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ACJC/1029/2024 du 22.08.2024 sur JTPI/7357/2024 ( SFC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/9428/2024 ACJC/1029/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 22 AOÛT 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______, recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juin 2024,
et
C______, service du contentieux, sise ______, intimée.
A. Par jugement du JTPI/7357/2024 du 13 juin 2024, reçu par A______ le 20 juin 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur requête de C______, a prononcé la faillite de A______ (ch. 1 du dispositif) et l'a condamné à verser à sa partie adverse 150 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 2 et 3).
B. a. Le 21 juin 2024, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et rejette la requête de faillite.
Il a établi avoir payé la dette poursuivie, intérêts et frais compris, et a fait valoir qu'il était solvable.
Il a produit des pièces nouvelles.
b. Par décision du 28 juin 2024, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et des effets juridiques de l'ouverture de la faillite. Elle a également ordonné l'inventaire des biens de A______.
c. Par courrier du 15 juillet 2024, [la compagnie d'assurances] C______ s'en est remise à justice quant à l'issue du recours.
d. Les parties ont été informées le 17 juillet 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. La situation financière de A______ est la suivante:
a. Il est titulaire de l'entreprise en raison individuelle de A______ D______, inscrite au Registre du commerce depuis le ______ 2022, ayant comme but social le transport des personnes à mobilité réduite (handicapées).
b. A teneur de son extrait des poursuites au 26 juin 2024, A______ fait l'objet, en plus de la poursuite en cause dans la présente procédure, de quatre poursuites en cours, introduites entre 2023 et 2024, pour un montant total de 7'124 fr. 73.
Une de ces poursuites est au stade de la commination de faillite.
A ces poursuites s'ajoutent 49 actes de défaut de biens, pour un total non éteint de 167'724 fr. 79 délivrés au cours des vingt dernières années. Plusieurs actes de défaut de biens émanent de créanciers de droit public.
c. A______ a expliqué ne pas pouvoir régler ses poursuites avec les revenus provenant de son entreprise, qui constitue son seul moyen de subsistance, mais avoir entrepris des démarches auprès de sociétés de désendettement. Il a produit des relevés bancaires du compte de son entreprise relatifs aux années 2023 et 2024. En juin 2024, le solde disponible était de 570 fr.15.
1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).
Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.
1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).
En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui a été imparti par la Cour et servent à établir que la dette a été payée ainsi que sa solvabilité.
2. 2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).
En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25).
Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 précité, ibidem; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).
2.2 En l'espèce, le recourant a payé la dette pour laquelle il était poursuivi par l'intimée, de sorte que la première condition pour annuler le jugement de faillite est remplie.
Reste à examiner s'il a rendu vraisemblable qu'il est solvable.
Il ressort des documents produits que le recourant a de nombreuses dettes pour un montant important. Les quatre poursuites pendantes à son encontre totalisent à elles seules plus de 7'000 fr. L'une d'entre elles est au stade de la commination de faillite et plusieurs actes de défaut de biens font suite à des poursuites de créanciers de droit public qui ne peuvent pas requérir la faillite. Ces éléments constituent des indices d'insolvabilité.
Les difficultés financières du recourant ne sont pas récentes, mais datent au contraire de nombreuses années, comme l'atteste le fait que 49 actes de défaut de biens pour un total non éteint de 167'724 fr. 79 ont été délivrés à son encontre au cours des deux précédentes décennies.
Les documents produits par le recourant ne permettent pas de rendre vraisemblable sa solvabilité. D'ailleurs, il n'allègue pas être solvable puisqu'il reconnaît ne pas avoir les moyens de payer ses dettes. Il n'explique pas en quoi les démarches qu'il allègue avoir entreprises auprès de sociétés de désendettement seraient concrètement en mesure de lui permettre de rembourser des dettes, ni comment il pourrait honorer d'éventuels plans de remboursement. Les documents fournis par le recourant, en particulier les relevés bancaires qu'il a produits, ne font que confirmer les moyens restreints à sa disposition.
Il ressort de ce qui précède que le recourant manque de liquidités depuis plusieurs années, qu'il accumule les dettes et que rien ne permet de retenir que cette situation serait susceptible d'évoluer favorablement à court terme.
Le recourant n'a dès lors pas rendu sa solvabilité vraisemblable. Une des conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP fait ainsi défaut.
Le recours doit par conséquent être rejeté et la faillite confirmée.
3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).
La faillite du recourant sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de son recours, arrêtés à 220 fr., couverts par l'avance de frais déjà opérée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1 et 111 al. 1 CPC).
L'intimée plaidant en personne et s'étant limitée à répondre au recours par une simple lettre, il ne se justifie pas de lui allouer des dépens de recours.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 21 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7357/2024 rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9428/2024-19 SFC.
Au fond :
Rejette ce recours.
Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ prenant effet le
22 août 2024 à 12 heures.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Paola CAMPOMAGNANI |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let.d LTF).