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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7835/2024

ACPR/656/2025 du 15.08.2025 sur OTDP/1463/2025 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;DÉFAUT(CONTUMACE);DÉMÉNAGEMENT;NOTIFICATION DE LA DÉCISION;CITATION À COMPARAÎTRE;OPPOSITION(PROCÉDURE)
Normes : CPP.354; CPP.356.al4; CPP.85.al2; CPP.87

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7835/2024 ACPR/656/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 15 août 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 5 juin 2025 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 juin précédent, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Tribunal de police a pris acte du retrait de l'opposition formée contre l'ordonnance pénale du 8 juillet 2024 et dit que celle-ci était assimilée à un jugement entré en force.

Le recourant conclut au maintien de son opposition à l'ordonnance pénale.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 8 juillet 2024, A______ a été condamné à une peine pécuniaire avec sursis, pour blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP).

La décision a été notifiée par pli recommandé à l'adresse du prévenu, soit c/o B______, rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE].

b. Par pli du 17 juillet 2024, A______ y a formé opposition. En entête de cette lettre, le précité a mentionné son adresse : rue 1______ no. ______, [code postal] C______.

c. Préalablement, A______ avait écrit, le 4 juin 2024, au Ministère public pour l'informer que pour des motifs de confidentialité, il demandait que les courriers lui soient envoyés à l'adresse suivante : MLaw D______, E______ [association], 2______strasse no. ______, [code postal] Zurich (ci-après, l'adresse de Zurich).

d. Sur le procès-verbal de l'audience du 24 octobre 2024 devant le Ministère public, par suite de l'opposition à l'ordonnance pénale, l'adresse de A______ est celle de son conseil à Zurich.

e. Par ordonnance du 24 octobre 2024, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale du 8 juillet 2024 et transmis la cause au Tribunal de police.

f. Par mandat de comparution du 23 janvier 2025, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître à l'audience du 5 juin 2025 à 13h30. La citation à comparaître précisait, en caractères gras, que si le prévenu ne se présentait pas, sans excuse valable, l'opposition serait réputée retirée et l'ordonnance pénale déclarée exécutoire.

Le mandat de comparution a été expédié par plis recommandés, au domicile du prévenu, soit c/o B______, rue 1______ no. ______ à C______, ainsi qu'à l'adresse de Zurich.

Le premier pli a été distribué au guichet le 27 janvier 2025 à "B______" et le second, le 29 janvier 2025, a été distribué à "D______" [patronyme tronqué].

g. Le 5 juin 2025, A______ n'a pas comparu devant le Tribunal de police.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que A______ avait été rendu attentif aux conséquences de son absence à l'audience et que, malgré cela, il ne s'était pas présenté à celle-ci. L'ordonnance pénale du 8 juillet 2024 était donc déclarée exécutoire, en tant que l'opposition du prévenu était considérée comme retirée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient ne pas avoir été convoqué à, ni notifié de, l'audience du 5 juin 2025. Il était victime d'une usurpation d'identité à la suite d'une cyberattaque, comme il l'avait signalé à la police.

b. Par lettre du 30 juin 2025, la Direction de la procédure a transmis à A______ – avec un délai au 14 juillet suivant pour faire parvenir ses observations –, copie du suivi des envois recommandés de la Poste, établissant que le mandat de comparution avait été distribué le 27 janvier 2025 à l'adresse genevoise, le pli ayant été reçu par "B______".

c. Dans ses observations du 9 juillet 2025, A______ se prévaut d'un défaut de notification indépendant de sa volonté. Bien que le pli contenant la citation à comparaître eût été retiré, il n'en avait pas eu connaissance car le courrier avait été "détourné" par son épouse, B______, dont il était séparé depuis mars 2024. Ce comportement l'avait empêché de se présenter à l'audience et conduit à la condamnation injustifiée.

d. Par pli du 14 juillet 2025, A______ prend position sur le fond de l'affaire, estimant avoir agi de bonne foi.

e. Par lettre du 22 juillet 2025, il fait valoir un fait nouveau, à savoir qu'il avait demandé, le 4 juin 2024, à recevoir les communications en lien avec la présente procédure à l'adresse de son conseil juridique, à Zurich. L'envoi du mandat de comparution à son domicile à Genève constituait une violation de son droit d'être entendu, laquelle avait conduit à son absence à l'audience, et aux conséquences de celle-ci.

f. Le 4 août 2025, la direction de la procédure a transmis à A______, avec un délai pour ses éventuelles observations, copie du mandat de comparution expédié à l'adresse de Zurich, et le suivi du pli recommandé à cette adresse.

g. Dans sa réplique, A______ expose qu'après vérification, son conseil avait effectivement reçu la citation à comparaître. L'avocat la lui avait transmise "par voie postale". Or, son ex-épouse avait pris l'initiative, sans son consentement, de déplacer leur "adresse conjugale postale" [à la rue 1______ no. ______] vers l'adresse de sa mère (à elle) [rue 3______ no. ______]. Il avait alors souscrit un contrat de réacheminement du courrier auprès de la Poste. Le recourant établit ce fait en produisant copies de deux plis datés respectivement des 1er et 10 juillet 2024 adressés à la rue 1______, redirigés vers la rue 3______, ainsi qu'une demande de prolongation, jusqu'au 17 mai 2025, du réacheminement des courriers à son nom vers une poste restante, en vigueur depuis le 2 décembre 2024. Plusieurs courriers qui lui étaient destinés avaient toutefois été "interceptés à l'adresse de la rue 3______" et ne lui étaient jamais parvenus. Il avait déposé une plainte pénale [le 9 juillet 2025] contre son ex-épouse en raison de ces faits. Son absence à l'audience du 5 juin 2025 n'était nullement le fruit d'un désintérêt, mais la conséquence de circonstances indépendantes de sa volonté.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter, sans échange d'écritures avec les autres parties, ni débats, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. Le recourant soutient que la notification du mandat de comparution serait invalide, de sorte que son absence à l'audience de jugement ne pouvait lui être reprochée.

3.1. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

3.2. À teneur de l'art. 356 al. 4 CPP, si l'opposant à une ordonnance pénale fait défaut aux débats devant le tribunal de première instance sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée.

L'art. 356 al. 4 CPP consacre une fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié, à l'instar de l'art. 355 al. 2 CPP, auquel elle correspond
(ATF 142 IV 158 consid. 3.1 p. 160 et 3.5 p. 162). Eu égard aux spécificités de la procédure de l'ordonnance pénale, l'art. 356 al. 4 CPP doit être interprété à la lumière de la garantie constitutionnelle (art. 29a Cst.) et conventionnelle (art. 6 par. 1 CEDH) de l'accès au juge, dont l'opposition (art. 354 CPP) vise à assurer le respect en conférant à la personne concernée la faculté de soumettre sa cause à l'examen d'un tribunal (cf. ATF 142 IV 158 consid. 3.1 p. 159 s. et 3.4 p. 161 s.; 140 IV 82 consid. 2.3 p. 84 et 2.6 p. 86; arrêts du Tribunal fédéral 6B_365/2018 du 5 juillet 2018 consid. 3.1; 6B_802/2017 du 24 janvier 2018 consid. 2.1). La fiction légale du retrait ne peut s'appliquer que si l'on peut déduire de bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) du défaut non excusé un désintérêt pour la suite de la procédure – désintérêt qui doit résulter de l'ensemble du comportement de l'intéressé –, lorsque l'opposant a conscience des conséquences de son omission et renonce à ses droits en connaissance de cause (arrêt du Tribunal fédéral 6B_801/2019 du 21 novembre 2019 destiné à la publication, consid. 1.1.1). Demeurent réservés les cas d'abus de droit (ATF 142 IV 158 consid. 3.4 p. 162; 140 IV 82 consid. 2.7 p. 86).

3.3. Le mandat de comparution est décerné par écrit (art. 201 al. 1 CPP).

3.3.1. Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par pli recommandé (art. 85 al. 2 CPP).

3.3.2. En vertu de l'art. 87 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (al. 1). Si les parties sont pourvues d'un conseil juridique, les communications sont valablement notifiées à celui-ci (al. 3).

3.3.3. Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.3.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.2). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 103 V 63 consid. 2a p. 66; arrêt du Tribunal fédéral 6B_955/2008 du 17 mars 2009 consid. 1).

3.3.4. Celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3.1 p. 431 s.; 139 IV 228 consid. 1.1 p. 230 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_723/2020 du 2 septembre 2020).

3.4.       En l'espèce, le pli recommandé contenant le mandat de comparution a été expédié par le Tribunal de police non seulement à l'adresse du domicile genevois du recourant, mais également au domicile élu, c'est-à-dire à l'adresse de son conseil juridique à Zurich. Les deux plis ont été délivrés, le premier le 27 janvier 2025, à Genève, le second, à Zurich, le 29 janvier suivant.

Le recourant soutient que le mandat de comparution aurait été délivré, à Genève, à son épouse, dont il était séparé, laquelle ne l'aurait pas informé de son contenu. Il invoque donc la non validité de cette notification, ce d'autant qu'il avait, le 4 juin 2024, informé les autorités de poursuite pénale avoir fait élection de domicile à l'adresse zurichoise.

Il ressort toutefois du dossier que la citation à comparaître a également été notifiée chez le conseil du recourant, à l'adresse de Zurich, où le pli a été délivré le 29 janvier 2025, ce que l'intéressé confirme (cf. art. 87 al. 3 CPP; cf. ATF 144 IV 64 consid. 2.5). Partant, cette notification au domicile élu ayant été valablement effectuée, le recourant ne peut soutenir qu'il n'a pas été informé de la tenue de l'audience, et des conséquences d'une absence à celle-ci, dûment mentionnées en caractères gras sur la convocation.

Il allègue que la citation à comparaître lui aurait été transmise par son avocat par voie postale et qu'il ne l'aurait pas reçue, car certains courriers adressés à la rue 1______, à Genève, étaient transférés à l'adresse de la mère de son ex-épouse. Or, il ressort des documents produits que le recourant a requis le réacheminement de son courrier, en faveur d'une poste restante, dès le 2 décembre 2024 déjà, de sorte qu'il lui appartenait, dès cette date, d'avertir son conseil de lui transmettre les documents officiels à une adresse autre que celle du domicile conjugal, puisqu'il s'était constitué une adresse postale distincte.

Dans la mesure où le mandat de comparution, du 23 janvier 2025, a été notifié aux deux adresses du recourant – à son domicile privé et au domicile élu –, le juge pouvait de bonne foi considérer, en présence d'un défaut non motivé, que le prévenu se désintéressait de la procédure et entendait, en connaissance de cause, renoncer à ses droits et retirer son opposition (arrêt du Tribunal fédéral 6B_802/2017 du 24 janvier 2018 consid. 2.3). Partant, c'est à bon droit que le Tribunal de police a fait application de l'art. 356 al. 4 CPP.

Le recours est, par conséquent, infondé.

Cette issue empêche la Chambre de céans d'examiner le fond du litige, à savoir l'ordonnance pénale du 8 juillet 2024.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).

 

P/7835/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

600.00

Total

CHF

685.00