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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21614/2019

ACJC/668/2025 du 19.05.2025 sur JTBL/13/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21614/2019 ACJC/668/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 19 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 8 janvier 2024, représenté par ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, p.a. C______ [agence immobilière], ______, intimé, représenté par Me Marie-Claude DE RHAM-CASTHELAZ, avocate, rue d'Italie 11, case
postale 3170, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/13/2024 du 8 janvier 2024 (ci-après : le jugement), notifié aux parties le lendemain, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a validé le congé notifié le 29 août 2019 par B______ à A______ concernant la location de plusieurs surfaces d’environ 7’200 m² au total, situées sur les parcelles situées en zone agricole numéros 1______, 2______ et 3______ sises chemin 4______ (sic) à D______ (GE) (ch. 1); a reporté les effets du congé au 30 juin 2022 (ch. 2); n’a accordé aucune prolongation de bail à A______ (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions pour le surplus.

A titre liminaire, le Tribunal a rejeté la requête de A______ tendant à la réouverture des enquêtes pour les raisons mentionnées dans son ordonnance du 6 juillet 2023. Le congé donné pour le 30 juin 2020 était une résiliation de bail ordinaire, même si le congé n’avait pas été donné pour l’échéance contractuelle. Le bailleur n’avait jamais allégué avoir notifié un congé extraordinaire et le locataire l’avait bien compris puisqu’il avait déposé une demande en annulation de congé, subsidiairement en prolongation de bail. La question de savoir si le congé était inefficace parce que donné en violation des dispositions relatives au congé anticipé était donc sans objet. Le congé avait été notifié après que le Département du territoire (ci-après : le département) avait officiellement constaté, le 7 juin 2019, l’illégalité de plusieurs installations érigées sur les parcelles louées à A______, qui avait, au surplus, reconnu que son bailleur ne l’avait jamais autorisé à les ériger sans obtenir les autorisations de construire officielles. Enfin, le bailleur avait demandé à son locataire, à plusieurs reprises, de rétablir une situation conforme au droit sur les parcelles louées. Le motif du congé apparaissait ainsi comme légitime et digne de protection. Le congé devait être validé et ses effets reportés au 30 juin 2022.

Aucune prolongation de bail ne saurait être accordée au locataire faute pour ce dernier d’avoir démontré avoir un intérêt à en obtenir une. Bien qu’il occupait les parcelles depuis plus de 40 ans, le locataire avait déclaré qu’une fois qu’il se serait conformé à tous les points de la décision du département, il n’aurait plus aucun intérêt au bail. De surcroît, la société E______ SARL, société la plus active sur les parcelles louées et la seule que le bailleur avait autorisée à bénéficier desdites surfaces, avait été cédée à un tiers qui avait quitté les lieux en juillet 2023. Les autres sociétés appartenant au locataire ou dans lesquelles celui-ci avait des participations n’avaient aucune activité agricole et donc aucun intérêt à continuer à occuper les lieux une fois que le locataire se serait entièrement conformé à la décision du département. Enfin, A______ n’avait pas démontré avoir entrepris de quelconques démarches pour trouver un nouvel emplacement, ni démontré une urgence particulière.

B. a. A______ a appelé du jugement précité, reçu le 11 janvier 2024, le 8 février 2024. Il a conclu principalement à son annulation et à la constatation de l’inefficacité du congé notifié le 29 août 2019, subsidiairement à son annulation, plus subsidiairement au report de ses effets au 30 juin 2022 et à l’octroi d’une prolongation de bail de 6 ans, échéant le 30 juin 2028 et, enfin, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause au Tribunal pour l’audition des témoins proposés en première instance.

L’appelant fait grief au Tribunal d’avoir violé son droit d’être entendu et son droit à la preuve consacrés par les art. 29 al. 2 Cst., 8 CC et 152 CPC en ne procédant pas à l’audition des témoins requis. Ces derniers seraient à même de démontrer que les constructions litigieuses avaient été autorisées par le bailleur de l’époque, à savoir F______, frère de l’intimé. Ni lui-même ni ce dernier n’avaient imaginé qu’il était nécessaire de demander une autorisation de construire pour ce faire. Toutes les constructions en question avaient été réalisées entre 1980 et 2010, soit avant la signature du dernier bail. Ces éléments étaient essentiels pour trancher la question de l’inefficacité du congé, subsidiairement de son annulation.

En outre, retenir que le congé notifié était un congé ordinaire et non pas extraordinaire contrevenait à l’art. 18 CO. Les motifs retenus par le Tribunal ne convainquaient pas. Le fait que ni l’avis officiel, ni son courrier d’accompagnement ne précisaient s’il s’agissait d’un congé ordinaire ou extraordinaire ne permettait pas d’en tirer un argument, ni dans un sens, ni dans l’autre. Contrairement à ce qu’avait retenu le Tribunal, il n’existait pas de formulaire officiel spécifique pour les congés fondés sur les art. 266g ou 257 al. 3 CO. La réponse du 31 janvier 2022 du bailleur mentionnait expressément que le congé avait été donné sur la base de l’art. 266g CO. Dans la mesure où le congé signifié n’indiquait pas la nature de celui-ci, le locataire n’avait eu d’autre solution que de prendre des conclusions en annulation du congé, qui doivent être prises dans les 30 jours suivant le congé, étant précisé que les conclusions en constatation de l’inefficacité d’un congé peuvent être prises en tout temps. Le bailleur n’avait pas « tout de suite » revu sa position s’agissant de l’échéance contractuelle erronée puisqu’il l’avait fait plus de 29 mois après avoir notifié le congé. Enfin, l’erreur de date retenue résultait d’une lecture erronée de l’art. 266g CO et non pas d’une mauvaise analyse du contrat de bail.

Il s’agissait d’un congé extraordinaire. Or, les conditions de l’art. 266g CO n’étaient pas réalisées, notamment parce que le maintien du bail ne devenait pas intolérable, respectivement insupportable, dans la mesure où toutes les constructions érigées l’avaient été avec l’accord du bailleur de l’époque et qu’il était démontré que ce dernier et l’appelant ignoraient que ces constructions, qui existaient lors de la conclusion du contrat de bail litigieux, requéraient une autorisation de construire.

Même à considérer qu’il s’agissait d’un congé ordinaire, celui-ci avait été donné en violation des règles de la bonne foi et devait donc être annulé. Les articles 271 al. 1 et 272 CO avaient été violés. L’intimé avait connaissance des constructions illicites, toutes érigées avant la conclusion du dernier bail liant les parties. Il ne pouvait donc, sauf à faire preuve de mauvaise foi, invoquer leur existence pour justifier un congé. Il s’agissait en réalité d’un prétexte qui ne constituait pas le véritable motif de la résiliation, manifestement d’ordre économique.

Enfin, si le congé notifié devait être validé, l’appelant avait droit à une prolongation de bail compte tenu de la durée de celui-ci. Il continuait d’utiliser les locaux pour les sous-louer aux diverses sociétés dont il était actionnaire majoritaire ou à raison d’un tiers pour l’une d’elles.

b. L’intimé a répondu le 13 mars 2024 en concluant à la confirmation du jugement et au déboutement de l’appelant de toutes ses conclusions. L’audition de témoins, mesure dilatoire notamment eu égard au domicile à l’étranger de certains d’entre eux, n’était nullement essentielle pour l’issue du litige. En effet, l’appelant avait reconnu ne pas avoir obtenu l’aval du propriétaire pour ériger les constructions sans aucune autorisation de construire. L’intimé avait été mis devant le fait accompli et n’avait jamais ratifié les constructions érigées. Il avait résilié le bail le 29 août 2019, pour le 30 juin 2020, 5 mois après la visite par son architecte et par la représentante du département de l’ensemble des parcelles louées. Ces derniers avaient constaté la présence des constructions illicites.

Bien que la décision du département de remise en état au statu quo ante des parcelles sur lesquelles diverses constructions et installations avaient été réalisées sans aucune autorisation, était définitive, l’appelant n’avait toujours pas rétabli une situation conforme au droit. Par ailleurs, ni l’intimé ni son frère, précédent bailleur, n’avaient autorisé l’appelant à ériger des constructions sans droit. Le congé donné à l’appelant était un congé ordinaire. En effet, ni l’avis officiel ni la lettre d’accompagnement n’indiquaient que la résiliation était donnée de manière anticipée. Invité à préciser le motif du congé, il n’avait pas invoqué l’art. 266g CO. Le congé ne saurait être annulé dans la mesure où il avait été donné en raison des constructions illicites avec les conséquences qui en découlaient pour lui. Le motif de la résiliation du bail n’était pas un prétexte. Le congé ne violait pas les règles de la bonne foi.

S’agissant de la prolongation de bail, le Tribunal avait correctement apprécié la situation.

c. L’appelant a répliqué le 29 avril 2024 en persistant dans ses conclusions.


d. L’intimé a dupliqué le 30 mai 2024 en alléguant un fait nouveau à savoir que l’appelant avait été nommé membre de la Commission G______ pour la période du 1er janvier 2024 au 31 janvier 2029. Il a produit 2 pièces nouvelles à savoir l’arrêté du Conseil d’Etat relatif à la nomination des membres de la Commission G______ du ______ janvier 2024 publié dans la Feuille d’avis du canton de Genève le ______ janvier 2024 (pièce 53), et un courrier de son architecte au Département du territoire, du 8 mai 2024 lequel fait grief au département de ne pas le tenir informé de l’exécution de la décision du 27 février 2020, l’informe du départ de E______ SARL, et de ce que les parcelles sont sous-louées à des sociétés n’ayant aucune activité agricole; enfin, il se plaint de la nomination de A______ (pièce 54). Par ailleurs suite au départ de E______ SARL, la procédure était devenue sans objet.

e. Dans une écriture spontanée du 19 juin 2024, l’appelant a contesté la pertinence des nouveaux allégués et pièces produites. Pour le surplus, il procèderait à la remise en état, comme exigé par la décision du département, de manière progressive, de façon à ce que l’utilisation des parcelles soit à nouveau conforme aux exigences légales, sans toutefois mettre en péril ses entreprises.

L’intimé a persisté dans ses conclusions, le 2 juillet 2024.

f. La cause a été gardée à juger le 26 août 2024.

C. Les faits suivants sont pertinents :

a. A______, locataire, et B______, bailleur, ont conclu, le 1er juillet 2011, un contrat de bail pour une durée de 5 ans, pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016, renouvelable tacitement de 2 ans en 2 ans sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties 2 ans avant l’échéance, ayant pour objet l’usage d’une exploitation horticole et paysagère de plusieurs surfaces d’environ 6’700 m² situées sur les parcelles 1______, 2______ et 3______, de la commune de D______. Elles font partie du domaine H______.

Les parcelles sont situées en zone agricole.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 42'000 fr. par an.

A______ a été autorisé à sous-louer les parcelles mises à sa disposition à sa société E______ SARL, à l’exclusion de tout autre entité.

b. Auparavant, A______ louait les mêmes parcelles à F______, frère de l’intimé, décédé en décembre 2010.

A______ a rédigé, puis fait signer à F______, un courrier daté du 1er février 2010, par lequel ce dernier lui louait les parcelles précitées pour une durée de 10 ans dès le 1er janvier 2010, reconductible tacitement, avec un préavis de 6 ans après le 31 octobre 2020. Le courrier précisait que "les transformations nouvelles des bâtiments telles qu'opérées à ce jour [étaient] autorisées". Le 8 février 2010, le conseil de F______ et B______ a informé A______ que le document du 1er février 2010 était "sans valeur" compte tenu de l'état de santé de F______, qui avait confié une procuration générale à son frère. Ce dernier n'entendait pas en ratifier le contenu. A______ n'a pas soulevé d'objections.

c. Par courrier du 2 novembre 2010, B______ agissant pour le compte de son frère, a sommé A______ de se retirer des zones et des bâtiments qu’il occupait sans droit et de supprimer un tunnel en plastique édifié sans autorisation.

d. Par réponse du 2 décembre 2010, A______ a demandé à l’intimé de surseoir à sa demande de libérer certaines surfaces. Parallèlement, il a requis l’octroi d’une autorisation de construire pour ledit tunnel auprès du département. Elle lui a été refusée en 2011.

e. Par requête du 5 septembre 2017, l’hoirie de F______ a déposé, auprès de la Commission foncière agricole, une requête en division et en désassujettissent de certaines parcelles, ne comprenant pas les surfaces louées, du domaine de H______ qui n’avaient plus d’affectation agricole. Dans le cadre de cette demande, la commission précitée a transmis le dossier au département qui a constaté, lors d’un transport sur place, que le tunnel en plastique n’avait pas été enlevé malgré le refus d’autorisation et que d’autres installations et constructions n’avaient pas été autorisées sur les parcelles louées.

f. Par courrier du 6 mars 2019, l’architecte mandaté par le bailleur, faisant référence aux constatations in situ du département le 28 février 2019, a informé l’appelant de ce que son mandant ne saurait être tenu pour responsable des aménagements illicites. De surcroît, celui-ci l’avertissait que s’il devait persister dans ses violations de constructions sans autorisation, il serait contraint de résilier le contrat de bail.

g. L’appelant a rétorqué le 21 mars 2019 que les modifications d’amélioration pour son activité avaient été faites avec l’aval de feu F______ et il n’y avait "aucune violation sérieuse" de sa part dont le propriétaire pourrait être tenu pour responsable.

h. Par avis officiel du 29 août 2019, B______ a résilié le contrat de bail pour le 30 juin 2020. L’avis de résiliation du bail n’était pas motivé. Dans sa lettre d’accompagnement, il reprochait à A______ d’occuper diverses surfaces ne faisant pas partie du contrat de bail et d’avoir procédé à des constructions et aménagements sans autorisation, ni du bailleur, ni du département.

i. Sollicité par le locataire, B______ a motivé, par lettre du 19 septembre 2019, la résiliation par l’existence de constructions illicites sur les emplacements loués exécutées par le locataire, répertoriées par la direction de l’inspectorat de la construction en juin 2019, les comportements préjudiciables du locataire pour le propriétaire et les conséquences qui en découlaient pour ce dernier.

j. Par décision du 27 février 2020, le département a ordonné à l’appelant dans un délai de 90 jours de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la démolition, suppression ou évacuation des diverses constructions ou installations érigées sans autorisation, ainsi qu’au rétablissement de certaines affectations. La suppression de toutes les constructions et installations visées par la décision signifiait également qu’une fois démolies, leurs emplacements devraient être à nouveau aptes à être exploités pour l’agriculture. Cette décision n’a pas été contestée par l’appelant.

k. Lors d’une réunion du 5 octobre 2020 entre les parties, l’intimé a proposé de vendre certaines parcelles à l’appelant, ce dernier s’engageant à quitter des surfaces louées pour le 30 juin 2022 et à déposer une garantie pour couvrir les frais de remise en état. L’appelant a refusé de verser cette garantie.

l. Au mois d’avril 2021, l’appelant n’avait rien entrepris sur les parcelles louées pour rétablir une situation conforme au droit.

m. A______ a vendu son entreprise E______ SARL en septembre 2022 à I______, qui a quitté les lieux le 31 juillet 2023.

n. Le congé a été contesté le 25 septembre 2019 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Non conciliée le 25 novembre 2019, l’affaire a été portée par-devant le Tribunal, le 8 janvier 2020.

A______ a conclu, principalement, à l’annulation du congé et au déboutement de B______ de toutes autres ou contraires conclusions, subsidiairement, au report des effets du congé au 30 juin 2022, à l’octroi d’une prolongation de bail de 6 ans, soit jusqu’au 30 juin 2028, à ce qu’il soit autorisé à restituer les surfaces concernées en tout temps, moyennant un préavis de 30 jours pour le 15 ou la fin d’un mois, ainsi qu’à la diminution du loyer à 36'516 fr. par an, dès le 1er juillet 2022, et au déboutement de B______ de toutes autres contraire conclusions.

o. Par jugement JTBL/277/2020 du 24 avril 2020, le Tribunal s’est déclaré incompétent ratione materiae.

Par arrêt ACJC/243/2021 du 1er mars 2021, la Cour de céans a annulé le jugement précité et renvoyé la cause au Tribunal pour complément d’instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.


Par jugement JTBL/901/2021 du 29 octobre 2021, le Tribunal s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande de A______. Il a considéré que les parties avaient conclu un bail à loyer portant sur des locaux commerciaux. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un appel.

p. Lors de l’audience du 21 mai 2021 par-devant le Tribunal, A______ a déclaré qu’une partie des surfaces louées avait fonction de bureau et avait été transformée par ses soins. Un dépôt et des serres d’origine se trouvaient sur les parcelles louées. Il avait procédé à des aménagements au fil du temps. Il possédait deux entreprises, à savoir J______, qui avait une activité anecdotique de pépinière, et E______ SARL, spécialisée dans l’entretien et la création de jardins. Cette dernière n’avait aucune production. Il sous-louait par ailleurs des surfaces à trois entreprises dont il était actionnaire majoritaire et à une autre entreprise dont il possédait 30% des parts.

q. Dans sa réponse du 31 janvier 2022, B______ a conclu à ce que le Tribunal lui donne acte de ce qu’il acceptait de reporter les effets du congé au 30 juin 2022 et à ce qu’il déboute le locataire de toutes autres ou contraires conclusions. Le locataire avait modifié la chose louée sans consentement écrit du bailleur. De surcroît, toutes les constructions érigées l’avaient été sans autorisation du département. La teneur de l’article 260a al. 1 CO avait été rappelé à l’appelant par lettre du 11 juin 2010, soit avant la signature du bail, et à maintes reprises.

Le locataire avait essayé de faire ratifier par F______, peu avant son décès, les constructions illicites. La résiliation avait été faite après les constatations du département. Il renonçait à se prévaloir de l’article 266g CO et acceptait de reporter les effets du congé au 30 juin 2022. De plus, il s’opposait à toute prolongation du bail. A______ n’exerçait plus d’activité horticole depuis 1996. En procédant à des constructions illicites et en modifiant leurs structures, il avait contrevenu aux articles 257f et 260a CO. Il avait, en outre, fait fi de l’interdiction de sous-louer la parcelle à ses sociétés, à l’exception de E______ SARL. Enfin, les sous-locations étaient illicites vu leurs conditions financières abusives.

r. A______ s’est déterminé le 27 juin 2022 en persistant dans ses conclusions.

s. Par lettre du 18 novembre 2022, F______ a informé le Tribunal de ce que le locataire avait vendu l’entreprise E______ SARL à I______ en septembre 2022. En outre, il n’avait toujours pas rétabli une situation conforme au droit suite à la décision du département du 27 février 2020 et il était domicilié en France.

t. Lors de l’audience de débats principaux du 21 mai 2021, A______ a déclaré être locataire des parcelles depuis près de 40 ans. Le contrat litigieux était le seul écrit. Il n’avait pas recouru contre la décision du 27 février 2020 du département qui était exécutoire. Il possédait deux entreprises, à savoir E______ SARL et J______. Il sous-louait également à trois entreprises dont il était actionnaire majoritaire et à une quatrième dont il possédait un tiers des parts. J______ avait originellement une production de plantes horticoles, plantes à fleurs, fruits et légumes. La production s’était arrêtée en 1996, à l’exception de la pépinière qui avait une activité anecdotique. E______ SARL faisait de l’entretien et de la création de jardins. Elle n’avait aucune production. Son activité se déroulait dans les jardins des clients. Sur le site, il y avait des dépôts et les bureaux des autres sociétés précitées. Enfin, il n’y avait plus de production dans les serres depuis 1986.

u. Lors de l’audience du 20 mars 2023, A______ a déclaré que l'ancien bailleur avait toujours été informé des modifications apportées. Ce dernier les avait acceptées pour autant que cela ne modifie pas l’activité prépondérante des cultures et que, le moment venu, la parcelle soit remise en état. Aucun accord ne lui avait cependant été donné pour qu’il érige des constructions sans demander ou obtenir des autorisations de construire. Depuis 2010, il n’avait plus modifié les parcelles. Il avait entamé des démarches pour se conformer à la décision du département. Une fois que toutes les requêtes du département auraient été effectuées, il n’aurait alors plus d’intérêt au bail. Il n’avait pas déposé de demande d’autorisation de construire pour légaliser les installations qui pouvaient l’être en raison de la procédure. J______ exploitait une pépinière, son commerce et ses bureaux. E______ SARL avait ses bureaux et des dépôts sur place. Quant aux autres sociétés elles étaient toujours concernées par les parcelles en question et avaient sur place des bureaux et dépôts.

v. Par ordonnance du 6 juillet 2023, le Tribunal a refusé d’entendre les témoins sollicités par A______ afin de confirmer que feu F______ aurait donné son accord à l’époque où les constructions avaient été érigées et que ces dernières auraient été réalisées au vu et au su de l’OCAN. En effet, lors de l’audience du 20 mars 2023, le locataire avait précisé les modalités et la nature des accords qu’avait donnés le précédent bailleur. Il n’avait notamment pas eu l’aval de ce dernier pour ériger des constructions sans autorisation de construire.

w. Les parties ont persisté dans leurs conclusions dans leurs plaidoiries finales des 23 août et 14 septembre 2023, ainsi que dans leurs réplique et duplique des 27 septembres et 2 octobre 2023. La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 2 novembre 2023.

EN DROIT

1.                  1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, vu le montant annuel du loyer de 42'000 fr., la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.                  Avec sa duplique du 30 mars 2024, l’intimé a produit deux nouvelles pièces. Par ailleurs, les parties ont formé des allégués nouveaux.

2.1 L'art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives. S'agissant des vrais nova, la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l’espèce, la pièce 53 de l'intimé vise des faits notoires, donc recevables (art. 151 CPC). La pièce 54 vise des vrais nova et a été produite sans retard. Elle est donc aussi recevable. Il en va de même des allégations nouvelles figurant dans les déterminations du 19 juin 2024 de l'appelant. Ces allégations et pièces nouvelles des parties ne sont toutefois pas déterminants pour la solution du litige.

3.                  L'appelant invoque une violation de son droit d'être entendu au motif que le Tribunal n'a pas donné suite à sa demande d'audition de quatre témoins.

3.1 Le droit à la preuve - qui découle tant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. que, en droit privé fédéral, de l'art. 8 CC et qui est, depuis l'entrée en vigueur du CPC, également consacré à l'art. 152 CPC -, octroie à toute personne à laquelle incombe le fardeau de la preuve le droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF
143 III 297 consid. 9.3.2; 133 III 295 consid. 7.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_453/2022 du 29 août 2023 consid. 3.1; 4A_226/2022 du 27 septembre 2022 consid. 4.1; 4A_263/2021 du 21 octobre 2021 consid. 3.1.1).

En revanche, le droit à la preuve n'est pas violé lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; 129 III 18 consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_453/2022 du 29 août 2023 consid. 3.1; 4A_226/2022 du 27 septembre 2022 consid. 4.1; 4A_263/2021 du 21 octobre 2021 consid. 3.1.1).

La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 152 al. 1 CPC).

3.2 En l'espèce, en renonçant à l’audition des témoins sollicités par l’appelant au motif que leurs déclarations n’apparaissaient pas nécessaires dans la mesure où ce dernier avait déjà précisé les modalités et la nature des accords noués avec le précédent bailleur, d’une part, et avait reconnu, lors de l’audience du 20 mars 2023, que feu F______ ne lui avait pas donné son accord pour qu'il édifie des constructions ou autres installations sans avoir préalablement requis et obtenu une autorisation du département, d’autre part, le Tribunal n’a violé ni le droit d’être entendu ni le droit à la preuve de l'appelant.

En outre, l’appelant n’a pas contesté avoir érigé des constructions sans respecter la législation en vigueur, ni, au demeurant, ne pas avoir rétabli une situation conforme au droit.

Les auditions sollicitées n’auraient rien pu apporter de plus.

Mal fondé, le grief sera rejeté.

4.                  Dans un deuxième grief, l’appelant reproche au Tribunal d’avoir violé l’art. 18 CO en considérant que le congé donné le 29 août 2019 était un congé ordinaire.

4.1 Les règles sur l'interprétation selon le principe de la confiance s'appliquent non seulement au consentement contractuel, mais également aux déclarations de volonté en général, y compris les actes juridiques unilatéraux. Il s'agit de rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C_329/2004 du 15 décembre 2004 consid. 3.1). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3).

4.2 L’art. 266g al. 1 CO prévoit que si pour de justes motifs l'exécution du contrat devient intolérable pour une partie, celle-ci peut résilier le bail à n'importe quel moment, en observant le délai de congé légal. Cette disposition consacre un droit de résiliation extraordinaire correspondant au principe général selon lequel les contrats de durée peuvent être résiliés de manière anticipée pour de justes motifs.

L’art. 266g CO est une concrétisation de la théorie de l’imprévision en droit du bail et n’a pas pour but de sanctionner des violations du contrat par le locataire (LACHAT, Le bail à loyer, 2019).

4.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est indispensable que le destinataire de la manifestation de volonté puisse comprendre qu'il ne s'agit pas d'une résiliation ordinaire, mais que le résiliant veut mettre fin au contrat pour de justes motifs (ATF 92 II 184 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 4C_202/1994 du 3 octobre 1995 consid. 2b/aa et 4A_594/2010 du 12 janvier 2011 consid. 2.3); l'allégation ultérieure de justes motifs dans la procédure ne peut pas valider une résiliation pour justes motifs qui n'a pas été donnée (arrêts du Tribunal fédéral 4C_202/1994 précité consid. 2b/bb et 4A_594/2010 du 12 janvier 2011 consid. 2.3).

4.4 En l’espèce, les parties se sont liées par un contrat de bail de durée déterminée jusqu’au 30 juin 2016 qui s’est ensuite renouvelé tacitement de 2 ans en 2 ans.

La résiliation du 29 août 2019 mentionne un congé donné pour le 30 juin 2020 soit sans respecter l’échéance contractuelle.

Ni l’avis officiel de résiliation, ni la lettre d’accompagnement n’évoquent le fait que la résiliation serait donnée de manière anticipée. Interpellé par le locataire sur les motifs du congé, le bailleur, dans sa lettre du 19 septembre 2019, n’a pas non plus fait état d’un congé extraordinaire.

Certes, comme le relève le Tribunal, le bailleur a créé, dans un paragraphe de la partie en droit de sa réponse, une ambiguïté en mentionnant le fait qu’au vu du temps écoulé, il renonçait à se prévaloir d’un congé extraordinaire (art. 266g CO) et acceptait de reporter les effets du congé. Cependant, il ne l’a jamais allégué.

L’appelant ne saurait de bonne foi soutenir avoir compris la résiliation comme une résiliation extraordinaire.

En saisissant la juridiction des baux et loyers d’une demande en annulation du congé et en prolongation de bail et en sollicitant de surcroît le report des effets du congé à la prochaine échéance contractuelle, conformément au préavis prévu à l’article 8 du contrat, soit le 30 juin 2022, conformément à l’art. 266a al. 2 CC, l'appelant a démontré qu’il avait bien interprété la résiliation comme un congé ordinaire.

L’appelant ne saurait non plus tirer argument du fait que le congé n’a pas été donné pour l’échéance contractuelle. En effet, si la réelle volonté du bailleur avait été de résilier le bail en invoquant l’art. 266g CO, il l’aurait fait pour le 29 février 2020 (délai de 6 mois prévu à l'art. 266d CO pour les locaux commerciaux). La Cour retiendra que l’erreur dans l’échéance du terme provient du préavis contractuel de 2 ans peu courant mais également insolite en l’espèce, car le préavis de résiliation de 2 ans est d’une durée identique au délai de reconduction tacite du bail.

Enfin, ce n’est que le 20 mars 2023 que l’appelant a conclu à l’inefficacité du congé, en déduisant de l’ambiguïté précitée figurant dans la partie en droit de l’écriture du bailleur du 31 janvier 2022 que ce dernier entendait notifier une résiliation extraordinaire, fondée sur l'art. 266g CO. Lors de l’audience de débats principaux du 11 février 2022, il n’a cependant pas prétendu avoir compris lors de sa réception que le congé fondé sur l'art. 266g CO. Il n’en a pas non plus fait état dans ses déterminations du 22 juin 2022.

Le locataire a donc attendu 14 mois avant de soutenir que le bailleur entendait notifier une résiliation extraordinaire, ce qui confirme qu’il n’avait, auparavant, aucun doute sur le caractère ordinaire du congé, étant rappelé que les événements postérieurs à la manifestation de volonté ne sont pas déterminants.

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu un congé ordinaire et n’est pas entré en matière sur la conclusion d’inefficacité du congé.

L’appelant sera donc débouté de son grief.

5.                  Dans un troisième grief, l’appelant reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 271 al. 1 CO, le congé ayant été donné en violation des règles de la bonne foi.

5.1 Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). En principe, le bailleur est donc libre de résilier le bail, par exemple pour des motifs économiques (ATF 136 III 190 consid. 2; 120 II 105 consid. 3b/bb) ou dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3).

Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la seule limite à la liberté contractuelle des parties réside dans les règles de la bonne foi : le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO). La protection assurée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). De manière générale, un congé est contraire aux règles de la bonne foi lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu'il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_236/2022 du 24 juin 2022 consid. 3.1; 4A_460/2020 du 23 février 2021 consid. 3.1). 

Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt du bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 précité consid. 3.2; 4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

5.2 La motivation de la résiliation ordinaire du bail ne doit être fournie que si l'autre partie la demande (art. 271 al. 2 CO). La motivation du congé n'est donc pas une condition de sa validité et elle n'a pas à être fournie dans le délai de 30 jours suivant la réception de celui-ci (ATF 148 III 215 consid. 3.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2022 du 28 février 2023 consid. 5.3.3). Elle a essentiellement pour but de permettre au destinataire du congé de décider en toute connaissance de cause s'il entend requérir, ou non, l'annulation du congé ou la prolongation du bail, et de soupeser ses chances de succès (ACJC/951/2024 du 24 juillet 2024 consid. 2.1).

La résiliation est la manifestation de volonté unilatérale du bailleur, soit un acte formateur. Lorsqu'il doit déterminer le motif réel d'un congé, le juge doit procéder à une appréciation de toutes les preuves qui lui sont apportées. Des faits postérieurs au congé peuvent permettre de reconstituer ce que devait être la volonté réelle du bailleur au moment déterminant (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_241/2010 du 10 août 2010 consid. 2.1.6 et 4A_518/2010 du 16 décembre 2010 consid. 2.4.1). De plus, des précisions sur le motif de congé indiqué dans l'avis de résiliation peuvent toujours être apportées en complément au cours de la procédure judiciaire (ATF 138 III 59 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2; 4C_131/2003 du 6 août 2003 consid. 3.1). Le bailleur est toutefois lié par le motif de résiliation qu'il a indiqué à l'appui de sa résiliation et il ne peut pas lui substituer par la suite un autre motif qui lui serait plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.2.1; voir également ACJC/1138/2024 du 19 septembre 2024).

5.3 Conformément à la règle générale de l'art. 8 CC, il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi.

En matière de congé ordinaire, il n'appartient pas au bailleur de démontrer sa bonne foi car cela reviendrait à renverser le fardeau de la preuve (ATF 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 105 consid. 3c). Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée pour besoin propre et urgent (cf. art. 261 al. 2 let. a et 271a al. 3 let. a CO) – cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur, – il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016; ACJC/1062/2024 du 3 septembre 2024).

Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en motivant, sur requête, la résiliation et, en cas de contestation, en fournissant tous les documents en sa possession nécessaires à la vérification du motif qu'il a invoqué (ATF 148 III 215 consid. 3.1.5; 142 III 568 consid. 2.1; 140 III 433 consid. 3.1.2; 120 II 105 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.2 et 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2).

5.4 En l’espèce, l’intimé a motivé le congé par le fait que des constructions illicites avaient été érigées sur les parcelles louées, par les comportements préjudiciables du locataire pour le propriétaire et par les conséquences en découlant pour ce dernier.

En retenant que le congé était légitime et digne de protection, le Tribunal a correctement apprécié le droit.

En effet, l’appelant a reconnu avoir érigé des constructions et des installations sur les parcelles louées sans aucune autorisation du département. Il n’a pas non plus été autorisé par les bailleurs à édifier des constructions ou des installations sans autorisation de construire. Sommé de rétablir une situation conforme au droit, l’appelant ne s’était toujours pas exécuté le 19 juin 2024 puisqu’il a indiqué, dans son écriture, vouloir procéder à la remise en état, comme exigé par le département, de manière progressive.

Il est également établi que les constructions litigieuses n’ont pas fait l’objet d’un accord écrit du bailleur, conformément à l’art. 260 CO. La tentative d’obtenir, a posteriori, un accord écrit de F______, n'a pas abouti, puisque la proposition de celui-ci a été retirée par le bailleur, sans contestation de l'appelant.

Le congé a été donné après que le département a constaté l’illégalité des installations érigées par l’appelant et exigé leur démolition. Même à supposer que le bailleur aurait toléré la situation, celle-ci a radicalement changé après les constatations du département et son injonction à rétablir une situation conforme au droit. Il est patent qu’une telle situation est préjudiciable aux intérêts du bailleur. Entre les constatations précitées du département et le congé, cinq mois se sont écoulés, durant lesquels l’appelant aurait pu rétablir une situation conforme au droit. Or, il n'a rien entrepris. Un tel comportement justifiait le congé.

Enfin, l’appelant n’a pas démontré que le congé ne serait qu’un prétexte, cachant un autre motif non digne de protection. L’appelant a allégué que le congé serait en réalité économique mais n'a fourni aucun élément apte à le prouver.

Les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué seront donc confirmés.

6.                  L'appelant conteste le refus de toute prolongation de bail.

6.1 Selon les art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de locaux commerciaux pour une durée de six ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur ne le justifient; dans cette limite de temps, le juge peut accorder une ou deux prolongations.

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1 et les arrêts cités). Quelle que soit leur gravité, les inconvénients d'un changement de locaux ne constituent pas à eux seuls des conséquences pénibles aux termes de l'art. 272 al. 1 CO car ils sont inhérents à la résiliation du bail et ils ne sont pas supprimés, mais seulement différés en cas de prolongation de ce contrat; la prolongation ne se justifie que si, au regard des circonstances, elle permet d'espérer une atténuation de ces inconvénients en ce sens qu'un déménagement plus lointain sera moins préjudiciable au locataire (ATF 116 II 446 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_552/2019 du 21 avril 2020 consid. 5.2.2). Celui-ci doit aussi avoir entrepris les recherches de locaux de remplacement que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour remédier aux conséquences du congé, cela déjà lorsqu'il sollicite une première prolongation de son bail (ATF 110 II 249 consid. 4, 116 II 446 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2011 du 4 avril 2021 consid. 3a).

Il incombe au juge de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 136 III 190 consid. 6). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2021 du 31 août 2021 consid. 12.1 et les arrêts cités). Le juge tient compte de la situation présente au moment de son prononcé, telle qu'elle ressort des faits allégués et prouvés conformément aux règles du procès civil (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2021 précité loc. cit.).

6.2 En l’espèce, les parcelles louées sont situées en zone agricole.

L’objet du bail est la location desdites parcelles à l’usage d’une exploitation horticole et paysagère.

L’appelant ne justifie pas d’un intérêt personnel à la prolongation du bail. Il a, en effet, déclaré le 21 mai 2021 ne plus avoir d’activité horticole depuis 1996, et qu’une fois qu’il se serait conformé à toutes les exigences du département il n’aurait plus d’intérêt au bail. Il sied de relever qu’il aurait déjà dû rétablir une situation conforme au droit au plus tard à l’échéance du délai imparti par le département dans sa décision du 27 février 2020, mais qu'il allègue avoir l'intention de procéder à la remise en état de manière progressive, ce qui n'est pas admissible.

Vu son inaction, il ne peut prétendre à une prolongation du bail.

Pour cette raison déjà, le refus de l’octroi d’une prolongation est fondé.

Par ailleurs, l’appelant sollicite une prolongation du bail aux motifs que E______ SARL et les autres entreprises dont il est actionnaire auraient un intérêt légitime à une telle prolongation.

Or, E______ SARL, seule entreprise autorisée par le bailleur à sous-louer tout ou partie des parcelles, a quitté les lieux en juillet 2023.

Quant aux autres entités, non seulement les sous-locations n’ont pas été autorisées par le bailleur, mais encore lesdites entités ne justifient pas un intérêt légitime à une prolongation du bail, n’ayant aucune activité agricole ou horticole.

Enfin, l’appelant n’a pas démontré avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de remplacement.

Ainsi, en constatant que l’appelant ne justifiait d’aucun intérêt personnel à la prolongation du bail, le Tribunal a correctement apprécié la situation juridique. Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera donc également confirmé.

7.                  Il n'est pas prélevé de frais, ni alloué de dépens, dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 février 2024 par A______ contre le jugement JTBL/13/2024 rendu le 8 janvier 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21614/2019.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Nathalie RAPP, juges; Monsieur
Yves BONARD, juge suppléant; Madame Sibel UZUN et Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.