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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17701/2020

ACPR/419/2025 du 03.06.2025 sur OCL/319/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;FRAIS JUDICIAIRES
Normes : CPP.420

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17701/2020 ACPR/419/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 3 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Edouard FAILLOT et Me Fuad AHMED, avocats, FAERUS SA, rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 3 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 13 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 mars précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure et la restitution à B______ du contrat figurant à l'inventaire, a alloué à celle-ci une indemnité de CHF 9'560.75 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, arrêté les frais de procédure à CHF 8'065.-, laissés à la charge de l'État, et condamné A______ à payer à l'État de Genève la somme de CHF 13'219.30 en application de l'article 420 CPP.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée en tant qu'elle le condamne à payer le montant de CHF 13'219.30, à être libéré du paiement de toute somme en application de l'art. 420 CPP et à ce que les frais par devant le Ministère public soient intégralement laissés à la charge de l'État; subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public et à ce que lui soit allouée une indemnité forfaitaire de CHF 3'000.- pour ses frais de défense en instance de recours.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ ont eu une liaison qui a duré, selon l'intéressé, de janvier 2018 à mai 2020.

Le 5 septembre 2019, ils ont acheté en indivision un appartement sis à C______ en France (ci-après, l'Appartement). Cet achat a été financé par un prêt hypothécaire souscrit par A______. Il devait être mis en location et les revenus locatifs devaient être versés sur un compte-joint au nom de A______ et B______ ouvert auprès de la [banque] D______.

Figure à la procédure un contrat ayant pour date "May 2, 2019, Geneva", qui prévoit que B______ est mandatée pour fournir certains services en lien avec l'Appartement et a droit à une rémunération (ci-après, le Contrat litigieux). A______ a invalidé ce contrat par courrier du 17 janvier 2025.

Se trouve également au dossier des échanges de courriels entre "E______@F______.com" et "A______@gmail.com" ainsi qu'un relevé du compte-joint ouvert auprès de la D______ montrant un crédit de CHF 17'370.- de la part de E______, le 29 mai 2020, compte débité le jour même par B______, en trois montants, pour un total de CHF 17'390.-.

Il ressort enfin du dossier que A______ a confié sa carte de crédit à B______ pour qu'elle l'utilise afin de meubler l'Appartement.

b. A______ a déposé plainte pénale, le 26 septembre 2020, complétée le 11 janvier 2021, contre B______ pour faux dans les titres (art. 251 CP), ainsi que le 9 juillet 2021 pour "détournement de fonds". Il a également déposé plainte pénale contre la précitée auprès du Ministère public du canton de Lucerne le 20 décembre 2020 et auprès de la police cantonale lucernoise le 29 octobre 2020.

Il expose en substance qu'un litige est survenu entre lui et B______ au motif que les loyers de l'Appartement avaient cessé d'être versés sur le compte-joint, ou avaient été utilisés à d'autres fins que le remboursement de la dette hypothécaire. Dans ce contexte, elle lui avait transmis le Contrat litigieux. Or il n'avait jamais signé un tel contrat, de sorte que le document transmis était nécessairement un faux.

Par ailleurs, B______ avait utilisé à des fins personnelles en janvier et en mai 2020 la carte de crédit qu'il lui avait confiée.

Elle avait encore créé une adresse email à son nom (A______@gmail.com) et l'avait utilisée pour contacter d'éventuels acquéreurs intéressés par des biens immobiliers en France, en particulier le dénommé E______. A l'appui, il a produit certains de ces courriels, ainsi que d'autres échangés entre le précité et "A______@A______.ch", notamment en janvier 2020.

Enfin, elle n'avait "jamais rendu transparent les revenus de l'appartement provenant de la [plateforme de location] G______ malgré de multiples demandes".

c.a. Les 24 janvier et 30 mai 2024, A______ a confirmé ses plaintes pénales en confrontation devant le Ministère public.

Les locations de l'Appartement étaient gérées par B______, lui-même ne disposant pas d'informations à leur sujet, hormis un tableau Excel mentionnant des revenus des loyers, dont il ignorait s'ils étaient corrects. Il "présumait" avoir eu connaissance également des dépenses faites par B______ avec ces loyers. Une procédure était en cours en France.

En mai 2020, après lui avoir dit qu'elle avait beaucoup de choses à faire pour la gestion de l'Appartement, B______ lui avait demandé d'apposer sa signature sur un document vierge, ce qu'il avait accepté de faire. Il reconnaissait sa signature sur le Contrat litigieux, affirmant toutefois qu'il n'y avait rien d'écrit lorsqu'il l'avait apposée. Il était d'accord qu'elle utilise sa signature pour des opérations qui ne devaient pas être faites à son préjudice. Il n'avait pas été prévu qu'elle soit rémunérée pour certaines prestations en lien avec l'Appartement. Il avait par ailleurs accepté, parce qu'il ressentait de la pression de la part de B______, de signer des documents selon lesquels il lui faisait cadeau de sommes d'argent, soit deux ou trois transactions à hauteur de EUR 15'000.- ou 20'000.-. Ils se trouvaient alors dans son bureau à Zürich et il voulait que les choses se passent tranquillement. Lorsqu'elle voulait quelque chose, B______ pouvait "péter un câble".

Il n'avait lui-même eu aucun échange de courriels avec E______, mais l'avait contacté lorsqu'il avait vu le crédit de CHF 17'370.- sur le compte D______ le 29 mai 2020. Il avait signé un document par lequel il acceptait que la commission versée sur le compte-joint par E______ revienne à B______.

c.b. À l'issue de l'audience de confrontation du 30 mai 2024, A______ a retiré sa plainte s'agissant des trois débits d'un total de CHF 17'390.- effectués le 29 mai 2020 au bénéfice de B______.

d.a. Entendue devant la police le 25 février [selon la date figurant en tête du procès-verbal] ou le 4 octobre 2021[selon la date figurant sur la page de signature], B______ a contesté les faits reprochés en lien avec le Contrat litigieux. A______ et elle avaient conclu un accord verbal concernant l'Appartement en mai 2019, lequel avait été formalisé le 25 mai 2020 dans le bureau de l'intéressé à Zürich. Elle avait tenté de résoudre à l'amiable le différend qui les opposait, confirmant qu'une procédure civile était en cours en France.

d.b. Lors de l'audience de confrontation du 30 mai 2024, B______ a expliqué avoir rédigé le Contrat litigieux avec l'aide de son avocate en Bulgarie. A______ l'avait relu soigneusement et l'avait signé en sa présence, à la date mentionnée par A______. La date inscrite dans le contrat était celle de l'accord oral passé entre eux à l'époque de la recherche d'un appartement, les chiffres mentionnés étant calculés sur l'investissement le plus probable, soit un appartement situé dans le lotissement en cause. A______ ne lui avait pas remis de blanc-seing lors de leur réunion à Zürich. Elle sollicitait une expertise du document.

B______ a également indiqué que la gestion de l'Appartement avait engendré pour elle des charges de EUR 1'200.- par mois et impliqué un travail intense, comme la représentation sur la plateforme de location, l'engagement d'un photographe, la coordination des réservations, ainsi que le nettoyage. En outre, elle n'habitait pas à proximité et s'y rendre prenait du temps.

Les revenus locatifs de l'Appartement, versés par la plateforme G______ sur son compte H______, avec l'accord de A______, étaient ensuite partiellement transférés sur le compte-joint ouvert auprès de la D______, tant que c'était possible, ce qui n'avait pas été le cas durant la période du COVID et du confinement, car il n'y avait plus de produits locatifs. Quant aux charges, elle les payait depuis son compte personnel ou en espèces. Elle avait repris les transferts une fois que les affaires avaient redémarré, mais elle devait trouver un équilibre entre dépenses et charges. Elle a remis au Ministère public un décompte d'exploitation listant les revenus et les charges de l'Appartement à compter de septembre 2019, ainsi que différents justificatifs s'agissant desdites charges.

Les retraits qu'elle avait effectués sur le compte‑joint à la D______ (CHF 17'390.-) l'avaient été sur la base d'un commun accord et d'un document signé par A______. Il s'agissait d'une commission pour un client qu'elle avait trouvé pour l'acquisition d'un appartement. C'était A______ qui avait utilisé, pour communiquer avec E______, l'adresse "A______@gmail.com", craignant que son épouse ait connaissance du mot de passe de sa messagerie personnelle, ce qui rendait nécessaire de générer une nouvelle adresse email. Elle avait en revanche bien utilisé l'adresse "A______@A______.ch" dont l'intéressé, qui avait à tout moment accès à cette messagerie, lui avait donné le mot de passe.

Enfin, A______ lui avait donné une carte de crédit pour qu'elle effectue des achats à sa demande, spécialement en lien avec l'Appartement, mais également quelques achats personnels; en tous les cas elle ne l'avait jamais utilisée à l'insu ou sans l'accord de A______, qui vérifiait ses relevés bancaires minutieusement chaque mois. Elle a produit une capture d'écran d'un message du 20 février 2020 comportant une photo de la carte de crédit de l'intéressé avec un nombre correspondant, selon elle, au code CVC [A______ admet que le numéro de téléphone attribué à l'expéditeur du message était bien le sien]. A également été produite une autre capture d'écran d'un message du 24 janvier 2020 confirmant l'accord de l'expéditeur à un achat sur "I______.com" [A______ conteste avoir été détenteur du numéro attribué à l'expéditeur avant 2022].

e. B______ a remis à la police l'original du Contrat litigieux, lequel a fait l'objet d'une expertise documentaire ordonnée par le Ministère public. À teneur du rapport d'expertise du 16 décembre 2024 :

- l'expert disposait de 10 signatures de référence originales de A______, de qualité et quantité adéquates pour réaliser une expertise de signature;

- les signatures figurant sur l'original du Contrat litigieux sous le nom de A______ et sous le nom de B______ étaient originales et avaient été manuscrites à l'aide de stylos différents à bille à encre bleue;

- le texte en page 2 du Contrat litigieux avait été imprimé avant que la signature sous le nom de A______ ait été apposée;

- il existait une probabilité de 99% que la signature au nom de A______ sur le Contrat litigieux fût de sa main.

f. Dans le délai imparti par avis de prochaine clôture de l'instruction, dans lequel le Ministère public indiquait qu'il entendait rendre une ordonnance de classement, B______ a sollicité une indemnité de CHF 14'507.25 pour ses dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. A______ a quant à lui répondu n'avoir pas de réquisitions de preuve à formuler et renoncer à toute indemnité au sens de l'art. 433 CPP.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a considéré qu'aucun soupçon ne justifiait une mise en accusation de B______ :

- l'instruction n'avait pas permis d'établir que la prévenue aurait détourné les produits locatifs de l'Appartement à des fins d'enrichissement personnel ou d'un tiers. L'intéressée avait produit divers documents attestant des charges d'exploitation de l'Appartement et expliqué qu'il n'y avait plus eu de produits locatifs durant la période du COVID et du confinement. En outre, A______ avait loué l'Appartement à compter du mois de juillet 2021, les loyers étant dès lors versés sur son compte personnel;

- A______ avait reconnu avoir donné son accord au débit, prétendument illicite, effectué par B______ depuis le compte-joint pour un montant total de CHF 17'390.-;

- Selon B______, A______ avait été informé de l'utilisation à des fins privées par celle-ci de la carte de crédit de celui-là, respectivement avait donné son consentement à l'ensemble des transactions et avait constamment eu accès aux relevés des opérations sur la carte en question. B______ avait par ailleurs produit des captures d'écran d'échanges avec A______ aux termes desquels ce dernier lui avait demandé de procéder à une des dépenses en cause;

- enfin, l'instruction n'avait pas mis en évidence d'éléments permettant de soupçonner que la signature figurant sur le Contrat litigieux sous le nom de A______ ne serait pas de sa main, ni que le document aurait été falsifié, l'expertise ayant au contraire conclu que la page comportant la signature en cause avait été imprimée avant que ladite signature soit apposée et qu'il existait une probabilité de 99% que ladite signature soit de la main de A______, contrairement à ce qu'avait soutenu ce dernier.

S'agissant des frais, le Ministère public a par ailleurs fait application de l'art. 420 let. a CPP, retenant que A______ avait provoqué sans droit l'ouverture de la procédure à l'encontre de B______ pour des infractions dont il savait, pour l'essentiel, qu'elles n'avaient pas été commises, seule la question d'un éventuel détournement des produits locatifs de l'Appartement se posant réellement au moment du dépôt des plaintes. L'instruction avait en effet permis de mettre en lumière que A______ avait, d'une part, consenti aux débits effectués par la prévenue sur leur compte-joint et aux dépenses avec sa carte de crédit, et d'autre part, avec une probabilité confinant à la certitude, contresigné le Contrat litigieux de sa main. C'était ainsi à la légère et de manière infondée que le plaignant avait actionné la justice pénale et provoqué l'ouverture de la procédure. Le plaignant était ainsi condamné au titre de l'action récursoire au paiement des deux tiers des montants de CHF 8'065.- (frais de la procédure) et de CHF 9'560.75 (indemnité allouée à la prévenue), soit la somme de CHF 13'219.30.

D. a. Dans son recours, A______, qui ne s'oppose pas au classement prononcé, conteste en revanche avoir agi à la légère et de manière infondée en actionnant la justice pénale et en provoquant l'ouverture de la procédure.

L'art. 6.1. de la Directive C.5 du Procureur général, qui imposait aux procureurs un examen systématique de la possibilité de mettre une partie des frais notamment à la charge de la partie plaignante, était contraire à la jurisprudence. Il ne visait en effet rien d'autre qu'à dissuader les plaignants dans leur droit de plainte.

Le Contrat litigieux daté du 2 mai 2019 fixait, en nominal et non en pourcentage, plusieurs mois avant l'acquisition de septembre 2019, un montant de commission en EUR 14'400.- pour un appartement non encore trouvé; lui-même n'avait jamais reçu la moindre version Word du document; daté du 2 mai 2019, ce document avait selon B______ été signé en mai 2020; il indiquait pour lieu de signature Genève alors que la mise en cause avait indiqué qu'il avait été signé à Zürich; étant seul débiteur de l'emprunt hypothécaire, il n'aurait pas signé un document qui était à son désavantage évident, d'autant qu'il n'avait jamais été question que la prévenue perçoive une quelconque rémunération; enfin, sa bonne foi était établie par son attitude à la suite des conclusions de l'expertise graphologique, la seule explication crédible restante étant qu'il avait été amené à signer le document en cause sous pression, dans ses locaux professionnels. En tout état, sa plainte n'avait aucune visée malveillante, n'ayant pour unique but que la manifestation de la vérité.

Il avait été de bonne foi également au sujet du versement de CHF 17'370.- en faveur de B______ et les débits par celle-ci pour un total de CHF 17'390.-. Il avait déposé plainte à J______ [LU] après s'être rendu compte que la précitée avait créé une adresse email à son nom pour se faire passer pour lui auprès d'un tiers (E______) dont il n'avait jamais entendu parler, qui avait versé le montant de CHF 17'370.- sur le compte commun auprès de la D______; lui-même ignorait le motif du crédit et des débits; à la suite des explications et documents fournis par B______, il avait retiré sa plainte pour cet aspect des choses.

Il n'avait pas non plus été de mauvaise foi s'agissant des dépenses effectuées par B______ avec sa carte de crédit. Il n'y avait jamais acquiescé et avait pour ce motif déposé plainte devant la police de J______ [LU]. Il avait par ailleurs démontré que les captures d'écran produites par la mise en cause étaient des faux, puisqu'il n'avait pas encore le numéro de téléphone qu'elle attribuait à ces échanges.

Sa bonne foi n'était enfin pas mise en cause s'agissant des détournements de loyer dénoncés.

En définitive, en dépit des circonstances particulières du cas d'espèce, l'ordonnance querellée avait pour effet de le condamner pour l'exercice de son droit de plainte, alors qu'il n'avait à aucun moment saisi le Ministère public ou la police de manière abusive, à savoir de manière manifestement infondée ou malveillante. Il avait au contraire été de bonne foi. Pour preuve, il n'avait pas poursuivi des incriminations qui s'étaient fragilisées au cours de l'instruction et avait consenti au classement par pragmatisme s'agissant du Contrat litigieux, s'en rapportant à justice pour le reste.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant ne conteste pas le classement de la procédure, mais conteste l'application de l'action récursoire.

3.1.1. Aux termes de l'art. 420 CPP, la Confédération ou le canton peut intenter une action récursoire contre les personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l'ouverture de la procédure (let. a), rendu la procédure notablement plus difficile (let. b) ou provoqué une décision annulée dans une procédure de révision (let. c).

Cette norme consacre l'action récursoire de l'État contre les personnes qui lui ont causé, intentionnellement ou par négligence grave, des frais tels que frais de procédure, indemnisation du préjudice et du tort moral subis par le prévenu ayant bénéficié d'un classement ou ayant été acquitté. Vu l'intérêt de la collectivité à ce que les particuliers contribuent également à dénoncer les agissements susceptibles d'être sanctionnés, l'État ne doit faire usage de l'action récursoire qu'avec retenue. Néanmoins, il paraît conforme au principe d'équité de faire supporter les frais de procédure à celui qui saisit l'autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance. Ainsi, le dénonciateur qui utilise le droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu doit supporter les frais afférents au prononcé de non-entrée en matière dont l'État est légitimé à lui réclamer le dédommagement sur la base de l'art. 420 let. a CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_784/2014 du 18 septembre 2015 consid. 2.2; 6B_446/2015 du 10 juin 2015 consid. 2.1.1 et 6B_5/2013 du 19 février 2013 consid. 2.6 et 2.7 et les références citées; ACPR/413/2015 du 6 août 2015 consid. 2.4.1).

3.1.2. Une action récursoire entre ainsi en ligne de compte en cas de soupçons sans fondement, mais non lorsqu'une plainte est déposée de bonne foi. L'on songe plutôt à la dénonciation calomnieuse au sens de l'art. 303 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_638/2020 du 3 février 2021 consid. 2.2) commise sous la forme d'une machination astucieuse, au sens de l'art. 303 ch. 1 al. 2 CP ou d'une plainte pénale déposée à la légère ("leichtfertige Anzeige"; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 4e éd., Zurich 2023, n. 5 ad art. 420). Selon la jurisprudence, le dénonciateur qui utilise le droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu agit par négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 6B_317/2018 du 10 août 2018 consid. 2.2; ACPR/182/2024 du 12 mars 2024 consid. 4.1). Seuls les cas d'une dénonciation effectuée de bonne foi excluent une action récursoire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_620/2015 du 3 mars 2016 consid. 2 in FP 2017/2 84).

3.1.3. L'art. 6.1 de la Directive du Procureur général C.5 sur le Calcul des frais "les frais peuvent être laissés à la charge de l'État (art. 426 et 427 CPP). Le procureur examine toutefois systématiquement s'il ne se justifie pas de mettre les frais à charge du prévenu, du plaignant ou de la partie plaignante".

En son art. 6.17, la Directive précise encore :

"En application de l'art. 420 CPP, le Ministère public peut intenter une action récursoire contre les personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l'ouverture de la procédure (a), rendu la procédure notablement plus difficile (b) ou provoqué une décision annulée dans une procédure de révision (c). L'action récursoire peut figurer dans la décision finale rendue par l'autorité pénale si elle concerne des participants à la procédure (Arrêt TF 6B_5/2013 du 19 février 2013, consid. 2.6 ; ACPR/413/2015 du 6 août 2015). Il est en effet conforme au principe d'équité que de faire supporter les frais de procédure à celui qui saisit l'autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance (Arrêt TF 6B_5/2013 du 19 février 2013, consid. 2.6). En revanche, en cas d'une dénonciation effectuée de bonne foi, une action récursoire est exclue (Arrêt TF 6B_620/2015 du 3 mai 2016, consid. 2 in FP 2017/2 84).

Dès lors, si le plaignant ou la partie plaignante est condamné à supporter les frais, le procureur le condamne à rembourser à l'Etat l'éventuelle indemnité accordée au prévenu à charge de l'Etat."


 

3.2. En l'espèce, les griefs du recourant ne peuvent être retenus.

3.2.1. La Directive C.5 du Procureur général rappelle en son art. 1 les bases légales sur lesquelles elle repose, en particulier les art. 416ss CPP. Elle rappelle également en son art. 6.17 la base légale et les principes jurisprudentiels qui s'appliquent à l'action récursoire.

Dès lors, appeler les procureurs à examiner, même "systématiquement", si la loi trouve application dans un cas donné ne peut être contraire à la jurisprudence, seule dite application pouvant cas échéant l'être.

Le recourant ne peut tirer de cette Directive aucun grief utile.

3.2.2. Sur le fond, le recourant plaide en substance la bonne foi, tant en ce qui concerne sa plainte en lien avec le Contrat litigieux, qu'avec la commission de CHF 17'370.- ou que les frais de carte de crédit.

Or, quels que soient les éléments troublants évoqués par le recourant quant au contenu de ce document (date et lieu de signature, montant de la commission due pour un bien non encore acquis...), il oublie que l'authenticité de sa signature a été établie par expertise, de même que la présence du texte figurant sur la page comportant sa signature avant que celle-ci n'y soit apposée. Or, il affirmait, lors de son dépôt de plainte, n'avoir jamais signé un tel contrat et que le document était un faux, puis, en cours de procédure, que sa signature était authentique mais qu'il s'agissait d'un blanc-seing, puis finalement dans son recours avoir été amené à signer le document "sous pression". Au vu des conclusions de l'expertise, et avec le Ministère public, il faut dès lors retenir que le recourant ne pouvait ignorer, au moment de déposer plainte, que l'infraction dénoncée n'avait pas été commise.

En ce qui concerne les retraits de CHF 17'390.-, le recourant admet dans sa plainte pénale avoir contacté E______ lorsqu'il avait vu le crédit de CHF 17'370.- sur le compte D______ le 29 mai 2020, soit bien avant de saisir la justice. Il a ensuite admis avoir signé un document par lequel il acceptait que la commission versée par E______ revienne à B______, reconnaissant ainsi avoir donné son accord aux retraits dénoncés (cf. B.c.a. in fine). Par ailleurs, s'il conteste avoir créé ou utilisé l'adresse "A______@gmail.com", il n'a pas réfuté les explications données par la mise en cause au sujet de l'adresse "A______@A______.ch", en particulier sur le fait qu'il avait en tout temps eu accès à cette messagerie. Il apparaît ainsi que, dès le dépôt de plainte, le plaignant disposait des informations utiles et que ce n'est donc pas une fois les explications fournies par la prévenue en procédure qu'il a eu les éléments lui permettant de retirer sa plainte, ceux-ci étant déjà en sa possession.

Quant aux dépenses effectuées au moyen de sa carte de crédit, il n'a pas non plus contesté avoir en tout temps eu accès à ses relevés de compte. Quant aux captures d'écran produites par la prévenue, le recourant n'a pas contesté que le numéro de l'expéditeur du message du 20 février 2020, comportant photo de sa carte de crédit, était bien le sien. C'est donc en vain qu'il persiste, dans son recours, à soutenir ne pas avoir disposé de ce numéro de téléphone à la date concernée par les échanges.

3.2.3. Il découle de ce qui précède que le recourant a, sur ces trois sujets, au moins par négligence grave, provoqué l'ouverture injustifiée d'une procédure pénale.

Par conséquent, une action récursoire en faveur de l'État de Genève à l'encontre du recourant est justifiée selon l'art. 420 CPP.

3.2.4. Le recourant ne soulève par ailleurs aucun grief sur la quotité des frais et des dépens alloués à la mise en cause, ni sur la part de ces frais et dépens mis à sa charge.

Les différents montants retenus par le Ministère public seront, partant, confirmés.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui ses conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17701/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

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