Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/721/2025 du 10.09.2025 sur OCJMI/295/2025 ( JMI ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/26222/2023 ACPR/721/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 10 septembre 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Milena PEEVA, avocate, avenue de Sainte-Clotilde 13,
1205 Genève,
recourant,
contre l'ordonnance de classement rendue le 2 juillet 2025 par le Tribunal des mineurs,
et
LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève, case postale,
1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 14 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance de classement du 2 juillet 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mineurs a refusé de lui octroyer une indemnité pour dommage économique (art. 429 al. 1 let. b CPP) et lui a octroyé une indemnité de CHF 300.- pour tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP).
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation partielle de l'ordonnance querellée en tant qu'elle refuse de lui allouer un montant de CHF 15'489.94 à titre de dommage économique et de CHF 1'000.- à titre de tort moral.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 1er novembre 2023, B______, directeur général de [l’école privée] C______, a déposé plainte pénale au nom de cette dernière en raison d'une fausse alerte à la bombe reçue le 27 octobre 2023.
b. Selon un rapport de renseignements établi le 16 novembre 2023 par la police judiciaire, le secrétariat de C______ avait reçu, le 27 octobre 2023 peu après 15h00, par le biais d'un formulaire de contact sur le site internet de l'école, des menaces d'alerte à la bombe sur ses deux campus de Genève et Vaud. L'adresse email utilisée par l'auteur, qui se présentait comme étant D______, né le ______ 2002, était "E______freepalestine@F______.org". L'auteur avait utilisé le navigateur G______ assurant un anonymat complet et aucune traçabilité n'était possible avec le service de messagerie utilisé. Le 6 novembre 2023, un message anonyme était parvenu à la Brigade des cyber-enquêtes (BCE), selon lequel l'auteur des menaces était A______, ressortissant italien né le ______ 2007, ancien élève de C______, qui aurait agi pour offrir un jour de congé à son frère, scolarisé dans cet établissement.
c. Par ordonnance du 30 novembre 2023, le Ministère public s'est dessaisi de la présente procédure en faveur du Tribunal des mineurs, à qui il a transmis le dossier.
d. Le 8 décembre 2023, le Juge des mineurs a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre A______, pour menaces alarmant la population (art. 258 CP).
Il lui était reproché d'avoir, le 27 octobre 2023, par l'intermédiaire d'un formulaire d'admission "online", sous une fausse identité, menacé C______ de faire exploser une bombe le lundi 30 octobre 2023 à 9h00, cachée sur un des campus de l'établissement, si quelqu'un s'y rendait, ceci en lien avec le conflit israélo-palestinien.
e. Par mandats d'actes d'enquête et d'amener du 8 décembre 2023, le Juge des mineurs a ordonné à la police de procéder à l'audition de A______ en qualité de prévenu.
f. Par ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le même jour, le Juge des mineurs a ordonné une perquisition du domicile de l'intéressé et la mise sous séquestre de tous objets, appareils électroniques, y compris les données qu'ils contenaient ou qui étaient accessibles à distance, documents ou valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve.
g.a. Selon le rapport d'arrestation du 14 mai 2024, A______ a été interpellé à son domicile à 6h30 le jour en question. La police y a saisi deux ordinateurs portables, une tour d'ordinateur PC et trois téléphones portables. L'intéressé a spontanément remis à la police un ordinateur H______, mis à disposition par l'école. À l'issue de la perquisition, A______ a saisi une plaquette de médicaments PREGABALIN MEPHA 75 contre les douleurs neuropathiques et les troubles anxieux et en a avalé deux ou trois cachets. Il s'est ensuite emparé d'un câble de chargeur de téléphone, faisant mine de vouloir s'étrangler avec.
g.b. Le 14 mai 2024 à 9h15, l'intéressé a été examiné par un médecin de garde, le Dr I______, qui a exclu des risques liés à la prise de médicament précitée. Il a autorisé la poursuite de la procédure, en suggérant une évaluation psychologique de l'intéressé en lien avec ses idées suicidaires.
g.c. Le même jour, après avoir demandé à la mère de l'intéressé si elle souhaitait faire appel à un avocat de choix pour son fils – laquelle n'a pas été en mesure de communiquer un nom –, la police a auditionné A______ en recourant à un avocat de permanence.
