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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1677/2023

JTAPI/248/2024 du 20.03.2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1677/2023 LCI

JTAPI/248/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 mars 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

B______ SA, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             B______ SA (ci-après : la société) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de A______, d’une surface de 1’505 m2 et située en zone à construire.

Elle est également propriétaire de la parcelle voisine n° 2______, d’une surface de 1’550 m2.

2.             Par décision du ______ 2021 (DD 3______), publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour, le département du territoire (ci-après : le département) a autorisé la construction d’habitats groupés (47,60% THPE), d’un garage souterrain et de sondes géothermi-ques ainsi que l’abattage d’arbres sur les parcelles précitées.

Non contestée, cette décision est entrée en force. Le chantier a été ouvert en mai 2022.

3.             Le ______ 2022, le département a délivré une autorisation complémentaire DD 3______/2 pour des modifications intérieures et la réunion de deux appartements en attique.

Publiée dans la FAO du même jour, cette décision est également entrée en force.

4.             Le 8 avril 2022, par le biais de son mandataire professionnellement qualifié, la société a sollicité une autorisation de construire pour installer sur la parcelle n° 1______ une piscine enterrée, un local technique, une terrasse et une douche extérieure.

5.             Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence DD 4______, les préavis usuels ont été requis et émis tant sur le projet déposé que sur ses versions successives.

En particulier, après avoir requis à trois reprises, les 4 mai, 27 juillet et 21 décembre 2022, des modifications du projet ainsi que la fourniture de pièces complémentaires, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après: OCAN) a préavisé favorablement en date du 20 janvier 2023, sous conditions. Ce préavis exigeait que soit pris, lors des travaux, toutes les précautions nécessaires (barrières type MÜBA à poser à l’aplomb de la couronne plus 1 m) pour conserver valablement les arbres hors forêts sis à proximité du chantier. Il requérait également le respect du plan d’aménagement paysager (ci-après : PAP).

Le 18 janvier 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a préavisé favorablement, sans observation, indiquant notamment « DD initiale sous-sol : 303/3055 = 9.9% » et « CDPI parcelle n° 1______ : 90.7/1505 = 6% ». Auparavant, elle avait émis une demande de complément le 21 avril 2022, puis deux préavis favorables sans observations les 22 juillet et 7 décembre 2022.

Le 19 août 2022, la commission d’architecture (ci-après: CA) a émis un préavis favorable, sous condition qu’aucune autre construction ne soit autorisée à l’avenir, ceci pour préserver la surface végétale. Antérieurement, le 9 mai 2022, elle avait requis la modification du projet, saluant l’idée d’une piscine collective, mais relevant que l’ensemble du projet était conséquent et qu’il venait péjorer la surface en pleine terre qui était morcelée et donc sans qualité.

La commune s’est, pour sa part, prononcée défavorablement à trois reprises, les 17 mai, 29 août et 19 décembre 2022. Dans son premier préavis, elle a noté que l’indice de pleine terre du projet, qui dépassait largement les prescriptions de son plan directeur communal de 2ème génération (ci-après : PDCom), adopté par le Conseil municipal le ______ 2019 et approuvé par le Conseil d’État le ______ 2020, était à repenser. Le projet se situant dans un secteur reconnu comme favorable à la biodiversité, le taux de pleine terre devait être de 60% minimum. Elle a aussi noté plusieurs violations de dispositions de son PDCom. Ainsi, le PAP était incomplet et manquait de précisions, l’espace vital des arbres n’était pas respecté puisque les installations touchaient les couronnes des arbres et la haie indigène dont disposait la parcelle voisine située à l’ouest en limite de propriété devait être reportée sur le plan afin d’assurer que le projet ne porte pas atteinte à cet ensemble naturel de grande valeur paysagère et biologique. Dans son second préavis, elle a relevé que l’indice de pleine terre passait de 46% à 43% dans la nouvelle version du projet, ratio inférieur au taux visé de pleine terre de 60% minimum, et a réitéré que des dispositions de son PDCom étaient violées. Dans son dernier préavis, la commune a affirmé que le projet d’habitat groupé était déjà initialement insatisfaisant (le taux de pleine terre aurait dû être de 60% minimum) et que les nouvelles installations prévues pour la piscine aggravaient encore la situation. En outre, le chemin C______, identifié comme une pénétrante de verdure, nécessitait un traitement paysager de grande qualité. Ainsi, les dispositions A.7 et B.4 de son PDCom n’étaient pas respectées.

Les autres instances de préavis consultées se sont finalement déclarées favorables au projet en cause, avec ou sans réserves.

6.             Par décision globale du ______ 2023, publiée dans la FAO du même jour, le département a délivré l’autorisation de construire DD 5______.

En son point 7, cette décision stipulait que les conditions figurant notamment dans les préavis de l’OCAN du 20 janvier 2023 et de la CA du 19 août 2022 devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.

7.             Le même jour, le département a adressé à la commune un courrier expliquant les raisons pour lesquelles il avait accordé la prépondérance aux préavis favorables, au détriment du sien.

S’agissant en particulier de l’indice de verdure, il a estimé que cette question avait été minutieusement examinée par la CA, instance compétente, qui, après avoir demandé une modification du projet, avait rendu un préavis favorable. Elle avait estimé que le taux de pleine terre maintenu était suffisant quantitativement et qualitativement et posé comme condition, d’ailleurs reprise dans l’autorisation, que plus aucune construction additionnelle ne soit à l’avenir autorisée sur la parcelle.

8.             Par acte du 15 mai 2023, par l’intermédiaire de son conseil, la commune a interjeté recours contre la décision précitée par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu’il soit ordonné au conservateur du registre foncier de procéder à la mention d’une restriction à la propriété, en ce sens qu’aucune autre construction ne serait plus autorisée sur la parcelle n° 1______. Préalablement, elle a requis le renvoi du dossier au département pour qu’il statue sur la délimitation de la lisière forestière.

La décision entreprise contrevenait à l’art. 59 al. 9 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le projet autorisé par la DD 3______ avait déjà eu pour effet de porter la surface du sous-sol à 33,02% de la surface des deux parcelles visées par le projet, en raison d’une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 10 LCI compte tenu du garage souterrain. La présente autorisation portait sur une piscine et un local technique, de nouvelles constructions en sous-sol. Au vu de leur nature, la dérogation de l’art. 59 al. 10 LCI leur était inapplicable. Les taux légaux étant déjà largement atteints, toute nouvelle construction en sous-sol était proscrite. Il n’était pas possible de refuser de prendre en compte ou d’augmenter la surface de sous-sol acquise par voie dérogatoire dans la précédente autorisation de construire. Cela serait une incitation claire au « saucissonnage » d’autorisations de construire, d’une part. D’autre part, la dérogation de l’al. 10 ne portait que sur la surface excédent le calcul de rapport de surface défini à l’al. 9, de sorte que le maximum légal avait déjà été épuisé par la précédente autorisation de construire en force.

La décision querellée violait l’art. 59 al. 3bis LCI. La motivation de ses deux préavis trahissait les réticences de la CA par rapport à la quantité et la qualité de pleine terre impactée par le projet, et pour cause. La piscine viendrait s’implanter dans une surface de pleine terre hautement qualitative, soit un espace majeur en pleine terre d’un seul tenant pouvant accueillir la plantation d’arbres de première et deuxième grandeur. Cette fragmentation de l’espace vert était d’autant plus préjudiciable du fait que la parcelle se situait à proximité immédiate d’une forêt et accueillait elle-même des sujets d’une certaine importance. Les préavis communaux n’avaient aucunement été pris en considération, en dépit d’une inquiétude légitime et justifiée sur la préservation de la pleine terre dans ce secteur sensible. Subsidiairement, la « condition » (en réalité une charge) posée par la CA et reprise en tant que partie intégrante de l’autorisation de construire était illusoire, en ce sens qu’elle introduisait une interdiction de construire sur la surface résiduelle. Dès lors, il était conclu à titre subsidiaire à l’inscription d’une mention au registre foncier au sens de l’art. 962 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), applicable à la mention de restriction de droit public à la propriété.

La décision litigieuse était contraire à la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). La parcelle n° 6______ (séparée de la parcelle n° 1______ par la route D______) accueillait une forêt identifiée comme telle dans le cadastre forestier, laquelle ne s’arrêtait pas à la route D______, mais s’étendait aussi au sud de la parcelle n° 1______. En effet, visuellement déjà, la couronne des arbres situés sur la parcelle en cause touchait, par endroit, celle des arbres intégrés à la forêt cadastrée sise sur la parcelle n° 6______. Ces deux parcelles, qui accueillaient exactement le même type d’arbres, des chênes, faisaient partie d’un continuum forestier selon la carte n° 8 du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030). La parcelle en cause était immédiatement contiguë à un périmètre référencé comme « corridor biologique » et « corridor à enjeux » dans le PDCn 2030. Ainsi, les arbres qui s’y trouvaient étaient constitutifs d’une forêt, dans la continuité de la forêt existante identifiée, et il convenait donc de renvoyer le dossier au département pour qu’il se détermine sur la délimitation de la lisière de la forêt. Dans un second temps, il conviendrait d’examiner si l’interdiction de toute construction à moins de 20 m de la lisière de la forêt était respectée.

Enfin, le département avait ignoré la teneur du PDCom et des préavis communaux. Elle avait fait office de précurseur, s’étant saisie de la question de la préservation des surfaces en pleine terre dans son PDCom avant même l’adoption de l’art. 59 al. 3bis LCI. Son PDCom préconisait une occupation limitée du sol afin d’éviter une trop forte imperméabilisation et exigeait le dégagement d’espaces pouvant accueillir des plantations et la préservation d’un maximum d’espaces en pleine terre. Or, l’autorisation litigieuse conduisait à une surenchère des surfaces bâties, à une fragmentation de la surface en pleine terre et à une détérioration qualitative d’espaces à proximité immédiate de forêts. Dans ce contexte, le département avait mal usé son pouvoir d’appréciation. En effet, une pondération globale de tous les intérêts publics et privés en présence, y compris ceux exprimés au travers du PDCom, s’opposait à l’octroi de l’autorisation querellée.

9.             Dans ses observations du 19 juillet 2023, la société a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la validité de la décision d’autorisation de construire querellée, avec suite de frais et dépens. Elle s’est rapportée à justice s’agissant de la recevabilité du recours.

En dépit de l’intitulé de la « description de l’objet » de l’autorisation de construire, la version finale du projet autorisé ne portait que sur une piscine extérieure non chauffée. Selon la jurisprudence, la piscine et sa terrasse étaient des aménagements extérieurs, dont la conformité au droit cantonal devait être uniquement examinée sous l’angle de l’art. 59 al. 3bis LCI, et donc non sous celui de l’art. 59 al. 9 LCI. En outre, la pièce à laquelle se référait la recourante pour retenir le taux de 33,02% de surface de construction en sous-sol concernait la deuxième version du projet et incluait toutes les constructions en sous-sol, sans distinction et indépendamment de leur affectation. Le calcul de la DAC, non contesté par la recourante, était correct. À supposer que le « local » accueillant les installations techniques de la piscine doive être considéré comme une construction en sous-sol, ce qui était contesté puisque la hauteur de 1,75 m ne permettait même pas d’accueillir debout un adulte de taille moyenne, alors sa dimension d’environ 10 m2, ajoutée aux surfaces déjà présentes et devant être comptabilisées en tenant compte de la dérogation selon la précédente autorisation (303 m2), ne dépassait pas le taux de 20% prévu à l’art. 59 al. 9 LCI.

Dans la première version du projet, outre les modifications projetées au sous-sol, une importante surface revêtue devait permettre aux logements du rez-de-chaussée d’accéder de leur jardin à la piscine, à côté de laquelle une « plage » était projetée. Dans la seconde version, ces cheminements avaient été supprimés et tant la « plage » que la piscine avaient été drastiquement réduites. À ce stade déjà, la CA avait constaté l’évolution du projet et admis une réduction suffisante de son impact sur la pleine terre, rendant un préavis favorable. L’impact des constructions sur la pleine terre avait encore été réduit dans la version finale, avec l’abandon des accès et des locaux techniques en sous-sol à proximité du garage et l’intégration de ces installations techniques à la piscine. La pleine terre conservée représentait ainsi 47,10% de la surface des parcelles nos 1______ et 2______, plus que le taux minimum visé par le législateur. Il n’y avait aucune « fragmentation » de la surface de pleine terre, l’ensemble des installations étant centralisée au même emplacement. De plus, il n’existait aucune forêt à proximité.

L’inscription d’une mention de restriction des constructions au registre foncier, qui semblait dénuer de base légale, priverait les propriétaires actuels et futurs de demander des autorisations de construire pour des projets qui impliqueraient une modification des constructions et ne laisserait aucune marge de manœuvre ni pouvoir d’appréciation aux instances de préavis et au département. Excessive et contraire au principe de la proportionnalité, elle ne se justifiait pas, le département ayant en outre connaissance des conditions imposées par les précédentes autorisa-tions.

Le grief relatif à la prétendue violation de la LForêts revenait à remettre en cause des éléments de l’autorisation DD 3______ entrée en force, puisque l’implantation autorisée des habitats groupés impliquait que la distance à la forêt et à sa lisière avait déjà été examinée dans le cadre de cette procédure. De plus, la piscine projetée se trouvait plus en retrait de la route D______ la séparant de la parcelle n° 6______. Par ailleurs, la lisière forestière ayant déjà été constatée - elle correspondait à la limite de propriété et à la route, soit une limite marquante -, nul besoin de renvoyer le dossier au département pour qu’il la détermine. Enfin, les arbres auxquels faisait référence la recourante sur les parcelles nos 1______ et 2______, bordaient la route D______ : il s’agissait par conséquent d’un alignement d’arbres isolés par la route et non d’une forêt et l’appréciation de la recourante à cet égard, qui se substituait à l’avis des instances spécialisées, était insuffisante. En outre, dans son propre plan directeur des chemins pour piétons, la commune ne les avait pas identifiés comme une forêt. Le PDCom mentionnait une continuité biologique et paysagère le long du chemin C______. Seule la parcelle n° 7______ était touchée par ce couloir et non la parcelle accueillant le projet. De plus, le PAP, dont le respect avait été exigé par l’OCAN à titre de condition, prévoyait de nouvelles plantations, notamment sur la parcelle n° 2______, renforçant ainsi la continuité biologique et paysagère recherchée par la recourante.

Un projet de construction conforme au droit cantonal ne pouvait être refusé au seul motif qu’il contreviendrait à un PDCom. Le grief quant à une prétendue absence de prise en considération de la stratégie de planification communale se recoupait avec ceux formulés précédemment concernant la conservation de la pleine terre et le prétendu impact sur la forêt. Par ailleurs, le PDCom ne fixait que des principes fondamentaux - qui se recoupaient avec ceux visés par le droit cantonal – mais pas de valeur minimale ou maximale ni d’objectif chiffré. La recourante procédait à une confusion entre le PDCom et ses propres exigences ressortant de ses préavis. Ainsi, un taux de maintien de pleine terre de 60% ne ressortait nullement du PDCom. Un tel taux allait à l’encontre de la volonté du législateur, lequel avait volontairement renoncé à fixer un taux de préservation de pleine terre afin de laisser une marge d’appréciation aux instances de préavis et au département, tout en estimant qu’il faudrait idéalement viser un taux d’environ 40%. En tout état, même à supposer une non-conformité du projet avec le PDCom, tous les autres préavis s’étaient avérés favorables, avec ou sans conditions, et le département n’avait donc pas abusé de son pouvoir d’appréciation en écartant le préavis communal.

10.         Par observations du 19 juillet 2022, le département a conclu au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

La surface du sous-sol du projet autorisé n’excédait pas le taux fixé par l’art. 59 al. 9 LCI. La piscine, séparée et indépendante des constructions autorisées par la DD 3______, n’était pas à comptabiliser comme surface au sous-sol desdites constructions. Elle n’était pas non plus une CDPI. Les locaux techniques, aussi séparés du bâtiment principal, ne sauraient être comptabilisés dans la surface du sous-sol compte tenu du fait que leurs vides d’étage était de 1,35 m, respectivement 1,75 m, inférieur au minimum prévu par l’art. 77 LCI. Leur sort devait en outre suivre celui de la piscine dès lors qu’ils étaient étroitement liés. Ceci était confirmé par le calcul du rapport des surfaces effectué par la DAC.

L’art. 59 al. 3bis LCI n’était pas violé, la CA ayant jugé le projet, qui respectait la surface en pleine terre tant quantitativement que qualitativement, conforme à cette disposition. Le raisonnement relatif à l’inscription d’une mention au registre foncier n’était pas convainquant. La condition imposée par la CA avait été intégrée à l’autorisation de construire contestée et était donc contraignante à l’égard de la société. De plus, la CA et lui-même disposaient de l’historique de leurs décisions. Enfin, aucune base légale ne permettait une telle inscription.

Le raisonnement quant à la prétendue violation de la LForêts se fondait sur une prémisse erronée dans la mesure où les arbres présents sur la parcelle n° 1______ le long de la route D______ ne constituaient pas une forêt, qu’aucune forêt n’avait été constatée sur la parcelle en cause dans le cadre de la DD 3______, que l’OCAN avait préavisé favorablement le projet sans exprimer de remarques au sujet d’une éventuelle forêt, que la lisière forestière de la forêt présente sur la parcelle n° 6______ avait fait l’objet d’un constat forestier et qu’elle s’arrêtait à la limite de ladite parcelle.

L’office de l’urbanisme (ci-après : OU) s’était prononcé favorablement au projet, le 25 avril 2022, sans observation et donc sans émettre de remarque au sujet d’une éventuelle incompatibilité du projet avec la planification directrice communale. Si un PDCom était contraignant pour les autorités, il ne saurait conduire à refuser une autorisation de construire pour un projet de construction conforme à l’affectation et à la réglementation de la zone selon la planification en vigueur, comme en l’occurrence.

11.         Par réplique du 21 août 2023, la commune a persisté dans les conclusions de son recours.

La thèse selon laquelle les seuils de l’art. 59 al. 9 LCI ne seraient pas applicables ne saurait être suivie. Le législateur avait manifestement voulu tenir compte, en édictant cette disposition, de toutes les surfaces occupant le sous-sol, sauf celles permettant d’éviter des parkings hors sol vu la dérogation prévue à l’art. 59 al. 10 LCI. L’emploi des termes « Dans tous les cas » dénotait la volonté de ne pas limiter le calcul en fonction de l’art. 59 al. 8 LCI. Il en allait de même de la prise en compte des sous-sols des CDPI, alors même qu’ils ne participaient pas au calcul de la densité admise à l’art. 59 al. 1 LCI. En conclusion, s’agissant du sous-sol d’un fond sis en zone 5, le système légal s’articulait autour de trois principes : dans tous les cas, le sous-sol ne saurait être encombré de constructions ou d’aménagements sur plus de 20% de la parcelle, sauf si ces aménagements permettaient d’éviter des parkings en surface, mais en tenant compte du fait qu’une quantité suffisante de pleine terre (donc totalement vierge) devait, in fine, être préservée. La jurisprudence citée ne disait rien de l’application de l’art. 59 al. 9 LCI puisque celui-ci visait tous les aménagements occupant le sous-sol, sans distinction. Elle ne disait pas non plus que les piscines étaient exclusivement visées par l’art. 59 al. 3bis LCI. On ne saurait donc écarter les aménagements projetés du calcul d’encombrement du sous-sol au sens de l’art. 59 al. 9 LCI, dont la limite était forcément franchie puisqu’elle l’était déjà lors de la construction initiale des habitations, le dépassement constaté n’ayant été admis qu’en vertu de la dérogation.

Lorsque le département faisait usage de son pouvoir d’appréciation et n’appliquait pas des règles matérielles décrites dans la loi, il devait respecter les PDCom. Leur prise en compte n’était pas simplement l’un des éléments d’une pesée générale des intérêts, à moins de les reléguer au rang de « préavis consultatif ». Le taux de 60% ne tombait pas du ciel, mais résultait de la directive LCI 021-v7 sur le rapport des surfaces en zone 5 émise par le département le 1er mars 2013 et modifiée le 15 août 2022 (ci-après: directive 021-v7 ; https://www.ge.ch/document/4365/telecharger) qui précisait que selon l’expérience de la CA, il ne pouvait être considéré en règle générale qu’une surface pleine terre inférieure à 40% n’était ni qualitative, ni suffisamment quantitative, mais qu’à l’inverse une surface supérieure à 60% pouvait être considérée comme suffisamment quantitative et qualitative. Ainsi, l’autorisation querellée violait le principe de préservation d’une surface en pleine terre consacré à l’art. 59 al. 3bis LCI interprété en conformité avec le PDCom. Le département estimait qu’une mention au registre foncier ne serait pas nécessaire, mais prétendait le contraire lorsqu’il défendait sa pratique en matière de transferts de droits à bâtir entre une parcelle dépendante et une parcelle principale appartenant à un seul et même propriétaire. Il devrait ainsi adhérer à l’idée qu’il convenait de conserver, via le registre foncier, une forme de publicité de la charge fixée dans l’autorisation querellée. À défaut, un futur acquéreur pourrait penser à tort être en droit de construire encore sur la parcelle.

12.         Par duplique du 20 septembre 2023, le département a persisté dans ses conclusions.

La surface de la piscine et des locaux techniques ne s’additionnait pas aux surfaces (hors-sol et sous-sols) des constructions autorisées par la DD 3______. Les seuils fixés par l’art. 59 al. 9 LCI ne leur étaient donc pas applicables.

Au niveau cantonal, le respect des plans directeurs était assuré par l’OU, instance étant la plus à même de déterminer si une révision d’un PDCom était en cours ainsi que son impact sur une demande d'autorisation de construire. Or, l’OU s’était prononcé favorablement sans observation sur le projet litigieux. Il en avait été de même de la CA. En outre, dans le cadre de l’application de l’art. 59 al. 3bis LCI, le préavis de la commune, non expressément requis, n’avait qu’une portée relative. Ayant suivi les préavis favorables des instances spécialisées en la matière, aucune violation de son pouvoir d’appréciation ne pouvait lui être reprochée.

La condition énoncée par la CA dans son préavis avait essentiellement pour but d’informer la requérante qu’elle préaviserait défavorablement un nouveau projet de construction qui réduirait davantage la surface en pleine terre. Elle n’avait pas pour effet de réduire les droits à bâtir de la parcelle concernée et il ne pouvait donc pas s’agir d’une restriction du droit de propriété comme l’était la restriction de droits à bâtir mentionnée par la recourante. Il n’avait pas pour pratique de faire mentionner au registre foncier toutes les conditions imposées dans les autorisations de construire dans le but d’en informer un éventuel acquéreur.

13.         Par duplique du 25 septembre 2023, la société a persisté dans ses conclusions.

L’interprétation de l’art. 59 al. 9 LCI faite par la recourante ne trouvait aucune assise ni dans la loi, ni dans la jurisprudence. Les précisions de la directive 021-v7 la contredisaient aussi, puisqu’une piscine extérieure n’était, par définition, pas un local.

Le PDCom de la recourante ne disposait pas d’une stratégie de densification de la zone 5 conforme au droit cantonal, faute d’avoir été mise à jour depuis l’adoption du nouvel art. 59 al. 4 LCI et d’identification de périmètre de densification accrue, de sorte que ce PDCom et l’interprétation qu’en faisait la recourante n’étaient ni applicables, ni opposables aux tiers ou aux autorités.

En alléguant qu’un futur acquéreur pourrait penser, à tort, être en droit de construire encore sur la parcelle, la recourante faisait valoir l’intérêt d’un hypothétique tiers. Ce grief étant sans incidence sur sa situation, il était irrecevable. La condition formulée par la CA ne concernait en outre pas une restriction de droit de propriété, comme pourraient l’être une restriction concernant les droits à bâtir, puisqu’il s’agissait d’une appréciation de l’instance spécialisée dans un domaine où elle disposait d’une importante marge d’appréciation, donnée sur un cas particulier, à un moment donné et dans un contexte précis. Son appréciation pourrait évoluer ou d’autres éléments entrer en compte à l’avenir. Quant à un éventuel litige entre l’acquéreur hypothétique et le vendeur en raison des qualités promises ou imaginées concernant la parcelle, cette question ne pourrait être appréhendée que sous l’angle du droit civil, question excédant l’objet du litige et la compétence du tribunal.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En particulier, conformément l’art. 145 al. 2 LCI, la commune a qualité pour recourir du seul fait que le projet approuvé par l’autorisation contestée se trouve sur son territoire (ATA/860/2021 du 24 août 2021 consid. 2 ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 1).

3.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions, respectivement griefs, formulés par un recourant sont recevables.

En effet, un recourant ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de protection des dispositions dont ils allèguent la violation et être touchés par les effets prétendument illicites de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1P.282/2005 du 7 juillet 2005 consid. 1 ; 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 1.3 ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 consid. 6d).

L’application du droit d’office par les juridictions administratives ne saurait avoir un quelconque effet sur la question d’un refus d’examiner un grief. En effet, si la juridiction administrative arrive à la conclusion que l’administré ne dispose pas d’un avantage pratique par rapport au grief soulevé, les règles de procédure imposent à celle-ci de ne pas entrer en matière et de déclarer irrecevable le grief invoqué (ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 11d ; ATA/881/2022 du 30 août 2022 consid. 3d).

4.             En l’occurrence, la recourante conclut qu’il soit ordonné au conservateur du registre foncier de procéder à la mention d’une restriction à la propriété, qui interdirait qu’aucune autre construction soit autorisée sur la parcelle n° 1______. Elle fait donc grief au département de ne pas avoir requis une telle inscription.

La commune justifie ce grief du fait que la condition posée par la CA et reprise par l’autorisation entreprise est illusoire et qu’il faut dès lors inscrire une mention au registre foncier au sens de l’art. 962 CC. À la remarque du département qu’une telle mention n’est pas indispensable dans la mesure où il connaît, à l’instar de la CA, l’historique des autorisations qu’il a délivrées, la commune répond qu’il convient de conserver, via le registre foncier, une forme de publicité de la charge fixée dans l’autorisation querellée. A défaut, un futur acquéreur pourrait penser, à tort, être en droit de construire encore sur la parcelle.

Il résulte de ce qui précède que la conclusion de la recourante poursuit, ou du moins peut rechercher deux objectifs. D’une part, s’assurer que la condition posée par la CA ne soit pas illusoire. D’autre part, défendre les intérêts d’un éventuel futur acheteur par le biais d’une forme de publicité de la charge fixée dans la décision litigieuse. Le fait que cette condition soit inscrite au registre foncier ne lui apporte aucun avantage personnel et se trouve sans la moindre incidence sur sa situation personnelle puisqu’elle fait valoir l’intérêt général et celui d’un tiers. Le grief résultant de sa conclusion est ainsi irrecevable.

5.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

6.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

7.             En premier lieu, la recourante estime que la décision entreprise contrevient à l’art. 59 al. 9 LCI.

8.             Selon l’art. 59 LCI, intitulé « rapport des surfaces », la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,50% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées ou agrandies qui respectent l’un de ces standards (al. 1). Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol. Les constructions de peu d’importance ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (al. 7). La surface des constructions en sous-sol, exprimée en m2 de plancher brut, ne doit pas excéder la surface de plancher hors sol qui peut être autorisée en application de l’al. 1 (al. 8). Dans tous les cas, la surface du sous-sol, y compris celle du sous-sol des constructions de peu d’importance, ne peut excéder le 20% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 22% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 24% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (al. 9). Le département peut, toutefois, admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, tel que défini aux al. 8 et 9 du présent article, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l’édification de constructions de peu d’importance à destination de garages en surface (al. 10).

La surface des constructions, selon l’article 59 LCI, comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l’exclusion de celles qui seraient admises comme constructions de peu d’importance (art. 29 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

9.             La LCI ne donne aucune définition des CDPI. Cette définition trouve dans le RCI. Aux termes de son art. 3 al. 3 1ère phrase, sont réputées CDPI, à la condition qu’elles ne servent ni à l’habitation, ni à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale, les constructions dont la surface n’excède pas 50 m2 et qui s’inscrivent dans un gabarit limité par une ligne verticale dont la hauteur n’excède pas 2,50 m (let. a), une ligne oblique faisant avec l’horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° (let. b) et une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum (let. c). Dans le cadre d’un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé et, afin d’améliorer l’insertion dans le site et pour autant qu’il n’en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la CA, des CDPI groupées d’une surface de plus de 50 m2 au total (2ème phrase). Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (3ème phrase).

10.         Selon la jurisprudence, une piscine extérieure non couverte n’est, quelle que soit sa taille, pas une CDPI mais un aménagement extérieur non couvert, de sorte qu’elle n’entre pas dans le calcul des CDPI. Il n’est toutefois pas fait abstraction de la surface de telles constructions, qu’elles soient ou non totalement enterrées, d’une surface inférieure ou supérieure à 50 m2, puisqu’elles sont désormais explicitement prises en compte par le législateur à l’art. 59 al. 3bis LCI (ATA/437/2023 du 25 avril 2023 consid. 6, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_494/2022 du 9 mai 2023)

11.         En l’espèce, le tribunal ne peut suivre la thèse de la recourante selon laquelle il faut tenir compte de la piscine et du local technique y afférant dans le cadre de l’application de l’art. 59 al. 9 LCI puisqu’ils sont, au vu de leur nature, des constructions en sous-sol. En effet, la jurisprudence a retenu qu’une piscine extérieure non couverte, comme en l’espèce, constitue un aménagement extérieur non couvert. Il ne s'agit ni d'une CDPI ni d'une construction en sous-sol. Par ailleurs, la piscine en cause est indépendante et séparée du bâtiment principal autorisé par la DD 3______, avec pour effet que sa surface ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la surface des constructions selon l’art. 29 RCI. Enfin, la chambre administrative a considéré que ce type de piscine est à appréhender sous l’angle de l’art. 59 al. 3bis LCI. La surface de cette piscine ne doit par conséquent pas être prise en compte dans le cadre de l’art. 59 al. 9 LCI. Ce raisonnement doit aussi s’appliquer au local technique afférant à cette piscine, lequel ne fait pas non plus corps avec le bâtiment principal et qui ne peut être comptabilisé dans la surface du sous-sol, compte tenu du vide d’étage inférieur au minimum prévu par l’art. 77 LCI. Son sort doit donc suivre celui de la piscine dans la mesure où ces deux éléments sont étroitement liés l’un à l’autre.

Les surfaces des nouvelles constructions autorisées ne devant en l’espèce pas être prises en compte dans le cadre de l’art. 59 al. 9 LCI, il n’y a pas lieu de se déterminer sur la question de savoir si une nouvelle construction en sous-sol est forcément à proscrire lorsqu’une dérogation a déjà été accordée antérieurement pour les surfaces en sous-sol.

Enfin, l’interprétation de l’art. 59 al. 9 LCI effectuée par la recourante, à savoir que le sous-sol d’une parcelle en zone 5 ne peut être encombré de constructions ou d’aménagements sur plus de 20% de sa surface, à moins que ses aménagements permettent d’éviter des parkings en surface, tout en respectant la quantité suffisante de pleine terre, ne trouve aucune assise dans la loi ou dans la jurisprudence. Elle ne peut donc être suivie, étant au demeurant noté que même si tel était le cas, la limite de 20% serait, dans le présent cas, respectée.

Ce grief sera par conséquent rejeté.

12.         En second lieu, la recourante estime que la décision querellée viole l’art. 59 al. 3bis LCI.

13.         L’art. 59 al. 3bis LCI, adopté le 1er octobre 2020 et entré en vigueur le 28 novembre 2020, dispose qu’une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit être préservée.

14.         Le principe de la préservation de la pleine terre en zone 5 a été introduit dans le guide publié par le canton « Les nouveaux quartiers-jardins du XXIe siècle » visant une densification de qualité de la zone 5 sans modification de zone à Genève, pour répondre à la problématique de l’imperméabilisation des sols. Au chapitre consacré à "l’état des lieux" (version juin 2017, p. 7 ss), le guide relevait que : « avec l’augmentation de l’indice d’utilisation du sol on assiste aussi à l’augmentation de l’emprise des bâtiments (et des annexes) pouvant dépasser les 60 % de la surface des parcelles concernées. Avec les stationnements de surface, les terrasses en dur et les souterrains, cette occupation du bâti a pour conséquence une forte imperméabilisation des sols et génère des problèmes de ruissellement et récupération des eaux de pluie ». Sous le chapitre « les enjeux de la densification », il fixait des principes généraux visant notamment « à conserver des espaces plantés en pleine terre en proportion suffisante en limitant, en même temps, l’imperméabilisation des sols » et introduisait également la mention de l’indice de verdure (ci-après : IVER).

15.         Dans le cadre de l’examen du projet de loi portant sur la modification de l’art. 59 al. 4 LCI (PL 12’566), un député avait proposé d’ajouter un alinéa 3bis à l’art. 59 LCI dont la teneur serait la suivante : « une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, correspondant au minimum à 40% de la surface de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit en principe être préservée » (rapport du 11 août 2020 de la commission d’aménagement du canton chargée d’étudier le PL).

Il résulte des débats devant le Grand Conseil que le Président du Conseil d’État, en réponse à la question de l’introduction du pourcentage minimal de 40% de surface en pleine terre, a expliqué : « Sur cette base, nous allons travailler pour mettre à jour d’ici la fin de l’année une grille des critères de qualité qui permettra de valoriser la question de la pleine terre - elle doit tendre vers les 40%, mais il y a toujours des cas qui requièrent des dérogations. C’est pourquoi il me semblerait faux d’introduire des règles urbanistiques au niveau législatif. Elles relèvent de la commission d’architecture, mais aussi des professionnels et des discussions avec les communes. Ce guide qualité exposera donc une démarche que les propriétaires et promoteurs devront suivre et défendre face à la commission d’architecture, qui sera la gardienne du temple de cette notion de qualité » (MGC, séance du jeudi 1er octobre 2020 à 20h30- 1er débat).

L’amendement concernant l’art. 59 al. 3bis LCI a été adopté sans qu’un pourcentage ne soit fixé.

16.         Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 59 al. 3bis LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3). Elle doit en outre utiliser sa marge de manœuvre conformément à ses devoirs en tenant compte du but de la loi, afin de servir au mieux l’intérêt public (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 513 p. 179).

Commet un excès positif de son pouvoir d’appréciation l’autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l’exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d’appréciation dans le cas où l’excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l’autorité considère être liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu’elle renonce d’emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d’appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_472/2016 du 14 février 2017 consid. 5.1.2), par exemple en appliquant des solutions trop schématiques ne tenant pas compte des particularités des cas d’espèce, que l’octroi du pouvoir d’appréciation avait justement pour but de prendre en considération. On peut alors estimer qu’en refusant d’appliquer les critères de décision prévus explicitement ou implicitement par la loi, l’autorité viole directement celle-ci (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 514 p. 179).

17.         D’après la jurisprudence, afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. Celles-ci n’ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 8d).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l’administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut les prendre en considération en vue d’assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 148 V 144 consid. 3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2021 du 20 février 2023 consid. 3.2.4 et les références citées ; ATA/552/2013 du 27 août 2013). Ces directives ne dispensent pas de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 138 II 536 consid. 5.4.3). Ces principes sont applicables mutatis mutandis en droit cantonal (ATA/1278/2018 du 27 novembre 2018 consid. 10b ; ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 consid. 6d).

18.         En janvier 2021, le département a publié en ligne une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » (ci-après : la marche à suivre) (https://www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5-mise-jour-2022).

Cette marche à suivre décrit les nouvelles exigences de contenu et de forme à respecter dans la zone 5, tant pour les projets de construction que pour les plans directeurs communaux. Elle vise notamment à renforcer la qualité des projets de densification et à améliorer leur intégration dans le contexte local, tout en limitant leur impact environnemental » (p. 6). En effet, « chaque nouvelle construction dans la zone 5 participe au processus de transformation du territoire. Pour préserver la qualité de vie dans ces secteurs qui bénéficient d’une végétalisation importante, il est nécessaire de veiller à la bonne prise en compte des aspects notamment patrimoniaux et environnementaux » (p. 8). Pour toute les demandes d’autorisation de construire en zone 5, le dossier doit fournir une information concernant la pleine terre et l’IVER. Celui-ci quantifie les effets induits de la construction sur les trois éléments naturels suivants : pleine terre, stratégie végétale et eau (p. 10). Dans le cadre de la présentation du projet, « il s’agit de préciser comment le projet contribue au maintien et au développement de la qualité paysagère du site dans lequel il s’inscrit ». Pour la pleine terre, « un plan ou schéma doit illustrer les différentes types d’espaces non bâtis en pleine terre, de la situation projetée et, selon leur taille et l’implantation du projet (espaces majeurs/résiduels). On entend par espaces majeurs en pleine terre, les espaces d’un seul tenant pouvant par exemple accueillir la plantation d’arbres de première et deuxième grandeur. Une valeur cible de 40 % de pleine terre sera recherchée, l’objet étant de ménager des espaces sont suffisantes permettant d’accueillir des sujets d’une certaine importance, ceux-ci caractérisant la zone 5 » (p. 13).

19.         Dans sa version mise à jour en novembre 2022, la marche à suivre n’indique plus le pourcentage de pleine terre recherchée mais prévoit : « Une quantité de pleine terre cohérente avec les enjeux de paysage, de biodiversité et les usages souhaités sera recherchée, en lien avec la stratégie de densification zone 5 du PDCom approuvé le cas échéant » (p. 13).

Cette version de la marche à suivre précise également le rôle de la CA. Cette dernière « instruit toutes les demandes d’autorisation de construire en zone 5. En application du cadre légal, la CA doit analyser la compatibilité du projet avec « le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier ». Elle doit désormais également évaluer le projet à l’échelle du groupe de parcelles. Pour cela elle prend en compte, d’une part, la quantité de pleine terre préservée par le projet, et d’autre part, elle se base sur le PDCom, notamment en ce qui concerne les secteurs de densification accrue et les voies à créer ou à modifier. En l’absence d’un PDCom approuvé, la CA applique les critères d’évaluation présentés dans le schéma du chapitre A.2 de la marche à suivre et utilise la note explicative produite par le requérant pour produire son préavis (p. 14).

20.         De plus, selon la directive LCI 021-v7, il est précisé, s’agissant de l’art. 59 al. 3bis LCI, que « cet alinéa indique qu’une surface pleine terre doit être préservée. Il définit précisément la notion de pleine terre. Par contre, il ne définit rien sur les aspects qualitatifs ou quantitatifs de cette dernière. A cette effet, le département a établi une marche à suivre intitulée « Densification de la zone 5 » (www.ge.ch/ document/marche-suivre-densification-zone-5). Selon l’expérience de la CA, il peut être considéré, en règle générale, qu’une surface pleine terre inférieure à 40% n’est ni qualitative, ni suffisamment quantitative. À l’inverse une surface supérieure à 60% peut être considérée comme suffisamment quantitative et qualitative ».

21.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

22.         Selon une jurisprudence constante, s’ils sont favorables, les préavis de la CA n’ont, en principe, pas besoin d’être motivés (ATA/792/2022 du 9 août 2022 consid. 6d ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 6, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021), même s’il peut arriver qu’une motivation plus explicite soit requise lorsque, par exemple, l’augmentation de la hauteur du gabarit légal est trop importante (cf. ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7c ; ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 5).

En outre, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

23.         En l’espèce, il convient de déterminer si le département a outrepassé son pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 59 al. 3bis LCI, lequel est applicable à la demande d’autorisation de construire querellée, déposée le 8 avril 2022 (art. 156 al. 5 LCI), ce qui n’est pas contesté.

Il ressort d’une interprétation historique de l’art. 59 al. 3bis LCI que le législateur a renoncé à fixer un ratio minimal de surface de pleine terre afin de conférer une importante marge de manœuvre au département, sous réserve d’un préavis négatif de la CA. Néanmoins, il en ressort également que la proportion de surface de pleine terre devrait, dans la mesure du possible, avoisiner les 40%.

En l’occurrence, la CA, composée de spécialistes, examine les projets soumis à son examen, notamment en prenant en compte la quantité de pleine terre préservée en application de l’art. 59 al. 3bis LCI. Dans le présent cas, elle a requis la modification de la première version du projet, relevant que l’ensemble du projet était conséquent et qu’il venait péjorer la surface en pleine terre qui était morcelée et donc sans qualité. Elle ne s’est pas prononcée sur le pourcentage de pleine terre de la parcelle une fois le projet réalisé. La société a ainsi modifié son projet et la CA a alors émis, le 19 août 2022, un préavis favorable, sous condition qu’aucune autre construction ne soit autorisée à l’avenir, ceci pour préserver la surface végétale.

Il ressort du dossier (en particulier du plan B08-DD_P03 - Calcul de surface pleine terre parcelles additionnées, enregistré le 15 juillet 2022, et du plan A04-DD-P01 visé ne varietur le 30 mars 2023) que la première version du projet entraînait un indice de pleine terre de 43,20%, tandis que celui-ci était de 46,80% dans la seconde version, qui a notamment supprimé la plage de la piscine et en a réduit la longueur de 2,50 m. L’impact des constructions sur la pleine terre a encore été réduit dans la version finale autorisé, avec l’abandon des accès et des locaux techniques en sous-sol à proximité du garage et leur intégration à la piscine. Le taux de pleine terre s’établit ainsi finalement à 47,10%. Il convient aussi de noter que la version finale du projet, plus compacte du fait que l’ensemble des installations est centralisé au même emplacement, ne cause plus de « fragmentation » de la surface de pleine terre.

Dans ces circonstances, il n’apparait pas que le département aurait excédé son large pouvoir d’appréciation en autorisant un ratio de la surface de pleine terre de l’ordre de 47%, lequel s’inscrit dans la fourchette de 40% et 60% prévue dans la directive LCI 021-v7 et avec lequel la CA s’est déclarée favorable.

Partant, ce grief sera écarté.

24.         Dans un troisième grief, la recourante prétend que la décision litigieuse est contraire à la LForêts dans la mesure où les arbres situés sur la parcelle en cause constituaient une forêt, dans la continuité de la forêt existante identifiée sur la parcelle n° 6______. Cela devait conduire au renvoi du dossier au département pour qu’il se détermine sur la délimitation de la lisière de la forêt, puis à l’examen si l’interdiction de toute construction à moins de 20 m de la lisière de la forêt était respectée.

25.         Au niveau fédéral, la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l’aire forestière (art. 1 et 3 LFo).

Par « forêt », on entend toutes surfaces couvertes d’arbres ou d’arbustes forestiers à même d’exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d’exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo). Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d’arbres ou d’arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo ; arrêt du Tribunal fédéral 1A_232/2006 du 10 avril 2007 considérant 2.2).

26.         Au niveau genevois, l’art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d’une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d’au moins quinze ans, s’étendent sur une surface d’au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (al. 1). Sont également considérés comme forêts les surfaces ne répondant pas aux critères quantitatifs définis à l’alinéa 1, pour autant qu’elles remplissent des fonctions forestières importantes, les clairières, les cordons boisés situés au bord de cours d’eau, les espaces liés à la divagation des rivières dans les zones alluviales et les parcelles réservées à cet effet (al. 2). En revanche, ne sont pas considérés comme forêts les groupes ou alignements d’arbres isolés et les allées, les haies situées en zone agricole, constituées grâce à des mesures d’encouragement, prévues par les législations fédérale et cantonale en matière de compensations écologiques, et les parcs situés en zone de verdure (al. 3). Il est dressé un cadastre des forêts, régulièrement tenu à jour. Ce cadastre a une valeur indicative; il est accessible au public (al. 4).

Selon l’art. 3 du règlement d’application de la loi sur les forêts du 18 septembre 2019 (RForêts - M 5 10.01), la ceinture buissonnante débordant des troncs principaux constitue la lisière appropriée mentionnée à l’art. 2 al. 1 let. c de la loi et délimite la forêt. En cas d’absence de cet élément biologique, la limite de la forêt (lisière appropriée) se situe à 2 m au moins en avant des troncs principaux formant le peuplement. Toutefois, en cas de changement de la nature du sol ou de démarcation distincte (limite marquante), telle que mur, route, limite de propriété, limite de culture ou cassure de terrain naturelle, à l’intérieur de la lisière appropriée, cette dernière peut être adaptée à la limite marquante. En vertu de l’art. 5 RForêts, le cadastre des forêts, établi par l’office cantonal, indique les aires de nature boisée ou non, qui constituent la forêt. Il en précise la situation et les limites (al. 1). Le cadastre, qui n’a qu’une valeur indicative, constitue une couche du système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG) et peut être, notamment, consulté auprès de l’office cantonal (al. 3).

27.         Selon l’art. 4 al. 1 LForêts, quiconque prouve un intérêt digne d’être protégé peut demander à l’inspecteur cantonal des forêts (ci-après : l’inspecteur) de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non. Les communes et les associations d’importance cantonale, qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites, ainsi qu’à la protection de l’environnement, ont également qualité pour déposer une telle demande.

28.         À teneur de l’art. 11 al. 1 et 2 LForêts, l’implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l’article 4 de la présente loi, est interdite, mais le département peut accorder certaines dérogations.

29.         En l’espèce, le plan A03 visé ne varietur le 30 mars 2023 ainsi que la consultation du SITG font clairement apparaître que les arbres sis sur la parcelle n° 1______ ne constituent pas une forêt au sens de l’art. 2 LForêts mais qu’il s’agit d’un simple alignement d’arbres isolés. Le fait que d’autres arbres de même essence constituant une forêt se situent de l’autre côté de la voie publique et que leurs couronnes se toucheraient par endroit n’est pas suffisant pour considérer que les arbres précités constituent eux même une forêt. Cela est par ailleurs confirmé par le fait que la lisière forestière, qui correspond à la limite de propriété et à la route D______, à savoir une limite marquante au sens de l’art. 3 RForêts, a déjà été constatée dans le relevé n° 2010-46r. À cet égard, la recourante qui allègue que tel n’est pas le cas et que ces arbres font partie d’une forêt, sans toutefois avancer un quelconque élément probant qui remettrait en cause l’état de fait susmentionné, ne fait que substituer son avis à celui des instances spécialisées. L’OCAN a préavisé favorablement le projet litigieux sans exprimer la moindre remarque au sujet d’une éventuelle forêt. Il sied encore de relever que si la parcelle en cause est immédiatement contiguë à un périmètre référencé comme « corridor biologique » et « corridor à enjeux » dans le PDCn 2030 et si le PDCom évoque une continuité biologique et paysagère le long du chemin C______, seule la parcelle n° 7______ est concernée par ce couloir et non la parcelle n° 1______ accueillant le projet. De plus, le PAP, qui doit être respecté selon la condition posée par l’OCAN, prévoit de nouvelles plantations, notamment sur la parcelle n° n° 7______, renforçant ainsi la continuité biologique et paysagère recherchée par la recourante.

Au vu des éléments susmentionnés, il n’est aucunement nécessaire de renvoyer le dossier au département pour qu’il détermine la lisière forestière, celle-ci étant déjà établie.

Ce grief sera par conséquent écarté.

30.         En dernier lieu, la recourante reproche au département d’avoir ignoré la teneur du PDCom et des préavis communaux. À son sens, dans la mesure où l’autorisation en cause provoque une surenchère des surfaces bâties, une fragmentation de la surface en pleine terre et une détérioration qualitative d’espaces à proximité immédiate de forêts, le département aurait mal usé son pouvoir d’appréciation.

31.         Selon l'art. 10 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), les plans directeurs communaux sont des plans directeurs localisés dont le périmètre recouvre la totalité du territoire d'une ou plusieurs communes (art. 10 al. 2 1ère phrase LaLAT).

Le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel (art. 10 al. 8 LaLAT ; ATA/1086/2023 du 3 octobre 2023 consid. 5.2).

32.         Selon la jurisprudence, un projet de construction conforme au droit cantonal ne peut être refusé au seul motif qu'il contreviendrait à un PDCom (arrêt du Tribunal fédéral 1C_257/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5.3).

Par « conforme au droit cantonal », il faut entendre conforme au plan d'affectation. En effet, le refus d'une autorisation au seul motif que le projet de construction contreviendrait au PDCom, reviendrait à donner à ce plan directeur un effet anticipé inadmissible et à aboutir à une modification du plan d'affectation en vigueur. Toutefois, il ne faut pas tirer de cette argumentation la conclusion que le plan directeur ne serait d'aucune importance dans le cadre d'une autorisation de construire. L'effet obligatoire d'un tel plan se déploie là où l'ordre juridique confère un pouvoir d'appréciation ou introduit des concepts juridiques indéterminés ménageant de la sorte une marge de manœuvre. Si le droit applicable exige une pesée globale des intérêts, alors le contenu du plan directeur doit être considéré, dans la pesée des intérêts, comme le résultat obligatoire du processus de coordination spatiale, étant précisé que le plan directeur n'exprime les besoins spatiaux que du point de vue de la collectivité publique. Reste réservée la pesée des intérêts qui doit être faite dans un cas particulier en prenant aussi en compte les intérêts publics qui ne relèvent pas de l'aménagement du territoire ainsi que les intérêts privés. Le plan directeur s'impose aux seules autorités chargées des tâches dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire, et non aux autorités judiciaires qui ont pour fonction d'examiner la légalité des actes étatiques (ATA/1086/2023 du 3 octobre 2023 consid. 5.3 ; ATA/541/2023 du 23 mai 2023 consid. 5.4).

33.         Au niveau cantonal, le respect des plans directeurs est assuré par l’OU, cette instance étant, selon la jurisprudence, celle qui est le plus à même de déterminer si une révision d'un PDCom est en cours, ainsi que l'impact de ce projet sur une requête en autorisation de construire (ATA/1086/2023 du 3 octobre 2023 consid. 5.4).

34.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Néanmoins, lorsque la consultation d’une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/1344/ 2023 du 12 décembre 2023 consid. 2.8).

35.         Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 7g ; ATA/532/2021 du 18 mai 2021 consid. 4 et la référence citée).

36.         En l’espèce, l’OU s’est prononcé favorablement au projet, sans observation et donc sans émettre de remarque au sujet d’une éventuelle incompatibilité du projet avec la planification directrice communale. Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le projet de construction querellé, qui a en outre été préavisé favorablement par les autres instances de préavis, hormis la recourante, doit être considéré comme conforme au droit cantonal, en particulier suite aux préavis favorables de la CA du 19 août 2022 et de la DAC du 18 janvier 2023, et ne peut être refusé au seul motif qu’il contreviendrait au PDCom.

De plus, ainsi que relevé par l’intimée, le grief quant à une prétendue absence de prise en considération de la stratégie de planification communale se recoupe avec ceux formulés précédemment concernant la conservation de la pleine terre et le prétendu impact sur la forêt, qui ont été écartés.

Il ne peut être, dans ces circonstances, être reproché au département d’avoir suivi la position majoritaire des commissions de préavis et d’avoir écarté la position exprimée par la recourante, étant relevé que le PDCom ne fixe ni de valeur minimale ou maximale ni d’objectif chiffré. En particulier, un taux de maintien de pleine terre de 60% ne ressort pas de ce document.

Ce grief sera dès lors écarté.

37.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

38.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

39.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’200.-, à la charge de la commune, sera allouée à la société (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2023 par la commune de A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais ;

4.             condamne la commune de A______ à verser à B______ SA une indemnité de procédure de CHF 1’200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier