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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5644/2025

ACPR/261/2025 du 02.04.2025 sur OMP/5879/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis; CPP.197

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5644/2025 ACPR/261/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 2 avril 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 7 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 17 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 mars 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné que soit établi son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été arrêté le 6 mars 2025, et condamné par ordonnance du lendemain pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI. Il y a formé opposition.

Par ordonnance rendue le 7 mars 2025 également, le Ministère public a ordonné que soit établi le profil d'ADN de A______.

b. Par trois fois déjà, A______ avait fait l'objet de mandats de prélèvement de son ADN, les 4 avril 2022, 15 septembre 2022 et 8 avril 2024 et son profil d'ADN établi.

c. Il ressort de l'ordonnance pénale du 7 mars 2025 que A______ a déjà été
condamné :

- le 17 juillet 2019, par le Ministère public, à une peine pécuniaire et à une peine privative de liberté, avec sursis, pour entrée illégale, séjour illégal et opposition aux actes de l'autorité ;

- le décembre 2020, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, pour entrée illégale, séjour illégal et opposition aux actes de l'autorité ;

- le 9 août 2024, par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice, à une peine privative de liberté de 85 jours, pour entrée illégale, séjour illégal et trafic de stupéfiants, le sursis octroyé le 17 juillet 2019 n'étant pas révoqué.

C. Dans son ordonnance, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu dès lors qu'il a déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, en référence à la condamnation du 9 août 2024 pour délit contre la LStup (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que, son profil d'ADN ayant déjà été "collecté" trois fois, les profils n'étant détruits au plus tôt qu'après 10 ans (art. 17 de la Loi sur les profils d'ADN) et l'ADN d'une personne ne changeant pas avec l'écoulement du temps, il n'y avait aucune raison pouvant justifier un nouveau "prélèvement" de son ADN. Les échantillons prélevés en 2022 étant toujours à disposition, il n'y avait pas d'utilité à établir de nouveau son profil d'ADN. Les méthodes du Ministère public mettaient en lumière un automatisme préoccupant qui se répercutait sur les frais de justice. L'établissement du profil d'ADN contesté était, au vu des circonstances du cas d'espèce, arbitraire et disproportionné.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

3.4. La loi sur les profils d'ADN (RS 363) prévoit en son art. 16 al. 2 let. a que les profils d’ADN établis en vertu des art. 255 et 257 CPP ou 73s et 73u PPM sont effacés après 10 ans dans le cas d’une condamnation à une peine privative de liberté avec sursis, à une peine pécuniaire avec sursis ou à un travail d’intérêt général (let. a), après 20 ans dans le cas d’une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis de 3 ans au plus, à une peine privative de liberté de substitution ou à une peine pécuniaire sans sursis (let. b), après 30 ans dans le cas d’une condamnation à une peine privative de liberté de plus de 3 ans et n’excédant pas 10 ans (let.c) et après 40 ans dans le cas d’une condamnation à une peine privative de liberté de plus de 10 ans (let d).

L'art. 17 al. 1 de la même loi prévoit la possibilité de prolonger la durée de conservation, dans les cas visés à l’art. 16, al. 2, let. a à f notamment, du profil d’ADN, avec l’autorisation de l’autorité de jugement compétente, pour 10 ans de plus au maximum après l’expiration du délai d’effacement s’il subsiste un soupçon concret relatif à un crime ou à un délit non prescrit ou s’il y a lieu de craindre une récidive.

3.5. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été motivé par la nécessité d'élucider des infractions passées (art. 255 al. 1bis CPP), soit des infractions à la LStup.

Le recourant ne conteste pas se trouver dans un cas d'application de l'art. 255 al. 1bis CPP, en raison de ses antécédents, dont un pour délit à la LStup.

Il estime cependant que cet établissement serait arbitraire et disproportionné ; son profil d'ADN avait déjà été "collecté", à trois reprise et les délais de destruction des échantillons et des profils d'ADN étaient "univoques".

Comme déjà jugé par la Chambre de céans (ACPR/195/2025), cet argument tombe à faux. Dès lors que les profils d'ADN sont effectivement soumis à effacement après un certain délai, même prolongeable, il subsiste un intérêt, pour autant que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas ici, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, laquelle n'est partant ni arbitraire ni disproportionnée.

Que son coût soit éventuellement mis à la charge du recourant – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est par ailleurs pas pertinent.

En définitive, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant sont réunis.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

6. Il n'y a pas lieu d'accorder de dépens, dont le sort suit celui des frais (art. 429 et 436 CPP ; ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; 137 IV 352 consid. 2.4.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5644/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00