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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1090/2022

ATA/44/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/996/2022 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;SÉJOUR ILLÉGAL;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.83.al1; LEI.96.al1; OASA.31.al1
Résumé : Recours d'un ressortissant kosovar, né en 1995, en Suisse depuis 2015. Le recourant travaille depuis 2015 dans le secteur de la peinture, n’a pas recouru à l’aide sociale, n’a pas de dettes, n'a jamais émargé à l'aide sociale et parle le français. Il a fait l'objet de condamnations pénales, dont l’une pour séjour illégal, faux dans les titres, représentation de la violence, infraction à la LAMal. L'intégration sociale n’est pas exceptionnelle. Le refus de l'OCPM de délivrer l'autorisation de séjour requise pour cas de rigueur n'est pas constitutif d'un excès ou abus du pouvoir d'appréciation, les conditions posées par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA n’étant pas remplies. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1090/2022-PE ATA/44/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
26 septembre 2022 (JTAPI/996/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1995, célibataire, ressortissant du Kosovo, séjourne en Suisse depuis 2015.

b. Selon l’extrait du compte individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation, M. A______ a travaillé à Genève à partir du mois de juillet 2015. Il n’a bénéficié d’aucune aide financière de la part de l’Hospice général et ne fait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens.

B. a. Par demande du 3 décembre 2018, complétée le 27 décembre 2019, M. A______ a sollicité la régularisation de ses conditions de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Dans ce cadre, il a notamment déclaré être arrivé en Suisse en 2009 et a produit de nombreux documents, dont des attestations de tiers certifiant l’avoir logé en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des fiches de salaire pour les mois de novembre 2013 à février 2014.

b. Le 28 avril 2020, l’OCPM a dénoncé M. A______ au Ministère public, après avoir constaté que les décomptes de salaire avaient été établis par une entreprise qui apparaissait dans de nombreux dossiers « Papyrus » et mentionnaient des taux de cotisations erronés.

c. Par ordonnance pénale du 4 décembre 2021, entrée en force, le Ministère public a reconnu M. A______ coupable d’infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c et
118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de faux dans les titres au sens de l’art. 251 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), de représentation de la violence au sens de l’art. 135 al. 1 CP, et d’infraction à l’art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Il l’a condamné à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende à CHF 90.- le jour, assortie du sursis, à un délai d’épreuve de trois ans et à une amende de CHF 2'700.-.

d. Par décision du 4 mars 2022, l’OCPM a confirmé son projet de décision du
17 janvier 2022 et refusé d’accéder à la requête de M. A______ et de transmettre son dossier avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM). Il a prononcé le renvoi de l’intéressé de Suisse et lui a imparti un délai au 4 mai 2022 pour quitter le territoire helvétique.

C. a. En date du 4 avril 2022, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée. Il a notamment reconnu n’être arrivé en Suisse qu’en 2015 et a soutenu que les faux documents produits à l’appui de sa demande avaient été établis à son insu, par un tiers qui s’était fait passer pour un avocat, et que cette unique condamnation pénale résultait de son séjour illégal qu’il entendait régulariser. Il vivait à Genève depuis plus de sept ans, maîtrisait le français, était bien intégré et n’avait pas de poursuites. Il avait travaillé pour subvenir à ses besoins sans jamais dépendre de l’aide sociale.

 

Il a joint à son recours plusieurs lettres de soutien signées par son employeur, des amis, des collègues et des membres de sa famille, relevant ses capacités professionnelles, son caractère respectueux et ses connaissances de la langue française.

b. Le 1er juin 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, M. A______ a maintenu qu’il répondait aux exigences d’un cas de rigueur en raison de sa présence en Suisse depuis plus de sept ans. S’agissant de sa condamnation pénale, il a rappelé avoir été abusé par un tiers.

d. Dans sa duplique, l’OCPM a persisté et souligné que l’intéressé ne se trouvait pas dans une situation personnelle d’extrême gravité, notamment du fait que sa réintégration au Kosovo n’était pas fortement compromise.

e. Par jugement du 26 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours de M. A______, considérant que l’OCPM n’avait pas violé la législation applicable, son appréciation de la situation de l’intéressé étant défendable et, partant, admissible.

D. a. Par acte du 27 octobre 2022, M. A______ a recouru par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée. Le recourant a repris l’argumentation développée devant le TAPI, auquel il a reproché de ne pas avoir considéré que son intégration était particulièrement aboutie. Il a soutenu que son long séjour en Suisse rendait désormais très difficile sa réintégration dans son pays d’origine, où il n’avait passé que deux ans du début de sa vie d’adulte et où il avait perdu ses contacts.

Le recourant a joint plusieurs courriers de personnes attestant de son intégration en Suisse.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Après une première ordonnance pénale en mars 2015, le Ministère public l’avait reconnu coupable de production de faux documents en décembre 2021. Le recourant conservait des attaches au Kosovo au vu des visas de retour sollicités. Il ne satisfaisait manifestement pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de l’ « opération Papyrus ».

c. Dans sa réplique du 12 décembre 2022, le recourant a soutenu que sa condamnation pénale résultait d’une tromperie de la part d’un « faux avocat » qui avait profité de sa candeur et de sa situation de séjour irrégulière. Les infractions relatives à un tel séjour n’étaient pas pertinentes pour l’examen d’un cas de rigueur. Un tel cas était admis lorsque l’intégration d’un étranger était réussie et permettait de lui accorder une autorisation de séjour dérogatoire, lorsque l’étranger était actif professionnellement en Suisse, qu’il disposait d’un emploi fixe, qu’il avait toujours été indépendant financièrement, qu’il se comportait correctement et maîtrisait la langue française. Dans une telle situation, il fallait des éléments sérieux pour nier une intégration réussie. De plus, la durée du séjour en Suisse constituait l’un des critères importants à prendre en compte lors de l’examen du cas d’extrême gravité. Son intégration devait être considérée comme particulièrement aboutie, du simple fait déjà de son long séjour en Suisse.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

3.             Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du
24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 
2C_1075/2019 du 21 avril 2020
consid. 1.1).

La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

4.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Selon l'art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018), qui précise cette disposition, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

4.2 Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200
consid. 4 ; ATF 124 II 110 consid. 2 ; ATA/138/2022 du 8 février 2022 consid. 5b).

4.2.1 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 et 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020
consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 et 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

4.2.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

4.2.3 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du
15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée
(ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

4.3 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

4.4 L'« opération Papyrus », développée par le canton de Genève, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé
« Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote « Papyrus », le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L' « opération Papyrus » étant un processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-725/2021 du 4 juillet 2022 consid. 6.7 ; ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

5.             5.1 En l'espèce, après avoir allégué qu’il était arrivé en Suisse en 2009, le recourant a admis n’être venu qu’au début de l’année 2015. Il ne répondait donc pas, au
31 décembre 2018, à l’exigence d’un séjour ininterrompu de dix ans, exigence requise des personnes célibataires sans enfants pour bénéficier de l’« opération Papyrus ».

5.2 En ce qui concerne les conditions permettant de retenir un cas de rigueur, il est rappelé que le séjour du recourant en Suisse, d’une durée de moins de quatre ans lors du dépôt de sa demande de régularisation et de sept ans lors du prononcé de la décision de l’intimé, s’est déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration.

Sur le plan professionnel et financier, le recourant travaille depuis 2015, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément est à mettre au crédit de l’intéressé, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Par ailleurs, l’activité du recourant dans le secteur de la peinture n’est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par le recourant en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Le recourant parle français avec un niveau A2 CECRL (cadre européen de référence pour les langues) et a produit plusieurs lettres de soutien, établies par des personnes qu’il côtoie régulièrement, qui portent essentiellement sur l’appréciation de sa personnalité et qui attestent de son intégration. L’intéressé ne fait cependant pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts, et il n’allègue ni n’établit qu’il se serait investi dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Il ne peut dès lors être retenu qu'il fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2). En outre, le recourant a fait l’objet d’une condamnation pénale le 4 décembre 2021. Contrairement à ce qu’il soutient, les infractions pour lesquelles il a été condamné ne concernent pas uniquement son séjour irrégulier puisque le Ministère public a également retenu qu’il avait donné de fausses informations et produit des documents falsifiés dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour, qu’il avait détenu dans son téléphone portable une vidéo portant gravement atteinte à la dignité humaine et dans laquelle une femme se faisait poignarder et décapiter, et qu’il n’avait pas souscrit à une assurance-maladie durant toute la durée de son séjour. Cette condamnation, qui dénote un mépris certain pour les institutions du pays, a directement trait à l’un des critères permettant de retenir une intégration sociale réussie, soit celui de respecter l’ordre public.

La réintégration du recourant au Kosovo n’est pas gravement compromise. En effet, il y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il en maîtrise la langue et connait les us et coutumes. Il entretient des contacts réguliers avec sa famille et des proches, comme en attestent ses multiples demandes de visas de retour depuis le dépôt de sa demande pour rendre visite à sa famille, assister à des obsèques ou encore au mariage d’un proche. Malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut donc lui être devenu étranger. Âgé de 27 ans et en bonne santé, il ne devrait pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, pouvant se prévaloir de son expérience professionnelle acquise en Suisse et de ses connaissances de la langue française.

5.3 Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même un retour dans son pays d'origine est susceptible d’engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

5.4 Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

6.             Il convient encore d’examiner le bien-fondé du renvoi du recourant.

6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

Le renvoi d'un étranger en application de l’art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

6.2 En l’occurrence, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi.

Pour le surplus, le recourant n'allègue pas que le retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

6.3 Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Jodry

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.