Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/793/2024 du 01.11.2024 sur OMP/18566/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6636/2023 ACPR/793/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 1er novembre 2024 |
Entre
A______, domicilié Étude B______, ______, agissant en personne,
recourant,
contre une ordonnance d'indemnisation non datée rendue par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 20 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance non datée, expédiée par pli simple et reçue le 10 septembre 2024 selon les allégués du prénommé, par laquelle le Ministère public a arrêté à CHF 7'931.75 l'indemnité due au titre de l'assistance judiciaire pour son activité à la défense de C______.
Le recourant conclut à la suspension de la procédure de recours dans l'attente de la décision du Ministère public sur sa demande de taxation complémentaire, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il conclut à la réforme de la décision querellée et à une nouvelle taxation de son activité.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Par ordonnance du 26 avril 2023, A______ a été nommé d'office à la défense des intérêts de C______ dans la procédure P/6636/2023 dans laquelle celui-ci était prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP), injure (art. 177 CP) et menaces (art. 180 CP) commis au préjudice de son épouse.
b. Le 15 mars 2024, à la suite de l'avis de prochaine clôture, A______ a adressé un état de frais au greffe de l'assistance juridique détaillant son activité du 5 mai 2023 au 27 février 2024.
En résumé, il demandait l'indemnisation d'une activité de chef d'étude équivalant à 33h30, plus le forfait pour les courriers et les téléphones à raison de 20% du montant correspondant. Il a demandé l'indemnisation d'une vacation à CHF 100.- pour une audience.
c. Le 25 juillet 2024, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale condamnant C______ pour lésions corporelles simples, tentatives de lésions corporelles simples, injures, menaces et voies de fait à une peine pécuniaire de 120 jours-amende et à une amende de CHF 800.-. Cette ordonnance ne statue pas sur l'indemnisation de A______.
d. C______ a formé opposition, qu'il a finalement retirée le 19 août 2024, par courrier de son avocat, lequel a simultanément demandé la taxation de son état de frais du 15 mars 2024.
Le 21 août 2024, le Tribunal de police a pris acte de ce retrait et transmis l'état de frais au Ministère public pour qu'il statue sur ce point.
e. Selon une note de la greffière du Procureur datée du 4 septembre 2024, celle-ci s'était entretenue téléphoniquement avec A______ afin de savoir s'il entendait compléter son état de frais du 15 mars 2024 en lien avec son activité au Tribunal de police. Il avait répondu qu'il ne souhaitait pas le faire et qu'une ordonnance d'indemnisation pouvait être établie "ce jour".
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retranche 30 minutes à la durée détaillée dans l'état de frais du 15 mars 2024 – ce qui n'est plus contesté au stade du recours –, fixant ainsi à 33h00 au taux horaire de CHF 200.- l'activité devant être indemnisée, soit CHF 6'600.-. Il a appliqué à ce montant un forfait de 10% pour les courriers et téléphones et tenu compte d'une vacation à CHF 100.-, plus TVA, soit un total de CHF 7'931.75.
D. a. À l'appui de son recours, A______ allègue que le Ministère public avait pris contact par téléphone avec lui entre les 26 et 29 août 2024 pour savoir s'il avait un état de frais complémentaire à produire. Il avait répondu qu'il n'avait pas de prétentions à faire valoir "sous réserve de vérification". Il avait été victime d'un accident le 29 août 2024 et absent de son étude jusqu'au 15 septembre suivant, ce qui est attesté par un certificat médical, et s'était trouvé dans l'incapacité de procéder à la vérification promise. Or, il avait fourni une activité de 7h00 postérieurement à son état de frais du 15 mars 2024. Par ailleurs, il conteste la manière dont avait été appliqué le forfait de 10% pour les courriers et les téléphones : le Ministère public devait appliquer un forfait de 20% pour les trente premières heures, puis le forfait de 10% pour les heures supplémentaires. Il fait encore grief au Ministère public de ne pas l'avoir indemnisé pour ses trois déplacements à la police, ni l'avoir relancé après qu'il avait promis de vérifier son activité postérieure au 15 mars 2024.
Il transmet, simultanément au recours, un état de frais complémentaire.
b. Le Ministère public observe que le recourant avait renoncé, par téléphone, à faire valoir un état de frais complémentaire, de même qu'il n'avait pas formulé de demande d'indemnisation pour ses déplacements à la police. Le forfait pour les courriers et les téléphones avait été correctement appliqué.
c. A______ réplique que la note de la greffière attestant du téléphone qu'elle lui avait passé avait été rédigée postérieurement audit téléphone, car il était absent de l'étude le 4 septembre 2024 en raison de son accident et n'avait donc pas pu être atteint à cette date. Il était impensable qu'il eût renoncé à une rémunération pour une activité de 7h00, sans autre examen. Le Ministère public n'était pas lié par l'état de frais produit : il pouvait donc indemniser d'office les déplacements au poste de police, même s'ils n'étaient pas demandés. Le raisonnement était le même pour ses activités postérieures au 15 mars 2024, à supposer qu'il ne les eût pas réclamées.
d. Le Ministère public ne s'étant pas déterminé, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), contre une décision sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du défenseur d'office, qui a qualité pour agir (art. 135 al. 3 CPP) et un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP ; cf. ACPR/679/2024 du 20 septembre 2024).
2. Le recourant se plaint de l'indemnisation qui lui a été octroyée pour son activité de défenseur d'office.
2.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est prévu à l'art. 16 al. 1 RAJ; il s'élève à CHF 200.-/heure pour un chef d'Étude, CHF 150.-/heure pour un collaborateur et à CHF 110.-/heure pour un stagiaire; la TVA est versée en sus.
Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1290/2023 du 19 juillet 2024 consid. 2.1).
2.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis le début du mandat, et de 10% au-delà, pour couvrir diverses démarches (AARP/266/2022 du 4 septembre 2022, consid. 15.2), telles que : la rédaction de notes (AARP/311/2022 du 13 octobre 2022, consid. 8.1.2); la lecture d'ordonnances, lorsqu'elles tiennent sur quelques pages seulement et/ou donnent gain de cause à la partie assistée (AARP/266/2022 précité); les courriers et téléphones (AARP/386/2021 du 14 décembre 2021), y compris les conférences téléphoniques (ACPR/524/2016 du 25 août 2016, consid. 2.5).
Lorsque le défenseur d'office entend remettre en question la quotité du forfait sus-évoqué, il doit établir que la procédure a généré des prestations/contacts importants susceptibles d'excéder les heures de travail admises par l'autorité. En règle générale, il suffit que la somme octroyée couvre les frais concrètement encourus, ainsi que le temps consacré à ces activités. Dite autorité peut donc s'éloigner, sans arbitraire, du taux de 20%, l'aspect déterminant étant que lesdits frais et activités soient couverts (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.1 et 3.5.2).
2.3. Le tribunal doit se prononcer sur l'indemnisation du défenseur d'office ou du conseil juridique gratuit dans le jugement au fond (ATF 139 IV 199 consid. 5.1), afin qu'il puisse être formé appel, respectivement recours contre cette décision (ATF 139 IV 199 consid. 5.2). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a écarté la possibilité que l'indemnité de l'avocat d'office ou du conseil juridique gratuit puisse être fixée dans une décision séparée postérieure (ATF 139 IV 199 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1319/2023 du 23 avril 2024 consid. 3.1).
Ces principes sont transposables à la décision du ministère public qui clôt la procédure pénale, notamment par une ordonnance pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1319/2023 du 23 avril 2024 consid. 3.1).
2.4. En l'espèce, la première question à trancher est celle de savoir si le recourant était recevable à déposer un état de frais complémentaire le 20 septembre 2024, soit postérieurement au prononcé querellé.
Il sied de relever que, conformément à la jurisprudence, le Ministère public aurait dû statuer sur l'indemnisation du recourant dans l'ordonnance pénale ou alors, en dernier ressort, le Tribunal pénal aurait dû le faire lorsqu'il a mis fin à la procédure en constatant le retrait de l'opposition à cette ordonnance. Le prononcé d'une décision séparée et subséquente, procédé qui n'est pas conforme à la jurisprudence, n'a cependant causé aucun préjudice au recourant. Celui-ci ne contestant pas la validité de l'ordonnance querellée sous cet angle, elle sera considérée valable dans son principe.
In casu, ayant retiré l'opposition de son client à l'ordonnance pénale le 19 août 2024, le recourant aurait dû anticiper que la taxation de son activité allait intervenir et fournir spontanément et immédiatement tout éventuel état de frais complémentaire, sans attendre de relance du Ministère public. Il a, d'ailleurs, dans le courrier de retrait de l'opposition, expressément évoqué la taxation de son activité, faisant référence à son état de frais du 15 mars 2024. Il manifestait par-là qu'il savait que son activité n'avait pas encore été taxée, tout en laissant entendre que ses prétentions étaient toutes couvertes par cet état de frais. Dans le cas contraire, il aurait dû, de bonne foi, se prévaloir spontanément d'éventuelles prestations additionnelles.
En tout état, le recourant ne conteste pas qu'il a été contacté téléphoniquement par le Ministère public qui lui a donné l'occasion de compléter son état de frais déposé quelques mois plus tôt. Il ne conteste pas davantage n'avoir formulé à cette occasion aucune prétention supplémentaire. Que le compte rendu de cet entretien ait été rédigé à la fin août ou au début de septembre est sans incidence. Tout au plus, la version du recourant diverge de celle du Ministère public sur le point de savoir s'il s'était réservé la possibilité d'effectuer des vérifications. Même à supposer que la version du recourant fût la bonne, il était de sa responsabilité de requérir un complément d'indemnisation à brève échéance. Il soutient d'ailleurs, contradictoirement, avoir déclaré au Ministère public qu'il se manifesterait s'il avait une prétention en indemnité supplémentaire tout en prétendant s'être attendu à ce que le Ministère public le recontacte d'office. Qu'il ait ensuite été en arrêt de travail pour un accident n'y change rien. Le Ministère public n'avait donc pas à attendre ou à le relancer une seconde fois pour obtenir un éventuel état de frais complémentaire.
Il serait de surcroît contraire au principe de la bonne foi d'autoriser les avocats à compléter leur état de frais au stade du recours et à réclamer, pour la première fois devant la Chambre de céans, l'indemnisation de prestations qu'ils n'auraient jamais requises de l'autorité de première instance. Admettre une telle manière de faire serait d'autant moins admissible que cela rendrait vaine l'obligation de statuer dans la décision mettant fin à la procédure et superflue toute invitation faite au conseil d'office de compléter son état de frais avant cette décision. L'avocat pourrait user du recours pour remédier à ses propres oublis, même quand, par hypothèse, l'autorité lui aurait entièrement accordé les prestations qu'il lui avait soumises.
Ainsi, le dépôt subséquent et postérieur à l'ordonnance d'indemnisation d'un état de frais supplémentaire est tardif et irrecevable.
2.5. Cette constatation provoque la chute du deuxième grief du recourant.
N'ayant jamais requis à temps l'indemnisation des vacations qu'il prétend avoir effectuées au poste de police, il est réputé y avoir renoncé. À l'avocat incombe l'obligation de rédiger un état de frais, l'autorité pouvant se fonder sur celui-ci pour déterminer l'étendue de l'indemnité allouée.
Ainsi, le recourant sera débouté de ses griefs sur ce point encore.
2.6. Enfin, l'application du forfait pour les courriers et téléphones est critiquée par le recourant, qui considère qu'il aurait dû être fixé à 20% pour les trente premières heures et à 10% pour les trois suivantes, mais non à 10% pour toute la durée requise.
Il ressort pourtant clairement de la jurisprudence que le dépassement d'un total de trente heures conduit à l'application d'un taux de 10% au titre de forfait des courriers et téléphones pour l'intégralité du temps presté. Dans son principe, la décision querellée de fixer le taux à 10% est donc fondée, puisque la durée à indemniser excède trente heures.
Au surplus, le recourant n'expose pas qu'il aurait été amené à exécuter des prestations couvertes par le forfait pour une durée qui serait supérieure à celle qui est concrètement indemnisée. Il se limite à une critique générale – et donc insuffisante –du mode de calcul dégressif appliqué par les autorités genevoises, qui résulte pourtant d'une pratique bien ancrée et conforme au droit.
Par conséquent, les griefs du recourant seront rejetés ici encore.
2.7. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure de recours.
3. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'état, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/6636/2023 | ÉTAT DE FRAIS | ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 10.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
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| Total | CHF | 900.00 | |||