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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11898/2025

ACPR/527/2025 du 08.07.2025 sur OMP/12649/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1.letbis; LSTUP.19.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11898/2025 ACPR/527/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 8 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 24 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 3 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 mai 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant nigérian, célibataire, sans domicile fixe et sans emploi, a été interpellé par une patrouille de police, le 23 mai 2025, à la rue du Stand à Genève, alors qu'il était soupçonné de séjourner illégalement en Suisse. Il faisait par ailleurs l'objet de trois mandats d'arrêt genevois (pour une durée totale de peines privatives de liberté à exécuter de 149 jours) ainsi que d'une interdiction cantonale du 17 novembre 2024 pour une durée d'un an.

Il s'est refusé à toute déclaration à la police.

b. Entendu par le Ministère public le lendemain, il a admis être entré en Suisse sans disposer des documents nécessaires, ainsi qu'avoir enfreint l'interdiction dans le canton. Il vivait à B______, en France. Il n'avait pas l'intention de venir en Suisse. Il était en voiture avec des amis et avait constaté, en descendant du véhicule, qu'il était à Genève.

c. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et d'infraction à l'art. 119 al. 1 LEI pour avoir, le 23 mai 2025, pénétré sur le territoire suisse alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires, d'un passeport valable et de moyens de subsistance légaux, ainsi que pour avoir enfreint l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, valable du 17 novembre 2024 au 17 novembre 2025, qui lui avait été valablement notifiée le 17 novembre 2024. Il l'a condamné pour ces faits à une peine privative de liberté de 120 jours.

d. L'intéressé y a formé opposition.

e. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse (au 24 mai 2025), A______ a été condamné :

- le 12 juillet 2024, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour entrée illégale, séjour illégal et contravention à la LStup;

- le 11 août 2024, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 10.-, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour empêchement d'accomplir un acte officiel, séjour illégal et contravention à la LStup;

- le 20 novembre 2024, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de 100 jours, pour séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée.

Le prévenu a également été condamné le 17 novembre 2024, par le Ministère public, à une peine pécuniaire d'ensemble de 130 jours-amende à CHF 10.-, avec révocation du sursis accordé le 12 juillet 2024, pour dommages à la propriété, séjour illégal et infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, étant précisé que cette condamnation n'est pas entrée en force à ce jour, l'intéressé y ayant fait opposition (P/26376/2024).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4), étant précisé qu'il a été condamné le 17 novembre 2024 notamment pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup (condamnation non entrée en force à ce jour) (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ se plaint de ce que son ADN a déjà été collecté par le Ministère public le 17 novembre 2024. Dite procédure étant toujours en cours et le délai d'effacement n'ayant pas encore commencé à courir, il ne se justifiait pas de procéder à un nouveau prélèvement d'ADN, ce d'autant que l'ADN d'une personne ne changeait pas avec l'écoulement du temps. Pour le surplus, son casier judiciaire ne laissait pas soupçonner qu'il commettrait des infractions pouvant être élucidées au moyen de son ADN puisqu'il s'agissait principalement d'infractions en lien avec la LEI. Il n'y avait dès lors aucun indice concret permettant d'affirmer qu'il aurait commis d'autres infractions que celles pour lesquelles il avait déjà été poursuivi. Si d'aventure, il devait bénéficier d'un classement ou d'un acquittement dans la procédure P/26376/2024, son profil d'ADN devrait être effacé. Or, s'il devait être condamné dans la présente procédure, son profil d'ADN serait établi et conservé alors que seules des infractions à la LEI lui était reprochées. L'établissement de son profil d'ADN querellé était ainsi arbitraire et disproportionné.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions à la LEI reprochées dans le cadre de la présente procédure, mais d'autres éventuels actes contraires à l'art. 19 al. 1 LStup, dès lors qu'il a déjà été soupçonné pour de tels faits et même condamné pour cela le 17 novembre 2024, même si la condamnation en question n'est pas encore entrée en force. Peu importe dès lors que son casier judiciaire ne mentionne aucune condamnation définitive.

Il existe ainsi des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

À cela s'ajoute la situation personnelle précaire de l'intéressé qui laisse craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants et permet de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée n'apparaît ni arbitraire ni disproportionnée.

À titre superfétatoire, le recourant ne saurait tirer argument du fait que son profil d'ADN aurait d'ores et déjà été établi. Dès lors que les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai (cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), il existerait un intérêt, quand bien même l'établissement de son profil d'ADN aurait déjà été ordonné et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années, à le soumettre derechef à cette mesure, pour autant bien évidemment que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Cet intérêt public primerait celui – privé – du recourant à ce que son profil d'ADN ne soit pas établi une nouvelle fois. Ainsi, quand bien même le Ministère public aurait, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant, un tel acte n'apparaitrait nullement disproportionné.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.  Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :



Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11898/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00