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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2981/2023

ATA/119/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/601/2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2981/2023-LCI ATA/119/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Mark MÜLLER, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2024 (JTAPI/601/2024)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) est copropriétaire de plusieurs lots au sein de la propriété par étage (ci-après : PPE) de l’immeuble sis sur la parcelle n° 2’575 de la commune de B______ à l'adresse ______, rue C______.

Ses parties privatives sont situées entre les troisième et huitième étages, inclus. Elles sont gérées par la régie D______ SA (ci-après : la régie).

Les sous-sols, le rez-de-chaussée et le premier étage (dont l'élévation englobe un second étage) de l’immeubles sont les parties privatives d'E______ GmbH (ci-après : E______).

L'immeuble accueille les locaux du magasin F______ aux sous-sols, rez-de-chaussée et 1er étage et des locaux destinés à l'habitation aux étages supérieurs.

b. Par décision du 5 avril 2019, le département du territoire (ci-après : le département) a informé la régie que lors d’une visite sur place le 2 avril 2019 il avait constaté que les voies d'évacuation de l'immeuble étaient obstruées par divers objets. Un délai de dix jours lui était imparti pour débarrasser ces encombrements.

En cas de non-exécution des mesures obligatoires ordonnées, il serait contraint d’entamer les mesures ou sanctions administratives qui s’imposaient, conformément à l’art. 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Suivait l’indication de la voie et du délai de recours.

c. Le 23 avril 2019, la régie a indiqué au département que la situation avait été rétablie et que tous les encombrants avaient été évacués. Un local-poubelle avait été aménagé au sous-sol, auquel les locataires avaient un accès direct depuis l'ascenseur.

Le 21 mai 2019, le département a classé la procédure au vu du rétablissement de la situation.

d. Par courrier du 25 septembre 2019, l'office cantonal de la protection de la population et des affaires militaires (ci-après : OCPPAM), alors rattaché au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (DIN) a informé les propriétaires de l’immeuble que, suite à un contrôle sur l'ascenseur effectué le 13 septembre 2019, celui-ci avait été mis hors service le même jour pour des raisons de sécurité.

De plus, lors du contrôle précité, il avait été constaté que les locaux communs de l'immeuble, qui servaient de sortie de secours du magasin F______, étaient encombrés. Un entretien sur place avait eu lieu le 17 septembre 2019 en présence d'un représentant de F______, d'une entreprise de nettoyage et de la police du feu, laquelle donnerait la suite qu’il convenait à cette affaire.

Il leur était ordonné de procéder, dans un délai de 30 jours, au nettoyage approfondi de la gaine d'ascenseur et la réfection de l'habillage de la cabine.

e. Le 11 octobre 2019, faisant suite aux échanges intervenus au mois d'avril 2019, à la visite sur place du 17 septembre 2019, au courrier de l'OCPPAM du 25 septembre 2019 et à une entrevue du 23 septembre 2019 entre la police du feu et la régie, le département, soit pour lui la police du feu, lui a confirmé que les voies d'évacuation étaient encore encombrées de divers objets et que le compartimentage du local poubelle était manquant. Il lui rappelait que les voies d'évacuation devaient former un compartiment coupe-feu protégé et, de ce fait, être maintenues dégagées et exemptes de toute charge thermique et l’invitait à lui faire parvenir la détermination du propriétaire quant à la situation. Celle-ci devait être accompagnée d'un audit de sécurité des installations situées au sous-sol établi par un spécialiste AEA, indiquant le cheminement de la voie d'évacuation du commerce voisin, F______, transitant par le bâtiment et précisant les mesures de protection incendie à réaliser.

f. Par courriers des 18 et 22 octobre 2019, la régie a informé le département avoir mandaté une entreprise pour effectuer le rapport et sollicité un délai supplémentaire pour se conformer aux exigences. Elle avait relancé le concierge au sujet du débarras des encombrants et était en attente d'un devis pour la cabine de l'ascenseur. Elle avait enfin transmis le courrier du 11 octobre 2019 à F______ afin que celle‑ci fasse le nécessaire concernant le problème de la sortie de secours.

g. Par décision du 3 décembre 2019, le département, qui n'avait pas reçu l'audit de sécurité des installations situées au sous-sol du bâtiment, a imparti un délai de dix jours à la régie pour lui remettre ce document.

h. Le 12 décembre 2019, la régie a transmis au département le rapport de la société G______ SA. Il ressort notamment de ce dernier :

« Sous-sol

« Constat : Le luminaire d’éclairage de sécurité n’a pas de cache. Le risque de destruction est important.

« Mesure(s) à prendre : Un cache ou un grillage doit être mis en place afin de protéger le luminaire.

« Constat : La porte du local container est toujours ouverte. De plus, elle n’a pas de coupe-feu.

« Mesure(s) à prendre : Remplacer la porte par un coupe-feu EI30, avec ferme-porte (pour assurer la fermeture en tout temps). Les cales ou système de blocage non homologuées pour la conserver ouverte sont interdits.

« Constat : Plusieurs types d’installations techniques passent à travers les parois. Elles ne sont parfois plus nécessaires (non raccordé), parfois nécessaire. Aucune n’est obturée coupe-feu.

« Mesure(s) à prendre : Les passages des installations techniques, au travers des parois formant compartiment coupe-feu, doivent être obturés. Dans le cas d’installations obsolètes, elles devront au moins être coupées à ras de la paroi et être correctement obturées. Les obturations coupe-feu seront au moins EI30.

« Constat : L’accès au local n’a pas été possible. La porte ne présente aucune résistance au feu et est découpée en partie haute. D’après des images prises à l’endoscope, il s’agirait d’une cave.

« Mesure(s) à prendre : Ne connaissant pas l’affectation exacte, le type de stockage ou l’étendue du local derrière cette porte, prévoir le remplacement de la porte par une porte coupe-feu EI30.

« Constat : les conduites sont isolées ou emballées par des produits sans indications quant à leur réaction au feu.

« Mesure(s) à prendre : Si les isolations ou revêtement ne sont pas nécessaires, ils doivent être enlevés. S’ils sont nécessaires, ils doivent être remplacés par des produits ayant une réaction au feu RF1.

« Constat : Une trappe permet d’accéder à un espace dont nous ignorons l’utilité.

« Mesure(s) à prendre : Ne connaissant pas l’affectation exacte ou l’étendue du local derrière cette porte, prévoir le remplacement de la porte par une porte coupe‑feu EI30.

« Constat : Cette porte mène au local de chauffage. Nous ne connaissons pas le type de chauffage, ni sa puissance (pas d’accès).

« Mesure(s) à prendre : Ne connaissant pas le type de chauffage, ni sa puissance ou l’étendue du local derrière cette porte et ne pouvant constater qu’il s’agit d’une porte coupe-feu de l’époque, prévoir le remplacement de la porte par une porte coupe-feu EI30.

« Constat : Dans ce local se trouve des tableaux électriques. Parmi les installations, se trouvent également les installations pour l’éclairage de sécurité.

« Mesure(s) à prendre : Le local doit être coupe-feu. Les obturations nécessaires (passage à travers des parois formant compartiment coupe-feu) doivent être faites. Les portes doivent être changées par des portes coupe-feu EI30. L’accès à ce local doit être limité aux personnes autorisées uniquement.

« Constat : La porte ne semble pas coupe-feu. Elle ne se ferme pas (ne croche pas). La signalisation en dessus de la porte n’est pas dans le bon sens.

« Mesure(s) à prendre : Prévoir un changement de la porte par une porte coupe-feu EI30. Mettre la signalisation dans le bon sens.

« Constat : Un local se trouve sous l’escalier. D’après une vision limitée à l’aide de notre endoscope, il semblerait qu’il y ait du stockage.

« Mesure(s) à prendre : […] 1. Enlever la porte, supprimer le stockage et laisser cet espace vide (aucun stockage) 2. Remplacer la porte par une porte coupe-feu EI30. Le stock peut être conservé.

« Constat : Une porte a été installée sur le 1er palier intermédiaire pour des raisons d’exploitation (éviter que les locataires stockent leurs affaires ici, mais cela ne fonctionne pas). La construction actuelle n’est pas conforme (matériaux).

« Mesure(s) à prendre : Si la porte doit être conservée, par exemple, accès qu’aux locataires pour aller au local poubelle, il faut remplacer la porte et paroi actuelle par une porte et paroi RF1 (métallique). Si elle n’est pas nécessaire, elle doit être supprimée (porte, paroi, barrière).

« Constat : Ce local semble être l’ancien vide ordure du bâtiment (similitude avec les autres étages). Toutefois, il sert à présent de stockage et il n’y a plus de porte. Des sacs à ordure se trouvent sur ce palier.

« Mesure(s) à prendre : […] 1. Mettre une porte coupe-feu EI30 à chaque niveau et fermer chaque passage de dalle. Le stockage peut être conservé. 2. Supprimer le stockage à tous les niveaux, fermer cet espace sur tous les niveaux (fermeture par une porte ou paroi métallique, non accessible par des tiers par exemple). Prendre les mesures nécessaires pour que les ordures ne restent pas dans la voie d’évacuation ».

i. Le 17 janvier 2020, le département a invité la régie à lui indiquer les mesures déjà réalisées, celles qui devaient encore l'être et à lui exposer le cas échéant les raisons des mesures non-réalisées. Il l’informait en outre qu’un contrôle des installations sur place serait organisé à la fin du mois de janvier 2020, délai prolongé au 21 février 2020, à la demande de la régie.

j. Par courrier du 21 février 2020, la régie a informé le département être en possession d'une offre pour la porte coupe-feu. S’agissant des autres éléments requis, elle sollicitait un délai supplémentaire car ils occasionnaient des contraintes techniques en matière d'isolation.

k. Par décision du 6 mars 2020, le département a refusé d’octroyer un délai supplémentaire à la régie pour effectuer les mesures préconisées dans le rapport du 21 novembre 2019. Un délai de dix jours lui était imparti pour répondre aux points cités dans son courrier du 17 janvier 2020 et proposer un rendez-vous sur place pour effectuer le contrôle des installations.

l. Le 10 juin 2020, un contrôle sur place a eu lieu en présence de A______, de la régie et de représentants du département.

II ressort du rapport établi à cette occasion qu'en dépit du rapport d'audit du 21 novembre 2019 et des courriers du département des 17 janvier et 6 mars 2020, aucune évolution favorable n'avait pu être constatée. A______ avait expliqué que 54% des parties communes appartenaient à F______. Il était convenu de diverses mesures à réaliser.

m. Le 13 septembre 2019, faisant suite à la visite du 10 juin 2020, la régie a expliqué au département que l'immeuble était une copropriété et que les parties communes appartenaient en majorité au bailleur de F______, E______. En particulier, la sortie de secours litigieuse appartenait pour 54% à cette société alors que la part de A______ s'élevait à 46%. Elle n’était pour sa part concernée que par la gestion des appartements loués du 3e au 8e étages. Une réunion de travail avec les locataires et propriétaires précitées apparaissait nécessaire.

n. Le 17 juillet 2020, le département a requis de la régie la production du courrier d'accord au sujet de la gestion des parties communes adressé à E______ et rappelé qu'il était de sa responsabilité de communiquer tous les éléments au copropriétaire.

o. Le 27 juillet 2020, la régie a répondu au département ne pas avoir de courrier d'accord d'E______ et que celle-ci n'était pas sa copropriétaire.

p. Par décision exécutoire nonobstant recours du 8 octobre 2020, le département a informé E______ que, lors d'un contrôle par un inspecteur de la police du feu, il avait été constaté que les voies d'évacuation situées au sous-sol de l'immeuble n'étaient pas conformes aux prescriptions de protection incendie de l'association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI). Outre l'encombrement des voies, d'autres défauts avaient également été relevés dans le cadre d'un audit de sécurité fourni par A______. Cette situation constituait une violation de l'art. 121 LCI. A______ lui avait indiqué qu'elle ne pouvait prendre aucune décision sans son accord, s'agissant des parties communes de l'immeuble. Il lui était ordonné de procéder immédiatement à la mise en conformité des voies d'évacuation. À défaut, il n’aurait d’autre choix que d’ordonner l'interdiction de l'exploitation du magasin F______.

q. Par courrier du 8 mars 2021, le département a ordonné à E______ de lui confirmer, dans un délai de dix jours, la mise en conformité des voies d'évacuation situées au sous-sol de l'immeuble ou de fournir tout autre élément attestant de l'exécution de cet ordre. Les conséquences d’une non-exécution lui étaient rappelées.

r. Par courriel du 12 mars 2021, E______ a informé le département avoir déposé une requête en autorisation de construire DD 1______ fin février 2021, en vue de la rénovation du magasin F______. Cette requête portait également sur la mise en conformité des voies d'évacuation. Elle joignait le concept feu du 1er décembre 2020 réalisé par H______ transmis dans ce cadre.

s. Le 22 mars 2021, en réponse à une demande de renseignements du département, un responsable du magasin F______ lui a transmis des échanges de correspondance avec la gérance de Genève desquels il ressortait que le local des containers appartenait à A______ et que seule la sortie de secours était empruntée par le magasin. Celle-ci ainsi que la surface à l’extérieur du local étaient dégagées.

t. Le 20 décembre 2022, faisant suite à un nouveau contrôle du 25 novembre 2022, le département a informé A______ avoir constaté que certains dispositifs de prévention et de lutte contre l'incendie étaient insuffisants ou ne fonctionnaient pas en violation de l'art. 121 LCI. Il l’invitait à lui faire part, dans un délai de dix jours, de ses observations sur ce constat, notamment quant aux points suivants :

-          sous-sol : locaux non compartimentés ;

-          rez-de-chaussée : absence des informations d'urgence sur le panneau d'affichage ;

-          3e étage : gaine technique ouverte, obturations en cours ;

-          du 3e au 7e étages : objets entreposés sur les paliers.

Une copie du courrier était transmise à E______, pour information.

u. Le 24 janvier 2023, la régie s'est déterminée sur le courrier du département, précisant avoir fait le nécessaire s’agissant des points 2 à 4. Concernant les sous‑sols, cette partie relevait de la maîtrise de F______ laquelle s’était engagée à remettre dans l’état initial le sous-sol selon les prérogatives administratives et avait, pour rappel, procédé à des travaux conséquents. Afin de dissiper ses doutes, elle le conviait à une vision locale.

v. Par décisions du 5 mai 2023, notifiée l’une à A______ et l’autre à E______, le département a informé les intéressées que deux contrôles in situ avaient été réalisés les 24 janvier et 21 avril 2023. Lors de ces visites, il avait été constaté que les travaux situés au sous-sol du bâtiment n'avaient pas évolué depuis son passage du 25 novembre 2022 (locaux non compartimentés, portes inexistantes, obturations absentes, présence d'objets) : le panneau d'affichage comportant les informations d'urgence était manquant, les travaux dans les paliers relatifs à la gaine technique n'étaient pas achevés et les paliers étaient toujours encombrés d'objets. Un délai au 9 juin 2023 leur était imparti pour rétablir une situation conforme au droit en procédant à :

1.        l'achèvement des travaux situés dans les sous-sols conformément aux concepts en protection incendie établis par G______ SA le 21 novembre 2019 (pour A______), respectivement par H______ le 1er décembre 2020 (pour E______) ;

2.        l'achèvement des travaux relatifs à la gaine technique au niveau des paliers (obturation) ;

3.        la pose d'un panneau d'affichage dans le hall du bâtiment, comportant les informations d'urgence, de manière à être visible de tous ;

4.        l'évacuation complète des encombrants situés sur les paliers.

Dans ce même délai, un reportage photographique et tout élément attestant de la bonne exécution de sa décision devraient lui parvenir, étant précisé qu’un contrôle serait effectué le 14 juin 2023, lors duquel leur présence était requise.

Non contestée, cette décision est entrée en force.

w. Le 14 juin 2023, un constat effectué lors d’une visite sur place en présence notamment de la régie a relevé :

-          des travaux selon la dernière décision du département du 5 mai 2023 en cours de réalisation ;

-          les gaines sur les paliers d'étage étaient ouvertes et non-obturées et des travaux étaient en cours ;

-          sur le palier au dernier niveau, un panneau de porte était à débarrasser ;

-          dans un studio n° 306 au 3e étage, des travaux de rénovation étaient en cours, sans autorisation ACI-APA.

x. Par courrier du 22 juin 2023, la régie a exposé au département qu’à la suite du contrôle du 14 juin 2023, il avait pu être constaté que le panneau d'affichage contenant toutes les informations idoines était présent et que les consignes avaient été données concernant les encombrants. Dès qu’une irrégularité était constatée, elle sommait les locataires d'évacuer les objets concernés, lesquels n’avaient, au demeurant, pas été constatés dans les parties communes. L'immeuble bénéficiait en outre d'un contrôle régulier par l'entreprise GPA afin de s’assurer du respect de ces incombances et que les parties communes ne soient pas utilisées sans droit. Les travaux de la gaine technique étaient en cours d'exécution et suivaient l'échéancier tendant au remplacement de la colonne de chute.

Sa mandante n’était pas liée s’agissant des sous-sols puisque cette partie était exploitée par la copropriétaire. S’agissant d'une propriété commune, toute décision devait découler d'un commun accord. Les points avancés avaient en tout état été constatés comme étant sans objet lors de la vision locale.

En outre, les griefs formulés par l’envoi du 5 mai 2023 n'étaient pas réalisés.

La régie invitait le département à mettre à néant, respectivement annuler, toute sommation antérieure vu les faits erronés retenus et qui étaient contestés.

y. Par décision du 4 juillet 2023, le département a infligé une amende de CHF 5’000.- à A______.

Lors de la visite du 14 juin 2023, il avait été constaté que seul le point 3 de la décision du 5 mai 2023 avait été réalisé. Cette manière d'agir ne pouvait être tolérée. Le montant de la sanction tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise, de son statut de professionnelle de l'immobilier, de son absence de collaboration active quant à l'issue du dossier – le premier constat sur place avait été effectué le 10 juin 2020 – et du non-respect des normes de sécurité incendie en vigueur.

Un nouveau délai au 31 août 2023 lui était imparti pour rétablir une situation conforme au droit, à l'exception du point relatif au panneau d'information, et lui faire parvenir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de cette réalisation. S'agissant d'une mesure d'exécution d'une décision entrée en force, seule l'amende pouvait faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI).

z. Le 21 juillet 2023, la régie a écrit au département, réitérant ses propos précédents, à savoir, en substance, que A______ ne pouvait être tenue pour responsable des travaux exécutés dans la propriété commune de l'immeuble. Les travaux de rénovation lourds dans le sous-sol ne pouvaient lui être imputés vu qu'ils découlaient de la société exploitant le magasin F______. Les démarches attendues de sa part manquaient enfin de clarté et elle l’invitait à lui faire parvenir une liste précise, exhaustive et objective de celles-ci. Dans l’immédiat, elle l’invitait à annuler la sanction administrative et pécuniaire.

Le 10 août 2023, le département a invité A______ à se référer au rapport de G______ SA le 21 novembre 2019 s'agissant de la liste précise des travaux à effectuer. Lors d’une visite sur place le 4 août 2023, il avait été constaté que les points l à 3 de son ordre du 5 mai 2023 n'étaient toujours pas exécutés – achèvement des travaux dans les sous-sols, achèvement des travaux relatifs à la gaine technique et évacuation des encombrants situés dans les voies d'évacuation. Il maintenait intégralement les termes de sa décision du 4 juillet 2023 et déplorait son manque de collaboration. Un reportage photographique était joint.

Le 25 août 2023, A______ a invité le département à retirer sa décision sur la base des mêmes motifs que ceux avancés par la régie.

Le 1er septembre 2023, le département a informé A______ qu’il maintenait dans leur intégralité les termes de sa décision du 4 juillet 2023, l’invitant, cas échéant, à la contester par la voie ordinaire.

B. a. Par un seul acte du 5 septembre 2023, A______ a recouru au TAPI contre les décisions du département des 5 mai et 4 juillet 2023, concluant à leur annulation.

Concernant la décision du 5 mai 2023, le vice grave entachant sa notification justifiait une suspension ou une restitution du délai de recours. En effet, cette décision n'avait jamais été notifiée à la communauté des copropriétaires, le département s’étant contenté de lui envoyer l'intégralité du cahier des charges qu'il comptait la voir exécuter, sans égard au régime de propriété de la parcelle. Il avait pareillement fait usage de son pouvoir de sanction, sans égard à sa capacité de mettre à exécution les ordres visés. Or, seul l’un des points de la décision du 5 mai 2023 pouvait matériellement s'adresser à elle, soit l'évacuation complète des encombrants situés sur les paliers des locataires. Les travaux dans les sous-sols de même que la pose du panneau d'affichage dans le hall d'entrée, qui relevaient des parties privatives d'un tiers copropriétaire, ne pouvaient lui être demandés. De même, les travaux relatifs aux gaines techniques – qui étaient par nature des parties communes – relevaient de la communauté des copropriétaires et non d'une seule d’entre elles. Confrontée à cette situation, la régie avait interpellé le département les 21 et 22 juin 2023 et exécuté le seul élément de la décision qui relevait de sa compétence, soit l'évacuation des encombrants. Le grave défaut de notification qui affectait la décision du 5 mai 2023 justifiait son annulation ou, à tout le moins, l'absence totale d'effet pour les points 1 à 3.

Le département n’avait pas motivé l'obligation qu’il lui faisait d’effectuer des travaux dans les parties privatives de la PPE qui ne lui appartenaient pas. Il n’avait pas non plus répondu à la régie qui l'interpellait sur ce point précis dans sa lettre du 21 juillet 2023, se contentant d'un vague renvoi à l'expertise de 2019. Elle n’avait ainsi jamais été en mesure de se déterminer sur la raison le poussant à lui demander d'intervenir dans les parties privatives d'un tiers copropriétaire ainsi que dans les parties communes de la PPE. Pour cette raison également, la décision du 5 mai 2023 devait être annulée et celle du 4 juillet 2023 réformée pour se limiter à ses parts de copropriétés.

L’amende devait enfin être annulée, car elle se fondait sur des manquements qui ne pouvaient être de sa responsabilité. L'inexécution des points 1 et 2 de la décision du 4 juillet 2023 ressortait, pour le premier, des parties privatives d'un tiers copropriétaire et pour le second, de la communauté des copropriétaires dont elle n’était qu'un des membres. Concernant le point 4, elle avait pris les mesures utiles, évacuant les encombrants, engageant un service de sécurité et adressant une information générale aux locataires. Les critères pris en compte pour déterminer la quotité de l'amende étaient de plus infondés. Elle avait immédiatement exécuté les parties de la décision qui lui étaient adressée, évacuant les encombrants et faisant réaliser les travaux sur les gaines techniques quand bien même ces derniers étaient du ressort de la communauté des copropriétaires. Elle avait pour le surplus constamment attiré l'attention de l'autorité sur le fait qu'elle ne pouvait pas, en qualité de copropriétaire des étages supérieurs, procéder de sa propre initiative aux travaux dans les sous-sols. Aucune faute ne pouvait dès lors lui être reprochée et elle ne pouvait en aucun cas être considérée comme contrevenante aux ordres donnés par le département au sens de l'art. 137 al. 1 let. c LCI.

Le recours a été ouvert sous les nos de cause A/2981/2023 concernant la décision du département du 5 mai 2023 et A/2989/2023 concernant sa décision du 4 juillet 2023.

b. Le 20 novembre 2023, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours formé par A______ à l’encontre de sa décision du 5 mai 2023 et au rejet du recours formé à l’encontre de sa décision du 4 juillet 2023.

c. Le 15 décembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

Elle n'était ni copropriétaire majoritaire ni perturbatrice par destination, n’ayant pas la maîtrise de fait des locaux concernés par la demande de mise en conformité, ce que n’ignorait pas le département. Elle n’avait d’ailleurs pas signé les demandes d'autorisations de construire DD 1______/1 et DD 2______/1, qui portaient notamment sur d'importantes modifications des sous-sols de l'immeuble. C’était à tort que le département lui avait notifié la décision du 5 mai 2023, laquelle n’était ainsi pas entrée en force. Partant, son recours contre cette dernière était recevable et elle devait être annulée.

L'exécution de la décision du 5 mai 2023 ne pouvait pas être de sa responsabilité, respectivement sa bonne collaboration, dès lors que les mesures qui relevaient de sa sphère de maîtrise avaient été promptement exécutées. Le département n’avait fait aucun cas de ses interpellations et de celles de la régie quant à leur incapacité d'intervenir dans les sous-sols et n’avait pas tenu compte des démarches et travaux qu’elle avait effectués. L'état de l'immeuble démontrait que les copropriétaires se coordonnaient pour rétablir une situation conforme au droit. E______ se chargeait de la mise aux normes des sous-sols, ce qui accréditait sa position et le fait qu’elle ne pouvait en aucun cas être considérée comme contrevenante aux ordres donnés par le département.

d. Le 19 décembre 2023, le TAPI a joint les causes A/2981/2023 et A/2989/2023 sous la référence A/2981/2023.

e. Le 12 janvier 2024, le département a persisté dans ses conclusions concernant l’irrecevabilité du recours contre la décision du 5 mai 2023. Le fait que A______ n’ait pas signé les autorisations de construire ne la déliait pas de sa responsabilité en lien avec le sous-sol dont elle avait aussi la maîtrise. L’ordre valablement notifié ne pouvait dès lors plus être contesté. Le fait que l’autre copropriétaire se chargeait de remettre en état les parties communes n’était pas de nature à la déresponsabiliser

f. Le 12 avril 2024, à la demande du TAPI, A______ a transmis le règlement d’administration et d’utilisation de la PPE du 2 avril 1987, précisant que cette dernière n’avait jamais désigné d’administrateur, les deux copropriétaires gérant leurs locaux respectifs en toute indépendance.

Il ressort notamment de l’art. 10 dudit règlement que chaque copropriétaire doit permettre dans ses locaux, l’étude et l’exécution de toute réparation, modification ou installation que la communauté des copropriétaires ou l’un d’entre eux est contraint d’exécuter dans des locaux faisant l’objet d’un droit exclusif (…), pour raison de sécurité, de nécessité ou de force majeure. L’art. 21 stipule enfin que l’administrateur, la gérance ou chaque propriétaire peut prendre lui-même, aux frais des copropriétaires, les mesures urgentes requises pour préserver l’immeuble d’un dommage imminent ou s’aggravant.

g. Par jugement du 20 juin 2024, le TAPI a déclaré irrecevable le recours contre la décision du 5 mai 2023 et a rejeté celui contre la décision du 4 juillet 2023.

ga. Le courrier du 5 mai 2023 était, à juste titre, qualifié de décision et indiquait les voies et délais de recours. Par cette décision, notifiée séparément à A______ SA et E______, le département ordonnait aux intéressées de rétablir une situation conforme au droit en procédant à : l'achèvement des travaux situés dans les sous-sols conformément au concept en protection incendie établi par G______ SA du 21  novembre 2019 pour A______ SA, respectivement par H______ du 1er décembre 2020 pour E______ ; l'achèvement des travaux relatifs à la gaine technique au niveau des paliers (obturation) ; la pose d'un panneau d'affichage dans le hall du bâtiment, comportant les informations d'urgence, de manière à être visible de tous ; l'évacuation complète des encombrants situés sur les paliers. Dans ce même délai, il leur était ordonné de produire un reportage photographique et tout élément attestant de la bonne exécution de cette décision, en leur précisant qu’un contrôle serait effectué le 14 juin 2023, lors duquel leur présence était requise.

La décision n'avait pas nommément été adressée à la communauté des copropriétaires mais individuellement aux deux seuls membres qui la constituaient. Toutefois ces derniers avaient été informés du fait qu’elle était également adressée à l’autre copropriétaire et ils avaient ainsi manifestement été en mesure de comprendre que tous deux étaient concernés. La décision concernait tant des parties communes que privées. Si A______ estimait que cette décision était infondée, en particulier dès lors qu’elle lui imposait des obligations concernant des parties communes de l'immeuble pour lesquelles seule la communauté des copropriétaires pourrait agir, il lui appartenait de recourir contre la décision du 5 mai 2023, la problématique liée à la copropriété alléguée relevant du fond. La copropriété n’ayant jamais désigné d’administrateur, la notification de la décision à la communauté des propriétaires ne pouvait dès lors l’être que séparément aux deux copropriétaires la constituant.

La décision du 5 mai 2023 avait été valablement notifiée, par courrier recommandé, à A______ comme à la communauté des copropriétaires, via les deux copropriétaires qui la constituaient. Le recours interjeté le 5 septembre 2023 contre cette décision, réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution, était ainsi manifestement tardif ce que A______ ne contestait pas. Elle ne pouvait se voir accorder une suspension ou restitution du délai de recours, les conditions n’étant manifestement pas remplies. Les vices qu'elle invoquait à l'égard de la décision, qui relevaient exclusivement du fond, ne pouvaient conduire au constat de sa nullité. L'argumentation qu'elle développait à ce sujet n’était donc pas examinée.

gb. A______, en sa qualité de copropriétaire de l’immeuble était responsable de la sécurité et de la salubrité liées à ce dernier, dans l’application de la loi et sous réserve des droits civils. Cette responsabilité visait tant les parties communes que ses parties privées de l’immeuble. Or, il ressortait du constat sur place du 14 juin 2023 que A______ n’avait pas respecté l’ordre du 5 mai 2023, qui portait sur le respect de règles de sécurité et salubrité. Elle ne contestait pas les faits relevés dans le constat mais expliquait avoir pris des mesures concernant les encombrants, le panneau d'affichage, le respect des incombances concernant l’utilisation des parties communes, que les travaux de la gaine technique étaient en cours d'exécution, qu’elle n’était pas liée s’agissant des sous-sols puisque cette partie était exploitée par le copropriétaire et que s’agissant d'une propriété commune toute décision devait découler d'un commun accord.

Le département n'avait pas à se soucier ni à s'immiscer dans les conflits de droit privé opposant des copropriétaires d'une PPE. Les difficultés invoquées par A______, que ce soit quant à sa situation de copropriétaire minoritaire (46%), quant aux agissements du copropriétaire majoritaire (54%) ou de ses locataires, ne permettaient pas de l’exonérer de sa responsabilité et de son obligation de se conformer aux mesures ordonnées par le département. Elle ne pouvait simplement prétendre qu’elle n’avait pas la maîtrise des parties communes, dans la mesure où un copropriétaire pouvait prendre seul les mesures urgentes requises au sens de l’art. 647 al. 2 ch. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) pour préserver la chose d’un dommage imminent ou s’aggravant et procéder aux actes d’administration courante au sens de l’art. 647a CC. Lorsqu’il agissait dans ce cadre, le copropriétaire d’étage engageait la communauté sans qu’aucun pouvoir de représentation particulier ne soit nécessaire.

Son comportement, par omission, était en soi objectivement constitutif de l'infraction réprimée par l'art. 137 al. 1 let. c LCI et pouvait donc donner lieu au prononcé d'une amende. Il résultait en outre des différents évènements précités que c'était assurément avec conscience et volonté qu’elle n'avait pas obtempéré dans le délai aux ordres du département, alors même que la décision y relative était entrée en force.

Le montant de l'amende, de CHF 5'000.-, en soi pas contesté, se situait dans la fourchette basse de l'art. 137 al. 1 LCI et A______ n'avait pas fait état de difficultés pécuniaires particulières l’empêchant de s'en acquitter. La sanction était proportionnée.

C. a. Par acte remis à la poste le 26 août 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit que son recours au TAPI du 5 septembre 2023 contre la décision du 5 mai 2023 était recevable, à l’annulation de la décision du 5 mai 2023 et à l’annulation de la décision du 4 juillet 2023. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

La décision du 5 mai 2023 avait été notifiée de manière irrégulière. Rien ne lui permettait de comprendre que sa copropriétaire avait reçu un courrier de l’exacte même teneur. La décision se contentait d’indiquer qu’un courrier similaire avait été adressé à E______, sans qu’on puisse comprendre si les griefs et les demandes étaient les mêmes. A______ pouvait d’autant moins déduire les intentions du département que celui-ci multipliait à son adresse les ordres d’intervenir sur les parties privatives de l’autre copropriétaire sans prendre en compte ses interrogations ni l’informer des ordres donnés à l’autre copropriétaire.

Si elle pouvait bien poser un panneau d’affichage et évacuer les encombrants, ce qu’elle avait fait, elle ne pouvait matériellement, en sa qualité de copropriétaire individuelle, intervenir dans les sous-sols, soit les parties privatives d’E______.

Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, elle n’était perturbatrice ni par comportement ni par destination. Elle n’était pas à l’origine du comportement reproché, puisqu’elle s’était empressée de faire réaliser les travaux qu’elle pouvait accomplir dès réception de la décision du 5 mai 2023. Elle n’avait pas la maîtrise des sous-sols concernés par la demande de mise en conformité, preuve en étaient les travaux conduits par l’autre copropriétaire. Le département n’avait pas cru bon lui demander sa signature, ce qui prouvait qu’il savait que c’était l’autre copropriétaire qui disposait des sous-sols. C’était contre le principe de la bonne foi qu’il lui avait notifié les décisions querellées, sachant qu’elle n’était ni copropriétaire majoritaire ni propriétaire des parties privatives du sous-sol, ni perturbatrice par destination.

Le vice de notification justifiait la suspension ou la restitution du délai et l’annulabilité de la décision.

Elle avait immédiatement exécuté les ordres concernant les parties dont elle avait la maîtrise. Bien que du ressort de la communauté des copropriétaires, la réfection de la gaine avait été entreprise. Les autres travaux n’étaient pas de son ressort. Elle ne pouvait prendre seule les mesures et il ne pouvait lui être reproché de ne pas l’avoir fait. L’urgence faisait défaut. Le département n’avait donné aucune suite aux courriers par lesquels elle l’informait de la réalisation des travaux et lui disait qu’elle ne pouvait intervenir sur les parties privatives de l’autre copropriétaire.

b. Le 26 septembre 2024, le département a conclu au rejet du recours.

c. Le 31 octobre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

Elle ne pouvait de bonne foi comprendre que la décision querellée s’adressait à elle lorsque le département lui demandait d’intervenir sur les parties privatives d’E______.

Le département ne pouvait avoir agi de bonne foi lorsqu’il lui notifiait l’ordre d’achever les travaux situés dans le sous-sol. Il connaissait bien la situation de l’immeuble, notamment qu’elle n’avait pas la maîtrise des sous-sols. En étudiant les demandes d’autorisation d’E______, il ne lui avait pas demandé sa signature.

En prononçant l’amende, le département n’avait pas tenu compte des mesures qu’elle avait prises pour évacuer les encombrants ni de l’engagement d’un service de sécurité ni de l’information générale adressée aux locataires ni des travaux entrepris sur la gaine technique.

L’état de l’immeuble aujourd’hui démontrait que les copropriétaires se coordonnaient pour rétablir une situation conforme au droit. Il était en tout état de cause inique de reprocher une faute au copropriétaire qui s’abstenait d’exécuter les points d’une décision prise en charge par un de ses pairs. Lorsqu’il lui reprochait de ne pas avoir respecté son ordre dans son intégralité pour justifier l’existence d’une faute, le département violait les principes relatifs à la culpabilité. Il ignorait notamment l’absence totale de lésion ou de mise en danger du bien juridique concerné.

d. Le 1er novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a.      la décision du 5 mai 2023.

