les documents suivants figurent également à la procédure:

-          un extrait du compte individuel AVS d'A______ délivré par l'OCAS le 30 mai 2022, sur lequel figure les noms des sociétés G______ Sàrl, ayant cotisé pour les mois de septembre à novembre 2019 puis janvier et février 2020, et E______ Sàrl pour les mois de juin à décembre 2020;

-          un formulaire M (demande d'autorisation de séjour avec ou sans activité à Genève pour ressortissant étranger) du 17 juillet 2019 rempli par la société E______ Sàrl en faveur d'A______, employé en qualité d'aide jardinier, au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée pour un salaire mensuel brut de CHF 4'100.-;

-          un formulaire K (renouvellement et modification de situation pour titulaire d'un titre de séjour) non daté mais reçu par l'OCPM le 9 mars 2021, rempli par E______ Sàrl en faveur d'A______, employé en qualité d'aide jardinier, au bénéfice d'un contrat de travail de durée indéterminée à partir du 1er juillet 2020 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'200.-;

-          un contrat de travail de durée indéterminée conclu entre ______ Sàrl et A______ le 1er juillet 2019, dont il ressort que ce dernier est employé en qualité de peinture en bâtiment pour un salaire brut mensuel de CHF 4'100.-;

-          deux attestations de l'OCPM du 29 juillet 2019, respectivement du 4 juin 2020, certifiant qu'A______ réside à Genève en attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour;

-          des attestations d'achat d'abonnements des TPG lesquels certifient qu'A______ a acheté des abonnements mensuels entre le 16 janvier 2014 et le 11 novembre 2019; et

-          deux attestations datées du 8 avril 2019 rédigées par I______, directeur du Centre de J______, lequel certifie qu'A______ a participé activement aux activités proposées par le Centre, en tant que participant, de 2012 à 2014, puis en tant que bénévole depuis 2015.

C. L'audience de jugement s'est tenue le 10 février 2025.

A______ a contesté les infractions qui lui étaient reprochées. Il a reconnu n'avoir pas souscrit à une assurance maladie mais contesté la qualification juridique retenue par le Ministère public. S'agissant des infractions à l'art. 115 LEI, une partie de la période pénale était, selon lui, prescrite.

Il a expliqué avoir commencé à travailler au sein de l'entreprise C______ en 2009, lorsqu'il était arrivé à Genève. Il avait reçu un certificat après y avoir travaillé en 2010 et 2011. Confronté à l'attestation de travail, à teneur de laquelle il avait travaillé pour cette entreprise depuis 2007, il a confirmé que cela était correct et qu'il s'agissait d'un apprentissage. Il a ensuite indiqué être arrivé en Suisse en 2007. Il n'avait pas reçu de certificat de salaire pour les années 2007 à 2009 car il n'y avait travaillé que quelques jours et qu'il était jeune et sans expérience professionnelle. Il avait ainsi travaillé pour le prénommé F______, compatriote kosovar, à raison de deux à trois jours par semaine. Il lui arrivait de travailler une semaine entière ou, au contraire, de ne pas travailler pendant plusieurs jours. À ses yeux, F______ était le chef. Le certificat de salaire de 2011 mentionnait un salaire plus élevé qu'en 2010, dès lors qu'il avait plus travaillé cette année-là. Il a précisé que, durant cette période, il avait également travaillé sur d'autres chantiers à Genève, sans pouvoir préciser lesquels. Il a confirmé n'avoir jamais vu D______, les quatre années durant lesquelles il avait travaillé pour cette société, précisant qu'ils étaient peu nombreux à travailler sur le même chantier et qu'à certaines occasions, il était seul. Confronté à ses déclarations à la police et au Ministère public, il a expliqué que D______ l'avait contacté par le biais de F______ et qu'il estimait donc travailler pour celui-ci. Lorsque la police l'avait interrogé, il avait donné le nom de la personne "officielle" et n'avait ainsi pas cité F______. Il a ensuite indiqué avoir reçu les documents litigieux de la part de F______, en même temps, lorsqu'il préparait sa demande de permis de séjour.

Confronté au fait qu'il ne connaissait pas le nom de famille de F______, alors qu'il prétendait avoir travaillé avec ce dernier durant quatre ans, A______ a indiqué que cela ne l'intéressait pas de connaître son nom et qu'il avait besoin d'argent. Il n'avait pas posé plus de questions à F______ s'agissant du nom de la société pour laquelle il avait travaillé, étant précisé que la camionnette utilisée n'était pas floquée. Il n'avait appris le nom de la société qui l'employait que lorsqu'il avait reçu les documents produits. Depuis le début de la présente procédure, il avait tenté de retrouver F______, sans succès. Il avait essayé de le joindre au numéro de téléphone qu'on lui avait fourni, en vain.

D. A______ est né le ______ 1990 à ______, au Kosovo, pays dont il est originaire. Il est marié et père d'un enfant né le ______ 2023. Il travaille chez E______ Sàrl en qualité de jardinier et perçoit un salaire mensuel net de CHF 4'413.-.

Son loyer s'élève à CHF 1'300.- par mois et il verse des primes mensuelles d'assurance maladie à hauteur de 1'300.- pour sa famille.

Il n'a ni dette ni fortune.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il est sans antécédent.

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (RS 101; Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a, JdT 2004 IV 65 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si l'intéressé démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a, JdT 1999 IV 136; ATF 120 Ia 31 consid. 2, JdT 1996 IV 79).

De la demande "Papyrus"

2.2.1. L'art. 251 ch. 1 CP punit celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

La notion de titre est définie à l'art. 110 al. 4 CP. Seuls les documents destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont concernés. Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Ainsi, certains de ses aspects peuvent être propres à prouver certains faits, alors que d'autres ne le sont pas (PC CP, 2ème éd., Bâle 2017, n° 6 ad art. 251).

Le législateur réprime deux types de faux dans les titres: le faux matériel et le faux intellectuel. Leur utilisation est également considérée comme une infraction. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique.

L'auteur d'une facture au contenu inexact peut se rendre coupable de faux intellectuel dans les titres lorsque dite facture ne remplit pas qu'une fonction de facturation, mais qu'elle est destinée, objectivement et subjectivement, à servir au destinataire avant tout comme pièce comptable, si bien que sa comptabilité s'en trouve faussée. Si la facture au contenu inexact a été établie dans le but d'être intégrée dans la comptabilité, le faux intellectuel dans les titres prend naissance lors de son élaboration et non pas seulement lors de son enregistrement dans la comptabilité (ATF 138 IV 130 consid. 2.4.3; ATF 129 IV 130 consid. 3.2 et 3.3).

Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs, y compris sur le fait que le document ne correspond pas à la vérité et qu'il a une valeur probante. Le dol éventuel est suffisant. L'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice (PC CP, 2ème éd., Bâle 2017, art. 251 n° 46 et 48 ad art. 251).

L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1). La notion d'avantage est très large. Elle vise tout type d'avantage, d'ordre matériel ou immatériel, qui peut être destiné à l'auteur lui-même ou à un tiers (ATF 129 IV 53 consid. 3.5 p. 60; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2017 du 9 juin 2017 consid. 2.2.3). L'illicéité peut être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_441/2016 du 29 mars 2017 consid. 6.2).

2.2.2. Selon l'art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l’application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d’une autorisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Selon le message du Conseil fédéral (FF 2002, p. 3588), les personnes impliquées trompent par leur comportement les autorités délivrant des autorisations, car celles-ci n'octroieraient pas d’autorisation si elles connaissaient les données réelles. Selon l'art. 90 LEI, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de faire des déclarations conformes à la vérité (l'étranger ou les tiers).

L'obligation de collaborer a une portée essentielle en droit à l’égard des étrangers car les autorités sont tributaires des indications véridiques des requérants. Tel est avant tout le cas pour les faits qui, sans la collaboration des personnes concernées, ne peuvent pas être déterminés du tout ou pas sans efforts disproportionnés.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1).

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.1). Dans ce cas, selon l'art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1; AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).

2.2. En l'espèce, il est établi par les pièces figurant au dossier et les déclarations du prévenu qu'il a lui-même transmis la demande "Papyrus" et toutes les annexes, y compris les documents litigieux, aux autorités administratives.

Il résulte de l'instruction que ces documents comportent des irrégularités.

Le prévenu prétend que ceux-ci émaneraient de l'entreprise C______. Pourtant, D______, titulaire de cette entreprise, a déclaré devant le Ministère public qu'il ne connaissait pas le prévenu et que ce dernier n'avait jamais travaillé pour lui.

Pour sa part, le prévenu a lui-même reconnu qu'il ne connaissait pas D______ et qu'un dénommé F______, pour lequel il avait travaillé, lui avait remis les documents litigieux, en lui indiquant qu'il avait travaillé pour l'entreprise C______, ce qu'il a confirmé à l'audience de jugement.

Or, le Tribunal considère que les explications données par le prévenu ne sont pas crédibles.

Non seulement le fait que ce serait un certain F______ qui lui aurait donné du travail de 2007 à 2011 au profit de l'entreprise C______ est contredit par les déclarations de D______ mais le prévenu a également tenu des explications contradictoires durant la procédure.

A la police, il a déclaré que le patron de l'entreprise pour laquelle il avait travaillé jusqu'en 2009 ou 2010 et qui faisait appel à ses services quand il en avait besoin s'appelait D______, précisant qu'il l'avait rencontré et que ce dernier avait accepté qu'il vienne travailler et qu'il faisait comme ça pour l'aider.

Au Ministère public et à l'audience de ce jour, il a assuré que c'était en réalité pour un dénommé F______, compatriote kosovar, dont il ne connait pas le nom de famille, qu'il avait travaillé de 2007 à 2011.

De plus, le prévenu affirme aujourd'hui que les documents litigieux au nom de C______ lui ont été remis par F______ au moment du dépôt de sa demande "Papyrus", soit en juillet 2019, car il en avait besoin. Il a toutefois indiqué à la police qu'il avait reçu ces documents de son patron, "à l'époque", après avoir travaillé, précisant qu'il avait également reçu une sorte d'attestation au moment où il avait travaillé chez lui, pour l'aider.

Le Tribunal observe également que le prévenu a été en mesure d'atteindre F______ pour lui demander les documents nécessaires mais qu'il n'a plus été en mesure de le contacter par la suite.

Si le travail non déclaré est une réalité connue du Tribunal, aucun élément vient appuyer une présence continue en Suisse du prévenu durant la période couverte par ces documents. Au contraire, ces derniers viennent précisément et opportunément combler l'absence d'éléments de preuve de la présence ininterrompue du prévenu en Suisse, de 2007 à 2011.

En effet, son extrait du compte individuel ne mentionne aucune activité professionnelle antérieure à 2019. De surcroît, les documents émanant du Centre de J______ indiquent que le prévenu a participé aux activités dudit centre et à des ateliers de français entre 2012 et 2014 et les attestations d'achat d'abonnement des TPG confirment des achats effectués à partir de janvier 2014 jusqu'à novembre 2019.

Cette carence a ainsi pu être comblée par les documents au nom l'entreprise C______.

L'ensemble des éléments précités permet de retenir à satisfaction de droit que ces justificatifs fournis à l'OCPM dans le cadre de la demande "Papyrus" du prévenu ne correspondent pas à la réalité et qu'il n'a pas travaillé pour l'entreprise C______ de 2007 à 2011. Aucun autre élément ne peut démontrer qu'il aurait travaillé pour une autre société durant cette période.

L'attestation de travail et les certificats de salaire de l'entreprise C______ n'ont pas été dressés par D______ et n'émanent ainsi pas de leur auteur apparent ni d'une autre personne apte à représenter/engager l'entreprise durant la période considérée, de sorte qu'il s'agit bien de faux matériels, au sens de la jurisprudence en la matière.

En outre, le dossier ne permet pas de savoir si le prévenu a lui-même confectionné ces faux ou s'il les a simplement utilisés comme moyen de preuve, ce qui est l'hypothèse retenue par le Ministère public.

Conformément à la jurisprudence, les documents établis sont toutefois des titres, dès lors qu'il s'agit de faux matériels dotés d'une valeur probante accrue, puisque produits comme moyen de preuve auprès de l'OCPM pour justifier du séjour du prévenu en Suisse.

Or, dans sa demande Papyrus, le prévenu était tenu de faire des déclarations conformes à la vérité et a donc contrevenu à ses obligations, dans le seul but d'apporter les informations nécessaires, bien qu'erronées, à la validation de ses années de séjour en Suisse.

Le prévenu ne pouvait ignorer l'importance de ces documents destinés à prouver sa présence en Suisse, puisqu'il savait, selon ses déclarations, à tout le moins, que c'était précisément sur les informations et documents transmis à l'OCPM, que devaient s'appuyer les autorités, pour procéder à l'analyse de sa demande de régularisation et octroyer ou refuser son permis, selon les années passées en Suisse.

Il a ainsi agi dans le but d'induire l'OCPM en erreur et obtenir une régularisation de son statut administratif. Seule la diligence des autorités a permis de ne pas se fier aux informations fournies pour statuer sur la demande de régularisation du prévenu. Il n'est donc pas parvenu à tromper l'autorité précitée, puisqu'au jour du présent jugement aucune autorisation de séjour ne lui a été délivrée.

Par conséquent, au vu des éléments qui précèdent, le prévenu sera reconnu coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP).

Du séjour et de l'exercice d'une activité lucrative

3.1.1. Aux termes de l'art. 115 al. 1 LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b), exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

A teneur de l'art. 10 LEI, tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d’activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (al. 1). L’étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l’autorité compétente du lieu de résidence envisagé (al. 2).

L'art. 11 LEI dispose quant à lui que tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).

L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir: avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7).

3.1.2. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).

Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le Ministère public a changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuivent pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).

Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).

3.1.3. Selon l'art. 97 al. 1 let. d CP, l’action pénale se prescrit par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine que celles prévues aux lettres a, b et c.

3.1.4. A teneur de l'art. 329 al. 5 CPP, si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement.

3.2. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments figurant au dossier que le prévenu a séjourné et exercé une activité lucrative en Suisse, entre le 15 août 2015 et le 15 août 2022, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires.

En effet, il a rapidement admis les faits reprochés, dès son audition à la police et maintenu ses aveux à l'instruction et à l'audience de jugement. Il ne possédait aucun permis de séjour ou de travail à ces fins, ce qu'il ne conteste, au demeurant, pas. En tout état, il lui appartenait de vérifier les conditions pour séjourner et exercer une activité lucrative sur le sol helvétique.

Or, en aucun cas, au vu de son comportement frauduleux, le prévenu ne peut prétendre à l'acquittement des chefs de travail et séjour illégaux, réservé aux personnes s'étant auto dénoncées de bonne foi et n'ayant commis aucune infraction à l'égard des autorités dans le cadre de leur demande Papyrus.

Les faits antérieurs au 10 février 2018 sont toutefois prescrits et seront par conséquent classés (art. 97 al. 1 let. d CP et art. 329 al. 5 CPP).

Dès lors, seules subsistent la période de séjour et d'activité lucrative sans autorisation du 10 février 2018 au 15 août 2022.

Ainsi, le prévenu sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI pour cette période.

De la non-affiliation à une assurance-maladie

4.1. A teneur de l'art 92 al. 1 let. a LAMal, celui qui se dérobe, partiellement ou totalement, à l'obligation de s'assurer, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière, sera puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.

Selon l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de recours AARP/37/2023, l'art. 92 al. 1 let. a LAMal doit être compris en ce sens que cette norme punit uniquement les actes actifs de tromperie, et en particulier le recours à des indications fausses ou incomplètes, menant à une absence d'affiliation. La simple omission de s'affilier à une assurance LAMal dans le délai légal fixé par les art. 3 al. 1 LAMal et 7 OAMal n'est en revanche pas réprimée par cette norme.

4.2. En l'espèce, dans la mesure où il est uniquement reproché au prévenu de n'avoir pas effectué de démarches actives pour obtenir une assurance LAMal, soit une simple omission de s'affilier, il ne saurait être reconnu coupable de l'infraction visée à l'art. 92 al. 1 let. a LAMal.

Le prévenu sera donc acquitté de ce chef d'infraction.

 

 

Peine

5.1. Les faits reprochés au prévenu se sont pour partie déroulés avant le 1er janvier 2018, date d'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.

Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

En matière de délit continu, la question du droit applicable se pose lorsque la loi change pendant l'exécution d'un tel délit. Si la nouvelle loi comporte uniquement une modification des sanctions, il n'est pas envisageable d'appliquer deux régimes de peine à un seul et même acte. Le délit continu constituant une unité, il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit. Le principe de la lex mitior ne permet en effet pas de combiner ancien et nouveau. Pour régler cette question, la doctrine largement majoritaire propose l'application du nouveau droit à l'ensemble du délit continu, soit également à la partie antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle norme. Dès lors qu'une norme abrogée ne peut être appliquée à un comportement postérieur à son abrogation et qu'il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit, la solution doctrinale se justifie. En cas d'aggravation de la sanction prévue par la loi, il convient toutefois, lors de la fixation de la peine, de tenir compte, dans un sens atténuant, du fait qu'une partie de l'infraction s'est déroulée pendant une période où la sanction était moins grave (arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.3 et les références citées).

5.2. En l'espèce, les faits reprochés au prévenu sont pour partie antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions. Au vu de la jurisprudence précitée, le Tribunal fera application du nouveau droit des sanctions, dans sa teneur à partir du 1er janvier 2018.

6.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1; ATF 136 IV 55 consid. 5; ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).

6.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus (al. 2).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1; 137 II 297 consid. 2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_420/2017 du 15 novembre 2017 consid. 2.1), pas plus que sa situation économique ou le fait que son insolvabilité apparaisse prévisible (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3).

6.1.3. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

6.1.4. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

6.1.5. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; 134 IV 1 consid. 4.2.2).

6.1.6. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

6.1.7. Le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende (art. 51 CP).

6.2. En l'espèce, la faute du prévenu est importante. En transmettant aux autorités des informations qu'il savait ne pas correspondre à la réalité, il a tenté de les induire en erreur. Il a aussi volontairement persisté à séjourner sur le territoire suisse et à y travailler sans être au bénéfice des autorisations nécessaires.

La motivation du prévenu est liée à sa situation personnelle de travailleur clandestin désirant se régulariser. Bien que compréhensible humainement, cela n'en est pas moins illégal juridiquement.

En effet, ses mobiles résident de manière générale dans son intérêt égoïste à demeurer en Suisse et à y travailler au mépris de la législation en vigueur, par convenance personnelle, afin d'améliorer et régulariser indument sa situation personnelle.

Si sa situation personnelle explique dans une certaine mesure ses agissements, elle ne les justifie pas.

La période pénale est longue s'agissant du séjour illégal et de l'activité lucrative sans autorisation.

Seule la vigilance des autorités a permis que l'infraction à l'art. 118 LEI demeure au stade de la tentative, indépendamment d'un comportement actif attribuable au prévenu.

Sa collaboration a été médiocre. Il a certes admis avoir travaillé et séjourné sans autorisation mais il n'en avait guère le choix. Le Tribunal ne peut que constater une absence de prise de conscience, le prévenu persistant à nier toute illicéité à ses actes, n'exprimant aucun regret.

Il y a concours d'infraction, facteur aggravant de la peine.

Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre.

Une exemption de peine, au sens de l'art. 52 CP n'entre pas en considération.

Au vu de ce qui précède, la peine retenue par le Ministère public semble adéquate. Elle sera néanmoins légèrement diminuée au vu du classement d'une partie des faits pour cause de prescription et de l'acquittement prononcé.

Le montant du jour-amende sera fixé en fonction de la situation personnelle et financière actuelle du prévenu.

La peine pécuniaire sera assortie du sursis, en l'absence d'un pronostic clairement défavorable. Le délai d'épreuve sera d'une durée moyenne suffisamment longue pour dissuader la prévenue de récidiver.

Compte tenu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 70.- le jour, peine assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.

Frais

7. Au vu du verdict condamnatoire, le prévenu sera condamné à l'entier des frais de la procédure (art. 426 CPP), ce malgré le classement et l'acquittement prononcés.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 15 août 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par A______.

et statuant à nouveau contradictoirement :

Classe la procédure s'agissant des infractions de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de travail illégal (art.115 al. 1 let. c LEI), pour la période du 15 août 2015 au 9 février 2018 (art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte A______ de comportement frauduleux à l'égard des autorités en matière d'affiliation à la LAMal (art. 92 al. 1 let. a LAMal).

Déclare A______ coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de travail illégal (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 70.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 791.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

Le Président

Raphaël GOBBI

 

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP);

LE TRIBUNAL DE POLICE

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'Etat de Genève.

 

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

Le Président

Raphaël GOBBI

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

375.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

 

 

 

Total

CHF

791.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1391.00

 

Notification à A______
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale