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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/712/2022

JTAPI/201/2022 du 03.03.2022 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);PROCÉDURE ÉCRITE
Normes : LEI.75.al1.letg; LEI.76.al1.letb
Résumé : Trafic de drogue
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/712/2022 MC

JTAPI/201/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mars 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sandrine GIROUD, avocate

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 1er mars 2022, Monsieur A______, né le ______ 2002, de nationalité espagnole, a été appréhendé par les services de police genevois à l’intersection entre la rue B______ et la rue C______.

2.             Il ressort notamment du rapport de police établi à cette occasion que M. A______ avait été observé par les inspecteurs en train de se livrer à des transactions avec divers acheteurs avant d’être mis en cause par un toxicomane pour la vente de neuf grammes de crack en l’espace de six semaines au tarif variant entre CHF 35.- et CHF 40.- le demi-gramme de crack.

Lors de la fouille de sécurité de l’intéressé, les inspecteurs ont découvert sur lui les sommes de CHF 721.35 et EUR 5.65, ainsi qu’un téléphone portable.

3.             Lors de son audition par la police le 2 mars 2022, M. A______ a admis avoir vendu du crack à un certain « D______ » à quatre reprises afin de financer son addiction à la cocaïne - étant consommateur depuis un an - ses paris sportifs. L’argent trouvé en sa possession provenait desdits paris sportifs et des bénéfices qu’il dégageait en revendant des appareils électroniques qu’il achetait auprès de magasins d’occasion.

Il était venu en Suisse pour la première fois un mois et demi auparavant, dormait parfois en France voisine, dans l’Ain, ou chez une amie, « E______ », qui vivait au F______ ; il n’avait aucune adresse en Suisse à communiquer. Il n’avait par ailleurs aucun moyen de subsistance autre que l’argent trouvé en sa possession ni famille ou attaches particulières en Suisse. Il était titulaire d’une carte d’identité espagnole valable.

4.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 2 mars 2022, dûment notifiée, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

5.             Par ordonnance pénale du 2 mars 2022, le Ministère public a condamné M. A______ pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c et 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup - RS 812.121) et 115 al. 1 let. a et b LEI à une peine privative de liberté de cent vingt jours ave sursis.

6.             La réservation d'une place sur un vol à destination de l’Espagne a été immédiatement sollicitée et confirmée pour le samedi 5 mars 2022 à 18h50 au départ de Genève.

7.             Le 2 mars 2022, à 18h05, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre M. A______ pour une durée de trois semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Espagne. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 17h30.

8.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 18h06.

9.             A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 3 mars 2022 à 12h00.

10.         Par courrier adressé par télécopie au tribunal le 3 mars 2022, à 11h52, le conseil de M. A______ a présenté des observations.

Il n’existait aucun risque que son client continue à s’adonner à du trafic de stupéfiants étant donné que son départ était prévu pour le 5 mars 2022 et que le Ministère public avait détruit son téléphone portable. Dès lors, il concluait à sa mise en liberté immédiate.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 2 mars 2022, à 17h30, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu’une place sur un vol à destination de Madrid a d’ores et déjà été réservée pour M. A______ le 5 mars 2022 à 18h50 au départ de Genève.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement et indiqué qu’il était d’accord de repartir en Espagne.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             Selon l'art. 76 al. 1 let. b LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, placer la personne concernée en détention administrative, notamment si celle-ci menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (ch. 1 renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g LEI).

9.             Selon la jurisprudence constante, la participation à un trafic de stupéfiants comme de l'héroïne ou de la cocaïne constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012; ATA/185/2008 du 15 avril 2008 ; ATA/65/2008 du 15 février 2008 ; ATA/39/2008 du 22 janvier 2008 ; ATA/352/2007 du 26 juillet 2007 et les arrêts cités).

Comme la loi exige une menace sérieuse ou une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle d'autres personnes, il faut que le comportement répréhensible revête une certaine intensité. Les infractions, y compris en relation avec les stupéfiants, qui apparaissent comme des cas bagatelles ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a). Enfin, comme la disposition est tournée vers le futur et tend à empêcher que l'étranger continue son comportement dangereux, il faut en outre faire un pronostic pour déterminer si, sur la base des circonstances connues, il existe un risque sérieux que d'autres mises en danger graves se reproduisent (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 et les nombreuses références citées).

10.         La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

11.         En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire. À cela s'ajoute qu'il a été condamné pénalement notamment pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup. Même si elle ne repose pas sur l'art. 19 al. 2 LStup, cette condamnation porte sur un trafic d'héroïne. Compte tenu du fait que l'intéressé est démuni de toutes ressources financières et qu'il semble n'être venu à Genève que pour participer à ce trafic, on peut aisément admettre qu'il n'a pas agi (ou du moins n'avait pas l'intention d'agir) « que de manière isolée » et qu'il aurait sans aucun doute poursuivi cette activité s'il n'avait pas été interpellé par la police, la destruction de son téléphone portable de l’empêchant nullement de se rendre dans les lieux où le trafic de stupéfiants se déroule et de continuer à y participer. Sa détention administrative est ainsi justifiée sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. g LEI.

L'assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où M. A______ devra monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine le 5 mars 2022 étant notamment observé qu'il ne dispose pas de moyens de subsistance ni d'un lieu de séjour quelconque en Suisse, où il n'a aucune attache établie.

12.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé à la réservation d'une place sur un vol de ligne pour permettre le renvoi de M. A______ en Espagne, lequel devrait avoir lieu le 5 mars 2022.

14.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

15.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. Sa portée s'avère au demeurant très relative car si M. A______ monte dans l'avion devant le reconduire dans son pays le 5 mars 2022, sa détention prendra immédiatement fin. En revanche si, pour une raison ou une autre (par exemple en cas d'annulation du vol), son renvoi ne pouvait avoir lieu à cette occasion, la police devrait pouvoir disposer du temps nécessaire pour l'organiser par un autre vol.

Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 10 mars 2022 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

16.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 2 mars 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 22 mars 2022 inclus ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 10 mars 2022 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière