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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5729/2025

ACPR/353/2025 du 08.05.2025 sur OMP/7443/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5729/2025 ACPR/353/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'office rendue le 25 mars 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 7 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mars 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de lui nommer un avocat d'office.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à ce qu'une défense d'office soit ordonnée en sa faveur en la personne de Me B______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant nigérian, né le ______ 1998, résidant en France, a fait l'objet de plusieurs ordonnances pénales entre 2024 et 2025 auxquelles il a systématiquement formé opposition. Les procédures y relatives ont toutes été jointes sous la procédure P/1______/2024.

b. Dans le cadre de ces procédures, A______ a, à trois reprises, requis la nomination d'office de son avocat de choix, Me B______. Ses demandes ont toutes été rejetées, tant par le Ministère public que par le Tribunal de police, faute de complexité particulière de la cause, décisions confirmées par la Chambre de céans (ACPR/819/2024 ; ACPR/75/2025 et ACPR/244/2025).

c. Par jugement – désormais entré en force – du 4 mars 2025 rendu dans la P/1______/2024, le Tribunal de police a reconnu A______ coupable d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b et 119 LEI, 19 al. 1 let. c et 19a LStup, ainsi qu' à l'art. 286 al. 1 CP, et l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- l'unité, sous déduction de cinq jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, a renoncé à révoquer le sursis octroyé le 28 novembre 2023 par le Ministère public et rejeté ses conclusions en indemnisation.

d. La présente procédure a été ouverte le 7 mars 2025 à la suite de l'arrestation de A______ dans le quartier de la Jonction (Genève).

e. Par courrier du même jour, A______ a requis la nomination d'office de MB______.

f. Entendu par la police le 7 mars 2025, en présence de son conseil, en anglais, avec l'aide d'un policier effectuant la traduction, A______ a admis qu'il savait faire l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève. Il était à la recherche de la clé de son domicile qu'il avait oubliée dans le magasin-tabac où il avait été interpellé. Il était arrivé le jour même sur le territoire suisse en provenance de C______ [France].

g. Devant le Ministère public, en présence d'un interprète de langue anglaise et de son avocat, il a confirmé ses déclarations à la police. Son appréhension n'avait pas respecté le cadre légal, de sorte que les preuves découlaient d'un acte illicite.

h. Par ordonnance pénale du 8 mars 2025 (P/5729/2025), le Ministère public a condamné A______, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. a et 119 al. 1 LEI, à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement et révoqué le sursis accordé le 28 novembre 2023 (20 unités pénales). Il lui était reproché d'avoir pénétré sur le territoire suisse et de s'y être trouvé le 7 mars 2025, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires et était démuni de papiers d'identité valables indiquant sa nationalité ainsi que de moyens de subsistance légaux et alors qu'il savait faire l'objet d'une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois, notifiée le 21 août 2024, exécutoire nonobstant recours et valable jusqu'au 21 août 2025.

i. A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale le 10 mars 2025.

j.  Le 25 mars 2025, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale et a transmis la procédure au Tribunal de police.

k. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ a déclaré être né au Nigéria. Il ne bénéficiait d'aucun diplôme, mais étudiait l'anglais. Il travaillait en France comme "DJ", ainsi que dans la démolition. Il avait vécu à C______ et à D______ [France], où vivait son fils de cinq ans avec sa mère. Sa petite-amie vivait à Genève. Son revenu mensuel net était d'environ EUR 300.-.

l. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné, outre le 4 mars 2025 :

-        le 11 septembre 2017, par le Ministère public de E______ [VD], à 10 jours-amende à CHF 20.-, sursis 2 ans, pour séjour illégal,

-        le 28 novembre 2023, par le Ministère public de Genève, à 20 jours-amende à CHF 30.-, sursis 3 ans, prolongé d'un an le 18 février 2024, pour séjour illégal,

-        le 18 février 2024, par le Ministère public de Genève, à 60 jours-amende à CHF 10.-, pour séjour illégal et empêchement d'accomplir un acte officiel.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que, si la condition de gravité de l'affaire au regard du seuil prévu par l'art. 132 al. 3 CPP semblait réalisée, la cause ne présentait pas de difficulté particulière juridique ou de fait, de sorte que A______ était à même de se défendre efficacement seul.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que son indigence était établie. Le Ministère public estimait à tort que l'assistance d'un défenseur n'était pas justifiée, dans la mesure où il ne parlait pas français, était sans instruction, domicilié à l'étranger et n'était pas familiarisé avec la pratique judiciaire. Son interdiction d'entrée sur le territoire entravait également la consultation de son dossier. De plus, le sursis avait été révoqué (20 unités pénales) et le Ministère public l'avait condamné à une peine privative de liberté de 120 jours. La peine encourue portait une atteinte particulièrement forte à sa situation juridique et nécessitait la désignation d'un défenseur d'office. En outre, la condition de la complexité étant considérée comme "superflue" par la Cour européenne des droits de l'Homme, elle pouvait être écartée. Enfin, plusieurs pièces pourraient être frappées d'inexploitabilité, notamment son audition à la police lors de laquelle l'agent avait diligenté l'interrogatoire et servi d'interprète. S'ajoutait à cela qu'il était originaire du Nigéria et ne parlait pas un anglais "classique".

b.  À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant argue que la sauvegarde de ses intérêts nécessiterait l'assistance d'un avocat.

3.1.       En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

3.2.       La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

3.3.       Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.1.2).

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1; 139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2).

3.4.       La CEDH a rappelé que le droit à un avocat n’était pas absolu mais qu’il était forcément sujet à certaines limitations en matière d’assistance judiciaire gratuite, et qu’il appartenait aux tribunaux de décider si les intérêts de la justice exigeaient de doter l’accusé d’un défenseur d’office. Si les autorités nationales restreignaient le libre choix d’un défenseur par l’accusé en l’absence de motifs pertinents et suffisants de juger que les intérêts de la justice le commandaient, pareille restriction emportait violation de l’article 6 § 1 et 3 c) si la défense du requérant, au vu de la procédure dans son ensemble, s’en était trouvée lésée (Hamdani c. Suisse no 10644/17, § 30, CEDH du 28 mars 2023).

Le respect des exigences du procès équitable devait s'apprécier au cas par cas à l’aune de la conduite de la procédure dans son ensemble et non en se fondant sur l’examen isolé de tel ou tel point ou incident (Hamdani c. Suisse no 10644/17, § 36, CEDH du 28 mars 2023). Dans le cas d'espèce, soit pour des infractions de vol et de séjour illégal, la CEDH a retenu que le refus par les autorités de nommer un défenseur gratuit d’office, aussi regrettable fût-il pour l’avocat, n’avait pas eu d’impact réel sur l’équité globale du procès pénal du requérant.

3.5.       En l'espèce, la question d'une éventuelle indigence du recourant peut souffrir de demeurer indécise, dès lors qu'une des deux autres conditions cumulatives pour l'octroi de la défense d'office n'est pas réalisée, ainsi qu'il sera vu ci-après.

Si la condition de gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP apparait réalisée, dans la mesure où, selon l'ordonnance pénale du Ministère public du 8 mars 2025, le recourant a été condamné à un total de 140 unités pénales (peine privative de liberté de 120 jours et révocation de la peine pécuniaire de 20 jours-amende avec sursis), les faits reprochés demeurent simples et circonscrits.

Le recourant aurait pu s'exprimer sur les faits dont il est prévenu, lors de ses auditions par la police et le Ministère public, hors la présence de son avocat, dont l'assistance n'était en effet nullement nécessaire, s'agissant uniquement de répondre à des questions portant sur les raisons de sa présence à Genève le 7 mars 2025. La traduction a été effectuée tantôt par un policier – qui n'était pas celui ayant recueilli sa déposition –, tantôt par un interprète, devant le Ministère public. On ne voit pas, à ce titre, ce que le recourant entend tirer – a posteriori – de son grief selon lequel le policier appelé à traduire n'était pas un interprète professionnel et que l'audition constituerait une preuve illicite, dans la mesure où l'affaire était simple et que tant le recourant que son conseil, alors présent, ont consenti à cette manière de faire (art. 68 al. 1 CPP).

Les normes pénales qui lui sont opposées, soit des infractions à la législation sur les étrangers, ne présentent pas de réelle difficulté de compréhension ou d'application, même pour une personne sans formation juridique. Il ressort d'ailleurs des réponses du recourant qu'il a parfaitement compris les enjeux des comportements incriminés, admettant l'intégralité des faits reprochés, concédant en particulier avoir été au courant du fait qu'il n'avait pas le droit de venir à Genève ni en Suisse. De plus, il a été entendu à de nombreuses reprises dans le cadre d'autres procédures et jugé le 4 mars 2025 par le Tribunal de police pour une succession de faits très similaires à ceux qui lui sont reprochés dans la présente procédure.

L'ordonnance pénale à laquelle il a formé opposition a de plus été rendue le jour-même de son audition par le Ministère public et n'a pas demandé d'autres actes d'instruction, indice supplémentaire de l'absence de complexité de la cause.

On ne voit ainsi pas ce qui aurait empêché le recourant de s'exprimer seul, avec un interprète, durant la procédure préliminaire dans le cadre de laquelle il était attendu de lui qu'il réponde uniquement à quelques questions, sur des faits circonscrits et simples.

C'est par ailleurs à tort que le recourant se prévaut d'un empêchement d'accès au dossier qui justifierait l'assistance d'un avocat, puisqu'il pouvait en demander copies par simple courrier ou sa consultation après avoir été mis au bénéfice d'un sauf-conduit.

Enfin, l'arrêt de la CEDH cité par le recourant ne lui est d'aucune aide, puisque la Cour a retenu, pour des faits plus graves, soit un vol et une infraction à la LEI, que le recours à un défenseur d'office n'était pas nécessaire et a rappelé que la nécessité de l'assistance d'un avocat devait être examinée au cas par cas.

En définitive, la cause ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat rémunéré par l'État. Les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne sont dès lors pas réunies et la défense d'office du recourant pouvait être refusée, par le Ministère public.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur
Vincent DELALOYE, juges, Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).