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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3237/2013

ATA/767/2014 du 30.09.2014 ( LIPAD ) , REJETE

Descripteurs : PROTECTION DES DONNÉES ; PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL) ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; PROPORTIONNALITÉ ; MESURE DISCIPLINAIRE ; CHAMP D'APPLICATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LIPAD.26.al2.letf ; LIPAD.39.al9 ; LIPAD.27.al1 ; LIPAD.27.al2 ; Cst.13 ; CEDH.8 ; LIPAD.3.al1.leta ; LIPAD.24.al1 ; LIPAD.25.al1 ; LIPAD.25.al2 ; LIPAD.28.al1 ; LPA.44 ; LIPAD.26.al2.lete ; LIPAD.20.al4 ; LIPAD.23 ; LIPAD.18 ; LIPAD.35.al2 ; LS.128.al4 ; LS.6.al2 ; LS.6.al3 ; LS.10 ; LComPS.7 ; LS.125B
Résumé : Application de la LIPAD à une demande d'accès à une sanction disciplinaire infligée à un médecin. Intérêt privé prépondérant du médecin à la protection de sa sphère privée et en particulier de la protection de ses données. Pas d'intérêt particulier de l'administré ayant déposé une demande d'accès aux documents. Refus de communiquer des données personnelles, en l'espèce le nom du médecin concerné par la sanction disciplinaire, à un tiers. Refus de donner un accès partiel, sous forme de caviardage des données personnelles, à la sanction disciplinaire sollicitée. Au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, il existe un risque de reconstitution des données caviardées par le recourant. Un caviardage plus étendu risque de déformer le contenu de la décision visée au point de donner une information tronquée et erronée. La demande d'accès aux documents vise uniquement à identifier le nom du médecin concerné par la sanction disciplinaire, et non à contrôler l'activité de surveillance de l'administration genevoise, en violation du but de la loi et du droit à la sphère privée du médecin concerné.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3237/2013-LIPAD ATA/767/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L’EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ

et

LE PRÉPOSÉ CANTONAL À LA PROTECTION DES DONNÉES ET À LA TRANSPARENCE



EN FAIT

1) Le 5 février 2013, Monsieur A______, domicilié dans le canton de Vaud, a adressé à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève (ci-après : la commission), une demande visant dans son intitulé une société de prestations de soins ainsi qu’un prestataire de soins, tous deux désignés de manière nominative (ci-après : la société de prestations de soins visée, respectivement le prestataire de soins visé).

Il souhaitait obtenir copie « du ou des documents relatifs à la sanction disciplinaire décidée par le DARES [soit : le département des affaires régionales, de l’économie et de la santé, devenu depuis le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé : ci-après : le département] le 4.12.08 (sauf erreur) ». Les problèmes causés par certains médecins lui semblaient d’intérêt public. En outre, il avait effectué une recherche au sujet de la société de prestations de soins visée, sise à Genève, et de son personnel, et relevait des irrégularités qu’il soumettait pour examen à la commission.

2) Le 21 février 2013, la directrice de la commission a invoqué le secret de fonction pour refuser de transmettre à l’administré le(s) document(s) sollicité(s). Elle déduisait de la demande présentée que M. A______ pensait « qu’une sanction disciplinaire aurait été rendue par le DARES à l’encontre de [la société de prestations de soins visée] et/ou [du prestataire de soins visé] ». Liée par le secret de fonction, elle ne pouvait lui communiquer une quelconque information à ce sujet. Elle a renvoyé pour le surplus l’intéressé auprès du service du médecin cantonal.

3) Le 5 mars 2013, M. A______ a saisi la préposée cantonale à la protection des données et à la transparence (ci-après : PPDT). Dans « le contexte d’une recherche « journalistique », il avait souhaité obtenir un document de la part de la commission portant sur des « mesures disciplinaires » à l’encontre d’un médecin ayant le droit de pratiquer à Genève, qu’il ne nommait pas. Or, il avait essuyé un refus fondé sur le secret de fonction, le 21 février 2013.

Ledit médecin avait fait « recours au Tribunal administratif [devenu depuis la chambre administrative de la Cour de justice ; ci-après : la chambre administrative] ». M. A______ avait obtenu copie caviardée de l’arrêt n° 1______ du ______ 2009 auprès du Tribunal administratif. Cet arrêt genevois confirmait le prononcé d’un avertissement pour agissement professionnel incorrect, infligé à un médecin par le département en date du 4 décembre 2008, suite à un préavis, dans ce même sens, rendu par la commission le 13 novembre 2008. Le nom dudit médecin ne ressortait pas de l’arrêt précité caviardé. L’annotation manuscrite [correspondant aux initiales du prestataire de soins visé, précédés de la mention « Dr »,] avait été ajoutée sur la page de garde de la copie dudit arrêt, à côté du nom caviardé du recourant.

4) Par courriel du 6 mars 2013, la PPDT a répondu à M. A______ que sa demande d’accès aux documents formulée auprès de la commission était soumise à la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08). Cette demande aurait dû être traitée par la responsable LIPAD, conformément aux art. 24 à 30 LIPAD. En cas de refus, la voie de la médiation auprès de la PPDT devait être indiquée. Le courriel était également adressé en copie à la responsable LIPAD, sollicitée le même jour par l’intéressé au sujet de sa demande du 5 février 2013.

5) Par courriel du même jour, la responsable LIPAD a confirmé le refus de la commission du 21 février 2013, en mettant en copie la PPDT. La requête de M. A______ portait sur une procédure administrative, de sorte qu’elle n’était pas soumise à la LIPAD, mais à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Cette dernière loi limitait le cercle des personnes autorisées à consulter le dossier administratif et à recevoir notification de la décision aux seules parties à la procédure, qualité que ne revêtait pas l’intéressé.

6) Le lendemain, la PPDT a attiré l’attention de la responsable LIPAD et de l’administré sur les dispositions de la LIPAD relatives au droit d’accès aux documents et à la procédure y afférente, notamment en cas de refus de transmission du document sollicité. Elle invitait le cas échéant l’intéressé à la saisir d’une demande de médiation.

7) Le 14 mars 2013, M. A______ a déposé une demande de médiation auprès de la PPDT, en adressant une copie à la responsable LIPAD, au sujet du refus opposé à sa demande d’accès aux documents du 5 février 2013.

8) Le 18 mars 2013, la PPDT suppléante a donné suite à la demande de médiation en proposant deux entretiens séparés, puis une rencontre commune. Elle a eu un entretien avec l’intéressé le 3 avril et un autre avec la responsable LIPAD le 11 avril 2013. Le 17 avril 2013, elle a été informée par celui-là qu’il allait reformuler sa demande d’accès aux documents auprès de la commission. L’intéressé lui a notamment remis un article de presse de l’hebdomadaire satirique Vigousse du 20 janvier 2012 portant un regard critique sur la société de prestations de soins visée. D’après l’intéressé, cette société était un centre spécifique créé en 2002 par le prestataire de soins visé.

Sans nouvelles de la part de l’intéressé, la PPDT suppléante l’a relancé le 21 juin 2013. M. A______ lui a confirmé maintenir sa demande de médiation le 24 juin 2013 et celle d’accès aux documents le 5 juillet 2013.

9) Par courriel du 9 juillet 2013, dont copie était adressée à l’intéressé, la PPDT suppléante a invité la responsable LIPAD à transmettre la décision de la « commission » (sic) sollicitée par M. A______, sous une forme caviardée le cas échéant, afin de tenir compte des exceptions prévues à l’art. 26 LIPAD.

Ladite décision constituait un document au sens de l’art. 25 LIPAD, soumis au droit d’accès des art. 24 ss LIPAD. L’art. 27 LIPAD précisait qu’un accès partiel était préférable à un refus. Sur demande de l’administré, le pouvoir judiciaire lui avait remis l’arrêt n° 1______ susmentionné sous forme anonymisée. La demande de l’intéressé visait à améliorer la confiance du citoyen envers les structures administratives et, en particulier, envers celles qui surveillaient la santé.

10) Par courrier recommandé du 9 septembre 2013, dont copie a été adressée aux PPDT, la responsable LIPAD a refusé, en application des art. 26 al. 1 et 2 let. f et 39 al. 9 LIPAD, la demande d’accès de M. A______ à la décision disciplinaire rendue le 4 décembre 2008 par « la commission » (sic) à l’encontre d’un médecin de la place.

Cette décision regroupait un ensemble de données personnelles relatives au praticien concerné, en particulier de données personnelles sensibles au sens de l’art. 4 let. b ch. 4 LIPAD, dans la mesure où il s’agissait d’une sanction administrative. Les conditions de l’art. 39 al. 9 LIPAD n’étaient pas réunies. Aucune base légale n’imposait la communication d’une telle décision. L’art. 128 al. 4 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) ne s’appliquait qu’en cas de retrait ou de révocation de l’autorisation de pratiquer, situation non réalisée par le cas d’espèce. De plus, la protection contre toute divulgation de données personnelles, et en particulier sensibles, était prépondérante à tout intérêt privé de tiers. En outre, il était douteux que la remise de ladite décision puisse être qualifiée de digne de protection, dans la mesure où l’information requise par l’intéressé a été entièrement satisfaite par la prise de connaissance de l’arrêt susmentionné du Tribunal administratif. La communication des arrêts genevois était soumise à une règle spécifique prévue à l’art. 20 al. 4 LIPAD. Les dispositions de la LPA primaient celles de la LIPAD. L’art. 44 LPA réservait l’accès au dossier administratif aux seules parties à la procédure et à leurs mandataires, qualités que ne revêtait pas M. A______.

11) Suite à quelques échanges entre la PPDT suppléante et M. A______ à la fin du mois de septembre 2013, ce dernier a, par acte mis à la poste le 9 octobre 2013, interjeté recours contre la décision du 9 septembre 2013 du département auprès de la chambre administrative. Il a conclu à l’annulation de cette décision et à la communication des documents requis dans sa demande du 5 février 2013 adressée à la commission.

Sur la base de l’arrêt caviardé n° 1______ précité et d’un arrêt du Tribunal fédéral du 1er septembre 2009 (cause n° 5A_10/2009) également caviardé, l’intéressé avançait les éléments suivants. Le prestataire de soins visé avait été exclu de l’association des médecins du canton de Genève le 19 juin 2006. Il s’était également vu infligé par celle-ci une amende de CHF 10’000.-. Il avait reçu un avertissement de la commission, confirmé par décision du département du 4 décembre 2008. Cette sanction était jugée clémente par le Tribunal administratif, au vu de l’attitude et des infractions du médecin concerné.

Le recourant considérait la transmission du document demandé d’intérêt public vu qu’il s’agissait d’un médecin responsable d’une société de prestations de soins. Il se demandait également si la commission exerçait son devoir de contrôle, ce d’autant plus que la décision litigieuse ignorait la possibilité de caviarder les données personnelles sensibles.

12) Le 11 novembre 2013, le département s’est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet.

M. A______ n’avait pas été touché par le complexe de faits à l’origine de la sanction disciplinaire dont il demandait la communication, de sorte que le département doutait de l’existence d’un intérêt actuel digne de protection du recourant et de sa qualité pour recourir. Ce dernier avait au surplus pu satisfaire sa curiosité en lisant l’arrêt du Tribunal administratif relatif à l’affaire sur des faits remontant à plus de cinq ans.

Il n’existait pas de base légale autorisant la communication de données personnelles sensibles. La décision requise constituait une sanction administrative et se rapportait ainsi à des données personnelles sensibles, de sorte que sa communication devait répondre à la règle posée par l’art. 35 al. 2 LIPAD. Or, il n’existait pas de base légale expresse au sens de cette disposition et l’intéressé n’invoquait pas d’intérêt digne de protection. De plus, il ne pouvait se prévaloir d’un accès fondé sur l’art. 39 al. 9 LIPAD. La protection contre toute divulgation de données personnelles sensibles était prépondérante à tout autre intérêt privé de tiers. L’intéressé ne faisait valoir aucun intérêt digne de protection, ce d’autant plus qu’il connaissait l’entier du litige et de la procédure administrative, y compris le nom du professionnel de la santé concerné. Le département ne comprenait pas la raison qui poussait M. A______ à vouloir obtenir l’accès à la décision litigieuse de la commission, hormis la volonté de jeter le discrédit sur la commission. Or, tel n’était pas le but poursuivi par le législateur lors de l’adoption de la LIPAD. La mise en œuvre de celle-ci ne saurait avoir une telle conséquence. Enfin, la LPA devait être considérée comme une loi spéciale par rapport à la LIPAD. L’art. 44 LPA limitait l’accès au dossier administratif aux seules parties à la procédure administrative et à leurs mandataires.

L’accès du recourant à la décision constituant une sanction disciplinaire, reviendrait à vider de leur substance plusieurs dispositions légales en matière de protection des données personnelles sensibles, contenues notamment dans la LIPAD. Le traitement de telles données exigeait l’existence d’une base légale formelle ou d’une forme de nécessité au sens de l’art. 35 al. 2 LIPAD. De plus, les dispositions cantonales spécifiques prévoyant la publication de sanctions disciplinaires concernant diverses professions réglementées, telles que les professionnels de la santé, les notaires ou les avocats, limitaient la portée de ce type d’information au grand public. Il en résultait que le législateur avait étudié la problématique de la diffusion des sanctions disciplinaires des professions réglementées et avait identifié les cas dans lesquels l’intérêt public à leur diffusion primait celui de la personne concernée. La législation ne laissait dès lors aucune marge de manœuvre en matière de communication de données personnelles sensibles portant sur les sanctions disciplinaires.

13) Le 21 novembre 2013, le recourant a soutenu que le nom du médecin concerné ne devait pas être caviardé sur les copies des documents demandés en raison d’un « intérêt public avéré des fautes professionnelles graves et répétées d’un médecin ». Il produisait un extrait de commentaires figurant sur le site internet d’un journal local et concernant une autre affaire soumise au conseil suisse de la presse. Les préavis de la commission et les décisions du département étaient publics au vu de la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3) et de la LIPAD. Il a également conclu à l’octroi de « dépens ».

14) Le 3 décembre 2013, la PPDT suppléante a transmis le dossier à la chambre administrative.

15) Le 10 janvier 2014, le département a maintenu sa position et conclu au rejet de toutes les conclusions du recourant.

16) Le 28 janvier 2014, l’intéressé a persisté dans ses conclusions. Il a apporté des compléments d’information sur l’extrait produit le 21 novembre 2013.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente contre le refus d’accès à des documents prononcé par le département concerné suite à l’échec de la médiation menée par la PPDT suppléante, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 60 al. 1 LIPAD).

Dans la mesure où l’objet du litige porte sur le refus d’accès aux documents et que le destinataire de cette décision est le recourant, ce dernier est directement touché par cette décision. Il bénéficie ainsi d’un intérêt digne de protection à l’annulation éventuelle de la décision lui refusant l’accès aux documents sollicités. Celui-ci a donc la qualité pour recourir contre la décision du département du 9 septembre 2013 (art. 60 al. 1 let. a et b LPA). Le présent recours est par conséquent recevable.

2) Afin de traiter le fond du présent litige, il convient d’abord de déterminer le droit applicable, en particulier l’articulation entre la LPA et la LIPAD. En effet, le département considère, contrairement au recourant et aux PPDT, que seule la LPA, à l’exclusion de la LIPAD, s’applique à la demande d’accès à la décision du 4 décembre 2008 relative à une sanction disciplinaire prononcée envers un médecin exerçant dans le canton de Genève.

a. La LPA contient les règles générales de procédure s’appliquant à la prise de décision par les autorités administratives et les juridictions administratives (art. 1, 4, 5 et 6 LPA). Les départements et les services de l’administration cantonale sont des autorités administratives au sens de l’art. 1 LPA (art. 5 let. c et d LPA). La chambre administrative est une juridiction administrative au sens de l’art. 1 LPA (art. 6 al. 1 let. b LPA). L’art. 3 LPA réserve l’application de dispositions spéciales de procédure instituées par d’autres lois cantonales.

b. Quant à la LIPAD, elle régit à la fois l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs : favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique, d’une part, ainsi que protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant, d’autre part (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD). La LIPAD comporte deux volets. Le premier volet concerne l’information du public et l’accès aux documents ; il est réglé dans le titre II de la LIPAD (art. 5 ss LIPAD). Le second volet porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III de la LIPAD (art. 35 ss LIPAD). Ces deux volets n’ont pas été intégrés dans la LIPAD en même temps. À l’origine, la LIPAD se limitait au seul aspect de l’information du public et de l’accès aux documents (MGC 2000 45/VIII 7641 ss et MGC 2001 49/X 9678 ss relatifs au projet de loi n° 8356 sur l’information du public et l’accès aux documents). Adoptée le 5 octobre 2001, la LIPAD est entrée en vigueur le 1er mars 2002 et ne réglementait que la question de l’information du public et l’accès aux documents (MGC 2001 49/X 9751 ss). Le volet portant sur la protection des données personnelles résulte d’un deuxième processus législatif initié, le 7 juin 2006, par le dépôt d’un projet de loi n° 9870 sur la protection des données personnelles (MGC 2005-2006 X A 8448 ss). Ce projet de loi est devenu, au cours des travaux législatifs, un projet visant à modifier la LIPAD en y intégrant le volet relatif à la protection des données personnelles (MGC 2007-2008 XII A 14079 ss, en particulier 14137 ss). Après plusieurs débats parlementaires, la modification de la LIPAD concernant la protection des données a été adoptée le 9 octobre 2008 (MGC 2007-2008 XII D/68 5683 ss) et est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.

Par données personnelles ou données, la LIPAD vise toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). La LIPAD définit aussi les données personnelles sensibles (art. 4 let. b LIPAD). Il s’agit notamment de données personnelles sur des sanctions administratives (art. 4 let. b ch. 4 LIPAD). Par traitement, la LIPAD entend toute opération relative à des données personnelles – quels que soient les moyens et procédés utilisés – notamment la collecte, la conservation, l’exploitation, la modification, la communication, l’archivage ou la destruction de données (art. 4 let. e LIPAD). La communication est définie comme le fait de rendre accessibles des données personnelles ou un document, par exemple en autorisant leur consultation, en les transmettant ou en les diffusant (art. 4 let. f LIPAD).

La LIPAD s’applique, sous réserve des alinéas 3 à 5 de son article 3, aux institutions publiques visées à l’alinéa 1 de son article 3 et aux entités mentionnées à l’alinéa 2 de cette même disposition (art. 3 al. 1 et 2 LIPAD). Sont notamment concernés les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD). Le droit fédéral est réservé (art. 3 al. 5 LIPAD). S’agissant de ce dernier, il convient de relever que ni la LTrans ni la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1) ne sont applicables au cas d’espèce, dans la mesure où la décision dont l’accès est refusé émane d’une autorité cantonale (art. 2 al. 1 LTrans, art. 2 al. 1 LPD). Quant à l’exception prévue à l’art. 3 al. 3 let. b LIPAD, introduite lors de la modification législative portant sur la protection des données personnelles (MGC 2007-2008 XII D/68 5731 ss), elle n’est pas pertinente pour la résolution du présent litige. En effet, elle a trait au traitement de données personnelles par une juridiction genevoise, alors que l’objet du présent litige concerne le refus opposé à un administré dont les données personnelles ne sont pas touchées, d’accéder à un document détenu par une autorité administrative cantonale genevoise.

c. En l’espèce, la demande d’accès à la décision du département formulée par le recourant est, sous l’angle du droit matériel, régie par la LIPAD. En effet, elle vise à obtenir un document détenu par une institution publique au sens de l’art. 3 al. 1 let. a LIPAD. Cette demande s’inscrit dans le cadre de l’objectif poursuivi par le législateur genevois de renverser le principe du secret assorti d’exceptions prévalant jusqu’alors dans l’administration genevoise, au profit de celui de la transparence sous réserve de dérogations (MGC 2000 45/VIII 7675 ss ; MGC 2001 49/X 9679 ss). La LIPAD est susceptible de s’appliquer à ladite demande, sous réserve de la réalisation des conditions contenues dans ladite loi. Quant à la LPA, il s’agit d’une loi procédurale. Elle s’applique, sous l’angle du droit formel, à la procédure conduisant à la prise de décision portant sur la demande d’accès susmentionnée, sous réserve de dispositions de procédures spéciales contenues dans la LIPAD (art. 1 et 3 LPA).

Le raisonnement du département, excluant l’application de la LIPAD au profit de la seule LPA, ne saurait être suivi. D’une part, le département semble omettre le fait qu’une décision constitue un document au sens de l’art. 25 al. 2 LIPAD et qu’elle est susceptible de faire l’objet d’une demande d’accès fondée sur les art. 24 ss LIPAD. D’autre part, il confond deux décisions, et les procédures administratives y relatives, à savoir, d’une part, la décision comportant la sanction disciplinaire dont l’accès est demandé par le recourant et, d’autre part, la décision refusant à ce dernier l’accès à ladite sanction disciplinaire. Le fait que l’art. 44 LPA réserve la consultation du dossier aux seules parties à la procédure administrative et à leurs mandataires n’empêche pas un tiers de demander l’accès à des pièces faisant ou ayant fait partie d’un dossier dans le cadre d’une procédure administrative. L’accès par un tiers à de telles pièces est régi par la LIPAD, conformément à son champ d’application, et non par l’art. 44 LPA. Ce dernier n’est pas directement applicable dans un tel cas. Il est par contre pris en compte dans la pesée des intérêts que doit effectuer l’autorité saisie d’une demande d’accès en application de l’art. 26 LIPAD, et en particulier de l’art. 26 al. 2 let. e LIPAD. Cette disposition-ci s’oppose à la communication d’un document lorsque son accès est propre à « rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives ». Il est ainsi faux de considérer, comme le fait le département, que la LIPAD ne s’applique pas à la demande d’accès aux documents formulée par le recourant, sous prétexte qu’elle porte sur une décision soumise aux règles de la procédure administrative fixées dans la LPA.

Enfin, il convient d’emblée d’écarter l’argumentation du département relative à l’art. 20 al. 4 LIPAD, faute de pertinence pour le cas d’espèce. En effet, cette disposition, qui s’applique certes au seul pouvoir judiciaire, règle le devoir d’information spontanée de cette autorité vis-à-vis de la population. Bien que poursuivant un objectif commun tendant à réaliser la transparence de l’administration genevoise (MGC 2000 45/VIII 7675 ss et 7691 ss ; MGC 2001 49/X 9679 ss), l’art. 20 LIPAD concerne une problématique autre que celle qui fait l’objet du présent litige. Le devoir d’information spontanée est prévu de manière générale à l’art. 18 LIPAD. Il est soumis à des conditions spécifiques selon l’autorité concernée. L’art. 20 LIPAD vise le cas particulier du pouvoir judiciaire. Le département et la commission sont également soumis au devoir d’information spontanée de l’art. 18 LIPAD. Ce devoir est précisé, en ce qui les concerne, par l’art. 23 LIPAD, applicable aux institutions autres que le Grand Conseil, le Conseil d’État, le Pouvoir judiciaire, les autorités de police et les communes (art. 19 à 22 LIPAD). Selon l’art. 23 LIPAD, le département et la commission prennent les mesures nécessaires pour que leurs activités, leurs décisions, leurs résultats et leur situation financière soient portés à la connaissance du public, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose.

Par conséquent, le présent litige est à la fois régi par la LIPAD et la LPA, mais sous deux angles différents. Les questions d’ordre procédural sont principalement réglées par les dispositions spéciales de la LIPAD relatives à la procédure et, pour le surplus, par la LPA. Par contre, sous l’angle du droit matériel, seule trouve application la LIPAD, dans la mesure où l’objet du présent litige porte sur la demande d’accès au document détenu par le département et/ou la commission. La LPA s’applique, sous cet angle, uniquement si des dispositions de la LIPAD, telles que l’art. 26 al. 2 let. e LIPAD, y renvoient et dans les limites fixées par la LIPAD.

3) Il s’agit à présent d’examiner si c’est à juste titre que le département a refusé de transmettre au recourant la décision sollicitée par ce dernier portant sur une sanction disciplinaire infligée à un médecin exerçant dans le canton de Genève le 4 décembre 2008.

a. Afin de garantir la transparence de l’activité des collectivités publiques genevoises, la LIPAD promeut non seulement une politique active d’information et de communication (art. 18 ss LIPAD), mais instaure en outre un droit individuel d’accès aux documents régi par les art. 24 ss LIPAD (MGC 2000 45/VIII 7675 ss ; MGC 2001 49/X 9679 ss). La reconnaissance d’un tel droit individuel est l’innovation principale introduite par la LIPAD. Elle a pour effet de mettre concrètement à disposition des administrés un moyen susceptible d’être invoqué devant les tribunaux afin de contribuer au changement de culture recherché par le législateur dans la LIPAD et de favoriser ainsi la transparence de l’administration genevoise (MGC 2000 45/VIII 7691 ss ; MGC 2001 49/X 9679 ss). Toutefois, il n’existe pas un droit absolu d’accès aux documents détenus par les autorités genevoises. Le droit d’accès aux documents est soumis à des restrictions prévues à l’art. 26 LIPAD. Ces dernières ont pour but de veiller au respect de la protection de la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (MGC 2000 45/VIII 7694 ss ; MGC 2001 49/X 9680 ss, 9697 et 9738). La LIPAD, dans sa première mouture, avait ainsi déjà pour but de garantir l’information relative aux activités des institutions genevoises « dans toute la mesure compatible avec les droits découlant de la sphère privée, en particulier des données personnelles, et les limites d’accès aux procédures judiciaires et administratives » (ancien art. 1 LIPAD ; MGC 2001 49/X 9751).

b. Le droit d’accès aux documents en possession des institutions publiques visées par l’art. 3 al. 1 et 2 LIPAD, parmi lesquelles figurent le département et la commission, est régi par les art. 24 ss LIPAD. Ce droit est ouvert à toute personne, physique ou morale, sauf exception prévue ou réservée par la LIPAD (art. 24 al. 1 LIPAD). Par documents au sens de l’art. 24 LIPAD, il faut entendre tous les supports d’information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD). Sont notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (art. 25 al. 2 LIPAD ; MGC 2000 45/VIII 7693s et MGC 2001 49/X 9696). En outre, la demande d’accès n’est en principe soumise à aucune exigence de forme. Elle n’a pas à être motivée, mais elle doit contenir des indications suffisantes pour permettre l’identification du document recherché. En cas de besoin, l’institution peut demander qu’elle soit formulée par écrit (art. 28 al. 1 LIPAD).

c. Le droit d’accès aux documents est cependant restreint aux conditions de l’art. 26 LIPAD. L’application desdites restrictions implique une juste pesée des intérêts en présence lors de leur mise en œuvre (MGC 2000 45/VIII 7694 ss ; MGC 2001 49/X 9680). Les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la LIPAD (art. 26 al. 1 LIPAD). Cette disposition constitue une règle générale. Celle-ci est illustrée exemplativement par l’énumération des cas dans lesquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose à la communication d’un document (MGC 2000 45/VIII 7694 ; MGC 2001 49/X 9697).

Tel est, en vertu de l’art. 26 al. 2 LIPAD, le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à : rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (let. e), rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (let. f), porter atteinte à la sphère privée ou familiale (let. g) ou révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (let. i). La let. e précitée établit le lien entre la LIPAD et la LPA (MGC 2000 45/VIII 7696). La let. f précitée coordonne la LIPAD avec la législation sur la protection des données, et ce dès l’origine sous une formulation plus générale que l’actuelle (MGC 2000 45/VIII 7697). La lettre g précitée établit une exception au droit d’accès aux documents lorsque celui-ci implique une atteinte notable à la sphère privée. Cette disposition n’exclut pas automatiquement l’accès à tout document concernant la sphère privée d’un tiers ; elle exige une pesée des intérêts en présence (MGC 2000 45/VIII 7697). La lettre i précitée représente un cas particulier d’exceptions justifiée par la protection de la sphère privée (MGC 2000 45/VIII 7697).

Sont également exclus du droit d’accès, les documents à la communication desquels le droit fédéral ou une loi cantonale fait obstacle (art. 26 al. 4 LIPAD). Cette disposition se justifie, en ce qui concerne la réserve du droit cantonal, par le fait que le législateur a estimé hasardeux d’affirmer que la LIPAD regroupe l’ensemble des exceptions imaginables au droit d’accès aux documents (MGC 2000 45/VIII 7698). L’institution peut aussi refuser de donner suite à une demande d’accès à un document, dont la satisfaction entraînerait un travail manifestement disproportionné (art. 26 al. 5 LIPAD).

En ce qui concerne plus particulièrement l’exception au droit d’accès prévue à l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD, elle vise à ce que l’accès aux documents ne rende pas inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers. Ces restrictions légales-ci sont prévues à l’art. 39 LIPAD. La communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé est réglée par l’art. 39 al. 9 LIPAD. Selon cette disposition, la communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n’est possible, alternativement, que si : a) une loi ou un règlement le prévoit explicitement ; b) un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu’un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s’y oppose. Par personne concernée, il faut entendre la personne physique ou morale au sujet de laquelle des données sont traitées (art. 4 let. g LIPAD).

Enfin, l’art. 27 LIPAD est, dans ses quatre alinéas, une concrétisation du principe de la proportionnalité (MGC 2000 45/VIII 7699s). Pour autant que cela ne requière pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication, en vertu de l’art. 26 LIPAD (art. 27 al. 1 LIPAD). Les mentions à soustraire au droit d’accès doivent être caviardées de façon à ce qu’elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s’en trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document (art. 27 al. 2 LIPAD). Le caviardage des mentions à soustraire au droit d’accès peut représenter une solution médiane qui doit l’emporter (MGC 2000 45/VIII 7699).

d. En l’espèce, le recourant demande l’accès à une décision du département concernant une sanction administrative infligée, le 4 décembre 2008, à un médecin exerçant dans le canton de Genève. Une telle demande répond aux conditions posées par les art. 24, 25 et 28 al. 1 LIPAD. Elle porte sur l’accomplissement d’une tâche publique, à savoir la mission de surveillance des professionnels de la santé, incombant, selon leurs compétences respectives, au département (art. 6 al. 2 et al. 3 LS) et à la commission (art. 10 LS, art. 1 al. 1 et al. 2 let. a, et art. 7 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - RS K 3 03), rattachée administrativement au département (art. 2 LComPS). En ciblant le type de document, l’identité de l’auteur du document et la date de production dudit document, la demande d’accès du recourant comporte des indications suffisantes permettant au département d’identifier le document demandé, le cas échéant d’établir l’inexistence d’un tel document.

La décision sollicitée par le recourant comporte de toute évidence des données personnelles, dans la mesure où elle vise un médecin en particulier. Elle comporte également des données personnelles sensibles vu qu’elle porte sur une sanction administrative infligée audit médecin. Il va de soi que de telles données tombent sous le coup de l’exception prévue à l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD.

L’exception de l’art. 26 al. 2 let. e LIPAD n’est par contre, et à juste titre, pas invoquée par le département. Il ne ressort en effet pas du dossier qu’une procédure administrative portant sur la décision sollicitée par le recourant soit pendante au moment du dépôt de la demande d’accès aux documents en février 2013, ni au cours de la procédure subséquente devant les PPDT et la chambre de céans.

Quant à l’argumentation du département fondée sur l’art. 35 al. 2 LIPAD, elle doit d’emblée être écartée dans la mesure où elle n’est, en l’espèce, pas pertinente. D’une part, l’objet du présent litige concerne le droit d’accès aux documents invoqué par le recourant, et non le traitement de ses données personnelles. D’autre part, les données personnelles du médecin concerné par la sanction disciplinaire sont prises en compte dans le cadre de l’art. 26 LIPAD. Il n’est au surplus pas contesté que la commission et le département avaient le droit de traiter les données personnelles dudit médecin dans le cadre de la procédure ayant conduit à la sanction disciplinaire.

e. L’accès à des données personnelles, qu’elles soient en outre qualifiées de sensibles ou non, doit s’examiner, en raison du renvoi de l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD, à la lumière de l’art. 39 al. 9 LIPAD. Or, aucune des deux hypothèses alternatives prévues dans cette disposition ne sont en l’espèce réalisées. D’une part, sous réserve du cas du retrait ou de la révocation de l’autorisation de pratiquer publiés dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) conformément à l’art. 128 al. 4 LS, il n’existe pas, dans le domaine des professions de la santé, de loi ou de règlement prévoyant explicitement la communication d’une sanction administrative à des tiers de droit privé.

D’autre part, le recourant n’invoque aucun intérêt privé, si ce n’est un intérêt général à connaître l’identité des médecins dont le comportement conduirait à une sanction administrative, alors qu’il existe un intérêt privé évident pour le médecin concerné par la sanction disciplinaire à la protection de sa sphère privée, et en particulier à la protection de ses données, garanties par l’art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Or, dans sa demande d’accès, le recourant perd de vue que le but de la LIPAD est de rendre transparente l’activité de l’administration genevoise, et non l’activité de personnes privées, et ce même si certaines catégories de privés, comme c’est le cas des professionnels de la santé, voient leur activité soumise à la surveillance étatique. En effet, la mission consistant à s’assurer que les médecins pratiquant dans le canton de Genève exercent leur métier conformément aux règles légales applicables à leur profession, revient, dans le cadre de leurs compétences respectives, au département (art. 6 al. 2 et al. 3 LS) et à la commission (art. 10 LS art. 1 al. 1, 2 let. a et art. 7 LComPS), et non aux particuliers. Ces derniers peuvent par contre dénoncer les faits qu’ils estiment problématiques auprès de l’autorité de surveillance compétente (art. 125B LS). Dans la présente affaire, il y a un intérêt privé manifeste du médecin à ce que les sanctions disciplinaires le concernant, autres que celles publiées dans la FAO, ne soient pas dévoilées à des tiers. Il n’y a par contre pas, dans le cas d’espèce, d’intérêt privé particulier du recourant à mettre en balance avec l’intérêt évident du médecin à la protection de sa sphère privée.

Dans de telles circonstances, l’intérêt privé du médecin est prépondérant et s’oppose à la communication de ses données personnelles au recourant, en application de l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD. Contrairement à l’avis du recourant, le nom du médecin concerné par la sanction disciplinaire ne peut lui être communiqué. Son recours doit sur ce point être rejeté.

f. Cependant, reste à examiner si un accès partiel à la décision sollicitée par le recourant peut être envisagé conformément à l’art. 27 LIPAD et au principe de proportionnalité. Cet accès partiel consiste à caviarder les mentions à soustraire au droit d’accès, soit les données personnelles du médecin et de tiers éventuels. Il est soumis à trois conditions cumulatives. Le caviardage ne requiert pas un travail disproportionné (art. 27 al. 1 LIPAD). Les mentions caviardées ne peuvent pas être reconstituées (art. 27 al. 2 LIPAD). Le contenu informationnel du document caviardé ne se trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document (art. 27 al. 2 LIPAD).

En l’espèce, la procédure tendant à obtenir l’accès à la sanction disciplinaire sollicitée par le recourant s’est déroulée dans des circonstances très particulières. Tout d’abord, la demande d’accès formulée par le recourant le 5 février 2013 vise d’emblée, dans son intitulé, deux personnes précises. Ni la réponse de la directrice de la commission du 21 février 2013 ni les arrêts caviardés produits devant la PPDT ne permettent au recourant d’établir un lien avec les personnes qu’il nomme, de manière précise et constante, tant dans sa requête initiale du 5 février 2013 que dans ses échanges avec la PPDT suppléante d’avril 2013 ainsi que dans son acte de recours déposé auprès de la chambre administrative en octobre 2013. De plus, bien qu’il reproche dans son recours au département d’avoir omis la possibilité de caviarder la décision dont il sollicite l’accès, il soutient, dans sa duplique du 21 novembre 2013, que le nom du médecin doit lui être communiqué. Il découle de l’ensemble de ces circonstances que le seul but du recourant est de vérifier ses soupçons fondés sur les arrêts caviardés du Tribunal administratif et du Tribunal fédéral. Sa démarche vise uniquement à recueillir le maximum d’informations dans un but bien précis : identifier le nom du médecin des arrêts caviardés et plus particulièrement déterminer s’il s’agit du médecin qu’il nomme tout au long de la procédure d’accès aux documents.

Il va de soi que, dans un tel contexte, l’accès à la décision sollicitée par le recourant, bien que caviardée, risque de lui donner davantage d’éléments concrets lui permettant de reconstituer les mentions caviardées, en violation de l’art. 27 al. 2 LIPAD, et ainsi de parvenir à ses fins. Un caviardage qui s’étendrait à d’autres mentions que celles liées aux noms du médecin et de tiers éventuels, risque par contre de déformer le contenu informationnel de la décision sollicitée, voire de donner une information tronquée et erronée de la décision concernée, en violation de l’art. 27 al. 2 LIPAD. En outre, donner l’accès à un document aussi sensible en termes de protection des données dans un tel contexte reviendrait à affaiblir, voire à réduire à néant, le droit à la protection des données personnelles du médecin visé, et ce indépendamment du fait que ledit médecin soit effectivement celui recherché par le recourant ou un médecin tiers. Cette question n’a d’ailleurs pas à être tranchée pour la résolution du présent litige, une telle démarche ayant au contraire pour effet inverse d’affaiblir la protection des données. Enfin, accorder un tel droit d’accès dans de telles circonstances contrevient de manière évidente au but de la LIPAD. En effet, le but de cette loi est de réaliser la transparence de l’administration genevoise, et non d’affaiblir, sous prétexte de transparence de l’activité étatique, la protection de la sphère privée des individus, qui est par ailleurs garantie par l’art. 13 Cst. et l’art. 8 CEDH.

Au vu des circonstances du cas d’espèce, il n’est par conséquent pas contraire au principe de la proportionnalité exprimé à l’art. 27 LIPAD de refuser l’accès à la sanction disciplinaire sollicitée par le recourant. Ce dernier ne cherche en effet pas à contrôler l’activité de surveillance des professionnels de la santé menée par la commission respectivement par le département, mais à identifier des données personnelles bien précises. Or, tel n’est pas le but de la LIPAD qui veille à assurer la transparence de l’administration genevoise dans le respect de la sphère privée des individus. Le recours doit donc, au vu des circonstances particulières du présent cas, être rejeté. Le refus du département de donner accès à la décision sollicitée par le recourant, sera confirmé par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA).

4) Au vu ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, la question de la tardiveté de cette dernière pouvant ainsi rester ouverte (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 octobre 2013 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé du 9 septembre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé ainsi qu’au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :