Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/819/2024 du 06.11.2024 sur OMP/21586/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/19191/2024 ACPR/819/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 6 novembre 2024 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 14 octobre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 25 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à ce qu'une défense d'office soit ordonnée en sa faveur en la personne de Me B______.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a. Par ordonnance pénale du 21 août 2024, prononcée dans le cadre de la procédure P/19191/2024, A______, ressortissant nigérian résidant en France, a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c LStup et 19a ch. 1 LStup.
a.b. Entendu par la police, la veille, hors présence d'un avocat, il avait reconnu avoir vendu 0.6 gramme de cocaïne à un individu, ainsi qu'avoir consommé de la marijuana, précisant en consommer à raison d'environ quatre joints par jour.
a.c. A______ a formé opposition, le 22 août 2024.
b.a. Par ordonnance pénale du 9 octobre 2024, rendue dans le cadre de la procédure P/23372/2024, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, pour infractions à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et à l'art. 119 al. 1 LEI.
b.b. Entendu par la police, la veille, hors présence d'un avocat mais assisté d'un interprète de langue anglaise, il avait admis être venu en Suisse le jour même sans être en possession d'un document d'identité officiel ni d'une quelconque autorisation de séjour. Il détenait uniquement un titre de séjour italien expiré, lequel se trouvait chez lui, à C______ [France]. Invité à se déterminer sur le fait qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, il a reconnu ne pas avoir le droit de s'y rendre, ajoutant avoir recouru contre cette décision.
b.c. A______ a formé opposition, le 9 octobre 2024.
c. Par ordonnance du 15 octobre 2024, le Ministère public a ordonné la jonction des procédures P/23372/2024 et P/19191/2024.
d.a. Une troisième procédure a été ouverte, le 15 octobre 2024, sous le numéro P/23857/2024, puis jointe le jour même à la procédure P/19191/2024.
Il lui était reproché d'avoir, la veille, pénétré sur le territoire suisse, en particulier à Genève, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, qu'il était démuni de papiers d'identité valables indiquant sa nationalité et alors qu'il savait faire l'objet d'une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois, notifiée le 21 août 2024, exécutoire nonobstant recours et valable jusqu'au 21 août 2025.
d.b. Entendu par la police, le 14 octobre 2024, hors présence d'un avocat et en anglais, la traduction ayant été effectuée avec son accord par un policier, il avait reconnu ne pas être en possession d'un document d'identité et savoir qu'il n'avait pas le droit d'être à Genève, ni en Suisse d'ailleurs, où il était revenu afin de rencontrer son avocat, le lendemain.
e. A______ a été entendu par le Ministère public, en présence d'un avocat et d'un interprète de langue anglaise, le 15 octobre 2024, sur l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés. Il a, à cette occasion, confirmé en substance ses précédentes déclarations.
f.a Le 15 octobre 2024, après avoir mis à néant les ordonnances pénales des 21 août et 9 octobre 2024, le Ministère public en a rendu une nouvelle, visant l'intégralité des faits reprochés au prévenu.
Par cette nouvelle ordonnance pénale, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 110 jours-amende à CHF 30.- le jour, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c LStup, 115 al. 1 let. a LEI, 119 al. 1 LEI et 19a ch. 1 LStup.
f.b. Le jour même, A______ a fait opposition.
g. Alors que l'ordonnance querellée lui refusait par ailleurs sa mise au bénéfice d'une défense d'office, A______ a formulé cette même demande, le 15 octobre 2024. Le Ministère public lui a répondu, le 18 suivant, qu'aucune nouvelle ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office ne lui serait notifiée.
h. Le 18 octobre 2024 encore, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale du 15 octobre 2024 et transmis la procédure au Tribunal de police.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la cause ne présentait aucune difficulté particulière, ni en fait ni en droit, et qu'elle était de peu de gravité, le prévenu n'étant passible que d'une peine privative de liberté maximale de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende.
D. a. À l'appui de son recours, A______ indique faire l'objet d'une troisième procédure pénale, jointe aux deux autres le 15 octobre 2024, pour infractions aux art. 115 et 119 LEI. Au vu de cette nouvelle procédure, le seuil des 120 unités pénales était désormais dépassé, ce qui avait motivé sa demande de défense d'office du 15 octobre 2024, demande sur laquelle le Ministère n'avait pas souhaité statuer. Les conditions de l'art. 132 al. 3 CPP étaient réalisées, étant relevé qu'il était indigent.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant argue que la sauvegarde de ses intérêts nécessite l'assistance d'un avocat.
3.1. En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).
3.2. La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
3.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132).
Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).
3.4. En l'espèce, la question d'une éventuelle indigence du recourant peut souffrir de demeurer indécise, dès lors que les autres conditions pour l'octroi de la défense d'office ne sont de toute manière pas réalisées, ainsi qu'il sera vu ci-après.
Contrairement à ce que soutient le recourant, la condition de gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP n'est pas réalisée. Le fait que ce dernier ait fait l'objet de deux ordonnances pénales le condamnant chacune à 60 jours-amende et qu'une troisième procédure ait ensuite été ouverte à son encontre n'est pas pertinent, dès lors que, suite à ses oppositions et à la jonction des procédures qui s'est ensuivie, le Ministère public a considéré, dans son ordonnance pénale du 15 octobre 2024, que l'ensemble des faits reprochés au recourant pouvait être adéquatement sanctionné par une peine pécuniaire de 110 jours-amende.
La perspective que le Tribunal de police, auprès de qui la cause a été renvoyée, puisse être d'un autre avis et décider de revoir cette peine à la hausse n'est pas suffisamment concrète en l'état.
De surcroît, les faits reprochés sont simples et circonscrits. Le recourant a, d'ailleurs, pu s'exprimer à leur sujet lors de ses auditions par la police, hors présence d'un avocat et en anglais, la traduction ayant été effectuée tantôt par un interprète, tantôt par un policier. Les normes pénales qui lui sont reprochées, soit des infractions à la législation sur les étrangers, d'une part, et à la législation sur les stupéfiants, d'autre part, ne présentent pas de réelle difficulté de compréhension ou d'application, même pour une personne sans formation juridique. Il ressort d'ailleurs des réponses du recourant, lors de ses auditions par la police, qu'il a parfaitement compris les enjeux des comportements incriminés, admettant l'intégralité des faits reprochés et allant même jusqu'à concéder avoir été au courant du fait qu'il n'avait pas le droit de venir à Genève ou en Suisse.
On ne voit ainsi pas ce qui empêchera le recourant de plaider, seul, ses arguments devant le juge du fond.
En définitive, la cause est de peu de gravité et ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat. Les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne sont dès lors pas réunies et la défense d'office du recourant pouvait être refusée par le Ministère public.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.
5. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Le communique, pour information, au Tribunal de police.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).