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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8950/2025

ACPR/660/2025 du 15.08.2025 sur ONMMP/1890/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;DIFFAMATION;RÉPUTATION;INJURE
Normes : CP.173; CP.177; CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8950/2025 ACPR/660/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 15 août 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 avril 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 26 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 précédent, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte à l'encontre de B______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce qu'il soit procédé à l'instruction de sa plainte.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ SA est une société inscrite au registre du commerce de Genève, dont le but est notamment de créer et gérer une communauté internationale de personnes actives ou intéressées aux nouvelles technologies. B______ en est l'administrateur avec signature individuelle.

D______ SARL est une société vaudoise active dans le domaine de la construction. A______ en est l'associé gérant président avec signature individuelle.

b. Le 8 novembre 2024, C______ SA et D______ SARL – représentée par A______ – ont conclu un contrat "de vente et de service" [produit par le précité à l'appui de son recours], aux termes duquel celle-ci s'engageait – contre une rémunération de CHF 6'774.57 – à créer dans le club exploité par celle-là un aménagement floral luminescent naturel sur la thématique de Noël. À réception d'un acompte de 30%, l'entrepreneur s'obligeait à entamer le processus de fabrication de l'ouvrage.

Aux dires de A______, un second acompte était dû à D______ SARL le 5 décembre 2024.

c. Les 6 et 13 janvier 2025, A______ – et un autre membre de l'équipe de D______ SARL – ont envoyé (depuis l'adresse "info@D______.com") à B______ ("B______@E______.com") et à F______ ("F______@E______.com") deux courriels aux termes desquels ceux-ci étaient invités à régler dans les meilleurs délais une facture en souffrance.

Le 14 suivant, la dernière citée a répondu que "nous tenons à souligner notre profonde déception quant aux services fournis, lesquels ne correspondent en rien aux engagements prévus dans le contrat que nous avons signé. Nous estimons également que le montant réclamé demeure injustifié au vu des prestations réellement assurées pendant l'intervention de votre société durant la moitié du mois de décembre 2024. […] En conséquence, nous vous informons de notre volonté de rompre le contrat pour non-performance et non-respect des obligations contractuelles. Nous considérons en effet que votre facture ne reflète pas la réalité des services rendus et ne saurait, dans ces conditions, être honorée".

d. Le 15 janvier 2025, B______ a adressé à F______ (sic) – et en copie à G______ [collaboratrice de D______ SARL], ainsi qu'aux adresses "info@D______.com", "H______@E______.com" et "I______@E______.com" – un courriel dont la teneur est la suivante: "Monsieur, [j]e me réfère à votre appel de hier dans lequel vous vous être montré très agressif et vous avez intimidé ma collaboratrice Mme F______. Sachez que le travail que vous avez effectué au sein du club n'est pas du tout acceptable, et votre attitude frôle l'escroquerie pour demander un paiement pour un travail non effectué […]".

e. Le lendemain, l'équipe de D______ SARL a répondu avoir – en vue de l'ouverture d'une procédure judiciaire à l'encontre de B______ – mandaté un conseil pour notamment "constater la conformité contractuelle des prestations rendues".

f. Le 12 avril 2025, A______ a déposé plainte contre B______ pour diffamation (art. 173 CP) et "injure publique par insinuation".

Dans le courriel du 15 janvier 2025 – adressé à quatre "personnes supplémentaires" – B______ avait qualifié son comportement "de frôler l'escroquerie", ce qui constituait une atteinte grave à son honneur, dès lors que l'auteur lui imputait à tort "un comportement frauduleux dans le cadre de [s]on activité professionnelle".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que les éléments constitutifs de l'infraction de diffamation n'étaient pas réalisés, dans la mesure où le plaignant n'était pas visé par les écrits du mis en cause. Le second n'avait en effet pas mentionné le nom du premier dans son courriel du 15 janvier 2025.

D. a. Dans son recours, A______ relève que bien que son nom n'eût pas été explicitement cité dans le courriel litigieux, son identification était possible pour les tiers, dès lors qu'il était le seul homme destinataire de l'écrit. Qui plus est, le contexte contractuel était connu des destinataires, ce qui leur permettait de l'identifier en tant que personne concernée par les propos du mis en cause. Par ailleurs, le courriel litigieux – lequel avait été adressé à quatre personnes, dont deux "totalement étrangères à la relation contractuelle initiale" – était de nature à porter atteinte à son honneur au sens des art. 173 et 177 CP. Depuis ces évènements, B______ avait fait démonter sans droit l'entier du matériel lui appartenant, ce qui était constitutif d'infractions aux art. 141 et 144 CP.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. En tant que le recourant reproche à B______, pour la première fois dans son recours, des infractions aux art. 141 et 144 CP – lesquelles n'ont pas été analysées dans l'ordonnance querellée – son recours est irrecevable, faute de décision préalable sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.2. Pour les surplus, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.3. Les pièces nouvelles produites par le recourant sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 et 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

3.2.1. L'art. 173 ch. 1 CP punit quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération.

L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1; ATF 132 IV 112 consid. 2.1). La réputation relative à l'activité professionnelle n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme telles la personne de métier, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ce domaine, si la commission d'une infraction pénale est évoquée (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2).

La personne dont l'honneur est visé n'a pas à être désignée nommément, il suffit qu'elle soit reconnaissable, soit identifiable (ATF 124 IV 262 consid. 2a, selon lequel la personne doit être "clairement reconnaissable"; 117 IV 27 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1126/2020 du 10 juin 2021 consid. 3.1).

Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.2). Les mêmes termes n'ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2; 145 IV 462 consid. 4.2.3;
118 IV 248 consid. 2b). Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui s'en dégage dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1052/2023 du 4 mars 2024 consid. 1.1).

3.2.2. La diffamation suppose une allégation de fait, et non pas un simple jugement de valeur (ATF 117 IV 27 consid. 2c et la jurisprudence citée). Si l'on ne discerne qu'un jugement de valeur offensant, la diffamation est exclue et il faut appliquer la disposition réprimant l'injure (art. 177 CP), qui revêt un caractère subsidiaire. Pour distinguer l'allégation de fait du jugement de valeur, il faut se demander, en fonction des circonstances, si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont employés pour exprimer le mépris. Lorsqu'une affirmation comporte un jugement de valeur qui n'est pas porté in abstracto, mais en relation avec des faits précis, une telle affirmation à caractère mixte doit être traitée comme une allégation de fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.2.2 avec référence à l'ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb). Le Tribunal fédéral a relevé que le caractère intrinsèquement attentatoire à l'honneur des termes "escroc" et "voleur" n'était pas discutable en lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 6B_870/2014 du 1er octobre 2015 consid. 1.1).

3.2.3. Conformément à l'art. 173 ch. 2 CP, même si le caractère diffamatoire des propos ou des écrits litigieux est établi, l'inculpé n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3). L'admission de la preuve libératoire constitue la règle et elle ne peut être refusée que si l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et s'il s'est exprimé sans motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1).

3.3. En l'espèce, le recourant reproche au mis en cause d'avoir porté atteinte à son honneur en ayant, dans un courriel adressé à des tiers, qualifié son comportement de "frôler l'escroquerie".

Il convient tout d'abord de relever que les termes susvisés ne constituent pas un simple jugement de valeur, puisqu'ils s'appuient sur des faits précis, soit d'avoir demandé un paiement pour un travail prétendument non effectué. Il s'agit donc d'une allégation de fait, susceptible d'être réprimée par l'art. 173 CP, à l'exclusion de l'art. 177 CP.

Par ailleurs, contrairement à ce que retient le Ministère public, la personne visée par les propos litigieux était reconnaissable par les tiers. En effet, dans son courriel du 15 janvier 2025, le mis en cause emploie le titre "Monsieur" et exprime son mécontentement quant au travail fourni par l'entreprise. Or le recourant paraît être la seule personne du sexe masculin au sein de D______ SARL parmi les destinataires du courriel litigieux. En outre, les tiers visés font tous partie des sociétés du mis en cause et du recourant, ce qui permet de retenir que le contexte contractuel leur était connu.

Cela étant, force est de constater que les propos litigieux – pour dépréciatifs qu'ils soient – visent le recourant en sa qualité de prestataire de service et non en tant qu'être humain. En effet, le mis en cause expose la manière dont le recourant a, selon lui, exécuté ses obligations contractuelles, ce qu'admet d'ailleurs ce dernier (cf. B.f. in fine). Or, conformément à la jurisprudence susvisée, la réputation professionnelle n'est pas protégée par l'art. 173 CP, sauf si la commission d'une infraction pénale est évoquée, ce qui n'est pas le cas ici, puisque l'auteur a spécifié que ce qu'il qualifiait d'escroquerie n'était pas réalisé, mais "frôlé".

En tout état, replacés dans leur contexte, les propos litigieux ne revêtent pas l'intensité suffisante pour être qualifiés d'attentatoires à l'honneur. Il est en effet constant que les parties s'opposent au sujet de l'exécution du contrat du 8 novembre 2024, C______ SA considérant que les services fournis "ne correspond[aient] en rien aux engagements prévus". Il y a ainsi lieu de considérer qu'au moment de l'envoi du courriel du 15 janvier 2025, le mis en cause était convaincu que le recourant avait adopté un comportement abusif à son égard en lui demandant un paiement pour un travail, selon lui, non réalisé. Enfin, le courriel litigieux a été envoyé à un cercle restreint de destinataires, lesquels – selon les allégations même du recourant – étaient au courant du contexte contractuel. Contrairement à ce que ce dernier soutient plus loin dans son recours, rien ne permet de retenir que ledit courriel a été envoyé à deux personnes "totalement étrangères à la relation contractuelle initiale", dès lors que celles-ci appartiennent toutes aux deux parties au contrat.

C'est donc à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte déposée par le recourant.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), prélevés sur les sûretés.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8950/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00