Assisté de Me J______, avocate-stagiaire, l'intéressé a contesté être l'auteur d'une alerte à la bombe et ne se souvenait pas s'il était, à la date des faits, à Genève ou en Italie. Il a expliqué avoir été scolarisé à C______ entre l'âge de 7 et 14 ans et souffrir de troubles mentaux (troubles autistiques et d'anxiété générale). Il avait des traumatismes physiques et psychiques liés à du harcèlement. Il avait quitté l'école "en bons termes", bien qu'il eût écrit un commentaire négatif, qu'il a qualifié de "légal", par email à une liste de diffusion de l'école. Il n'avait aucune raison d'aller sur le "dark net". Il envisageait d'aller dans une école italienne après avoir réussi l'année scolaire en cours. Interrogé sur sa réaction auto-agressive lors de son interpellation, il a déclaré qu'il ne fallait pas être inquiet à ce sujet et qu'il allait bien : il réagissait de cette manière lorsqu'il était stressé. Il s'agissait d'un moyen de défense.
g.d. À l'issue de l'audition, A______ a expressément renoncé à demander la mise sous scellés des appareils saisis.
g.e. L'intéressé a été relaxé le 14 mai 2024 à 16h25.
h. Par courrier du même jour au Juge des mineurs, K______ et L______, parents et représentants légaux de A______, ont fait valoir que les droits de leur enfant avaient été violés lors de son arrestation. Malgré des mandats d'actes d'enquête et d'amener datant du 8 décembre 2023, la police avait attendu 5 mois pour qualifier ensuite l'audition de leur fils d'"urgente", l'empêchant de trouver un avocat de choix et le déstabilisant de manière "délibérée". Par ailleurs, la prise de médicaments contre l'anxiété durant l'interpellation, en présence des policiers, aurait dû les amener à agir autrement pour la suite, ce qui justifiait l'annulation des actes de procédure exécutés jusqu'alors.
i. Le 15 mai 2024, les parents du mineur ont requis la restitution urgente de l'ordinateur scolaire de ce dernier. Il avait été absent de l'école durant plus d'un mois et avait commencé à reprendre les cours, en ayant "énormément" de travail à rattraper afin de valider son année scolaire. Sans l'ordinateur, leur fils n'était pas en mesure de continuer ses études et de se préparer efficacement aux examens.
j. Par mandat d'actes d'enquête du même jour, le Juge des mineurs a ordonné l'analyse des ordinateurs et téléphones saisis et a attiré l'attention de la police sur l'urgence de cette requête s'agissant de l'ordinateur scolaire du mineur.
k. Par ordonnance du 15 mai 2024 encore, le Juge des mineurs a ordonné le séquestre du matériel informatique saisi.
l. Par lettre du même jour aux parents du mineur, il a rejeté leur requête visant l'annulation des actes de procédure, considérant que la perquisition et l'audition devaient intervenir simultanément pour prévenir les risques de collusion. Par ailleurs, il ressortait du rapport de police qu'un délai leur avait été imparti pour communiquer le nom d'un avocat de choix. Faute de réponse, la police avait fait appel à un avocat de permanence pour ne pas faire attendre le mineur plus longtemps.
m.a. Par courrier du 16 mai 2024, les parents du mineur ont requis la mise sous scellés du matériel séquestré.
m.b. Le 21 mai 2024, le Juge des mineurs a demandé au Tribunal des mesures de contrainte la levée des scellés du matériel saisi au domicile du mineur.
m.c. Par ordonnance rendue le 17 juin 2024, le Tribunal des mesures de contrainte a déclaré irrecevable la demande de mise sous scellés formée le 16 mai 2024, faute de motivation de la demande, et a ordonné la levée des scellés apposés sur le matériel informatique saisi.
m.d. Par courrier du 5 juillet 2024, A______, par son conseil, a informé le Juge des mineurs de sa renonciation à recourir contre l'ordonnance de levée de scellés du 17 juin 2024. Il a requis que les recherches soient circonscrites à la période pénale, soit d'octobre à novembre 2023 et a demandé que ses conversations privées avec sa famille et son psychiatre soient préservées.
m.e. Par mandat d'actes d'enquêtes du 16 juillet 2024, le Juge des mineurs a ordonné l'analyse du matériel informatique saisi.
m.f. Le 15 août 2024, le Juge des mineurs a autorisé la restitution à A______ de son ordinateur scolaire, dont l'analyse était terminée.
o. Par courrier du 21 mai 2024, les parents de A______ ont constitué
Me Milena PEEVA comme avocate de choix en faveur de leur fils.
p. Selon un rapport du 3 juin 2024 du Service de protection des mineurs (ci‑après : SPMI), A______ avait été placé dans la nuit du 29 mai 2024 en urgence au foyer de M______ (dispositif d'urgence pour enfants et adolescents), après un épisode de violences sur sa mère. Un appui éducatif était en place depuis décembre 2015, à la suite d'un signalement de l'école. En mars 2023, le père avait pris contact avec la permanence du SPMI afin d'avoir des orientations, compte tenu d'un trouble du spectre autistique dont souffrait son fils. En novembre 2023, la mère du mineur avait également pris contact avec la permanence du SPMI : son fils consommait de l'alcool en excès, utilisait les papiers d'identité des parents pour en commander sur internet, naviguait sur le "dark web", où il commandait de la drogue, et rejetait l'autorité et le cadre de ses parents.
q. Auditionnée le 18 juin 2024 par le Juge des mineurs, L______ a déclaré qu'en raison des troubles autistiques de son fils, celui-ci était très fragile, ce qui impliquait d'être calme avec lui. Or, lors de son interpellation, les policiers avaient été agressifs. Depuis ces faits, la santé mentale de A______ s'était péjorée. Le dosage médicamenteux avait dû être augmenté en raison de ses angoisses. Avant l'intervention de la police, il était sur le chemin de la réadaptation et envisageait de reprendre l'école.
r. Par avis du 28 février 2025, le Juge des mineurs a informé les parties qu'il entendait procéder au classement de la procédure et leur a imparti un délai pour solliciter d'éventuels actes d'instruction complémentaires.
s. Par courrier du 29 avril 2025, A______ a requis un montant total de CHF 16'005.07 à titre de remboursement du dommage économique subi du fait de la procédure pénale, soit CHF 2'481.72 pour le remboursement des ordinateurs, de l'équipement lié ainsi que du téléphone portable de remplacement, CHF 7'155.35 pour le semestre scolaire manqué et CHF 6'368.- pour les frais de voyage et d'hébergement à N______ [Italie]. Il a en outre sollicité un montant de CHF 1'000.- à titre d'indemnité pour le tort moral subi en lien avec son interpellation.
À l'appui de sa demande, il a produit diverses factures en lien avec l'acquisition de matériel informatique de remplacement, un certificat médical du 4 mars 2024 du Dr O______, psychiatre, attestant d'un suivi depuis 2019 pour un trouble du spectre autistique et un trouble d'hyperactivité et déficit d'attention, associé à de l'anxiété, et un avis de sortie des soins psychiatriques établi le 27 mars 2025 par les HUG mentionnant, comme diagnostic principal, des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, avec trouble du spectre de l'autisme, trouble de l'attention avec hyperactivité et trouble anxieux.
t. Par courrier du 6 juin 2025, il a produit un certificat médical du 5 mai 2025 du Dr P______, psychiatre à N______. Selon ce médecin, A______ avait présenté un état d'angoisse profonde générée par la procédure judiciaire. Son interpellation avait eu un effet dévastateur sur son équilibre psychique. Il présentait une structure de personnalité vulnérable, avec une réactivité émotionnelle élevée et une tendance à une perception amplifiée des événements. L'expérience judiciaire avait ainsi exacerbé ses symptômes anxieux, dépressifs et des idées suicidaires.
C. Dans l'ordonnance entreprise, le Juge des mineurs a classé la procédure pénale visant A______.
Sous l'angle de l'art. 429 al. 1 let. b CPP, il a retenu que le matériel informatique de l'intéressé allait lui être restitué, de sorte que le montant de CHF 2'481.72 réclamé au titre de dommage économique n'était pas justifié. Il en allait de même des frais d'écolage (CHF 7'155.36) pour le dernier trimestre manqué, aucun élément ne démontrant un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'arrestation de l'intéressé et ses difficultés à suivre le dernier semestre scolaire. Les difficultés scolaires et psychiques de A______ étaient en effet préexistantes à son interpellation : l'intéressé accusait déjà un retard scolaire important, notamment en lien avec son hospitalisation durant près d'un mois en avril 2024, ce qui avait justifié que l'école lui remît un ordinateur. Par ailleurs, il n'avait pas démontré avoir été empêché dans ses études du fait de la saisie de l'ordinateur. Quant aux frais de déplacement et d'hébergement à N______, le projet de poursuivre sa scolarité en Italie était déjà envisagé avant l'interpellation du 14 mai 2024, de sorte qu'aucun rapport de causalité naturelle et adéquate n'existait entre ladite interpellation et les frais réclamés.
Enfin, s'agissant du tort moral, il n'était pas démontré que la police n'avait pas respecté la procédure : lors de son audition, A______ avait été assisté d'un avocat et préalablement examiné par un médecin. Son ressenti du déroulement de la procédure pénale était lié à ses troubles, le certificat médical du Dr P______ relevant une "réactivité élevée" et une "tendance à une perception amplifiée des événements". Un montant de CHF 300.- se justifiait au titre de la réparation du tort moral, correspondant à un jour d'indemnité pour la période excédant les trois heures d'arrestation provisoire.
D. a. Dans son recours, A______ soutient que l'échec de son année scolaire était la conséquence de la souffrance psychique générée par la procédure pénale ainsi que de la confiscation de son matériel informatique. En effet, s'il avait certes vécu une grave crise mentale en avril 2024, ayant mené à son hospitalisation durant près d'un mois, ses difficultés psychiques ne l'avaient jamais empêché, jusqu'à son interpellation, de suivre avec succès sa scolarité. Malgré sa fragilité liée à ses troubles du spectre autistique et au TDAH (trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité), connue des autorités pénales, ces dernières avaient mené la procédure sans considération pour ses troubles, de manière particulièrement violente : son interpellation "surprise" le 14 mai 2024 avait généré une réaction auto-agressive et suicidaire. Interrogé ensuite pendant près de deux heures sans possibilité de se rendre aux toilettes et assisté d'une avocate-stagiaire inexpérimentée, il avait été "malmené" et "intimidé" par la police pour qu'il renonce à la mise sous scellés du matériel saisi à son domicile. Par la suite, la pression latente de la procédure avait provoqué chez lui une anxiété constante. L'octroi d'un montant de CHF 300.- au titre de tort moral ne tenait pas compte de l'aggravation causée par la procédure pénale de son état de santé fragile ; l'absence de prise en compte de ses troubles violait ainsi l'art. 3 par. 1 de la Convention sur les droits de l'enfant (CDE), l'art. 7 de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et le principe de non-discrimination des personnes handicapées.
Le seul matériel informatique qui lui avait été restitué était un ordinateur, remis le 15 août 2025, à savoir après la fin du dernier trimestre scolaire. Il n'avait ainsi pas pu utiliser d'ordinateur à des fins scolaires ni s'adonner à ses loisirs, à savoir le gaming en ligne. La confiscation de son matériel informatique l'avait, de plus, isolé socialement, faute d'accès aux réseaux sociaux.
En outre, son déplacement à N______ était lié à la nécessité de préserver sa santé psychique après le traumatisme que représentaient les démarches judiciaires à Genève. Les frais liés à son voyage, son séjour et sa scolarisation à l'étranger étaient donc la conséquence de la présente procédure.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 de la Loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs du 20 mars 2009 - PPMin [RS 312.1]; art. 393 et 396 CPP), concerner une ordonnance de classement sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 1 et 3 PPMin cum art. 20 al. 1 let. b et 393 al. 1 let. a CPP; A. KUHN, La procédure pénale pour mineurs in Procédure pénale suisse, Approche théorique et mise en oeuvre cantonale, 2010, n. 49 p. 319 et n. 55 p. 321; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 13 ad art. 393) et émaner du prévenu, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 38 al. 1 let. a PPMin).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant critique le refus du Juge des mineurs de lui allouer une indemnité pour le dommage économique qu'il aurait subi en raison de sa participation obligatoire à la procédure pénale.
3.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. b CPP (applicable par renvoi de l'art. 3 al. 1 PPMin), si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.
Cette disposition instaure une responsabilité causale de l'Etat, qui est tenu de réparer l'intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1). Elle vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_814/2017 du 9 mars 2018 consid. 1.1.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1). L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (art. 41 ss CO; ATF 142 IV 163).
Il appartient au lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et l'évènement à la base de son action (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).
Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 143 III 242 consid. 3.7). Pour procéder à cette appréciation de la probabilité objective, le juge se met en règle générale à la place d'un "tiers neutre". Pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Une telle conséquence doit demeurer dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 143 III 242 consid. 3.7). La causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre – force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers – et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer, y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7; arrêt 4A_342/2020 du 29 juin 2021 consid. 7.1.2).
3.2. Le recourant fait valoir un dommage économique subi du fait de la procédure, lequel correspondrait à ses frais d'écolage pour le deuxième semestre 2024 – le recourant imputant son échec scolaire aux angoisses provoquées par la procédure et à la confiscation de son matériel informatique –, le remboursement de son matériel informatique et celui de ses frais de déplacement et d'hébergement à N______ [Italie], où il s'était rendu pour échapper au traumatisme que représentait la procédure pénale à Genève.
En l'espèce, il ressort du rapport du 3 juin 2024 du SPMI que les parents du mineur avaient cherché à deux reprises de l'aide auprès de la permanence de ce service durant l'année 2023, dont la seconde fois en novembre, en raison des difficultés de leur fils. Or, ses difficultés de santé se sont exacerbées durant l'année scolaire 2023-2024 au point de contraindre sa mère à solliciter l'aide du SPMI en novembre 2023 et d'aboutir, en avril 2024, à une longue hospitalisation du mineur, puis à un encadrement scolaire spécifique (remise d'un ordinateur de l'école). Ainsi, si le recourant est parvenu à poursuivre son cursus scolaire jusqu'alors, il apparaît, sous l'angle de la causalité adéquate, que ce sont ses difficultés de santé préexistantes à son interpellation du 14 mai 2024 qui constituent le facteur prépondérant de son échec scolaire allégué. Sorti d'une hospitalisation de près d'un mois en raison d'une grave crise psychique peu avant son interpellation, l'intéressé était déjà en difficulté scolaire lors de l'année scolaire 2023-2024. Même en tenant compte de l'impact de la procédure pénale sur son état de santé psychique déjà fragile, dont il n'y a pas lieu de nier en tant que telle l'existence, celle-ci n'apparait donc pas comme la cause principale de son échec scolaire.
À cela s'ajoute que le Juge des mineurs a, dès le lendemain de la perquisition, ordonné l'analyse urgente de l'ordinateur scolaire du recourant. Or, la restitution dudit ordinateur le 15 août 2024 seulement est la conséquence, non pas de la procédure pénale, mais de la requête du 16 mai 2024 des représentant légaux du mineur de mise sous scellés du matériel informatique saisi deux jours plus tôt par la police. En effet, cette demande, en tant qu'elle a nécessité ensuite la saisine du Tribunal des mesures de contrainte par le Juge des mineurs, a considérablement retardé l'analyse du matériel informatique concerné – malgré les dispositions prises par le premier juge – et, partant, la remise de l'ordinateur au mineur. Sous l'angle de la causalité naturelle et adéquate, c'est donc cette demande, quoi que légitime a priori, qui a entraîné une impossibilité temporaire pour le mineur d'accéder à son ordinateur avant la fin de l'année scolaire. Cet inconvénient aurait pu quoi qu'il en soit être évité si le mineur et ses parents avaient fait une demande de prêt d'un nouvel ordinateur auprès de l'école, si cet outil était réellement indispensable, ce qu'ils ne prétendent pas avoir fait.
Enfin, les frais de déplacement et d'hébergement en Italie ne sont pas dans un lien de causalité naturelle et adéquate avec la procédure pénale visant le recourant. Lors de son audition du 14 mai 2024, celui-ci avait déjà évoqué des déplacements dans ce pays, ainsi que son projet d'y poursuivre sa scolarité. En tout état, il ne s'agit pas d'un dommage consécutif à la procédure mais d'un choix personnel du recourant. Un tel choix constitue, là encore, le facteur de causalité prépondérant dans les frais engendrés par de tels séjours.
Partant, c'est à bon droit que le Juge des mineurs a refusé le remboursement réclamé.
4. Le recourant réclame une indemnité de CHF 1'000.- pour le tort moral subi en raison de la procédure pénale.
4.1. En vertu de l'article 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.
Lorsque, du fait de la procédure, le prévenu a subi une atteinte particulièrement grave à ses intérêts personnels au sens des art. 28 al. 2 CC ou 49 CO, il aura droit à la réparation de son tort moral. L'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.2; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1).
Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.2; 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.1; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1 non publié in ATF 142 IV 163).
La gravité objective de l'atteinte doit être ressentie par le prévenu comme une souffrance morale. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances (ATF 128 IV 53 consid. 7a). Il incombe au prévenu de faire état des circonstances qui font qu'il a ressenti l'atteinte comme étant subjectivement grave (ATF 120 II 97 consid. 2b). La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 précité ; ATF 130 III 699 consid. 5.1).
4.2. Selon l'art. 7 par 1 et 2 CDPH, les États Parties prennent toutes mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants (par. 1). Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (par. 2).
4.3. En l'espèce, le recourant a été entendu à une seule reprise, dans le cadre d'une arrestation ayant duré moins d'une journée. Aucun élément ne permet de retenir que la procédure n'a pas été respectée lors de son interpellation. Malgré ses allégations d'avoir été malmené ou mis sous pression par la police, le recourant n'apporte aucun élément concret indiquant que les autorités auraient porté atteinte à sa personnalité. Son impression subjective et celle de sa mère est, à cet égard, insuffisante. Quoi qu'il en soit, la procédure a été menée dans le respect du principe de la proportionnalité et son déroulement était justifié par des motifs objectifs : un médecin a été appelé avant le début de l'audition pour examiner le recourant, dont les troubles ont ainsi été pris en compte; l'interpellation et l'audition du mineur le même jour répondent à la nécessité d'éviter le risque de collusion; enfin, le fait de faire appel à un avocat de permanence plutôt qu'attendre que les parents – contactés à deux reprises – communiquent le nom d'un avocat de choix, répondait, quant à lui, au besoin de limiter la durée de l'arrestation du mineur pour préserver sa santé.
Par conséquent, même à tenir compte de la fragilité psychique du recourant liée à son trouble du spectre autistique et à son déficit de l'attention avec hyperactivité, rien ne tend à indiquer que ses libertés fondamentales auraient été violées par la police, qui a veillé à ne pas l'auditionner avant qu'un médecin ne l'examine. Lors de son audition, le recourant a lui-même déclaré "aller bien" et expliqué que son comportement auto-agressif était une réaction habituelle générée par le stress, sans que cela ne dût susciter d'inquiétudes. Hormis la période excédant les trois heures d'arrestation provisoire, indemnisée par le Juge des mineurs dans une juste mesure, l'intéressé n'a, compte tenu de ce qui précède, pas subi d'atteinte illicite à sa personnalité.
Le Juge des mineurs a ainsi statué conformément à l'art. 429 al. 1 let. c CPP (cum art. 3 al. 1 PPMin) en limitant au montant de CHF 300.- l'indemnité pour le tort moral subi.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP cum 44 al. 2 PPMin et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui Me Milena PEEVA, et au Juge des mineurs.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/26222/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 415.00 |
Total | CHF | 500.00 |