Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/918/2024 du 16.09.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 septembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Romain AESCHMANN, avocat, avec élection de domicile
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1991, est originaire d'Algérie et de France.
2. Il ressort de l'extrait de son casier judiciaire les condamnations suivantes :
- le 1er juin 2015, le Ministère public l'a condamné pour dommages à la propriété, tentative de vol simple et violation de domicile ;
- le 26 mars 2019, le Tribunal de police l'a reconnu coupable de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), vol simple et infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ;
- le 5 décembre 2019, il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour entrée illégale, dommages à la propriété, abus de confiance et utilisation frauduleuse d'un ordinateur ;
- le 13 juillet 2021, le Ministère public l’a condamné pour infractions à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).
3. Le 22 août 2024, M. A______ a été interpellé par la police pour avoir volé une trottinette électrique sur l'esplanade de Cornavin.
4. Entendu par les services de police le même jour, il a reconnu les faits, ayant volé la trottinette alors qu’il était alcoolisé. S'agissant de sa situation personnelle, il avait des cousins qui vivaient en Suisse et qu’il voyait régulièrement. Il n'avait aucun domicile en Suisse et vivait en France voisine, à B______(France). Il voulait rester en Suisse pour travailler ; il était titulaire d’un permis G.
5. Le 23 août 2024, l’intéressé a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour vol, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende.
6. Le même jour à 12h15, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans l’ensemble du territoire genevois pour une durée de 24 mois.
7. Le 26 août 2024, il a été arrêté par la police pour avoir violé l’interdiction de pénétrer sur le territoire et consommé du crack.
8. Lors de son audition par la police le même jour, il a indiqué qu’il pensait avoir une semaine pour quitter le territoire suite au prononcé de l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève.
Il avait reçu une pipe a crack au Quai 9, étant inscrit auprès de cet établissement. Il avait une consommation aléatoire de crack, mas environ deux fois par mois. Il se fournissait au hasard dans le quartier G______. Il était sous traitement de méthadone. Il habitait dans la région depuis fin 1996 et venait régulièrement en Suisse : il était venu pour se promener et voir des amis. Il n'avait pas quitté Genève depuis le prononcé de l’interdiction de pénétrer dans le territoire genevois du 23 août 2024. Il venait surtout en Suisse pour travailler.
9. Par acte du 30 août 2024, reçu le 4 septembre 2024, M. A______ a formé opposition à cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
Il avait un arrangement de paiement avec le SAPEM et, pour se faire, il fallait qu’il puisse avoir le droit de travailler sur Genève afin de régler au plus vite sa dette. Il avait toujours travaillé sur Genève, et à ce jour, il avait des opportunités d’emploi en hôtellerie-restauration mais la sanction l’empêchait de prétendre à un emploi sur le territoire.
Il souhaitait qu’on lui laisse une chance de payer sa dette envers la ville de Genève.
10. M. A______ a été dûment convoqué, par plis simple et recommandé, pour l'audience du 13 septembre 2024 devant le tribunal.
11. Lors de l'audience de ce jour, M. A______ a indiqué qu'il pensait pouvoir encore venir à Genève pendant dix jours, après le prononcé de la mesure; qu'il avait été arrêté par la police le 26 août 2024 et condamné par ordonnance pénale. A ce jour, il n'avait pas fait opposition ni à cette ordonnance pénale, ni à celle du 23 août 2024. Il touchait le chômage en France depuis décembre 2023. La rémunération qu'il obtenait en Suisse était déduite des prestations de chômage. Il avait fait une demande en mai 2024 par le biais d'une agence d'intérim pour obtenir un permis frontalier : il ne l'avait pas reçu à ce jour. Il était consommateur de crack et essayait de se soigner ; il était suivi par une association en France (C______) et également par une association en Suisse. Il ne contestait pas avoir volé une trottinette le 22 août dernier. Il était suivi par une conseillère du chômage français afin de déterminer s'il pourrait bénéficier d'une formation complémentaire ou trouver du travail sur le Grand Genève. Les deux employeurs pour lesquels il avait travaillé en mai et juin 2024 se situaient sur D______. Il percevait environ EUR 890.- de chômage, desquels étaient déduits ce qu'il gagnait en travaillant. Il avait beaucoup changé d'employeurs car il avait de la peine à gérer ses activités professionnelles et sa dépendance à l'alcool : il était également suivi par l'association C______ pour cette addiction. A E______(France), il habitait avec ses deux parents et son petit frère ; sa famille était au courant de sa situation. Sa mère lui avançait de l'argent pour qu'il puisse s'acheter ses médicaments. De juin 2021 à décembre 2023, il avait travaillé dans une brasserie à E______(France), laquelle avait malheureusement fermé. Il avait une tante et un oncle qui habitaient à Genève et un oncle dans le canton de Fribourg. On lui avait volé son sac à dos en juillet 2024, dans lequel se trouvaient sa tablette, son téléphone portable et beaucoup de documents importants, ce qui l'avait empêché d'être en contact avec son agence de placement. Il venait de racheter un téléphone portable et il allait pouvoir contacter son agence pour lui dire qu'il était à disposition, démarche qu'il n'avait pas faite à ce jour. Il n'avait donc pas travaillé depuis sa dernière mission du mois de juin 2024. Il n'avait pas déposé plainte pénale pour le vol. Au mois de juin, il avait travaillé du 2 au 16 juin 2024. Il s'acquittait des mensualités indiquées dans l'arrangement de paiement avec le service des contraventions.
La représentante du commissaire a indiqué qu'à sa connaissance, la demande d'autorisation de courte durée (3 mois) était une demande déclarative et qu'il n'y avait pas de remise d'un document. Elle a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée le 23 août 2024 à l’encontre de M. A______ pour une durée de 24 mois.
L’intéressé, par l’intermédiaire de son conseil, a conclu à l’annulation de la mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée à son encontre le 23 août 2024 pour une durée de 24 mois, subsidiairement à la limitation du périmètre aux quartiers F______ et G______ et à la réduction de la durée à six mois.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.
3. Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.
4. Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :
a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;
b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire;
c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).
5. Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26
al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.
6. De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.
7. Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).
8. L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).
9. Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).
10. A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).
11. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à
l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
12. Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).
13. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).
14. Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).
15. Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).
A titre d'exemple, dans sa jurisprudence récente, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé l’interdiction du territoire de tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic (ATA/255/2022 du 10 mars 2022). Elle a confirmé la même mesure pour un ressortissant français trouvé en possession de vingt-et-une boulettes de cocaïne dans la voiture qu’il conduisait (ATA/1294/2021 du 25 novembre 2021). Elle a également confirmé un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à douze mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonale prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à sept reprises en Suisse entre avril 2020 et octobre 2022, notamment pour vol et recel, puis condamné une huitième fois en décembre 2022 notamment pour consommation de stupéfiant, et enfin une neuvième fois en janvier 2023 notamment pour vol, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que lésions corporelles simples (ATA/105/2023 du 31 janvier 2023).
Elle a confirmé une première mesure d’interdiction de pénétrer visant tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre un ressortissant portugais, condamné notamment pour vols et violation de domicile (non-respect d’une interdiction d'entrer dans un magasin MIGROS), relevant que l’intéressé n’avait aucun emploi, ni titre de séjour en Suisse, ni de lien avéré avec ce pays ou même avec le canton de Genève, ne disposait pas de moyens de subsistance et n’avait pas allégué une nécessité de se rendre à Genève. Il n’avait également pas respecté la mesure d’interdiction qui faisait l’objet de la procédure (ATA/385/2024 du 19 mars 2024 du 19 mars 2024).
16. En l'espèce, M. A______ n'est pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement (art. 34 LEI), ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’il soit actuellement au bénéfice d’un permis G.
Il a été condamné pour le vol d’une trottinette par ordonnance pénale du Ministère public du 23 août 2024, à laquelle il n’a pas fait opposition, ayant reconnu l’infraction. Précédemment, il a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour dommages à la propriété, abus de confiance et vol. Il a encore été condamné suite à son interpellation du 26 août 2024 non seulement pour violation de l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève qui lui avait été notifiée quelques jours avant, mais également pour consommation de stupéfiants, soit du crack ; même s’il explique qu’il pensait bénéficier de dix jours pour quitter le canton et non 24 heures, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas respecté cette décision alors qu’elle contenait toutes les explications nécessaires et, en plus, a acheté du crack, soit une drogue dure, pour sa propre consommation.
Partant, l’intéressé peut effectivement être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics et il apparaît clairement qu’il va continuer à fréquenter le milieu de la drogue, en tout cas pour s’approvisionner en crack, drogue qu’il indique consommer depuis deux mois environ.
Concernant son besoin de se rendre sur Genève, force est de constater, d’une part, qu’il n’a actuellement aucun emploi en vue, n’ayant, depuis à tout le moins
mi-juillet, pas indiqué à la société de placement pour laquelle il avait travaillé être disponible pour des missions et que, d’autre part, il peut tout à fait chercher un emploi dans la restauration en France, ayant notamment travaillé pour une brasserie sur E______(France) pendant plus de deux ans avant de tomber au chômage en décembre 2023. Il n’y a donc aucun impératif à devoir expressément travailler à Genève.
En ce qui concerne les contacts sociaux, il ressort des déclarations de
M. A______ qu’il habite avec ses parents et son frère à B______(France) et qu’il est très entouré, ces derniers connaissant sa situation et l’aidant pour acquérir les médicaments dont il a besoin. La présence d’une tante et de cousins à Genève, ainsi que d’amis ne suffit pas pour retenir que l’interdiction atteindrait l’intéressé dans ses contacts sociaux dans une mesure disproportionnée. Par ailleurs, il est suivi par une conseillère en placement en France et, pour ses problèmes d’addiction, notamment par une association qui se situe également en France : il bénéficie ainsi, sur sol français, de toute l’infrastructure nécessaire pour lui permettre de trouver du travail – et ainsi honorer ses engagements financiers envers le service des contraventions – et se sortir de sa dépendance au crack.
Le périmètre de l’interdiction, étendu à tout le canton de Genève, il ne prête pas flanc à la critique : l’intéressé n’a aucune raison de venir à Genève et, surtout, ne peut prétendre avoir un besoin de se rendre dans un quartier déterminé pour exercer une mission temporaire puisqu’actuellement il n’a pas repris contact avec la société de placement depuis mi-juillet à tout le moins et n’a aucun engagement professionnel en vue.
Enfin, en ce qui concerne la durée, le tribunal estime qu’une durée de 24 mois pour une première interdiction territoriale, même si elle a été prononcée alors que l’intéressé avait été condamné à plusieurs reprises et qu’il ne l’a immédiatement pas respectée, est disproportionnée, notamment au regard de la jurisprudence, raison pour laquelle il la réduira à douze mois.
17. Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ mais pour une durée de douze mois.
18. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à
M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
19. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 30 août 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 23 août 2024 pour une durée de 24 mois ;
2. l’admet partiellement ;
3. confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée, soit l'ensemble du canon de Genève, prise par le commissaire de police le 23 août 2024 à l'encontre de Monsieur A______ mais réduit sa durée à douze mois ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |