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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/34/2025

ACPR/446/2025 du 11.06.2025 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.98

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/34/2025 ACPR/446/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 11 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat, ______ [VD],

requérant,

 

et

C______, juge au Tribunal de police, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,

citée.

 


EN FAIT :

A. Par pli reçu par le Tribunal de police le 9 avril 2025, A______ a demandé la récusation de C______, juge au Tribunal de police.

La magistrate a transmis cette requête le 11 avril 2025 à la Chambre de céans, avec le dossier.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Une procédure pénale (P/1______/2021) est ouverte contre A______ pour violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP) au préjudice de son épouse, D______.

b. Par acte d'accusation du 29 novembre 2023, le précité a été renvoyé en jugement par-devant le Tribunal de police.

c. La procédure a été attribuée à la juge C______.

d.a. Par mandat du Tribunal de police du 25 septembre 2024, notifié au prévenu le lendemain à l'adresse de son conseil, cette autorité a cité A______ à comparaitre personnellement aux débats fixés au 18 novembre 2024.

d.b. À l'audience, présidée par la juge C______, A______ n'a pas comparu, sans être excusé. Son avocat, Me E______, excusant Me B______, a indiqué que celui-ci lui avait annoncé, le vendredi précédent, qu'il ne se présenterait pas en raison de "problèmes de genou".

Le Tribunal a constaté l'absence du prévenu, mis en œuvre la procédure par défaut et dit que le prévenu serait reconvoqué (art. 366 al. 1 CPP).

d.c. Par pli du 20 novembre 2024, le conseil du prévenu a produit un certificat médical établi le 15 précédent par le Dr F______, attestant que "l'état de santé de Monsieur A______, âgé de 66 ans, nécessite un repos alité pendant 7 jours". Il était fait mention d'une adresse aux EHPAD G______, no. ______ rue 2______, [code postal] H______, France.

e.a. Par mandat de comparution du 16 janvier 2025, notifié au prévenu le lendemain à l'adresse de son conseil, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître à une nouvelle audience fixée au 8 avril 2025.

e.b. Le 7 avril 2025, A______ a, sous la plume de son conseil, allégué ne pas pouvoir se présenter aux nouveaux débats. Il rappelait être domicilié aux Bahamas, "soit à plusieurs milliers de kilomètres, et que tout imprévu a[vait] donc des conséquences sur la logistique nécessaire pour se présenter".

e.c. Lors de l'audience du lendemain, le Tribunal de police a constaté l'absence de A______. Son avocat, Me I______, excusant Me B______, a indiqué que son mandant se trouvait aux Bahamas et lui avait seulement annoncé ne pas pouvoir se présenter, précisant que celui-ci avait connaissance des conséquences du défaut. À sa connaissance, son client ne souffrait pas d'un problème de santé.

L'audience a été suspendue de 10h12 à 10h22. À sa reprise, sur question du Tribunal, Me I______ a indiqué que son mandant – qui persistait à contester les faits – ne lui avait "pas donné d'instructions spécifiques pour plaider sur le fond du dossier".

Le Tribunal a retenu que le prévenu – valablement atteint – refusait de participer aux débats, faute d'avoir justifié de son absence, de sorte que les débats pouvaient être conduits en son absence en application de l'art. 366 al. 2 et 4 CPP.

Après l'audition de la partie plaignante, le Tribunal a entendu la plaidoirie de son conseil, avant de clore les débats. Le procès-verbal de l'audience, dûment signé, a été remis aux parties présentes, soit à la plaignante et à Me I______.

C. Dans sa requête, sous la plume de Me B______, A______ demande la récusation de la juge C______, lui reprochant de ne pas avoir autorisé son avocat à plaider, alors que celui-ci en avait fait la demande lors de la reprise de l'audience et avait donné lecture "séance tenante" de l'art. 367 al. 1 CPP. La juge – qui avait "répondu qu'en cas de défaut, la défense ne pouvait pas plaider" – avait violé les droits de la défense. En outre, elle avait refusé, à tort, la production de sa note d'honoraires.

Par ailleurs, le procès-verbal – qui n'avait pas été donné pour relecture, mais seulement pour signature de la dernière page – devait être rectifié "afin qu'il apparaisse clairement que Me I______ a[vait ]confirmé sa volonté de plaider". En outre, la phrase selon laquelle il n'avait pas reçu "d'instructions spécifiques de plaider sur le fond du dossier" devait être supprimée car elle ne "représentait" pas les explications données par Me I______ qui avait "toujours souhaité plaider la cause".

Il considérait que ces "violations crasses des droits de la défense" étaient "inadmissibles" et dénotaient un parti pris de la juge précitée. L'apparence de prévention de la magistrate ressortait du procès-verbal et s'était manifestée, lors de l'audience, par le refus, répété, de celle-ci "de laisser la défense exercer les droits les plus basiques du droit d'être entendu et d'égalité des armes, dont le respect est garanti tant par la Constitution fédérale que par la CEDH et ceci alors que le texte clair de la loi a été donné en audience ".

D. a. Dans son courrier du 11 avril 2025, C______ considère que l'audience s'était déroulée "normalement". Elle n'entendait pas rectifier le procès-verbal qui contenait "toutes les déclarations et remarques essentielles" faites en audience. Avant de signer le procès-verbal, le conseil du prévenu avait pu entendre ce qu'elle dictait "mot à mot" et "à haute voix" à sa greffière. Si celui-ci avait évoqué, en début d'audience, la question de la plaidoirie et la production d'une pièce, il n'en avait pas demandé à ce qu'il en soit fait mention au procès-verbal (sous la forme d'une note de la juge, par exemple). Il n'avait pas non plus soulevé d'incident, sollicité de rectification du procès-verbal, ni demandé à plaider après le conseil de la partie plaignante, de sorte que le Tribunal avait estimé qu'il y avait renoncé. Elle ajoutait que "si cette conclusion résultait d'un malentendu, le Tribunal serait disposé à réouvrir les débats".

b. Dans sa réponse à la juge du 16 avril 2025, Me B______ conteste aussi bien l'existence d'un éventuel "malentendu" que la teneur du procès-verbal. Son collaborateur avait, dès le début de l'audience et après la suspension, "dit et répété" qu'il plaiderait, ce à quoi il lui avait été répondu "de manière répétée, avec insistance et fermeté" que la défense ne disposait pas de ce droit en l'absence du prévenu. De nouveaux débats étaient nécessaires afin de respecter les droits de la défense et devaient être convoqués après l'issue de la demande en récusation.

c. Par pli du même jour adressé à la Chambre de céans, Me B______ persiste dans sa requête, ajoutant que "l'apparence de prévention était d'autant plus grave que le Tribunal de police prétendait que l’absence de plaidoirie était le résultat d'un malentendu", ce qui ne ressortait pas de l'attitude "claire [et] insistante" de la magistrate. Il conteste, en outre, que l'entier du procès-verbal ait été "dicté ou lu durant l'audience", en particulier s'agissant des considérations sur les conséquences du défaut.

d. Dans sa lettre à Me B______ du 28 avril 2025, C______ persiste dans ses explications. Il n'y avait aucune obligation pour un magistrat de faire figurer ses déclarations au procès-verbal, étant souligné que si les parties l'estimaient opportun, elles pouvaient en solliciter la consignation. Elle acceptait la réouverture des débats, mais ne voulait pas attendre l'issue de la demande de récusation en application du principe de célérité et en l'absence d'effet suspensif d'une telle requête.

e. Par avis du lendemain, les parties ont été informées de la reprise de la procédure par le Tribunal de police. Une nouvelle audience a été fixée au 26 mai 2025.

f. Le 6 mai 2025, Me B______ a demandé au Tribunal de police de reporter les débats en raison de l'absence de son collaborateur [du 21 mai au 13 juin 2025 pour des raisons militaires], sollicitant que l'audience soit fixée ultérieurement.

g. Par mandat de comparution du 7 mai 2025, notifié le lendemain au prévenu à l'adresse de son conseil, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître à l'audience du 20 mai 2025.

E. a. C______ renonce à formuler des observations, se référant à ses précédentes correspondances des 11, 28 et 29 avril 2025 – produites en copie –.

b. Dans sa réplique, Me B______ persiste dans sa demande de récusation, soutenant ne pas comprendre pour quel motif la magistrate avait accepté de reprendre les débats alors qu'elle contestait le déroulement de l'audience litigieuse et ne voulait pas en modifier le procès-verbal. En refusant à la défense le droit de plaider, elle donnait à croire qu'elle avait déjà pris sa décision, ce qui faisait naître un doute sur son impartialité. En outre, elle avait avancé les débats au 20 mai 2025, au lieu de les reporter, comme requis, semblant ainsi vouloir "juger absolument" le prévenu à brève échéance, alors qu'aucun motif ne s'opposait au renvoi de l'audience de jugement dans l'attente de la décision de la Chambre de céans.

c. La partie plaignante et le Ministère public n'ont pas formulé d'observations ni répliqué.

F. À teneur du procès-verbal de l'audience du 20 mai 2025 – transmis le même jour à la Chambre de céans –, A______ ne s'est pas présenté. Son conseil, Me B______, a plaidé et conclu à l'acquittement de son mandant ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour ses frais de défense privée (art. 429 al. 1 CPP).

EN DROIT :

1.             1.1. La Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du tribunal de première instance.

1.2. Prévenu à la procédure pendante (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1CPP).

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c’est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1).

2.2. En l'espèce, la demande de récusation a été déposée immédiatement après l'audience litigieuse du 8 avril 2025, de sorte que la requête respecte le délai de l'art. 58 CPP et est recevable.

3. 3.1. Un magistrat est récusable, aux termes de l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs que ceux évoqués par l'art. 56 CPP, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 147 III 89 consid. 4.1 ; 144 I 159 consid. 4.3). Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement subjectives des parties n'étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 142 III 732 consid. 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_450/2024 du 1er juillet 2024 consid. 2.2.2).

3.2. Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention sous l'angle de l'art. 56 let. f CPP ; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1).

3.3. L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêt de la CourEDH Lindon, par. 76; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).

3.4. En l'espèce, il est établi et non contesté que la procédure par défaut a été engagée à la suite de l'absence non excusée du requérant à l’audience du 18 novembre 2024. L'intéressé n'a ensuite pas comparu à l'audience reconvoquée du 8 avril 2025, seul son avocat étant présent. Dans ce cadre, le requérant reproche principalement à la juge citée de ne pas avoir autorisé son conseil à plaider. Quand bien même ce "refus" relèverait d'une erreur procédurale – la citée affirmant que le conseil du requérant n'avait pas demandé à plaider de sorte qu'elle avait inféré qu'il y avait renoncé –, on ne voit pas en quoi il dénoterait un comportement partial de la citée. Sur interpellation du requérant, l'intéressée a d'ailleurs réouvert les débats afin de permettre au conseil de celui-ci de plaider, dissipant ainsi l'éventuel "malentendu" qui serait survenu à l'audience du 8 avril 2025.

On ne discerne pas non plus, au regard de ce qui précède, en quoi le fait par la citée de qualifier son constat – soit que le conseil du requérant aurait renoncé à plaider – de "malentendu" constituerait un quelconque indice de parti pris en défaveur de l'intéressé. Certes, elle n'a pas accepté de modifier le procès-verbal de l'audience litigieuse, mais au motif que celui-ci contenait les remarques et déclarations essentielles des parties. Cela ne permet pas pour autant de faire naître une apparence de prévention, ce d'autant que l'audience a été répétée par la suite dans le respect des droits de la défense. D'ailleurs, le requérant ne prétend pas que tel n'aurait pas été le cas.

Quant à l'affirmation que la magistrate en cause voudrait "absolument" juger le requérant avant droit jugé sur la requête de récusation – ce qui sous-entendrait qu'elle aurait déjà une opinion sur l'issue à donner à la cause –, elle n'est ni étayée ni rendue vraisemblable. Le seul fait d'avoir déplacé une audience – qui plus est à la demande du requérant – ne saurait être reproché à la citée même si la date fixée avait été avancée et non pas reportée, étant rappelé que la voie de la récusation n'a pas pour but de permettre aux parties de remettre en cause les décisions incidentes prises par la direction de la procédure.

Partant, la requête en récusation doit être rejetée, les griefs soulevés ne pouvant, même pris globalement, laisser penser que la juge citée aurait fait preuve de partialité à l'endroit du requérant.

4. En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 1'000.-, y compris un émolument de décision.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation visant la juge C______ dans le cadre de la procédure P/1______/2021.

Condamne A______ aux frais de l'instance, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ (soit, pour lui, son conseil) et à C______.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/34/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00