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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3316/2019

ACJC/1412/2021 du 01.11.2021 sur JTBL/975/2020 ( OBL ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 06.12.2021, rendu le 09.08.2022, CONFIRME, 4A_609/2021, 4A_609/21
Normes : CO.271; CO.272
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3316/2019 ACJC/1412/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 1ER NOVEMBRE 2021

 

Entre

A______ SARL, sise ______ (GE), appelante et intimée d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 décembre 2020, comparant par Me Bénédict FONTANET et Me Alexandre AYAD, avocats, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève, faisant élection de domicile en l'étude de ce dernier,

et

BANQUE B______, sise ______ (GE), intimée et appelante de ce même jugement, comparant par Me Pierre GABUS et Me Lucile BONAZ, avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève, en l'étude desquels elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 21 décembre 2020, le Tribunal des baux et loyers a, préalablement, déclaré irrecevables les pièces produites par A______ SARL à l'appui de ses écritures du 11 novembre 2020 ainsi que les allégués de faits qui s'y rattachent (ch. 1 du dispositif) ainsi que les pièces produites par BANQUE B______ à l'appui de ses écritures du 9 décembre 2020 ainsi que les allégués de faits qui s'y rattachent (ch. 2) et, au fond, a déclaré valable le congé du 15 janvier 2019 notifié par BANQUE B______ à A______ SARL pour le 31 décembre 2021 et portant sur les locaux situés au rez-de-chaussée et au sous-sol de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 3), accordé à A______ SARL une unique prolongation de son bail de quatre ans, échéant au 31 décembre 2025 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a.a. Par acte expédié le 4 février 2021 à la Cour de justice, A______ SARL a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et, cela fait, sur le congé anticipé, à l'annulation de la résiliation du bail du 15 janvier 2019 pour le 30 septembre 2019 portant sur les locaux situés au rez-de-chaussée et au sous-sol de l'immeuble sis 1______ à Genève, subsidiairement, à ce qu'une prolongation de bail d'une durée de six ans lui soit accordée; sur le congé ordinaire du 15 janvier 2019 pour le 31 décembre 2020, elle a conclu à son annulation, subsidiairement, à ce qu'il soit dit qu'elle prenait effet au 31 décembre 2021 et à ce qu'une prolongation d'une durée de six ans depuis le 1er janvier 2022 lui soit accordée.

Elle a produit un "avis de droit" de la Ville de Genève du 9 novembre 2020.

a.b. Dans sa réponse du 10 mars 2021, BANQUE B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a produit le bordereau de pièces complémentaires qu'elle avait déposé devant le Tribunal le 9 décembre 2020.

a.c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives et se sont encore déterminées les 1er et 4 juin 2021.

b.a. BANQUE B______ a également formé appel contre le jugement du 4 février 2021. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 4 de son dispositif et cela fait à ce que A______ SARL soit déboutée de ses conclusions en prolongation de bail.

b.b. A______ SARL a conclu au rejet de cet appel.

b.c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

c. Les parties ont été avisées le 28 mai 2021 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. BANQUE B______ (ci-après : la bailleresse ou la banque B______) est l'une des ______ membres de la ______ C______.

Il existe ______ entités à Genève de la banque B______, qui sont toutes autonomes. Chacune est libre dans le choix des services qu'elle offre.

b. D______ (ci-après : D______) était une société détenue par C______.

c. Sur la base de principes convenus le 20 octobre 2016, D______, alors propriétaire et exploitante des lieux, et A______ SARL, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location de locaux au rez-de-chaussée et au sous-sol de l'immeuble sis 1______ à Genève, jusqu'alors exploité sous l'enseigne "D______".

Les locaux, affectés à l'usage d'un café-restaurant depuis à tout le moins 1995, étaient destinés à l'usage d'un bar-restaurant exploité par la suite sous l'enseigne "E______".

Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, dès le 1er janvier 2017, renouvelable de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation signifiée 12 mois avant l'échéance.

Le loyer annuel, réputé indexé à l'Indice suisse des prix à la consommation, a été fixé par le contrat à 144'000 fr., charges non comprises, le premier loyer étant dû le 1er mars 2017.

d. Le 13 mars 2017, l'Office des autorisations de construire a délivré à la locataire une autorisation de construire portant sur la rénovation intérieure de la salle du bar-restaurant.

Les travaux ont notamment porté sur l'installation d'une cloison coupe-feu entre la banque et le restaurant, de façon à séparer ces deux entités, ce qui a entraîné la suppression de trois portes. L'aménagement intérieur du bar-restaurant a également été intégralement refait. Le coût des différents travaux et du réaménagement s'est élevé à plus de 700'000 fr.

e. D______ a été radiée du Registre du commerce de Saint-Gall le ______ 2018, à la suite de la reprise de ses actifs et passifs par F______ AG intervenue dans le cadre d'une fusion par absorption dirigée par C______.

f. F______ AG a été inscrite au Registre foncier en qualité de propriétaire de l'immeuble concerné le ______ 2018.

g. La banque B______ est devenue propriétaire dudit immeuble le 19 décembre 2018.

h. Par avis de résiliation du 15 janvier 2019, la banque B______ a résilié le bail de façon anticipée pour le 30 septembre 2019, en application des art. 261 al. 2 let. a et 266d CO, et, subsidiairement, pour le 31 décembre 2020, en application de l'art. 266 al. 1 CO, dans l'hypothèse où le congé anticipé devait être déclaré non valable.

A l'appui de ces congés, elle a exposé avoir acquis l'immeuble concerné et a invoqué son besoin propre et urgent de récupérer les locaux, afin d'affecter intégralement les surfaces de l'immeuble à ses activités propres et, en particulier, de créer et installer une nouvelle agence au rez-de-chaussée.

i. Par requêtes du 14 février 2019, déclarées non conciliées à l'audience de la Commission de conciliation du 6 mai 2019 et portées devant le Tribunal des baux et loyers le 5 juin 2019, la locataire a conclu à l'annulation du congé donné le 15 janvier 2019 pour le 30 septembre 2019, subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de six ans (cause C/2______/2019), et à l'annulation du congé donné le 15 janvier 2019 pour le 31 décembre 2020, subsidiairement à la constatation du fait que la résiliation prenait effet au 31 décembre 2021 et à l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de six ans depuis le 1er janvier 2022 (cause C/3316/2019).

A l'appui de ses conclusions, la locataire a allégué que le motif du congé n'était qu'un prétexte, la bailleresse bénéficiant déjà d'assez d'espace dans l'immeuble pour créer une agence, étant précisé qu'elle disposait également d'une autre agence à moins d'un kilomètre, soit au rond-point de G______, et que les congés consacraient une disproportion manifeste des intérêts en présence. Une prolongation de bail de six ans s'imposait par ailleurs, pour le cas où les résiliations seraient valables, notamment afin de permettre à la locataire d'amortir les très importants investissements consentis par celle-ci pour l'aménagement des locaux.

j. Dans ses réponses du 23 août 2019 dans les causes C/2______/2019 et C/3316/2019, la bailleresse a conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions, tant principales que subsidiaires.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment produit une plaquette de son projet de réalisation d'un nouvel espace au rez-de-chaussée et au premier étage de l'immeuble concerné, dont il ressort qu'elle souhaite offrir des espaces accessibles au public, tout en offrant un lieu innovant à sa clientèle. Sont ainsi prévus dans les locaux des espaces de coworking, des salles de réunion et un espace café, ainsi que la création d'un espace extérieur.

k. Lors de l'audience du 7 novembre 2019 dans les causes C/2______/2019 et C/3316/2019, la locataire a formé des allégués et déposé des pièces complémentaires. Elle a notamment soutenu qu'il était hautement invraisemblable que la Ville de Genève autorise un changement d'affectation de l'arcade de café-restaurant en agence bancaire compte tenu du régime restrictif prévu à l'article 9 du Règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève du 20 février 2007 (RPUS - LC 21 211).

Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives et ont été interrogées par le Tribunal.

H______ et I______, associés de A______ SARL, ont déclaré qu'à la reprise du D______, l'établissement était fonctionnel mais qu'ils avaient souhaité travailler sur un nouveau concept, ce qui avait nécessité de tout refaire. Ils avaient négocié une gratuité au départ. Certains travaux avaient été largement sous-estimés par la banque, comme la mise en conformité des aérations ainsi que la séparation des locaux entre la banque et le bar. A______ SARL avait assumé seule l'intégralité des travaux effectués, pour un coût de près de 800'000 fr. S'agissant du financement des travaux entrepris, leurs fournisseurs, avec lesquels ils travaillaient depuis des années dans d'autres établissements, leur avaient fait confiance et leur avaient octroyé des "crédits brasseurs". Les entreprises ayant effectué les travaux avaient également accepté des arrangements de paiement sur le long terme. Ils les avaient payés en priorité sur la première année et demie d'exploitation. Le solde des travaux avait été financé grâce à des prêts privés. Il n'y avait pas eu de mise de départ. Lorsqu'ils avaient conclu le contrat de bail, ils pensaient pouvoir rester dans les locaux sur une longue durée. La propriétaire de l'époque ne leur avait pas indiqué qu'il pourrait y avoir un changement de bailleur. Dès 2018, ils avaient eu des contacts avec J______ de la Banque B______, ce qui les avaient étonnés, même s'ils savaient que cette dernière était propriétaire de D______.

Ils avaient ouvert en juin 2017 et exploité la première année pendant sept mois. La première année d'exploitation avait été difficile. En 2018, leur chiffre d'affaires était de l'ordre de 1,5 million, ce qui représentait une progression de 40% par rapport à l'année 2017 et, sur dix mois d'exploitation en 2019, leur chiffre d'affaires était déjà de 1,350 million, représentant une nouvelle progression de 20% par rapport à 2018.

Ils n'avaient pas encore à ce stade cherché des locaux de remplacement. Ce type de locaux dans ce périmètre était très difficile, voire impossible à trouver. De plus, un déménagement signifierait l'abandon de l'intégralité de leur concept et surtout la perte de la clientèle qu'ils avaient gagnée depuis deux ans. Par ailleurs, le mobilier, réalisé sur mesure pour l'établissement, serait très compliqué à bouger et difficilement plaçable dans un autre établissement, notamment s'agissant du bar de six mètres de long.

Huit employés travaillaient à temps plein au E______, dont trois associés, et deux employés à 60%.

l. Par écritures du 25 novembre 2019, la bailleresse s'est prononcée sur les allégués complémentaires du 7 novembre 2019 de la locataire.

m. Par ordonnance du 29 novembre 2019, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/3316/2019 et C/2______/2019 sous le numéro de cause C/3316/2019.

n. Par ordonnance du 21 février 2020, le Tribunal a ordonné la comparution personnelle de la bailleresse et son audition ainsi que l'audition de témoins.

o. Lors de l'audience du 17 juin 2020, la locataire a déposé un chargé de pièces complémentaire, comprenant notamment un extrait des demandes d'autorisations concernant l'immeuble concerné tel que figurant sur le site "sadconsult" au 17 juin 2020.

La locataire a sollicité l'audition des témoins K______ et L______, ayant participé à la négociation du contrat de bail, afin d'établir qu'elle ne pouvait percevoir aucun signe d'un changement prochain de propriétaire et en rapport avec l'allégation de la vente simulée, afin d'établir qu'il n'y avait aucune intention pour la banque F______ de rester propriétaire de l'immeuble.

o.a. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties.

o.a.a. M______, président de la direction de la banque B______, a déclaré qu'il y avait une réflexion au sein de cette dernière pour s'orienter plus du côté client et trouver, pour ce faire, des sites au centre de Genève, les sites existants étant plutôt situés à l'extérieur de la ville. L'idée était de trouver un lieu où les clients et le public pouvaient se sentir bienvenus. Une étude avait été menée depuis 2018 et deux sites avaient été retenus : la N______ et O______, ce dernier site ayant ensuite été abandonné car l'emplacement n'était pas optimal et ils avaient eu des problèmes dans les contacts avec les CFF. La région du quartier des banques avait donc été retenue et un site avait été recherché. Le projet pour l'immeuble était d'avoir une partie privatisée et d'ouvrir une autre partie aux clients, mais également au public. Les 7'500 coopérateurs de la banque pourraient bénéficier de cet espace, ainsi que la population genevoise, de sorte qu'il leur fallait une surface suffisante. Les deux derniers étages devraient être entièrement ou partiellement privatisés, alors que la partie ouverte serait mise à disposition des clients, des PME ou du public avec entre autres des salles à réserver. Il pourrait y avoir également du coaching externe à la banque. A son sens, les travaux pourraient débuter en septembre ou octobre 2020. La Ville de Genève n'avait pas été formellement interpellée pour le changement d'affectation au regard du RPUS. Le projet correspondait aux exigences notamment de lieu ouvert.

o.a.b. P______, membre de la direction de la bailleresse en charge du secteur bâtiment, a déclaré que l'idée, qui existait déjà avant son arrivée en 2018 sans avoir de bâtiment visé, était de penser la banque différemment avec une approche pyramidale : une partie très ouverte au public vers le bas et une privatisation s'accentuant vers les étages. Sans le rez-de-chaussée, le concept n'existait pas. Plus de perméabilité avec le public était recherchée et pour cela, l'arcade était nécessaire. Il y avait eu une étude de sélection des prestataires. Il espérait qu'une demande d'autorisation serait déposée durant l'été car le projet était très abouti et les plans existaient même s'ils n'étaient pas entièrement terminés. La présence du restaurant n'empêchait pas concrètement le dépôt d'une demande d'autorisation, mais la procédure bloquait notamment les plannings. Au jour de l'audience, trois étages de l'immeuble sur quatre étaient occupés, avec une dizaine d'employés. Un étage avait été mis provisoirement à disposition d'une fondation, ce qui correspondait également à leur nouvelle approche.

o.b. Le Tribunal a également procédé à l'audition de témoins.

o.b.a. Q______, ingénieur-travaux, avait piloté pour la locataire les opérations de démolition/évacuation, installations électriques et sanitaires, de même que la peinture. En se fondant sur le coût des travaux de remise en état et la qualité qui était demandée, il s'agissait, de son point de vue, d'un investissement à long terme. Dans le cas contraire, il y aurait eu d'autres types de travaux. Les travaux listés dans les factures de la société R______ pour laquelle il travaillait comprenaient notamment tout ce qui avait trait à la séparation des deux entités, aux travaux électriques et de ventilation ainsi qu'à la mise en conformité demandée par la Police du feu. Ces travaux avaient été isolés dans un document spécifique car il devait y avoir des discussions ultérieures entre A______ SARL et la banque pour savoir ce qui devait être pris en charge par la bailleresse ou par la locataire. Ces travaux avaient été facturés à A______ SARL et payés par celle-ci. Tous les entreprises et mandataires intervenus sur ce chantier avaient été payés par A______ SARL.

o.b.b. S______, comptable de la locataire depuis le début de l'activité de cette dernière, a confirmé que A______ SARL n'avait pas d'autre activité que l'exploitation du restaurant et qu'elle comptait en moyenne dix employés. Figurait au bilan intermédiaire de A______ SARL de l'année 2018 480'000 fr.
(479'807 fr. 86) d'actifs immobilisés, soit la valeur des investissements après amortissement, auxquels s'ajoutaient les 39'000 fr. comprenant les machines et appareils. La durée de l'amortissement pouvait être de deux ou trois ans ou de dix ans selon les biens. A______ SARL avait bénéficié d'emprunts privés pour débuter son activité car elle n'aurait pas pu obtenir de prêts bancaires. Ces emprunts avaient été en grande partie remboursés. Les travaux avaient été pratiquement tous payés aux entreprises et fournisseurs. Il y avait eu des travaux dans la cuisine fin 2018-début 2019. A son sens, l'activité développée par la société devait être de longue durée, sur dix ans, notamment vu l'ampleur des investissements, car il y avait nécessairement une phase de démarrage. Pendant plus d'un an, de décembre 2016 à mars-avril 2018, les associés ne s'étaient pas rémunérés. S'agissant du chiffre d'affaires, il avait été d'environ 600'000 fr. en 2017, étant précisé que l'activité avait débuté en mai, de 1,3 million en 2018, soit une augmentation de 45% si on le reportait sur l'année entière et il avait connu en 2019 une augmentation de 8% par rapport à 2018. Tel avait aussi été le cas pour les trois premiers mois de 2020 annualisés par rapport à 2019. L'année 2017 s'était soldée par une perte - s'expliquant par le fait qu'il fallait payer les fournisseurs ainsi que les employés et que l'activité avait débuté en mai - alors qu'en 2018, il y avait eu un bénéfice de 210'000 fr. et, en 2019, de 215'000 fr.

o.b.c. T______, architecte, conseillère en construction auprès de C______, a déclaré intervenir pour conseiller les entités B______ dans des projets de construction et être intervenue pour le projet concerné. Le premier dossier avait été établi en août 2018 et visait déjà le bâtiment 1______. Un programme avait été développé et une commission de construction créée au sein de la banque B______. Une fois le bâtiment acquis, elle avait aidé à trouver des partenaires. Des appels d'offres et des comparatifs avaient été établis. Dans l'ordre, il y avait d'abord un avant-projet, puis un projet et enfin, la demande d'autorisation. L'avant-projet était désormais terminé. Il y avait eu les premiers contacts entre les architectes et les autorités, notamment pour savoir quel type de demande il fallait déposer dès lors que les modifications portaient principalement sur l'intérieur des locaux. De son point de vue, la demande pourrait être déposée encore en 2020. L'existence du bar au rez-de-chaussée avait été prise en compte dès le début. L'accueil du public au rez-de-chaussée était un élément primordial pour le projet, car il n'était pas possible de faire monter les gens directement dans les étages. Dès août 2018, elle s'était renseignée auprès des autorités sur le changement d'utilisation des locaux - changement d'affectation du restaurant en accueil - et il lui avait été répondu que le projet était compatible à la condition que tout reste transparent car il fallait conserver, pour les autorités, le côté vivant. Le projet envisagé était compatible avec le plan d'utilisation du sol et, en tant qu'il comprenait un rez ouvert avec co-working, pop-up store et terrasse, était compatible au regard des règles de discrétion nécessaire posées par la FINMA puisque l'activité pouvait être transférée dans les étages.

o.b.d. U______, account manager auprès de la C______, a été chargé de préparer une analyse du positionnement de l'agence B______ en juin 2018. Il s'agissait d'identifier le réseau de distribution physique (réseau d'agences) et de voir les opportunités qui se présentaient en rapport avec l'immeuble 1______. Le but était donc de réfléchir sur un repositionnement de la banque B______ sur le marché. L'analyse avait été présentée en juillet 2018 à la direction et au conseil d'administration de la banque. Il s'agissait de créer une nouvelle agence, en ville de Genève, qui serait "l'agence du futur" en ce sens qu'elle proposerait d'autres produits et d'autres services. Le but du projet était d'offrir une expérience nouvelle aux clients, mais pas à travers un restaurant. En juin 2018, il n'avait pas d'informations précises sur une éventuelle mise en vente de l'immeuble ou ses détails. L'immeuble appartenait à la C______ et abritait les locaux de la banque D______, mais il savait que le bâtiment allait devenir disponible, ceci en raison de l'orientation stratégique du groupe et de la diversification de ses activités. Dans cette hypothèse, il représentait une belle opportunité pour la banque B______ car il était situé sur son territoire.

p. Par ordonnance du 8 juillet 2020, le Tribunal, après avoir rejeté les actes d'instruction sollicités par la locataire, soit l'audition des témoins K______ et L______, a clôturé la phase d'administration des preuves. Le recours formé par la locataire le 5 août 2020 à l'encontre de cette ordonnance a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2020.

q. Par écritures du 11 septembre 2020, la demanderesse a persisté dans ses conclusions.

A l'appui de celles-ci, elle a produit un chargé de pièces complémentaire, comprenant notamment un extrait des demandes d'autorisations concernant l'immeuble concerné telle que figurant sur la site "sadconsult" au 7 septembre 2020.

r. Par écritures du 11 septembre 2020, la bailleresse a conclu à ce que le Tribunal lui donne acte de ce que le congé anticipé notifié à A______ SARL le 15 janvier 2019 pour le 30 septembre 2019 était devenu sans objet, déclare valable le congé notifié à A______ SARL le 15 janvier 2019 pour le 31 décembre 2021, déboute cette dernière des fins de sa requête en prolongation de bail, la déboute de toutes autres ou contraires conclusions et la condamne en tous les frais éventuels de la procédure.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment exposé que le congé anticipé était devenu sans objet compte tenu de l'écoulement du temps, sa date d'échéance étant désormais dépassée, de sorte qu'elle y renonçait.

s. Les parties ont répliqué le 11 novembre 2020.

A l'appui de ses déterminations, la locataire a produit un chargé de pièces complémentaire comprenant notamment un "avis de droit" de la Ville de Genève du 9 novembre 2020 sur l'application du RPUS à l'arcade concernée.

t. Par écritures du 9 décembre 2020, la bailleresse s'est prononcée sur les déterminations de la locataire du 11 novembre 2010 et a produit un chargé de pièces complémentaire.

u. Le 15 décembre 2020, la locataire a encore adressé des déterminations au Tribunal.

v. Dans son jugement du 21 décembre 2020, le Tribunal a d'abord jugé que les pièces adressées après le dépôt des plaidoiries écrites par la locataire, le 11 novembre 2020, et celles déposées par la bailleresse, le 9 décembre 2020, étaient irrecevables en application de l'art. 229 al. 3 CPC.

Il a ensuite considéré que les enquêtes et les pièces produites avaient permis de confirmer la réalité du motif allégué, soit la volonté de la bailleresse de récupérer l'usage de la chose louée en vue de réaliser un vaste projet de réaménagement de l'immeuble concerné, comprenant, au rez-de-chaussée, un espace ouvert au public. Il convenait par conséquent d'examiner si le congé contrevenait aux règles de la bonne foi, parce que ledit projet se heurterait de façon certaine au refus des autorités administratives, en particulier l'art. 9 RPUS. Le Tribunal a considéré à cet égard qu'il n'était pas établi que tel était le cas de façon certaine. Le motif invoqué ne pouvant être considéré comme ne constituant qu'un prétexte, le congé était conforme à la bonne foi et était dès lors validé.

Concernant la prolongation de bail, le Tribunal a pris en compte le fait que A______ SARL était locataire des locaux depuis quatre ans. Si le bail avait effectivement été conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable, la locataire pouvait néanmoins s'attendre à ce qu'il soit renouvelé au moins à une reprise, notamment s'agissant d'amortir les lourds travaux d'aménagement qu'elle avait réalisés, dont certains d'entente avec la bailleresse. Malgré l'absence de pénurie de locaux commerciaux dans le canton de Genève, il serait compliqué pour la locataire de trouver des locaux de remplacement compte tenu des contraintes liées à l'aménagement. En effet, une partie de ce dernier avait été réalisé sur mesure pour l'établissement concerné et serait très compliqué à replacer dans un autre établissement, en particulier le bar de six mètres de long. S'agissant de l'intérêt de la bailleresse, il y avait lieu de prendre en considération son besoin légitime de récupérer les locaux pour ses besoins propres, notamment afin de réaliser son projet immobilier. Ce dernier ne présentait toutefois pas d'urgence particulière, seule la phase de l'avant-projet étant terminée à ce jour et les demandes d'autorisations de construire n'ayant pas été déposées. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, une seule et unique prolongation de bail de quatre ans, échéant au 31 décembre 2025, conciliait de manière équitable les intérêts opposés des parties.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1
let. e CO (ATF
137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, au vu du montant annuel du loyer des locaux litigieux, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Les appels ont été interjetés dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

Dirigés contre le même jugement, ils seront traités dans le même arrêt. Pour des raisons de simplification et clarté, A______ SARL sera désignée comme l'appelante et BANQUE B______ comme l'intimée.

1.3 L'appelante produit devant la Cour l'avis de droit déjà déposé devant le Tribunal, que celui-ci avait déclaré irrecevable sur la base de l'art. 229 al. 3 CPC. Elle soutient que cet avis de droit était recevable en première instance déjà, à titre d'argumentation juridique, et, en tout de cause, devant la Cour. L'intimée a également produit les pièces qu'elle avait déposées devant le Tribunal le 9 décembre 2020.

1.3.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). S'agissant des vrais novas, soit les faits et moyens de preuve postérieurs à la fin des débats principaux de première instance (cf. art. 229 CPC), ils sont en principe toujours admissibles en appel, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Quant aux pseudo nova, soit les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, leur admissibilité est largement limitée en appel: ils sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 4.1). Le plaideur qui fait valoir des pseudo nova devant l'instance d'appel doit exposer précisément les raisons pour lesquelles il ne les a pas invoqués en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 p. 351).

La production d'expertises juridiques ou d'avis de droit destinés à étayer l'argumentation juridique d'une partie n'est pas visée par l'interdiction des novas, mais doit être faite dans le délai de recours ou d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_511/2008 du 3 février 2009 consid. 2; sous l'OJ, cf. ATF 126 I 95 consid. 4b p. 96).

1.3.2 En l'espèce, l'avis de droit litigieux, en tant que simple avis de droit, ne tombe pas sous le coup de l'interdiction des novas et est donc recevable. Dans cette mesure il ne constitue cependant qu'une allégation de partie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2009 consid. 1.3; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 2 et l'arrêt cité) et n'a dès lors pas de force probante particulière. Il constituerait en revanche une pièce nouvelle irrecevable si une portée plus large devait lui être donnée, comme semble vouloir le faire l'appelante, telle une prise de position de la Ville de Genève sur le projet de l'intimée; dans ce cas, il s'agirait d'une pièce nouvelle irrecevable en vertu de l'art. 229 al. 3 CPC, comme l'a retenu le Tribunal, ainsi que de l'art. 317 al. 1 CPC dans la mesure où elle aurait pu être produite dans le cadre de la procédure devant le Tribunal déjà, avant les délibérations, étant relevé que l'appelant avait déjà soutenu que le projet était contraire à l'art. 9 RPUS lors de l'audience du 7 novembre 2019.

Les pièces produites par l'intimée devant la Cour, soit celles qu'elle avait déposées le 9 décembre 2020 et qui avaient été écartées par le Tribunal, sont également irrecevables dans la mesure où elles auraient pu être versées au Tribunal avant les délibérations; elles ne sont, en tout état de cause, pas déterminantes pour l'issue du litige.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelante soutient, d'une part, que le projet de l'intimée n'était pas suffisamment élaboré à la date à laquelle le congé a été donné et, d'autre part, qu'il est manifestement incompatible avec les règles de droit public, en particulier
l'art. 9 RPUS.

2.1
2.1.1
Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). En principe, le bailleur est donc libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la seule limite à la liberté contractuelle des parties réside dans les règles de la bonne foi: le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO). La protection assurée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). De manière générale, un congé est contraire aux règles de la bonne foi lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu'il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l'intérêt du preneur au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Le congé en vue de travaux de transformation ou de rénovation est abusif lorsque le projet du bailleur ne présente pas de réalité tangible ou qu'il apparaît objectivement impossible, notamment parce qu'il est de toute évidence incompatible avec les règles du droit public applicable et que le bailleur n'obtiendra ainsi pas les autorisations nécessaires; la preuve de l'impossibilité objective incombe au locataire. La validité du congé ne suppose pas que le bailleur ait déjà obtenu les autorisations nécessaires, ni même qu'il ait déposé les documents dont elles dépendent (ATF 140 III 496 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_210/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités; cf. également ATF 136 III 190 consid. 4 p. 194 s.). Il s'agit de pronostiquer si, au moment où le congé a été donné, l'autorisation des travaux envisagés paraissait de toute évidence exclue; une probabilité non négligeable de refus n'est pas suffisante (ATF 140 III 496 consid. 4.2.1 p. 499; arrêt du Tribunal fédéral 4A_142/2017 du 3 août 2017 consid. 4.1).

L'exigence d'un projet suffisamment mûr et élaboré au moment de la résiliation du bail a été posée par la jurisprudence en rapport avec des congés notifiés en vue de travaux de transformation ou de rénovation car dans ces cas-là, le projet en cause doit permettre de constater concrètement si la présence du locataire entrave les travaux ou engendre des complications, des coûts supplémentaires ou des retards dans les travaux envisagés, à défaut de quoi le congé est abusif (ATF 140 III 496 consid. 4.2.2 p. 499; 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 93; cf. également consid. 4.2 non publié de l'ATF 143 III 344).

Dans une affaire dans laquelle la bailleresse, qui souhaitait confier l'exploitation d'une arcade à sa fille coiffeuse désirant s'installer à son compte, avait donné congé au locataire exploitant un restaurant, le Tribunal fédéral a indiqué que le locataire se fourvoyait en tant qu'il invoquait l'application par analogie de l'ATF 140 III 496. En effet, lorsque le bailleur ou un de ses proches entend utiliser les locaux pour ses besoins propres, la question de savoir si les locaux sont adaptés à la nouvelle destination ou nécessitent d'importantes transformations est sans pertinence, à moins que le locataire ne démontre que cette nouvelle affectation ne pourrait pas être autorisée par les autorités administratives. Quant à l'obligation pour le bailleur de présenter un projet suffisamment mûr et élaboré, elle a uniquement pour but d'apprécier l'importance des travaux envisagés et de déterminer si ceux-ci nécessitent le départ du locataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.5.2).

Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut pas procéder à la pesée des intérêts du bailleur (intérêt à récupérer son bien) et ceux du locataire (à rester dans les locaux loués); la comparaison entre les intérêts n'intervient que dans le cadre d'une requête en prolongation du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_575/2008 du 19 février 2009 consid. 2.2). Il est donc sans pertinence, pour statuer sur l'annulation du congé, de savoir si l'intérêt du locataire à se maintenir dans les lieux est plus grand que l'intérêt du bailleur à le voir partir. Il n'y a donc rien de choquant ou de déloyal à ce qu'un propriétaire souhaite récupérer sa chose pour y promouvoir ses activités commerciales (arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2).

Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé (cf. art. 271 al. 2 CO; ATF 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 135 III 112 consid. 4.1 p. 119). Une motivation lacunaire ou fausse n'implique pas nécessairement que la résiliation est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail; en particulier, le caractère abusif du congé sera retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un prétexte alors que le motif réel n'est pas constatable (ATF 143 III 344 consid. 5.3.1; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; 132 III 737 consid. 3.4.2
p. 744 s. et l'arrêt cité).

Déterminer quel est le motif du congé et si ce motif est réel ou n'est qu'un prétexte relève des constatations de fait (ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192). Pour ce faire, il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1 p. 92 s.; 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62); à cet égard, des faits survenus ultérieurement peuvent tout au plus fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1 et les arrêts cités).

2.1.2 A teneur de l'art. 9 du Règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève (RPUS), afin de développer l'animation et l'attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l'implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu'elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public (al. 1.1).

Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l'artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l'exclusion des locaux fermés au public (art. 9 al. 2.1 RPUS).

Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l'entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d'avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. (art. 9 al. 2.2 RPUS).

Les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, de lieux de loisirs et d'animations divers, notamment sur le plan social, culturel et récréatif, ainsi que les magasins d'alimentation, situés tout particulièrement au centre-ville (secteur A) ou en bordure des rues commerçantes de quartier (secteur B) selon la carte annexée, conservent en règle générale leur catégorie d'activité en cours d'exploitation ou leur dernière exploitation, s'il s'agit de locaux vacants (art. 9 al. 3 RPUS).

Les changements de destination de surfaces de plancher sont soumis à autorisation du Département des constructions et des technologies de l'information, même en l'absence de travaux, en application de l'art. 1, al. 1, let. b), de la loi sur les constructions et installations diverses (art. 9 al. 6 RPUS).

Le but de l'art. 9 RPUS est l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les "vitrines mortes" dans les zones fréquentées et animées, ce qui constitue manifestement un but d'intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.1; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004). En d'autres termes, cette disposition vise à préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée (ATA/1639/2017 précité; ATA/249/2009 du 19 mai 2009).

Selon l'art. 14 al. 1 RPUS, le Conseil d'Etat ou le Département du territoire peuvent exceptionnellement, avec l'accord du Conseil municipal dans le cadre de plans d'affectation, ou du Conseil administratif en matière d'autorisation de construire, déroger aux dispositions du présent règlement lorsqu'une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l'exige impérieusement. L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs.

La Chambre administrative de la Cour a jugé la transformation d'un bar-restaurant, situé dans le secteur du centre-ville, en salon de massages érotiques comme non conforme à l'article 9 RPUS, aux motifs que l'activité qui serait déployée dans le salon de massages érotiques limitait l'accès du public à l'arcade commerciale considérée. En outre, l'activité qui y serait pratiquée exigeait des conditions de confidentialité et la clientèle qui y serait accueillie était une clientèle adulte. Le projet envisagé modifiait l'accessibilité de l'arcade au public, les enfants et les jeunes non adultes qui potentiellement pourraient fréquenter le bar-restaurant seraient de fait exclus du salon de massages érotiques (arrêt ATA/1600/2019 du 29 octobre 2019).

Le Tribunal administratif de première instance, qui avait à examiner si une agence immobilière présentait les caractéristiques d'une arcade ouverte au public, a quant à lui retenu que l'absence d'indication en vitrine concernant l'offre commerciale, le fait que l'intérieur de l'arcade soit dissimulé aux yeux des passants, ou qu'un conseil ne soit offert que sur rendez-vous, étaient, entre autres, des critères permettant de considérer que l'activité d'une agence immobilière se tenait dans des conditions de confidentialité contraires aux buts de l'art. 9 RPUS (jugement JTAPI/642/2015 du 29 mai 2015).

2.2 En l'espèce, il ressort des déclarations des témoins T______ et U______ que l'intimée souhaite reprendre les locaux litigieux pour les exploiter elle-même en y implantant une agence bancaire, selon un concept nouveau, dans le développement duquel C______ a également été impliquée en vue du repositionnement de l'intimée. Selon les déclarations de M______, V______ et T______, le projet pour les locaux litigieux remontait à 2018 déjà, soit une date antérieure au congé, et aucun élément ne permet de douter de leur véracité. L'intimée a notamment produit devant le Tribunal une présentation de ce projet exposant ses motivations et la nature de celui-ci, laquelle atteste de sa volonté de développer un projet dans les locaux litigieux lors de la résiliation du bail, même si des plans détaillés n'existaient pas à cette époque. Dans le cadre du présent litige, le fait que l'élaboration du projet particulier n'avait pas encore complétement abouti et que les demandes d'autorisation nécessaires n'ont pas été requises n'est par ailleurs pas déterminant.

Dans ces circonstances, le motif invoqué à l'appui du congé, qui n'a pas varié, doit être considéré comme réel; il ne constitue pas qu'un prétexte.

Quant à la question de savoir si le projet est incompatible avec les règles de droit public, en particulier l'art. 9 RPUS, il y a lieu de relever ce qui suit. Les locaux litigieux changeraient certes d'affectation. Ils resteraient néanmoins ouverts au public et offriraient différentes possibilités d'utilisation. Les locaux ne seraient pas transformés en une agence bancaire classique, mais proposeraient des espaces à même d'assurer une certaine animation dans le quartier, ce qui constitue une circonstance plutôt favorable dans le cadre de l'examen d'un changement d'affectation d'un restaurant. Un changement d'affectation ne peut dès lors être d'emblée considéré comme exclu. Il sera relevé par ailleurs que si l'avis de droit de la Ville de Genève devait être considéré comme une prise de position de l'autorité administrative recevable, ledit avis ne permettrait cependant pas encore de retenir que la demande de l'intimée sera rejetée dans la mesure où les éléments précis dont l'autorité disposait pour rendre son "avis de droit" ne sont pas connus et que pour prendre position, elle n'a, en tout état de cause, pas recueilli les observations de l'intimée, qui n'a pas pu apporter d'explications complètes sur son concept. Enfin, l'autorité administrative dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui ne permet pas de préjuger de manière certaine d'une demande de la part de l'intimée. Il ne peut dès lors être considéré que, au moment où le congé a été donné, l'autorisation des travaux envisagés paraissait de toute évidence exclue.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué ne viole pas le droit en tant qu'il a déclaré valable le congé du 15 janvier 2019 notifié à l'appelante par l'intimée pour le 31 décembre 2021.

3. L'intimée conteste l'octroi d'une prolongation de bail à l'appelante. Elle invoque à cet égard la courte durée du bail, la situation financière délicate de l'appelante, l'absence de recherche de locaux de remplacement par celle-ci et l'absence de pénurie de locaux destinés à l'exploitation d'un bar-restaurant à Genève.

3.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur ne le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit de locaux commerciaux, la durée maximale de la prolongation est de six ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Selon la jurisprudence, la prolongation du bail n'a de sens que si le report du congé permet d'espérer une atténuation des conséquences pénibles qu'entraînerait ce congé et laisse prévoir qu'un déménagement ultérieur présenterait moins d'inconvénients pour le locataire, lequel ne saurait, en revanche, invoquer les conséquences nécessairement liées à la résiliation du bail en tant que telle. Il s'agit d'accorder au locataire plus de temps que ne lui en donne le délai de résiliation ordinaire pour chercher de nouveaux locaux, et non pas de lui donner l'occasion de profiter le plus longtemps possible de locaux au loyer avantageux (ATF 116 II 446 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 6.1; 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.2).

Lorsqu'il doit se prononcer sur une prolongation du bail, le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4C.139/2000 du 10 juillet 2000 consid. 2a). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF 136 III 190 consid. 6 et les arrêts cités; 125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, comme de la durée de la procédure judiciaire qui prolonge en fait le bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 précité consid. 6.1; 4A_545/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1), ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (cf. ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4C.425/2004 du 9 mars 2005 consid. 3.4).

Le choix entre une ou deux prolongations doit permettre au juge de retenir la solution la plus adaptée aux circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014 consid. 4.3.1; 4A_105/2009 du 5 juin 2009 consid. 3.1 et la référence au Message du Conseil fédéral); il peut donc, dans la pesée des intérêts des deux parties, décider d'accorder une première prolongation du bail ou une prolongation définitive et, cas échéant, en fixer la durée. Il n'y a pas de priorité de l'une de ces solutions par rapport à l'autre (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2014 précité consid. 4.3.1; 4A_105/2009 précité consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, l'intimée a établi vouloir utiliser les locaux loués pour ses propres besoins. Elle dispose donc d'un intérêt à les récupérer dès qu'elle sera en mesure de réaliser son projet.

L'intimée n'est cependant, en l'état, au bénéfice d'aucune autorisation pour commencer les travaux qu'elle souhaite entreprendre et n'a pas encore déposé les demandes nécessaires, ce qui tend à démontrer que ce projet n'est pas prioritaire ou urgent. Le fait que les locaux soient occupés ne l'empêchait pourtant pas de finaliser son projet et de requérir les autorisations nécessaires. Il n'est en outre pas établi que l'appelante présenterait du retard ou des difficultés dans le paiement de ses loyers, malgré les longues périodes de fermeture pour des raisons sanitaires et l'absence de toute réduction de loyer durant celles-ci octroyée par l'intimée. L'intimée ne dispose dès lors d'aucun intérêt à récupérer immédiatement les locaux loués. Une prolongation ne saurait donc être refusée.

Il convient également de relever que l'appelante a certes disposé de temps depuis la résiliation du bail pour trouver des locaux de remplacement. Cela étant, même s'il n'y a pas de pénurie pour les locaux commerciaux à Genève, il peut en revanche être compliqué pour elle de retrouver des locaux adéquats. En outre, il n'y a pas lieu de reprocher à l'appelante de ne pas avoir activement recherché de locaux de remplacement, à tout le moins jusqu'au jugement du Tribunal, compte tenu des incertitudes quant à l'issue de la procédure et de la situation sanitaire qui rendait peu envisageable la location de locaux alors même que les bars et restaurants étaient fermés en raison de la situation sanitaire.

Au vu de ce qui précède, une prolongation de bail sera octroyée à l'appelante. Une prolongation de quatre ans, comme fixée par le Tribunal, serait cependant excessive si l'intimée devait obtenir une autorisation pour les travaux envisagés à la suite du dépôt d'une demande à cet égard. En revanche, tant que l'intimée ne détient pas une telle autorisation, elle ne dispose pas d'un intérêt particulier à récupérer les locaux loués. Dès lors, dans la mesure où la date de délivrance de l'autorisation qui sera requise pour que l'intimée effectue les travaux envisagés ne peut être déterminée, c'est une première prolongation uniquement, d'une durée de trois ans, qui sera octroyée.

Le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors modifié en ce sens.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).


 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par A______ SARL et BANQUE B______ contre le jugement JTBL/975/2020 rendu le 21 décembre 2020 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3316/2019-1-OSB.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Accorde à A______ SARL une première prolongation de son bail de trois ans, échéant au 31 décembre 2024.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Madame Elodie SKOULIKAS, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.