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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/377/2024

ATA/670/2024 du 04.06.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/377/2024-FORMA ATA/670/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Marc-Ariel Zacharia, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’étudiante), ressortissante irakienne née le ______ 1995, a été inscrite au programme « Horizon Académique » de l’Université de Genève (ci-après : l’université) durant l’année académique 2020-2021.

b. En février 2021, elle a sollicité son immatriculation à l’université en tant qu’étudiante régulière, ainsi que son inscription au Baccalauréat en relations internationales (ci-après : BARI), au sein du B______ (ci-après : B______) de l’université.

Compte tenu des cours préalablement suivis dans le cadre du programme « Horizon Académique », elle a directement intégré la deuxième partie du cursus du BARI, en choisissant le module obligatoire de l’« Orientation Droit ».

c. À l’issue des deux sessions d’examens ordinaires durant l’année 2022, elle a acquis un total de 15 crédits ECTS.

d. Lors de la session d’examens extraordinaire d’août/septembre 2022, l’étudiante a été excusée, pour raisons médicales, à cinq évaluations auxquelles elle s’était inscrite.

e. Durant l’année académique 2022-2023, elle a poursuivi son cursus en se présentant aux sessions d’examens de février, juin et à la session d’examens de rattrapage d’août/septembre 2023.

B. a. Par courrier du 13 septembre 2023 adressé au directeur du B______, l’étudiante a demandé une dérogation, exposant sa situation personnelle.

Sa famille et elle avaient survécu in extremis au génocide perpétré par l’État islamique du 3 août 2014. Ils avaient été contraints de fuir leur pays pour entamer un long et difficile périple de réfugiés. L’asile lui avait été accordé en Suisse en juillet 2021. Vers la fin de l’été 2022, elle avait commencé à développer des symptômes de stress post-traumatique, accompagnés de problèmes psychiques. Ces troubles avaient eu un impact significatif sur sa vie quotidienne et sa capacité à se concentrer sur ses études. En février 2023, elle avait entrepris une thérapie contre le trouble de stress post-traumatique. Pendant les épreuves, elle se « sentait déconcentrée, voire absente ». Dans ces circonstances très exceptionnelles, elle ne pensait pas avoir été en mesure d’obtenir les 30 crédits requis pour l’année académique en cours.

b. Le 22 septembre 2023, elle a transmis des attestations médicales datées des 14 et 21 septembre 2023 faisant état de son incapacité à se présenter à des examens universitaires depuis le mois de mai 2023.

c. Le 4 octobre 2023, le directeur du B______ lui a répondu qu’il ne pouvait entrer en matière sur cette demande de dérogation. L’étudiante avait toutefois la possibilité de former opposition aux fins d’obtenir une prise en considération de sa situation particulière.

C. a. Le 4 octobre 2023, l’étudiante a reçu son relevé de notes final l’informant de son élimination du B______ le nombre de crédits exigés au terme de la session d’examens d’août/septembre 2023, soit 9 sur les 30 crédits requis par année d’études, étant « non acquis » au sens de l’art. 26 al. 1 let. b du règlement d’études du BARI du 24 septembre 2020 (ci-après : RE).

Au terme de son année académique 2022-2023, elle n’avait comptabilisé que 24 crédits ECTS au total, sur les 120 crédits nécessaires pour valider la deuxième partie du BARI.

Elle avait notamment obtenu la note de 0.5 en « droit pénal général », en quatrième tentative.

b. Le 9 novembre 2023, l’étudiante a formé opposition à l’encontre du relevé de notes de la session d’examens d’août/septembre 2023 lui notifiant son élimination.

Sa situation était exceptionnelle. En tant que survivante de génocide, elle était atteinte d’un important trouble post-traumatique. Bien qu’elle se soit présentée aux examens de la session de rattrapage, sa situation devait être assimilée à un cas d’absence justifiée, voire de force majeure. Elle invitait le B______ à la considérer « comme n’ayant jamais participé aux examens » de cette session et souhaitait poursuivre ses études.

c. Par décision du 8 décembre 2023, reçue par l’étudiante le 19 décembre 2023, le directeur du B______ a partiellement admis son opposition. Se ralliant au préavis de la commission des oppositions, il a considéré que les circonstances exceptionnelles invoquées par l’étudiante permettaient de lever son élimination. Elle était donc autorisée à poursuivre son cursus. En revanche, il n’était pas possible d’annuler les résultats obtenus aux examens de rattrapage.

d. Le 18 janvier 2024, l’étudiante a sollicité la reconsidération de cette décision. Le maintien de ses résultats d’examens la conduisait inexorablement à une nouvelle élimination.

e. Le 23 janvier 2024, le directeur du B______ a déclaré la demande en reconsidération irrecevable et invité l’étudiante à former recours.

D. a. Par acte du 1er février 2024, l’étudiante a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition du 8 décembre 2023, concluant à son annulation, subsidiairement à l’annulation de son examen de « droit pénal général ». À titre préalable, elle a sollicité son audition.

Au moment de passer les examens de la session d’août/septembre 2023, le trouble de stress post-traumatique s’était brutalement manifesté. Le 14 septembre 2023, soit juste après la session d’examens, elle avait consulté son médecin traitant pour lui faire part de sa situation. Ce dernier avait confirmé qu’au moins depuis le mois de mai 2023, elle n’avait pas été en pleine capacité pour se présenter aux examens, comme cela ressortait de son attestation médicale.

Son droit d’être entendue avait été violé, la décision entreprise n’ayant pas exposé les raisons ayant conduit la commission à refuser de l’excuser pour des justes motifs aux examens de la session de rattrapage.

La décision entreprise était arbitraire. Le caractère exceptionnel de sa situation aurait dû être assimilé à un cas d’absence justifiée. Maintenir les résultats d’examens revenait à ne pas tenir compte des facteurs externes ayant influencé ses résultats et donc, in fine, à nier le caractère exceptionnel de sa situation. Plus spécifiquement, le maintien de sa note de 0.5 en « droit pénal général », matière pour laquelle elle ne disposait pas de tentative supplémentaire, avait des répercussions sur l’ensemble de sa moyenne du module obligatoire « Orientation Droit », mettant d’emblée en péril son cursus d’études dans lequel la direction du B______ l’avait réintégrée, rendant les conditions de réussite nettement plus ardues compte tenu des exigences réglementaires de l’Institut. Si sa note de 0.5 obtenue en « droit pénal général » devait être maintenue, les cinq autres notes devaient individuellement être au moins égales ou supérieures à 4.75. Ce faisant, la moyenne du module atteindrait de justesse la note de 4.041, ne lui laissant aucune marge d’erreur. Pour une étudiante irakienne parlant le français depuis 2021, le défi était considérable et particulièrement difficile à surmonter. Ainsi, le refus de la direction du B______ d’entrer en matière sur l’annulation de ses examens la conduisait « quasi certainement » vers une situation d’échec et donc d’élimination, rendant vaine l’annulation de son élimination.

b. Par réponse du 15 mars 2024, l’université a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.

Admettre l’existence de circonstances exceptionnelles ne signifiait pas pour autant faire abstraction de tous les résultats obtenus à la session de rattrapage, en les annulant purement et simplement. En refusant d’annuler les résultats d’examens de l’étudiante, elle avait valablement appliqué les principes jurisprudentiels en matière d’inaptitude à présenter des évaluations pour raisons de santé. La recourante connaissait son état de santé fragile lorsqu’elle s’était présentée aux examens de mai-juin 2023 puis d’août-septembre 2023. Le certificat médical, présenté bien
au-delà des trois jours de délai réglementaire, avait été produit après avoir pris connaissance de ses résultats via son portail étudiant. Si la note de « droit pénal général » était « figée » pour la poursuite du parcours de l’étudiante, il lui restait des tentatives pour valider les autres cours composant le module obligatoire de l’« Orientation Droit ». Elle pouvait donc valablement poursuivre son cursus.

La violation de son droit d’être entendue, à considérer qu’elle soit établie, devait être considérée comme réparée.

c. Par réplique du 8 mai 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le courrier du 13 septembre 2023 avait été adressé au B______ avant la connaissance de ses résultats. Avant et pendant la session d’examens d’août-septembre 2023, elle était dans un état de déni, l’empêchant de reconnaître les signes précurseurs d’une crise imminente et de se rendre compte qu’elle était inapte à passer les examens. Immédiatement après l’examen, elle avait contacté son médecin traitant, qui lui avait fixé une consultation le 14 septembre 2023.

Elle a produit une attestation d’un thérapeute spécialiste en psychothérapie EMDR daté du 2 mai 2024.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑
LPA ‑ E 5 10).

2.             Se pose la question de la qualité pour recourir de l’étudiante.

2.1 A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, qui doit être propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée, exigence qui s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 138 II 42 consid. 1) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

2.2 Le juge est appelé à trancher des cas concrets, nécessitant que l’administré ait un intérêt actuel et pratique, comme le prévoit l’art. 60 let. b LPA en cas de recours. Il ne lui appartient pas de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas et une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt 1C_423/2018 du 30 juin 2023 consid. 1.1).

2.3 En matière de formation et de contestation de résultats d'examens, la chambre administrative a jugé irrecevable par défaut d'intérêt pratique un recours interjeté par une étudiante de l'université qui contestait des notes, pourtant bien supérieures à la moyenne, attribuées pour la rédaction et la soutenance de sa thèse de doctorat. L'intérêt au recours invoqué, soit le risque que ces notes (5 et 5.5) entravent son avenir académique en Chine ou aux États-Unis restait du domaine de l'hypothèse, sans que l'existence d'un préjudice concret soit établie (ATA/130/2016 du 9 février 2016 consid. 2c).

La chambre administrative a de même déclaré irrecevable le recours d'une étudiante en formation gymnasiale au collège de Genève en lien avec l'obtention d'une note de 2.5 à l'examen oral de mathématiques, certes inférieure à la note de 4 considérée comme la note minimale suffisante et la moyenne qu'elle a obtenue en mathématiques à l'issue des examens de maturité étant inférieure à la moyenne minimale requise pour être considérée comme suffisante pour l'obtention de la maturité. Néanmoins, la recourante avait pu obtenir sa maturité, en dépit de cette insuffisance, conformément aux critères de promotion applicables. Quand bien même elle soutenait que cette note très basse obèrerait ses chances d'accéder à plusieurs universités étrangères, elle invoquait cependant cet argument in abstracto, sans apporter d'éléments démontrant qu'elle se trouverait concrètement dans une telle situation désavantageuse. Dans ces circonstances, en l'absence d'intérêt pratique particulier à l'admission du recours, aucun intérêt digne de protection à recourir ne pouvait lui être reconnu. Rien ne permettait de plus de conclure que la note 2.5 constituait à elle seule la cause de la moyenne insuffisante susmentionnée (ATA/53/2017 du 23 janvier 2017).

2.4 Selon l'art. 10 RE, les études du BARI sont divisées en deux parties (al. 2). La première partie correspond aux deux premiers semestres d'études et permet d'acquérir 60 crédits (al. 3). La deuxième partie correspond à quatre autres semestres et permet d'acquérir 120 crédits (al. 3). Pour obtenir le baccalauréat, l'étudiant doit donc acquérir un total de 180 crédits, conformément au plan d'études (al. 5).

Selon l’art. 25 al. 1 RE, la deuxième partie est réussie si l’étudiant obtient, conformément au plan d’études qui lui est applicable, une moyenne égale ou supérieure à 4.00 à chacun des modules et aucun « Non ». La moyenne de chaque module se calcule sur l’ensemble des notes obtenues au sein du module (al. 2).

À teneur de l'art. 21 al. 1 let. a RE, l'étudiant qui n'a pas acquis au moins 30 crédits lors des deux semestres d'études de l'année en cours, et ce, au plus tard à l'issue de la session extraordinaire, subit un échec définitif et est éliminé par décision du directeur du B______ (cf. aussi art. 26 al. 1 let. b RE).

2.5 En l’espèce, la recourante a obtenu partiellement gain de cause dans le cadre de son opposition. La décision d’élimination du 4 octobre 2023 a été annulée et elle a été autorisée poursuivre son cursus en deuxième partie du BARI. La question se pose donc de savoir si l’intéressée a encore un intérêt pratique à l’admission de son recours.

La recourante considère que tel est le cas en l’occurrence, puisque le refus d’annuler les résultats d’examens obtenus lors de la session d’août-septembre 2023 met en péril son cursus d’études, rendant ses conditions de réussite nettement plus ardues. Avec cet argument, la recourante procède toutefois à un raisonnement hypothétique de ses chances de réussite. Comme elle l’admet elle-même, pour réussir son cursus malgré la note de 0.5 obtenue en dernière tentative à l’examen de « droit pénal général », l’inéressée devrait obtenir des notes supérieures ou égales à 4.75 dans chacun des autres examens du module « Orientation Droit ». On ne saurait dès lors considérer, comme le fait la recourante, que le refus d’annuler sa session d’examens rend vaine toute tentative de réussite. Ainsi, à ce stade, il n’apparait pas encore possible de déterminer si la recourante est concrètement lésée par le maintien des notes obtenues lors de la session litigieuse, étant rappelé que la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas.

Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise au vu de ce qui suit.

3.             Invoquant une violation de son droit d’être entendue, la recourante se plaint de ce que la décision contestée ne contient aucune motivation quant au refus de l’excuser aux examens de la session de rattrapage d’août-septembre 2023.

3.1 Le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

3.2 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 et 67 LPA), lequel implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

3.3 En l’occurrence, la décision entreprise se contente d’informer la recourante que la commission chargée d’instruire les oppositions était d’avis de rejeter sa demande d’être excusée pour des justes motifs aux examens de la session de rattrapage. Devant la chambre de céans, l’autorité intimée prétend que dans la mesure où la recourante s’était présentée à six examens durant cette session, il était évident qu’elle ne pouvait être excusée a posteriori. Point n’est toutefois besoin de déterminer si, comme le semble alléguer l’intimée, pareille motivation ressortait implicitement de la décision litigieuse. Une éventuelle violation du droit d'être entendu devrait, quoi qu’il en soit, être considérée comme réparée devant la chambre de céans, celle-ci disposant comme précédemment exposé d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit.

4.             Invoquant une violation de l’interdiction de l’arbitraire, la recourante soutient que la décision entreprise est contradictoire, incohérente et insoutenable dans son résultat.

4.1 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3).

4.2 Selon l’art. 16 RE, l’étudiant qui ne se présente pas à un examen et qui peut se prévaloir d’un cas de force majeure adresse immédiatement au directeur une requête écrite, accompagnée des pièces justificatives (al. 2). Lorsqu’un étudiant tombe malade ou qu’il est accidenté, il doit produire un certificat médical original pertinent. Ce dernier doit être produit dans un délai de trois jours au plus à compter de l’empêchement, sauf cas de force majeure. Durant la période couverte par le certificat médical, l’étudiant n’est pas autorisé à se présenter à des examens (al. 3).

4.3 L'art. 58 al. 4 du statut de l’Université du 22 juin 2011 (ci-après : statut) prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/121/2018 du 6 février 2018 ; ATA/994/2016 du 22 novembre 2016 ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016).

Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l'annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l'étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l'annulation des résultats obtenus (ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 précité ; ATA/424/2011 du 28 juin 2011). Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen.

Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l'examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n'apparaît qu'au moment de l'examen, sans qu'il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l'examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l'annulation des résultats d'examens ; aucun symptôme n'est visible durant l'examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l'examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l'absence de symptômes visibles, permet à l'évidence de conclure à l'existence d'un rapport de causalité avec l'échec à l'examen ; l'échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d'examens dans son ensemble (arrêt du Tribunal administratif fédéral B 6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/160/2020 du 11 février 2020 et les références citées).

4.4 Dans l'exercice de ses compétences, toute autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, que ce respect soit imposé par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ou, de manière plus générale, par l'art. 5 al. 2 Cst., dans ses trois composantes, à savoir l'aptitude, la nécessité et la proportionnalité au sens étroit. Ainsi, une mesure étatique doit être apte à atteindre le but d'intérêt public visé, être nécessaire pour que ce but puisse être réalisé, et enfin être dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits des particuliers qu'elle entraîne (ATF 136 I 87 consid. 3.2 ; 135 I 176 consid. 8.1 ; ATA/832/2013 du 17 décembre 2013 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 197 ss n. 550 ss).

4.5 Dans la décision entreprise, l’intimée a annulé la décision d’élimination de la recourante au motif qu’elle pouvait se prévaloir de circonstances exceptionnelles. Elle a toutefois refusé d’annuler les résultats obtenus lors de la session de rattrapage d’août-septembre 2023.

Devant la chambre de céans, la recourante qualifie cette décision d’incohérente, puisqu’elle met d’emblée en péril son cursus d’études dans lequel elle a pourtant été réintégrée.

Ce raisonnement ne peut être suivi. Il n’est pas contesté qu’au terme de l’année académique 2022-2023, la recourante s’est trouvée en situation d’élimination du B______ dans la mesure où elle n’avait pas réussi à acquérir le minimum de 30 crédits ECTS requis par année d’études (art. 26 al. 1 le. b RE). Suivant le préavis de la commission des oppositions, le directeur du B______ a toutefois considéré qu’il y avait lieu de retenir des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut. Il a en conséquence annulé son élimination et autorisé la recourante à poursuivre son parcours. Il lui reste ainsi à valider les autres cours composant le module obligatoire de l’« Orientation Droit », étant précisé que seul l’enseignement de « droit pénal général » a été échoué en dernière tentative.

Comme l’a relevé l’autorité intimée, admettre l’existence de circonstances exceptionnelles ne signifie pas pour autant faire abstraction de tous les résultats obtenus par la recourante à la session d’examens de rattrapage. Au contraire, en maintenant les résultats obtenus, l’intimée a procédé à une application correcte des conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer un motif d’empêchement après l’examen.

Il n’est en effet pas contesté que la recourante a commencé à développer des symptômes indiquant des troubles psychiques de stress post-traumatique et des troubles psychiques vers la fin de l’été 2022. Elle a entrepris une thérapie contre le syndrome de stress post-traumatique dès le mois de février 2023. Elle savait ainsi que son état de santé était fragile lorsqu’elle s’est présentée aux examens
d’août-septembre 2023. Dans son courrier du 13 septembre 2023, la recourante a d’ailleurs admis avoir été « dans un état qui ne [lui] permettait pas de présenter les épreuves comme il aurait fallu, mais malgré cela, [elle] tenait à les passer ». Or c’est précisément ce reproche qui lui est formulé en l’occurrence. En effet, si la recourante estimait ne pas être apte à se présenter à l'un des examens de la session pour des raisons médicales, il lui aurait appartenu de s’en prévaloir avant ou pendant l’examen. Le risque qu’elle a pris en se présentant aux examens litigieux et en attendant les résultats avant d’y faire opposition lui est partant opposable. Elle connaissait au demeurant la procédure applicable dans un tel cas pour avoir été excusée pour raisons médicales à cinq évaluations auxquelles elle s’était inscrite à la session d’examens d’août-septembre 2022.

S’ajoute à cela que la recourante n’a pas démontré avoir consulté un médecin immédiatement après les examens litigieux. Elle a certes informé le directeur du B______ de sa situation médicale avant de recevoir les résultats de ses examens. Il n’en demeure pas moins que le certificat médical produit suite aux examens litigieux date du 14 septembre 2023, soit plus de trois semaines après le premier examen du 21 août 2023. Quoi qu’en dise la recourante, tant l’art. 16 al. 3 RE que la jurisprudence relative aux circonstances exceptionnelles exige une consultation immédiate. Ainsi, le fait – aucunement démontré – qu’elle aurait immédiatement téléphoné à son médecin traitant qui lui aurait fixé une consultation trois semaines après est sans pertinence. La chambre de céans constate au demeurant que la recourante n’a aucunement mentionné avoir pris rendez-vous avec son médecin traitant dans son courrier du 13 septembre 2023, alors même que la consultation était prévue le lendemain. Enfin, l’intimée a expliqué, sans avoir été contestée sur ce point, que le certificat médical était postérieur à la publication des résultats d’examens via le portail étudiant. On ne peut ainsi exclure qu’il ait été délivré pour les besoins de la cause. C’est partant à juste titre que l’intimée a retenu que le certificat médical en cause avait été produit tardivement.

Les conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer un motif d’empêchement après l’examen n’étant pas réalisées, c’est sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’intimée a retenu que la recourante ne remplissait pas les conditions permettant d’admettre une inaptitude à présenter les examens litigieux. Contrairement à ce qu’elle soutient, un tel résultat est exempt d’arbitraire. Comme exposé ci-avant, il n’est pas contesté que pour réussir son cursus malgré la note de 0.5 obtenue en dernière tentative à l’examen de « droit pénal général », la recourante devrait obtenir des notes supérieures ou égales à 4.75 dans chacun des autres examens du module « Orientation Droit ». Ainsi, quoi qu’elle en dise, la recourante ne se trouve pas dans une situation d’échec assuré. En annulant son élimination, l’autorité lui a accordé une nouvelle possibilité de valider les autres cours composant le module obligatoire de l’« Orientation Droit » et d’obtenir une moyenne égale ou supérieure à 4.00 à ce module lui permettant d’obtenir en bloc les crédits ECTS de celui-ci (art. 25 al. 1 RE). Une telle solution ménage un juste équilibre entre, d’une part, l’obligation de respecter l’égalité de traitement entre les candidats, et, d’autre part, l’intérêt privé de la recourante à la prise en compte de sa situation personnelle.

Enfin, en tant que la recourante reproche à l’intimée de ne pas l’avoir excusée de la session de rattrapage d’août-septembre 2023, son grief est sans fondement. Il ressort en effet du texte clair de l’art. 16 RE que seules les absences peuvent être excusées. Or, dans la mesure où la recourante s’est présentée à tous les examens de la session litigieuse, elle ne peut pas prétendre à une absence justifiée.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, en tant qu’il est recevable. Au vu de ces éléments et par appréciation anticipée des preuves (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1), la chambre de céans ne donnera pas suite à la demande de comparution personnelle, étant précisé que la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à diverses reprises afin de faire valoir sa position, ainsi que de produire toutes les pièces utiles – dont les documents médicaux – et qu’elle n’indique pas en quoi son audition permettrait d'apporter un élément décisif supplémentaire par rapport aux explications déjà fournies.

5.             Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, la recourante plaidant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 1er février 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 8 décembre 2023 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc-Ariel ZACHARIA, avocat de la recourante ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :