Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/154/2016 du 23.02.2016 ( LIPAD ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/170/2015-LIPAD ATA/154/2016 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 février 2016 |
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dans la cause
Monsieur A______
représenté par Me Sylvain Métille, avocat
contre
UNIVERSITÉ DE GENÈVE
1) B______, C______ et D ______ sont des maisons d’édition actives notamment dans le domaine des publications scientifiques (ci-après : les revues).
2) Le Consortium des bibliothèques universitaires suisses (ci-après : le consortium) regroupe les universités cantonales, les écoles polytechniques fédérales (ci-après : EPF), les hautes écoles spécialisées, plusieurs hautes écoles pédagogiques, la bibliothèque nationale ainsi que d’autres institutions publiques. Sa mission consiste en la conclusion de licences de produits d’information électronique (périodiques, bases de données, livres électroniques) pour le compte des bibliothèques partenaires, notamment avec B______, C ______ et D ______.
3) Le 23 juin 2014, Monsieur A______ a demandé à l’Université de Genève (ci-après : l’université) de lui donner accès aux « documents (par exemple offres, factures ou contrats) qui indiquent combien l’université a payé ou payera aux éditeurs suivants pendant 2010-2016 : B______, C ______, D ______ », en application du principe de la transparence.
4) M. A______ a présenté des demandes similaires auprès d’autres universités suisses ainsi qu’auprès de E______, des EPF et du consortium.
5) Le 14 juillet 2014, l’université a refusé de donner à M. A______ accès aux documents sollicités, des intérêts prépondérants de tiers s’y opposant, sous peine de révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique au sens de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).
6) Le 21 juillet 2014, M. A______ a déposé une demande de médiation auprès du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé cantonal) suite au refus de l’université. Les dépenses de celle-ci ne constituaient pas des secrets professionnels, les maisons d’édition concernées ne se prévalant du caractère confidentiel des contrats conclus avec le consortium que pour entraver la concurrence, ce qui n’était pas acceptable.
7) Le préposé cantonal a invité M. A______ et l’université à une séance de médiation qui s’est tenue le 12 septembre 2014, à l’issue de laquelle aucun terrain d’entente n’a été trouvé.
8) Le 20 novembre 2014, le préposé cantonal a recommandé à l’université de permettre à M. A______ l’accès aux documents sollicités.
Les contrats conclus par le consortium, qui représentait les institutions partenaires, avec les maisons d’édition contenaient tous une clause de confidentialité, laquelle ne pouvait faire échec au principe de la transparence, sous peine de le vider de sa substance. La caractère secret ou public d’un document était ainsi une qualification qui relevait de la loi et échappait à la seule volonté des parties. En matière de gestion financière des institutions, domaine dans lequel la transparence devait être importante, les clauses de confidentialité ne pouvaient déployer d’effet juridique pour l’accès aux documents à la demande des particuliers. L’invocation d’une exception à ce principe n’était pas non plus suffisante pour que l’institution publique concernée puisse s’affranchir de cette obligation, l’information ne devant rester secrète que si sa divulgation représentait un risque réel et clairement identifiable de porter gravement atteinte à un intérêt des maisons d’édition, ce qui n’avait pas été démontré.
9) Par décision du 5 décembre 2014, l’université a confirmé son refus de donner à M. A______ l’accès aux « documents (par exemple offres, factures ou contrats) qui indiquent combien l’université a payé ou payera aux éditeurs suivants pendant 2010-2016 : B______, C ______, D ______ ».
Le préposé cantonal avait omis de prendre en compte ses intérêts, soit les risques, réels et identifiables, d’une résiliation anticipée des contrats ou d’actions judiciaires intentées à son encontre par les maisons d’édition pour violation des clauses de confidentialité, lesquelles lui étaient opposables et l’empêchaient de donner accès à M. A______ aux documents sollicités. Elle s’exposait en particulier à ce que l’ensemble de ses chercheurs soient privés de l’accès à des bases de données et à des périodiques électroniques indispensables à leurs travaux, de même qu’à des actions judiciaires liées à des clauses d’élection de for à l’étranger. Il en résultait que ses intérêts l’emportaient clairement sur ceux de M. A______. De manière générale, si une réflexion sur le bien-fondé des clauses de confidentialité s’imposait, elle devait se faire dans le cadre de la renégociation des contrats, mais ne pouvait justifier une violation de ceux en cours.
10) Par acte du 19 janvier 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, « avec suite de dépens », à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’université de lui donner, dans les dix jours suivant l’entrée en force de la décision, accès aux « documents (par exemple offres, factures ou contrats) qui indiquent combien l’université a payé ou payera aux éditeurs suivants pendant 2010-2016 : B______, C ______, D ______ ».
Les documents auxquels il demandait l’accès étaient en possession d’une institution et relevaient des tâches publiques exercées par l’université. Un tiers ne pouvait se substituer au législateur et prévoir des clauses contractuelles visant à entraver l’application de la loi, pas plus que l’université ne pouvait s’engager dans ce sens. Ces clauses de confidentialité ne pouvaient ainsi empêcher l’accès aux documents à la demande des particuliers. À ce titre, les exceptions invoquées par l’université, outre leur absence de motivation, n’étaient pas réalisées, à défaut d’information couvertes par les secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, bancaire ou statistique ou de nature à mettre en péril ses intérêts patrimoniaux.
Les maisons d’édition, cotées en bourse, rendaient déjà publiques de nombreuses informations financières, les prix pratiqués étant également connus de différentes universités au niveau interne par le biais du consortium et au plan international en raison de leur publication, notamment au Royaume-Uni ou aux États-Unis, de sorte qu’elles ne pouvaient se prévaloir d’aucun secret d’affaires. L’intérêt public à la transparence était ainsi prépondérant, ce d’autant que les maisons d’édition, qui connaissaient les risques liés à la fourniture de prestations à une institution publique, se voyaient octroyer des avantages importants en vendant des abonnements à leurs revues, le fait que les contrats puissent être résiliés n’étant pas déterminant.
11) a. Dans sa réponse du 20 février 2014, l’université a conclu, « avec suite de dépens », préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à décision connue du préposé fédéral dans les procédures opposant M. A______ à E______, aux EPF et au consortium et, sur le fond, à la confirmation de la décision entreprise.
Consultées en 2014 suite aux demandes d’accès aux contrats de M. A______, les maisons d’édition concernées s’étaient fermement opposées à la communication des données réclamées, tout en insistant sur les clauses de confidentialité y figurant. Après que M. A______ eut publié, sur son « blog », les données communiquées par l’Université de la Suisse italienne (ci-après : USI), les maisons d’édition avaient vivement réagi, indiquant au consortium que la communication de telles données, sans leur accord et en l’absence de disposition légale impérative, était constitutive d’une violation matérielle des obligations contractuelles. Le consortium avait alors informé l’ensemble des bibliothèques partenaires de la situation, leur enjoignant de respecter scrupuleusement les engagements contractuels souscrits, ce dont l’université ne pouvait que prendre acte. Les clauses de confidentialité lui étaient opposables et interdisaient expressément la communication à des tiers du contenu, même partiel, des engagements conclus avec les maisons d’édition, sous peine de s’exposer à une résiliation anticipée des contrats de licence ou à une suspension des prestations, de manière à priver l’ensemble des chercheurs de l’accès aux bases de données essentielles à l’accomplissement de leurs travaux. Il était également à craindre que les renégociations des contrats avec les maisons d’édition, devant intervenir entre 2015 et 2016, soient de la sorte compromises. Ces risques, réels et identifiables, devaient l’emporter sur l’intérêt de M. A______ à recevoir les informations sollicitées, ce qu’avait d’ailleurs retenu la commission de recours de l’Université de Bâle suite à une requête similaire de l’intéressé. En présentant de telles demandes, M. A______ méconnaissait la situation prévalant sur le marché de l’édition scientifique et les difficultés rencontrées par les universités lors des négociations avec les maisons d’édition, qui se trouvaient dans une situation de monopole. Le monde académique n’était pas pour autant resté inactif, puisque des universités étrangères avaient réussi à négocier des contrats de licence sans clause de confidentialité. Par ailleurs, l’alliance entre les diverses institutions suisses dans le cadre du consortium, créée dans un but de bonne et saine gestion des deniers publics, avait déjà permis d’obtenir des conditions plus favorables, de sorte qu’il était préférable que des conditions contractuelles conformes au principe de la transparence soient négociées par son entremise.
b. L’université a joint à ses écritures un chargé de pièces, comportant notamment :
- un courrier du 13 août 2014 de D ______ au consortium s’opposant, en vertu de la clause de confidentialité, à la demande de consultation des contrats et licences conclus, son intérêt privé l’emportant sur celui, public, à la transparence ;
- un courrier du 18 août 2014 de C ______ au consortium s’opposant, en raison du secret d’affaires et de la clause de confidentialité, à la publication des contrats de licence, sous peine de porter préjudice à la libre concurrence, qui renseignaient également sur le modèle d’affaires appliqués par l’entreprise, ses intérêts étant prépondérants ;
- un courriel du 19 août 2014 de B______ au consortium s’opposant à la publication du contenu des contrats, confidentiel en vertu du secret des affaires, sous peine d’entraîner une distorsion de concurrence ;
- un courrier du 31 octobre 2014 de B______ informant le consortium qu’elle avait appris que l’USI avait divulgué à un tiers, sans son accord et en l’absence de disposition légale impérative, des informations confidentielles au sujet des contrats de licence, en violation de ses obligations contractuelles, situation engageant sa responsabilité. Elle lui enjoignait de confirmer que toutes mesures avaient été prises pour éviter la répétition d’un tel incident dans le futur ;
- un courriel du 2 décembre 2014 du consortium aux établissements partenaires leur rappelant que les contrats conclus avec les maisons d’édition les empêchaient, en vertu de la clause de confidentialité qu’ils contenaient, de dévoiler leur contenu. Même si cette situation prêtait le flanc à la critique, elle ne les dispensait pas du respect de la teneur des contrats en cours, sous peine d’une rupture du consortium, surtout après la communication des données confidentielles par l’USI ;
- la décision de la commission de recours de l’Université de Bâle du 19 décembre 2014 rejetant le recours de M. A______ contre la décision de cette université, qui lui avait refusé le droit d’accès aux contrats conclus avec les maisons d’édition ;
- un extrait du « blog » de M. A______ consacré à son activité visant à obtenir plus de transparence dans le cadre des contrats conclus par le monde académique avec les maisons éditant les revues scientifiques.
12) Le 25 février 2015, le juge délégué a écrit au préposé fédéral, lui demandant de lui confirmer l’existence et, si possible, la nature de la procédure ainsi que la date approximative envisagée pour la prise de décision dans la cause opposant M. A______ à E______, aux EPF et au consortium.
13) Le 11 mars 2015, le préposé fédéral lui a répondu qu’une première séance de médiation devait bientôt avoir lieu et qu’une décision serait probablement rendue durant l’été.
14) Le 13 mars 2015, M. A______ a produit des écritures spontanées.
15) Le 18 mars 2015, le juge délégué a retourné à M. A______ ces écritures, lui rappelant qu’il avait été invité à se prononcer sur la seule requête en suspension de la procédure et non à répliquer sur le fond de la cause.
16) Le 20 mars 2015, M. A______ s’est opposé à la suspension de la procédure, qui n’avait pas de lien avec celle pendante par-devant le préposé fédéral, en l’absence d’identité des parties et des dispositions légales applicables. La demande était au surplus injustifiée, dans la mesure où elle visait uniquement à retarder l’issue de la présente cause afin de permettre une renégociation des contrats par le consortium.
17) Le 23 mars 2015, M. A______ a produit de nouvelles écritures spontanées.
18) Le 7 avril 2015, le juge délégué a retourné à M. A______ ces écritures, précisant qu’en fonction de l’évolution de la procédure, il serait invité à se déterminer lors d’un second échange d’écritures ou pourrait exercer son droit à la réplique en temps utile.
19) Le même jour, le juge délégué a requis de l’université la production des documents demandés par M. A______, à savoir les contrats en cours conclus avec B______, C ______ et D ______.
20) Le 16 avril 2015, l’université a transmis au juge délégué les documents contractuels en cours conclus entre le consortium d’une part, agissant pour le compte des institutions partenaires, et les maisons d’édition d’autre part, comportant notamment la mention des produits fournis ainsi que leur support, le cercle des bénéficiaires, le mode de consultation ainsi qu’en annexe, la liste des revues publiées, de même que les abonnements souscrits par chaque institution partenaire et leurs prix. Ces documents contiennent en outre les éléments suivants :
- une clause n° 7.8 « confidentiality » dans le contrat conclu avec B______ en décembre 2013, aux termes de laquelle le preneur de licence et ses auxiliaires devaient garder confidentielles et ne pas révéler à un tiers les termes financiers et commerciaux de l’accord ;
- une clause n° 7.1 « Vertraulichkeit » dans le contrat conclu avec C ______ en novembre 2014, selon laquelle les termes du contrat ne devaient pas être divulgués, hormis sur la base de dispositions légales applicables, une mesure de contrainte régulièrement ordonnée, une décision judiciaire ou dans toute autre situation dans laquelle des informations pouvaient être requises par les autorités ;
- une clause « confidentiality provisions » dans le contrat conclu avec D ______ en 2010, aux termes de laquelle le preneur de licence s’engageait à prendre des mesures pour empêcher la divulgation des informations confidentielles du contrat, sauf dans les cas dans lesquels une révélation de son contenu était commandée par la loi.
Ces documents ont été soustraits à la consultation.
21) Le 7 mai 2015, le juge délégué a ordonné l’appel en cause de B______, C ______ et D ______, leur impartissant un délai pour se déterminer sur le recours.
22) Le 11 juin 2015, D ______ a répondu au juge délégué que l’appel en cause n’était pas valable, à défaut d’avoir été notifiée par voie diplomatique.
B______ et C ______ n'ont quant à eux pas réagi.
23) Le 10 juillet 2015, le préposé fédéral a recommandé aux EPF, à E______ et au consortium de permettre à M. A______ l’accès aux documents relatifs aux prix payés par les deux premières institutions à B______, C ______ et D ______ entre 2010 et 2016 pour les abonnements à leurs revues.
L’existence d’une relation de concurrence classique était douteuse, les maisons d’édition concernées dominant le marché par le biais de publications très spécialisées, auxquelles il n’existait pas d’autre alternative. Il en résultait que les bibliothèques intéressées par les revues en cause n’avaient d’autre possibilité que de s’adresser à elles. Il en allait de même du secret d’affaires dont se prévalaient les institutions concernées, lesquelles n’avaient au demeurant pas démontré la réalisation du risque qu’elles invoquaient autrement que par la clause de confidentialité qui les liait, dès lors qu’il s’agissait uniquement de l’accès aux prix fixés entre une autorité et des privés. Il existait ainsi un intérêt public prépondérant à la publication des contrats entre les éditeurs et les institutions publiques concernées, en particulier aux fins de créer un climat de confiance entre les citoyens et les autorités s’agissant de l’utilisation des deniers publics.
24) Par décision du 5 octobre 2015, le juge délégué a ordonné la mise hors de cause de B______, C ______ et D ______ au vu de l’absence de réaction des deux premières et de la réponse fournie par la troisième, leur participation effective à la procédure étant impossible sans retarder indûment son issue.
25) Le 23 octobre 2015, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 20 novembre 2015 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
26) a. Le 19 novembre 2015, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours.
Il reprenait les arguments figurant dans ses précédentes écritures, précisant que l’université était directement liée par le contrat conclu en son nom par le consortium, lequel s’était limité à la représenter dans le cadre des négociations avec les maisons d’édition. Les contrats conclus avec celles-ci réservaient d’ailleurs le cas d’une obligation légale d’accès aux informations qu’ils contenaient, sur la base du droit impératif, précisément dans les situations dans lesquelles, en application des lois liées à la transparence de l’activité étatique, des tiers pouvaient obtenir la divulgation de ces informations. Les craintes mentionnées par l’université n’étaient ainsi que théoriques, ce d’autant que l’USI, au même titre que les EPF ou E______, après la publication des informations demandées, n’avait fait l’objet d’aucune mesure de rétorsion. La pratique allait d’ailleurs à présent dans un tel sens, dès lors que de nombreux contrats avaient été publiés et devaient l’être et que plusieurs universités avaient fait le choix de réduire la quantité de revues auxquelles elles étaient abonnées, sans que cette situation ne leur porte préjudice. En tout état de cause, une perte économique, comme alléguée par les maisons d’édition, qui, au demeurant, savaient leurs efforts vains, au vu de leur passivité dans le cadre de la présente procédure, ne constituaient pas encore un intérêt légitime à prendre en compte, sous peine de réduire à néant le principe de la transparence. Finalement, les universités contribuaient à alimenter les revues des différents éditeurs par les contributions de leurs chercheurs, de sorte que les maisons d’édition avaient également besoin de leur coopération.
Par ailleurs, en cas d’admission du recours, il avait droit à une indemnité fixée en fonction du temps consacré à la procédure, y compris s’agissant des écritures qui n’avaient pas été prises en compte par le juge délégué et qui lui avaient été retournées en contradiction avec son droit à la réplique.
b. Il a notamment joint à ses écritures :
- un courrier de l’École polytechnique de Zurich (ci-après : EPFZ) du 27 août 2015 indiquant les montants payés à B______, C ______ et D ______ entre 2010 et 2016 pour les abonnements à leurs revues ;
- un courrier des EPF du 27 octobre 2015 annexé d’extraits des négociations de contrats avec B______ ;
- un courrier de E______ du 2 septembre 2015 indiquant les montants payés à B______, C ______ et D ______ entre 2011 et 2016 pour les abonnements à leurs revues ;
- un courriel de l’USI du 29 juillet 2014 indiquant les montants payés entre 2010 et 2014, estimés pour les années 2015 et 2016, à B______, C ______ et D ______ pour les abonnements à leurs revues ;
- une décision du département de l’instruction publique du canton de Berne du 18 septembre 2015 dans le litige opposant M. A______ à l’Université de Berne et enjoignant celle-ci de lui permettre l’accès à certains éléments des contrats ou à une liste du prix payés pour obtenir les licences des publications de B______, C ______ et D ______.
27) L'université ne s'est quant à elle pas manifestée.
1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 LIPAD).
2) a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, a qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.
Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.1 ; 136 I 274 consid. 1.3 ; 121 II 39 consid. 2 c/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_343/2014 du 21 juillet 2014 consid. 2.2 ; 1C_387/2007 du 25 mars 2008 consid. 3 ; 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/118/2015 du 27 janvier 2015 ; ATA/686/2014 du 26 août 2014 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012).
Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 1B_201/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1 ; 136 II 497 consid. 3.3).
b. En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant a obtenu, de la part de différentes institutions membres du consortium, la liste des prix payés par celles-ci pour les abonnements aux revues publiées par B______, C ______ et D ______. Rien n’indique toutefois que ces documents contiendraient les informations auxquelles le recourant demande l’accès dans le cadre de la présente cause. En effet, même si les contrats en question ont été négociés par le consortium et comportent les prix et les abonnements souscrits par chacune des institutions partenaires, le recourant n’a eu connaissance que de ceux auprès desquelles il a présenté une requête, étant encore précisé que les abonnements souscrits sont différents pour chaque membre. Le recourant dispose dès lors d’un intérêt actuel pour agir, de sorte que le recours est recevable de ce point de vue également.
3) a. La LIPAD régit notamment l’information relative aux activités des institutions (art. 1 al. 1 LIPAD), en particulier les établissements et corporations de droit public cantonaux (art. 3 al. 1 let. c LIPAD), et permet l’accès aux documents, soit tous les supports d’informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique, soit les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (art. 25 al. 1 et 2 LIPAD).
Les art. 28 et 30 LIPAD instituent une procédure spécifique pour permettre aux particuliers de solliciter des institutions concernées l’accès aux documents désirés. Une demande doit ainsi être formulée par l’intéressé à l’institution visée, laquelle doit consulter les institutions tierces dont les intérêts sont protégés par l’art. 26 LIPAD (art. 28 al. 1 et 4 LIPAD). L’acceptation, ou le refus, de la demande d’accès doit être signifié aux intéressés avec l’indication que le préposé cantonal peut être saisi d’une demande de médiation dans les dix jours suivants cette communication (art. 28 al. 6 et 30 al. 2 LIPAD). En cas d’échec de la médiation, le préposé cantonal émet une recommandation qu’il notifie aux parties. S’il considère que l’accès à la documentation doit être autorisé, l’institution dispose d’un délai de dix jours pour notifier sa décision (art. 30 al. 5 LIPAD), contre laquelle le recours auprès de la chambre administrative est ouvert (art. 60 LIPAD).
b. En l’espèce, le dossier produit par l’intimée, qui est un établissement de droit public (art. 1 al. 1 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30), est muni des pièces dont le recourant requiert l’accès, à savoir les contrats conclus par le consortium avec B______, C ______ et D ______, pièces versées à la procédure en application de l'art. 63 LIPAD et soustraites à la consultation, qui comportent les prix payés par les différentes institutions partenaires du consortium pour bénéficier des abonnements aux revues publiées par ces maisons d’édition. L’ensemble de ces pièces constitue des documents au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD, ce que les parties ne contestent au demeurant pas, de sorte que cette loi est applicable.
Par ailleurs, il ressort du dossier que la demande d’accès auxdits documents a été faite conformément aux règles de procédure prévues par la LIPAD (forme de la requête, saisine du préposé cantonal, médiation, etc ; art. 28 à 30 LIPAD), ce qui n’est pas davantage litigieux.
4) a. La LIPAD a notamment pour but de favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique (art. 1 al. 2 let. a LIPAD). La transparence y a été érigée au rang de principe aux fins de renforcer tant la démocratie que le contrôle de l’administration, valoriser l’activité étatique et favoriser la mise en œuvre des politiques publiques (MGC 2000 45/VIII 7671 ss, 7675 s. ; ATA/341/2015 du 14 avril 2015 ; ATA/307/2008 du 10 juin 2008). L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité.
La LIPAD n’est toutefois pas inconditionnelle et, dans la mesure où elle est applicable, ne confère pas un droit d’accès absolu. Elle contient ainsi des exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/560/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/341/2015 précité ; ATA/211/2009 du 28 avril 2009 ; ATA/307/2008 précité ; MGC 2000/VIII 7694).
b. Toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la loi (art. 24 al. 1 LIPAD). L’accès comprend la consultation sur place des documents ou l’obtention de copies des documents (art. 24 al. 2 LIPAD). Par ailleurs, pour autant que cela ne requière pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document, dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication (art. 27 al. 1 LIPAD), en application du principe de proportionnalité (MGC 2000 45/VIII 7641 p. 7699 s.).
c. Sont soustraits au droit d’accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose (art. 26 al. 1 LIPAD). Tel est le cas lorsque l’une ou l’autre des hypothèses visées à l’art. 26 al. 2 LIPAD est réalisée, notamment en cas d’atteinte à la sphère privée (let. g) ou de révélation d’informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (let. i).
L’art. 26 al. 2 let. g LIPAD n’exclut pas automatiquement l’accès à tout document dès qu’il concerne la sphère privée d’un tiers, mais requiert une pesée des intérêts en présence (ATA/758/2015 du 28 juillet 2015 ; ATA/341/2015 précité ; ATA/767/2014 du 30 septembre 2014). Ainsi, par exemple, l’avocat mandaté par une institution doit s’attendre à ce que le montant des honoraires perçus du chef de ce mandat soit, le cas échéant, communiqué à des tiers, dès lors qu’il s’agit de l’utilisation des ressources d’institutions chargées de l’accomplissement de tâches de droit public, bien qu’une telle information concerne sa sphère privée économique (MGC 2000 45/VIII 7697).
L’énumération de différents secrets à l’art. 26 al. 2 let. i LIPAD constitue un cas particulier d’exceptions justifiées par la protection de la sphère privée. Les institutions jouant un rôle important dans l’économie locale, en particulier par les commandes qu’elles passent et les travaux qu’elles adjugent, les fournisseurs de prestations qui entrent en contact avec elles doivent d’emblée admettre agir dans la transparence. Il importe néanmoins que de telles relations ne les mettent pas dans une situation d’infériorité par rapport à des concurrents en communiquant à ces derniers des informations normalement confidentielles (MGC 2000 45/VIII 7697 s.). Par ailleurs, l’écoulement du temps peut modifier l’appréciation qu’il y a lieu de faire du caractère confidentiel ou non d’un document (MGC 2000 45/VIII 7700).
D’une manière générale, l’application des restrictions prévues à l’art. 26 LIPAD implique une pesée concrète des intérêts en présence (MGC 2000 45/VIII 7694 ss et 2001 49/X 9680). La chambre administrative a ainsi jugé que si l’existence d’une clause de confidentialité mettait certes en exergue une volonté des parties contractuelles de maintenir le contenu de leur accord dans leur sphère privée, cet élément pouvait être pris en considération à ce titre dans la pesée des intérêts commandée par l’art. 26 LIPAD, mais ne conduisait pas à exclure la mise en œuvre, sur le document concerné, des droits d’accès conférés par la loi (ATA/341/2015 précité).
5) a. La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3), qui vise à promouvoir la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration fédérale, en garantissant notamment l’accès aux documents officiels (art. 1 LTrans), et renverse ainsi le principe du secret des activités administratives au profit de celui de la transparence (ATF 136 II 399 consid. 2.1 ; 133 II 209 consid. 2.3.1 ; FF 2003 1807, p. 1819), contient une disposition similaire à l’art. 26 LIPAD, en prévoyant que le droit d’accès est limité, différé ou refusé lorsque l’accès à un document officiel peut notamment révéler des secrets professionnels, d’affaires ou de fabrication (art. 7 al. 1 let. g LTrans) ou porte atteinte à la sphère privée de tiers (art. 7 al. 2 LTrans). Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur la transparence visent le même but et reprennent des principes de base globalement identiques, la jurisprudence rendue sur la base de la LTrans peut en principe être transposée à la LIPAD.
b. Pour que les clauses d’exclusion de l’art. 7 al. 1 LTrans trouvent application, l’éventuel préjudice consécutif à la divulgation de l’information doit atteindre une certaine intensité, une conséquence mineure ou simplement désagréable engendrée par l’accès ne pouvant constituer une atteinte. De plus, le risque de la survenance du préjudice doit être hautement probable, selon le cours ordinaire des choses, et ne peut pas ressortir qu’au domaine du concevable ou du possible (ATF 133 II 209 consid. 2.3.3 ; ATAF 2013/50 consid. 8.1 ; 2011/52 consid. 6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3621/2014 du 2 septembre 2015 consid. 4.2.1 ; recommandation du préposé fédéral du 21 décembre 2015 consid. 25). Les clauses d’exclusion doivent en outre être interprétées restrictivement. Ainsi, dans les cas limite, par exemple lorsque la probabilité de la réalisation de la violation d’intérêts à protéger existe tout en étant faible ou lorsqu’il faut s’attendre à une conséquence négative mineure, l’accès doit être préféré (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-3621/2014 précité consid. 4.2.1 ; A-6054/2013 du 18 mai 2015 consid. 3.2). Pour être en droit de refuser l’accès, l’autorité doit prouver que l’une ou l’autre des exceptions mentionnées à l’art. 7 al. 1 est réalisée (recommandation du préposé fédéral du 21 décembre 2015 consid. 25 ; Urs MAURER-LAMBROU/Gabor P. BLECHTA [éd.], Datenschutzgesetz - Öffentlichkeitsgesetz, 3ème éd., 2014, n. 7 ad art. 7 LTrans, p. 764).
c. Le but de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans est d’empêcher que l’introduction du principe de la transparence entraîne la divulgation de secrets à des tiers extérieurs à l’administration (FF 2003 1807 p. 1853). Il ne concerne toutefois pas toutes les informations commerciales, mais seulement les données essentielles dont la divulgation provoquerait une distorsion de la concurrence (ATAF 2013/50 consid. 8.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral A-3649/2014 du 25 janvier 2016 consid. 8.2.2 ; A-3621/2014 précité consid. 4.2.2 ; JAAC 1/2013 du 18 septembre 2013 p. 25), cette disposition ne pouvant s’appliquer qu’à une situation de concurrence, à l’exception du cas d’un monopole (recommandation du préposé fédéral du 20 octobre 2015 consid. 38).
Peut être qualifié de secret tout fait qui n’est ni notoire, ni généralement accessible au public et que le maître du secret, en raison d’un intérêt justifié, ne veut pas divulguer (Urs MAURER-LAMBROU/Gabor P. BLECHTA [éd.], op. cit., n. 33 ad art. 7 LTrans, p. 769 s ; une définition similaire prévaut en droit pénal, arrêt du Tribunal fédéral 6B_962/2013 du 1er mai 2014 consid. 3.2). Comme signe de cette volonté, les mesures techniques ou organisationnelles mises en place dans l’entreprise pour assurer la confidentialité peuvent être prises en compte (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-5489/2012 du 8 octobre 2013 consid. 6.3). Il est généralement admis qu’un secret d’affaires existe si quatre conditions sont cumulativement remplies, à savoir un lien entre l’information et l’entreprise, un fait relativement inconnu, un intérêt subjectif au maintien du secret que son détenteur ne souhaite pas révéler et un intérêt objectivement fondé à ce qu’il soit gardé. Dans tous les cas de figure, une référence générale à des secrets d’affaires ne suffit pas, le maître du secret devant toujours indiquer concrètement et de manière détaillée pour quel motif une information est couverte par le secret (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-3649/2014 précité consid. 8.2.2 ; A-3621/2014 précité consid. 4.2.2 ; A-6291/2013 du 28 octobre 2014 consid. 7.4.3).
d. Dans le cadre de relations contractuelles entre une autorité et un acteur privé, il n’est pas dans le pouvoir de l’un ou de l’autre d’imposer sa seule vision et, par un accord mutuel, de restreindre l’accès au contrat conclu, sous peine de restreindre la champ d’application de la loi dans une mesure contraire à la volonté du législateur, les parties ne pouvant influencer sur le caractère public ou privé d’un document du simple fait qu’il contient une clause de confidentialité (recommandation du préposé fédéral du 27 février 2014 consid. 24).
Par ailleurs, les informations concernant la nature d’une prestation et le prix y relatif peuvent sans autre être rendues accessibles au public et permettent au citoyen de connaître le coût d’une prestation pour la collectivité (JAAC 1/2013 précitée p. 26).
6) En l’espèce, l’intimée a refusé de donner au recourant les informations sur les prix payés pour les abonnements aux revues publiées par B______, C ______ et D ______, documents tombant dans le champ d’application de la LIPAD comme précédemment mentionné et auxquels, en application du principe de la transparence, les administrés ont en principe accès sur la base de l’art. 24 LIPAD.
L’université se prévaut toutefois du secret d’affaires et de la sphère privée, dès lors que les contrats conclus par le consortium, en son nom, comportent une clause de confidentialité qui l’empêchent de divulguer les informations sollicitées, un intérêt privé, prépondérant, justifiant de garder confidentielles la teneur de ces documents.
Outre le fait que l’existence d’une situation de concurrence, au regard de la position de monopole détenue sur le marché des revues scientifiques par B______, C ______ et D ______, n’est pas réalisée, comme l’a, à juste titre, retenu le préposé fédéral dans sa recommandation du 10 juillet 2015 concernant ces trois mêmes maisons d’édition, et que chacune des institutions partenaires est en mesure de connaître le prix payé par les autres en vertu du contrat global conclu par le consortium pour leur compte, le maintien du secret dont se prévaut l’intimée n’apparaît pas objectivement fondé.
En effet, l’université ne saurait se prévaloir des clauses de confidentialité figurant dans ces contrats, dès lors qu’elles ne sont pas absolues et réservent dans deux cas l’application de la loi, soit de dispositions légales imposant la communication de leur contenu, comme en matière de législation sur la transparence. En tout état de cause, de telles clauses ne sauraient faire échec à ce principe, sous peine de le vider de sa substance et de permettre aux parties à un contrat de choisir les informations qu’elles souhaitent divulguer, alors même que la LIPAD a pour but de renverser le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la transparence ; un tel mode de faire constituerait une fraude à la loi (sur cette notion, cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_751/2014 du 23 février 2015 consid. 4.1, confirmant l'ATA/487/2014 du 24 juin 2014 consid. 3).
D’ailleurs, bien qu’elle allègue l’existence d’un préjudice, l’université n’en démontre pas la matérialité ni la possible réalisation en cas de divulgation des informations figurant dans les contrats, les courriers des maisons d’édition au consortium suite aux requêtes du recourant se limitant à rappeler leur volonté de maintenir secrètes les données figurant dans les contrats en cause, sans parler de mesures de rétorsion. Même après l’accès donné au recourant par l’USI aux prix payés par cette institution aux maisons d’édition ou de la communication d’informations similaires d’abord par les EPF et E______ suite à la recommandation du préposé fédéral puis par décision du département de l’instruction publique du canton de Berne, B______, C ______ et D ______ n’apparaissent pas avoir pris de mesures à l’encontre du consortium ou des institutions partenaires, comme l’allègue l’intimée en se prévalant d’un hypothétique risque de résiliation des abonnements en cours. Il s’agit bien davantage du consortium, dans un courriel adressé à ses membres, qui a tenu les propos les plus pessimistes, en leur enjoignant de respecter les termes des clauses de confidentialité, sous peine d’un possible éclatement du consortium. À cela s’ajoute que les maisons d’édition concernées se sont désintéressées de la présente procédure (cf. art. 24 al. 2 LPA), étant donné l’absence de réaction de B______ et C ______ suite à leur appel en cause et la position à la limite du formalisme excessif de D ______ résultant de son courrier du 11 juin 2015.
Le risque de survenance d’un préjudice, pour le consortium ou les maisons d’édition, n’apparaît ainsi pas hautement vraisemblable ni même probable, ce d’autant que, en l’absence d’une situation de concurrence, comme précédemment relevé, les données auxquelles le recourant demande l’accès ne portent pas sur le modèle d’affaires pratiqué par B______, C ______ et D ______, mais sur les prix auxquels les abonnements à leurs revues sont souscrits par l’intimée, soit une donnée devant être rendue accessible au public afin que le citoyen puisse avoir connaissance du coût d’une prestation pour la collectivité.
Dans ce cadre, l’intérêt du public à la transparence des institutions publiques du point de vue de leur gestion financière et à l’utilisation des ressources mises à leur disposition par le contribuable est particulièrement important et l’emporte sur celui, privé, de l’université et des maisons d’édition à ce que les informations en cause restent confidentielles. Le fait que la commission de recours de l’Université de Bâle ait rendu une décision allant dans un sens opposé ne saurait modifier cette appréciation, dès lors que la chambre de céans n’est pas liée par cette décision, qui reste isolée au regard des autres positions récemment adoptées.
L’université ne pouvait ainsi refuser la demande d’accès aux documents sollicités par le recourant, qu’il lui appartiendra de communiquer la concernant, au moyen de tout document utile à cette fin, étant donné la marge d’appréciation dont elle bénéficie aux termes de la requête à l’origine de la présente cause.
7) Il s’ensuit que le recours sera admis.
8) a. La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours, dans les limites établies par le règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03 ; art. 87 al. 2 et 3 LPA) et conformément au principe de la proportionnalité (ATA/897/2015 du 1er septembre 2015 ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009).
L’art. 6 RFPA précise que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité comprise entre CHF 200.- et CHF 10'000.-.
La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant de la quotité de l’indemnité allouée qui ne constitue, de jurisprudence constante, qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/897/2015 précité ; ATA/633/2015 du 16 juin 2015 ; ATA/413/2015 du 10 mars 2015 ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014). Par ailleurs, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n’impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).
Pour déterminer le montant de l’indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d’instruction, le nombre d’échange d’écritures et d’audiences. Le montant retenu doit également intégrer l’importance et la pertinence des écritures produite et, de manière générale, la complexité de l’affaire (ATA/897/2015 précité ; ATA/392/2014 du 27 mai 2014 ; ATA/544/2010 du 4 août 2010).
b. En l’espèce, il se justifie de fixer l’indemnité de procédure à CHF 1'500.-, qui, comme précédemment rappelé, ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat, ce qui exclut une indemnisation pleine et entière. Ce montant est ainsi adéquat au regard de la complexité de la cause et des écritures produites, étant précisé que le recourant a présenté, avant la saisine de la chambre de céans, des demandes similaires dans d’autres cantons et que les écritures spontanées produites ne sauraient être prises en compte, dès lors que le droit de réplique, dont le recourant a pleinement bénéficié, ne permet pas de présenter à n’importe quel stade de l’instruction de la cause des déterminations sans y avoir été invité par le juge délégué, les art. 73 à 75 LPA restant applicables quand bien même ils doivent être interprétés et appliqués à la lumière du droit constitutionnel et conventionnel.
Il en résulte qu’une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA) à la charge de l’université, aucun émolument n’étant au surplus perçu au vu de l’issue du recours (art. 87 al. 1 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2015 par Monsieur A______ contre la décision de l’Université de Genève du 5 décembre 2014 ;
au fond :
l’admet ;
annule la décision de l’Université de Genève du 5 décembre 2014 ;
ordonne à l’Université de Genève de donner accès à Monsieur A______ à tout document propre à le renseigner sur les prix qu’elle a payés entre 2010 et 2016 à B______, C ______ et D ______ pour bénéficier des abonnements à leurs revues ;
l’y condamne en tant que de besoin ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;
alloue une indemnité de CHF 1'500.- à Monsieur A______, à la charge de l’Université de Genève ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Sylvain Métille, avocat du recourant, à l’Université de Genève ainsi qu’au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence, pour information.
Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
J. Balzli |
| le président siégeant :
Ph. Thélin |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le | la greffière : |
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