2.             La recourante conclut à l’annulation de la décision du 5 mai 2023.

2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

2.2 Selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve les dispositions légales et réglementaires édictées par la Confédération, le canton et les communes ainsi que les droits des tiers, auxquelles aucune autorisation ne peut être opposée (art. 3 al. 6 LCI). Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et les références citées).

2.3 De jurisprudence constante, les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7e).

L'autorité peut adresser l'ordre de rétablir un état conforme au droit aux perturbateurs par comportement et par situation, jouissant d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.3). Face à une pluralité de perturbateurs, l'autorité doit agir envers celui ou ceux qui sont le plus en mesure de rétablir une situation conforme au droit, lorsque la mesure de police vise ce but. Cela peut impliquer, suivant les circonstances, une prise en compte cumulative de tous les perturbateurs, une action prioritaire envers le perturbateur par comportement, ou une action envers le perturbateur par situation, s'il est davantage en mesure de faire cesser le trouble de l'ordre public. L'autorité dispose d'une plus grande marge de manœuvre lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit peut prendre un certain temps que lorsqu'il est urgent, ce qui implique de s'adresser au perturbateur qui est le premier à même d'agir (ATF 107 Ia 19 consid. 2b et les références citées ; ATA/1299/2020 précité consid. 7e ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 563).

2.4 La propriété par étages est constituée par inscription au registre foncier (art. 712d al. 1 CC). L’acte constitutif doit indiquer la délimitation des étages ou parties d’étage et, en quotes-parts ayant un dénominateur commun, la part de la valeur du bien-fonds ou du droit de superficie que représente chaque étage ou partie d’étage (art. 712e al. 1 CC). Les règles de la copropriété s’appliquent à la compétence pour procéder à des actes d’administration et à des travaux de construction (art. 712g al. 1 CC). Si ces règles ne s’y opposent pas, elles peuvent être remplacées par des dispositions différentes prévues dans l’acte constitutif ou adoptées à l’unanimité par tous les copropriétaires (art. 712g al. 2 CC). Chaque copropriétaire peut exiger qu’un règlement d’administration et d’utilisation, valable dès qu’il a été adopté par la majorité des copropriétaires représentant en outre plus de la moitié de la valeur des parts, soit établi et mentionné au registre foncier (art. 712g al. 3 CC). La communauté des copropriétaires peut, en son nom, actionner ou être actionnée en justice, ainsi que poursuivre et être poursuivie (art. 712i al. 2 CC). L’assemblée des copropriétaires nomme l’administrateur et surveille son activité (art. 712m al. 1 ch. 2 CC). Si l’assemblée des copropriétaires n’arrive pas à nommer l’administrateur, chaque copropriétaire peut demander au juge de le nommer (art. 712q al. 1 CC). L’administrateur exécute tous les actes d’administration commune, conformément aux dispositions de la loi et du règlement ainsi qu’aux décisions de l’assemblée des copropriétaires; il prend de son propre chef toutes les mesures urgentes requises pour empêcher ou réparer un dommage (art. 712s al. 1 CC). L’administrateur représente la communauté et les copropriétaires envers les tiers, pour toutes les affaires qui relèvent de l’administration commune et entrent dans ses attributions légales (art. 712t al. 1 CC). Sauf en procédure sommaire, l’administrateur ne peut agir en justice comme demandeur ou défendeur sans autorisation préalable de l’assemblée des copropriétaires, sous réserve des cas d’urgence pour lesquels l’autorisation peut être demandée ultérieurement (art. 712t al. 2 CC).

2.5 Selon l’art. 647 CC, les copropriétaires peuvent convenir d’un règlement d’utilisation et d’administration dérogeant aux dispositions légales et y prévoir que celui-ci peut être modifié à la majorité des copropriétaires (al. 1). La modification des dispositions du règlement d’utilisation et d’administration relatives à l’attribution de droits d’usage particulier doit en outre être approuvée par les copropriétaires directement concernés. (al. 1bis). Le règlement ne peut supprimer ou limiter le droit de chaque copropriétaire : (1) de demander que les actes d’administration indispensables au maintien de la valeur et de l’utilité de la chose soient exécutés et, au besoin, ordonnés par le juge, (2) de prendre lui-même, aux frais des copropriétaires, les mesures urgentes requises pour préserver la chose d’un dommage imminent ou s’aggravant (al. 2).

2.6 Aux termes de l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.2 ; ATA/242/2023 du 14 mars 2023 consid. 6b ; ATA/182/2023 du 28 février 2023 consid. 7.2). De ce principe découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. et dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.2 ; ATA/182/2023 précité consid. 7.2).

Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2.3 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 203 n. 568 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 254 n. 716 et 717 et p. 256 n. 726).

2.7 Selon l’art. 62 al. 1 let. a LPA, le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence.

2.8 En l’espèce, le 5 mai 2023, le département a imparti à la recourante un délai au 9 juin 2023 pour : (1) achever les travaux dans les sous-sols conformément aux concepts en protection incendie établis par G______ SA le 21 novembre 2019 (pour A______), respectivement par H______ le 1er décembre 2020 (pour E______) ; (2) achever les travaux relatifs à la gaine technique au niveau des paliers ; (3) poser un panneau d'affichage dans le hall du bâtiment comportant les informations d'urgence, de manière à être visible de tous ; (4) évacuer tous les encombrants situés sur les paliers.

Cette décision n’a pas été contestée lorsqu’elle a été rendue.

La recourante l’a attaquée par la suite devant le TAPI, faisant valoir que seule l’évacuation des encombrants – qu’elle avait d’ailleurs effectuée – pouvait être exigée d’elle car portant sur des parties de l’immeuble sur lesquelles elle avait la maîtrise exclusive. Les autres tâches (achèvement des travaux au sous-sol, démarrage des travaux sur la gaine et affichage d’une information) portaient soit sur des parties dans la maîtrise exclusive de sa copropriétaire E______ soit sur des parties dans leur maîtrise commune. Elles ne pouvaient être exigées d’elle et le département n’avait pas expliqué pourquoi il s’était adressé à elle ni ce qu’il attendait d’elle. La décision était affectée d’un grave défaut de notification, ce qui justifiait son annulation ou, à tout le moins, l'absence totale d'effet en ce qui la concernait pour les points 1 à 3.

Le TAPI a déclaré le recours irrecevable. La décision concernait tant des parties communes que privées. A______ pouvait recourir contre la décision si elle l’estimait infondée. Celle-ci avait été valablement notifiée à A______ comme à la communauté des copropriétaires, via les deux copropriétaires qui la constituaient. Le recours était ainsi manifestement tardif.

Devant la chambre de céans, la recourante reprend son argumentation et fait valoir qu’elle n’était perturbatrice ni par comportement ni par situation, qu’elle ne pouvait comprendre ce que le département avait demandé à E______ et que celui‑ci savait qu’E______ exerçait seule la maîtrise sur les sous-sols. La décision, affectée d’un vice grave, ne pouvait entraîner aucun préjudice pour elle.

La décision du TAPI ne prête pas le flanc à la critique. Le département s’est adressé séparément aux deux copropriétaires formant la copropriété, soit A______ (la recourante) et E______. Il ne pouvait être exigé de lui qu’il s’adressât autrement à la copropriété, faute pour celle-ci d’avoir désigné un administrateur.

La recourante ne conteste pas que l’absence d’administrateur a contraint le département à s’adresser séparément aux deux membres de la copropriété, à bon droit dès lors qu’elle aurait pu faire nommer un administrateur par le juge et que, faute de l’avoir fait, elle doit accepter cette conséquence de l’absence de représentant de la copropriété.

La recourante se plaint d’avoir ignoré ce que le département avait décidé à l’égard d’E______. La décision querellée indique qu’« un courrier similaire a été adressé à E______ GmbH, Zürich ». Selon le dictionnaire Robert de la langue française, similaire signifie « à peu près de même nature, de même ordre ». La recourante ne pouvait que comprendre qu’un courrier de même teneur avait été envoyé à sa copropriétaire. Il ressort du dossier qu’E______ a reçu du département un courrier identique à celui adressé à la recourante également daté du 5 mai 2023.

La recourante se plaint de ne pas avoir su exactement à l’époque ce que le département avait demandé à E______. Or, elle connaissait depuis le printemps 2019 les problèmes que le département avait relevés dans l’immeuble, elle avait correspondu avec lui et l’avait rencontré sur cette question et elle devait s’attendre qu’une même décision fût notifiée à tous les copropriétaires séparément, faute pour ceux-ci d’avoir désigné un représentant. Elle ne pouvait donc que comprendre qu’E______ avait reçu la même décision qu’elle.

On ne voit pas au surplus ce que la recourante pourrait tirer de l’argument de la connaissance du contenu s’agissant de la validité de la notification. Il lui était en effet loisible en toute hypothèse de s’assurer auprès de sa copropriétaire E______ de ce que celle-ci avait reçu et de se coordonner avec elle. La loi l’obligeait même à administrer avec elle les parties et les charges communes de leur immeuble. Elle ne soutient pas que la communication aurait été impossible : E______ avait des bureaux à Zürich et un représentant, sa régie avait indiqué au département le 22 octobre 2019 qu’elle avait transmis à F______ le courrier du 11 octobre 2023 afin que celle-ci fasse le nécessaire concernant le problème de la sortie de secours et sa représentante avait côtoyé celui de F______ lors de visites sur place. En toute hypothèse elle aurait pu saisir le juge civil.

La recourante n’explique pas en quoi il serait déloyal ou contraire au principe de la bonne foi que le département – même dans l’hypothèse où E______ aurait eu la maîtrise exclusive sur les sous-sols de l’immeuble, ce qui n’est cependant pas établi comme il sera vu au considérant suivant – adresse dans une même décision à tous les copropriétaire la liste de l’ensemble des travaux à effectuer. Une telle manière de procéder était au contraire nécessaire si le département voulait s’assurer que la copropriété soit informée de tous les travaux exigés et que chacun des copropriétaires puisse prendre les initiatives que lui permet le droit privé.

Savoir si A______ pouvait se voir enjoindre d’accomplir personnellement tous les travaux décrits dans la décision est sans rapport avec la question de la validité de la notification de celle-ci à la copropriété. Ce grief aurait au demeurant pu être soulevé par la recourante en temps utile contre la décision du 5 mai 2023. Elle a fait savoir au département, le 22 juin 2023, qu’elle n’était pas liée s’agissant des sous‑sols puisque cette partie était exploitée par la copropriétaire et que s’agissant d'une propriété commune toute décision devait découler d'un commun accord. Il sera vu plus loin avec l’examen du recours contre l’amende dans quelle mesure la violation des différentes injonctions a été reprochée et peut être imputée à la recourante.

En tant qu’elle visait à notifier à toute la copropriété les travaux à effectuer, la décision du 5 mai 2023 était efficace. C’est ainsi de manière conforme au droit que le TAPI a déclaré le recours tardif et partant irrecevable.

Le grief sera écarté.

Le recours au TAPI étant irrecevable, les griefs soulevés par la recourante concernant le bien-fondé de la décision ne seront pas examinés – étant précisé qu’ils ne l’auraient pas non plus été en cas d’admission du recours, la cause devant en telle hypothèse être renvoyée au TAPI pour l’examen du fond.

b.      la décision du 4 juillet 2023

3.             La recourante conteste l’amende de CHF 5'000.-.

3.1 L’art. 122 LCI dispose que les propriétaires sont responsables, dans l’application de la LCI et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations.

Selon l’art. 129 LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses les mesures suivantes : (a) la suspension des travaux ; (b) l’évacuation ; (c) le retrait du permis d’occupation ; (d) l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter ; (e) la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition.

L’art. 130 LCI prévoit que ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires.

Selon l’art 131 LCI, les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI.

L’art. 132 LCI prévoit que le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu’il n’invoque l’urgence (al. 1). Ces mesures sont dispensées de la procédure d’autorisation. Le département peut toutefois exiger la présentation des pièces prévues à l’art. 2 LCI.

3.2 Selon l’art. 137 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d’application, ainsi qu’aux ordres du département (al. 1). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité ou les cas de récidive (al. 3).

3.3 Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 9.2 ; ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.1.3 et les références citées).

3.4 En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG ‑ E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c).

3.5 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/ 2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

3.6 S’agissant de la quotité de l’amende, la jurisprudence de la chambre administrative précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant et n’est censuré qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/702/2023 du 27 juin 2023
consid. 6.1 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019).

3.7 En outre, l’administration doit faire preuve de sévérité, afin d’assurer le respect de la loi (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c). L’autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

3.8 Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes la qualité de mandataire professionnellement qualifié ainsi que celle de professionnel de l'immobilier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16 octobre 2020 consid. 2.3.2 ; ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5 et les références citées, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2022 du 21 avril 2023), le fait de mettre l'autorité devant le fait accompli (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.1 et les références citées), le fait d’avoir agi par cupidité, la récidive ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation. Au titre de circonstances atténuantes, doit être prise en compte notamment l’absence de volonté délictuelle. Il doit être tenu compte de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/174/2023 précité consid. 2.1.9 et les références citées).

Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/174/2023 précité consid. 2.2.2).

3.9 En l’espèce, le constat dressé sur place par le département le 21 avril 2023 relève que les travaux au sous-sol sont toujours en cours, que les travaux concernant les paliers et la gaine technique ne sont pas terminés et que des étages sont encore encombrés. Il mentionne les deux sociétés propriétaires ainsi que la régie, avec pour chacune une personne de contact. Au titre des mesures, il prévoit d’ordonner de poursuivre et achever les travaux, de fixer un dernier contrôle sur place avec toutes les parties y compris F______ et ajoute : « Passé ce délai : Contrôle in situ par JD / SI pas terminé, amende administrative (min 500 CHF) à chaque copropriétaire. »

La décision du 5 mai 2023 a été notifiée à chacun des copropriétaires.

Le constat dressé par le département lors de la visite du 14 juin 2023 mentionne à nouveau les deux sociétés propriétaires et indique qu’étaient présentes une personne pour la régie, une personne pour I______ SA et une personne pour F______. Il relève que les travaux mentionnés par la décision du 5 mai 2023 sont toujours en cours et ordonne « sur place 01 _Amende administrative aux propriétaires de CHF 5'000 pour non-exécution dans les délais des mesures demandées selon notre LTrecc du 5 mai 2023 ».

Le 22 juin 2023, la régie a indiqué au département que A______ contestait qu’une faute pût lui être reprochée. Elle avait sommé ses locataires ; aucun objet n’avait été constaté dans les parties communes ; elle faisait régulièrement contrôler l’immeuble par une entreprise privée ; les travaux de la gaine technique étaient en cours de réalisation, suivant l’échéancier du remplacement de la colonne de chute et les fermetures interviendraient à l’achèvement des travaux sanitaires ; enfin, elle n’était nullement liée s’agissant des sous-sols dès lors que cette partie était exploitée par la copropriétaire.

L’amende du 4 juillet 2023 est adressée à A______. Elle indique : « le département vous inflige […] une amende […] » de CHF 5'000.-. Elle n’indique pas que l’amende serait infligée à la copropriété, aux deux copropriétaires ou encore à chacun d’eux séparément. La copie de la décision produite par le département comporte au bas de sa deuxième page la mention « un courrier similaire est adressé à E______ GmbH Zurich », laquelle a été rayée d’un trait à côté duquel une mention manuscrite indique « envoyé corrigé ». Enfin, la décision est accompagnée d’un bulletin de paiement de CHF 5'000.- adressé à A______.

La recourante fait valoir qu’elle a achevé l’évacuation des encombrants. Cet argument ne lui est d’aucun secours dès lors qu’au moment du contrôle du 14 juin 2023 le débarras des encombrants n’avait pas été achevé, un panneau de porte restant encore à enlever au 3e étage. Le fait qu’une part du débarras avait été effectuée peut éventuellement être prise en compte pour arrêter la nature et la quotité de la sanction.

La recourante explique que les travaux sur les gaines étaient en cours. Cet argument tombe à faux du moment que la décision du 5 mai 2023 ordonnait leur achèvement dans un délai strict qui n’a pas été respecté.

La recourante se prévaut de l’échéancier des travaux sanitaires nécessitant l’accès à la gaine technique. Cet argument ne peut être pris en compte. Les observations du département sur la gaine technique demeurée non obturée (au 3e étage) remontent en tout cas au 20 décembre 2022. La recourante ne rend pas vraisemblable que les travaux sanitaires n’auraient pu être achevés à temps et surtout que durant leur accomplissement la gaine devrait rester constamment ouverte et ne pourrait pas être obturée.

La recourante fait valoir que, s’agissant des parties communes, elle n’est que copropriétaire minoritaire et a besoin de l’accord d’E______. Cette circonstance ne l’exonère toutefois pas de sa responsabilité. Le département, qui applique le droit public de la construction, n’a pas à prendre en compte les proportions des parts de propriété des copropriétaires et doit pouvoir exiger de chacun d’eux l’accomplissement de l’entier des travaux qu’il a ordonnés sur les parties communes. Les rapports entre copropriétaires sont régis pour le surplus par le droit privé. À cet égard, la recourante ne soutient pas avoir saisi le juge civil en vue de faire nommer un administrateur et de faire procéder à l’exécution des travaux ordonnés par le département – étant rappelé que celui-ci lui avait demandé le 17 juillet 2020 de produire un courrier d'accord au sujet de la gestion des parties communes adressé à E______ et qu’elle lui avait répondu qu’un tel accord n’existait pas, et que par ailleurs les travaux avaient pour but de rendre conforme aux normes anti-incendie un immeuble abritant non seulement de nombreux locataires mais également un grand magasin fréquenté par une importante clientèle, et que l’adaptation à ces normes de sécurité avait un caractère urgent et avait d’ailleurs valu à F______ la menace d’une interdiction d’exploiter.

Enfin, la recourante soutient à propos des sous-sols qu’E______ en avait la maîtrise exclusive, ce qui l’exonérerait de toute responsabilité au sujet des travaux devant y être effectués. Elle ne peut être suivie. Elle allègue certes qu’E______ avait seule la maîtrise du sous-sol, mais elle ne l’établit pas juridiquement, et ne prétend pas notamment que celui-ci ne comporterait pas de parties communes. Or, faute de preuve du contraire, il doit être retenu qu’à tout le moins les installations de chauffage et de distribution d’eau et d’électricité de l’immeuble, la machinerie et la cage de l’ascenseur, le local à poubelles ainsi que leurs voies d’accès constituent des parties communes. Un contrôle du 13 septembre 2019 sur l’ascenseur avait d’ailleurs établi que les sous-sols comportaient des parties communes et le 13 septembre 2019, la recourante avait admis expressément que la sortie de secours au sous-sol était une partie commune. Enfin, la recourante a elle-même fait établir et a produit le 12 décembre 2019 un rapport de la société G______ SA sur les mesures de sécurité en matière de risque incendie à prendre dans les locaux du sous-sol. Or, l’essentiel des mesures préconisées porte sur des locaux communs (chauffage, électricité, ascenseur) ou les portes donnant accès à des locaux depuis les voies d’accès ainsi que les gaines de transport des fluides.

La recourante ne peut ainsi exciper de ses rapports de droit privé avec sa copropriétaire pour se soustraire à ses responsabilités. Elle se trouvait, pour tous les travaux en matière de sécurité incendie ordonnés par le département, dans une position de perturbatrice par comportement, répondant autant de son inaction que de celle de sa copropriétaire, comme l’a retenu à bon droit le TAPI. C’est également à juste titre que le TAPI a retenu que la recourante était perturbatrice par destination, en sa qualité de copropriétaire exposant constamment ses locataires à un risque d’incendie mal maîtrisé – étant précisé qu’un sinistre pouvait naître partout dans l’immeuble et en particulier dans les sous-sols. Or, ainsi qu’il a été vu au considérant précédent, l'autorité peut adresser l'ordre de rétablir un état conforme au droit aux perturbateurs par comportement et par situation, jouissant d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation.

L’omission de la recourante de se conformer entièrement à l’ordre de travaux prononcé en application de l’art. 129 let. e LCI par le département constitue une infraction à l’art. 137 LCI, passible d’une amende de CHF 100.- à CHF 150'000.-.

La recourante ne conteste pas la quotité de la sanction. Le TAPI l’a jugée proportionnée et située dans la partie basse de la fourchette. Ce raisonnement doit être approuvé. Les travaux d’adaptation exigés portent sur la sécurité incendie. L’absence de mise aux normes peut accentuer de manière dramatique le danger pour les usagers en cas de sinistre. La recourante n’a pas agi tempestivement alors même que les travaux étaient urgents vu le risque à prévenir. Elle possède la qualité de professionnelle de l’immobilier et ne pouvait ignorer l’importance et l’urgence des travaux exigés. Sa collaboration n’a pas été bonne s’agissant des travaux en sous-sol et le fait qu’elle avait en partie débarrassé les paliers ne peut peser que de manière peu significative dans l’appréciation globale de sa faute.

Le grief sera écarté. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark MÜLLER, avocat de la recourante, au département du territoire - OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :