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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8882/2020

ACPR/741/2024 du 15.10.2024 sur OTMC/2322/2024 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PROLONGATION;PROPORTIONNALITÉ;RISQUE DE COLLUSION;PRINCIPE DE LA SPÉCIALITÉ(ENTRAIDE ET EXTRADITION)
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8882/2020 ACPR/741/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 15 octobre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 30 juillet 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 12 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 juillet 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé jusqu'au 1er novembre 2024 l'"interdiction de prendre contact sous quelque forme que ce soit avec l'un ou l'autre des participants à la procédure ou avec une personne qui pourrait être entendue en qualité de témoin dans la procédure, notamment les employés de C______ SA, D______ SA et E______ SA".

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la levée immédiate "des mesures" (sic) de substitution dont il fait l'objet dans la présente procédure.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Par suite du mandat d'arrêt émis le 8 juin 2022 par le Ministère public, A______ a été arrêté en Italie – où il vivait avec sa compagne – et extradé le 14 juillet 2022.

b. La décision d'extradition, par les autorités italiennes, du 22 juin 2022, est fondée sur les infractions visées par le mandat d'arrêt, soit escroquerie (art. 146 CP), abus de confiance (art. 138 CP), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP) et gestion fautive (art. 165 CP).

c. À teneur dudit mandat, il était reproché à A______, d'avoir, à Genève, notamment :

- en décembre 2017, poussé F______ à prêter à C______ SA – dont il était l'administrateur – les sommes de CHF 600'000.- (via G______ SA) et CHF 500'000.-, alors qu'il savait que cette société ne pourrait pas la rembourser et faisait l'objet de nombreuses poursuites,

- en août 2019, poussé H______ à verser CHF 50'000.- dans le cadre de la réalisation d'un projet de promotion immobilière, alors qu'il savait que C______ SA et D______ SA – dont il était également l'administrateur – ne compléteraient jamais les travaux,

- en décembre 2019, pour garantir une dette personnelle envers I______, constitué une cédule hypothécaire sur les actifs de C______ SA, alors qu'il savait que cette société était endettée et allait tomber en faillite.

d. En substance, A______ reconnaît que des sommes d'argent sont dues à divers créanciers de C______ SA et D______ SA, mais affirme que ces sociétés en sont débitrices et non lui-même.

e. Par ordonnance du 15 juillet 2022, le TMC a ordonné la mise en détention de A______ pour trois semaines, en raison des risques de fuite, collusion et réitération.

f. Par ordonnance du 2 août 2022, le Ministère public a ordonné sa mise en liberté, avec des mesures de substitution ordonnées le lendemain par le TMC, pour une durée de six mois, en vue de pallier ces trois risques.

Il a ainsi été fait obligation au prévenu de résider à X______ [VD] et de déposer ses pièces d'identité. Il lui a aussi été fait interdiction de "prendre contact sous quelque forme que ce soit avec l'un ou l'autre des participants à la procédure ou avec une personne qui pourrait être entendue en qualité de témoin dans la procédure, notamment les employés de C______ SA, D______ SA, E______ SA".

g. Par requête du 24 août 2022 – complétée le 8 décembre 2022 –, le Ministère public a demandé aux autorités italiennes l'extension de l'extradition (art. 52 al. 2 et 3 EIMP) de A______ pour les préventions d'abus de confiance (art. 138 CP), gestion déloyale (art. 158 CP), escroquerie (art. 146 CP), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP), gestion fautive (art. 165 CP), violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP), vol (art. 139 CP) voire soustraction d'une chose mobilière (art. 137 CP), et faux dans les titres (art. 251 CP).

Il lui était désormais aussi reproché d'avoir, à Genève :

- entre en décembre 2018, déterminé, par des affirmations fallacieuses, la banque J______ à lui octroyer un financement d'un montant total de CHF 1'526'055.81, puis, entre le 21 décembre 2018 et le 1er mai 2019, un second financement d'un montant total de CHF 1'266'689.10, dans le but de réaliser des travaux pour une promotion immobilière à K______ (Vaud), alors qu'il n'avait jamais eu l'intention d'utiliser les fonds remis dans le but indiqué,

- durant l'année 2018, alors que C______ SA avait des difficultés financières, voire était en situation de surendettement, payé des factures (yacht, jet privé, etc.) au moyen du compte de la société, péjorant la situation financière de cette dernière en diminuant ses actifs et causant ainsi un dommage aux créanciers, étant précisé que C______ SA a été mise en faillite dans le courant de l'année 2019,

- durant l'année 2019, omis de tenir ou de faire tenir la comptabilité de C______ SA,

- entre juin et août 2019, omis de verser, en sa qualité d'administrateur de D______ SA, les retenues AVS, chômage, prévoyance professionnelle, assurance maternité et allocations familiales des employés de ladite société, le montant du dommage se chiffrant à CHF 8'019.20,

- le 23 juillet 2019, conclu avec L______ et M______ un contrat de bail au nom de la société E______ SA – dont il était l'unique actionnaire et administrateur –, pour un appartement sis au N______ [GE], du 3 août 2019 au 31 juillet 2022, en sachant que cette société ne pourrait verser un tel loyer, dont elle ne s'est d'ailleurs jamais acquittée, et dérobé des biens mobiliers aux bailleurs,

- et de s'être approprié sans droit un véhicule automobile de marque O______ modèle 1______ qui avait été confié par P______ SA à D______ SA, dans le cadre d'un contrat de leasing qu'il n'avait pas entièrement honoré, et dont le solde s'élève à CHF 28'604.90.

h. Par ordonnance du 27 janvier 2023, le TMC a levé l'obligation de résidence en Suisse et de dépôt des pièces d'identité de A______, et prolongé, pour six mois, les autres mesures (interdiction de contact et obligation de se présenter aux actes de la procédure). L'ordonnance précisait que les autorités italiennes n'avaient en l'état pas accordé le complément d'extradition, de sorte que A______ n'avait pas encore été prévenu du reste des charges pesant sur lui. Une fois cela fait, il serait entendu par le Ministère public et confronté aux parties plaignantes et à d'éventuels témoins.

Pour répondre aux critiques du prévenu, le TMC a précisé que dans sa demande de prolongation, le Ministère public avait exclusivement mentionné les mêmes charges que celles figurant dans le mandat d'arrêt du 8 juin 2022, lesquelles justifiaient à elles seules, avec les risques retenus, le prononcé de mesures de substitution. Ce n'était aucunement la demande de complément de l'extradition qui fondait la prolongation desdites mesures, le Ministère public se bornant à mentionner son existence, ce qu'il était tenu de faire à l'attention du juge de la détention.

i. Par ordonnance du 28 juillet 2023, le TMC a prolongé les mesures de substitution pour une nouvelle durée de six mois. Le Ministère public était dans l'attente de l'extension de l'extradition, par les autorités italiennes, et allait tenir des audiences en octobre 2023.

j. Dans l'intervalle, les autorités italiennes ont accordé l'extension de l'extradition demandée le 24 août 2022, à l'exception de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP).

k. Le 15 mai 2023, Q______ a déposé plainte contre A______, son ancien compagnon. Elle lui reproche une omission de verser, entre août 2018 et octobre 2021, des contributions à l'entretien de leur fils, (art. 217 CP), de s'être indument approprié et de lui avoir dérobé des bijoux et de l'argent (art. 137 et 139 CP), d'avoir utilisé frauduleusement sa carte de crédit (art. 147 CP), ainsi que de l'avoir engagée en tant qu'employée de C______ SA et E______ SA, sans jamais avoir l'intention de lui verser de salaire (art. 146 CP), ni avoir cotisé aux assurances sociales (art. 87 al. 3 LAVS et 76 al. 2 LPP).

Cette plainte a été jointe à la présente procédure.

l. Lors de la première partie de l'audience du 13 octobre 2023 [à 8h50], intitulée "audition de la personne poursuivie en vue d'une demande d'extension de l'extradition (art. 52 al. 2 et 3 EIMP)", le Ministère public a donné lecture à A______ – assisté de ses conseils – des préventions découlant de la plainte de Q______, lesquelles figuraient dans le mandat d'arrêt qui allait être transmis aux autorités italiennes [finalement daté du 1er novembre 2023].

Le prévenu s'étant opposé à son extradition complémentaire pour ces faits [cf. PV, page 5], le Ministère public (via l'Office fédéral de la justice) a adressé aux autorités italiennes le mandat d'arrêt et une deuxième demande d'extension de l'extradition, pour ces nouveaux faits.

m. Lors de la seconde partie de l'audience du 13 octobre 2023 [dès 9h11], A______ s'est vu notifier par le Ministère public les charges découlant de la première extension de l'extradition (cf. B.g. supra). L'instruction a porté sur ces faits, et ceux découlant du mandat d'arrêt du 8 juin 2022.

n. Les autorités italiennes ont accepté, le 29 février 2024 l'extension de l'extradition pour les faits relatifs à la plainte de Q______ et mentionnés dans le mandat d'arrêt du 1er novembre 2023. Cette extension a été formellement communiquée au prévenu lors de l'audience du 19 septembre 2024.

o. Dans l'intervalle, le Ministère public a, le 15 janvier 2024, transmis à l'Office des faillites genevois et de W______ (Vaud) des ordres de dépôt visant des pièces comptables de C______ SA et D______ SA, ainsi qu'auprès d'une banque.

p. Le 17 janvier 2024, le Ministère public a adressé une commission rogatoire au Portugal afin de faire procéder à l'audition de témoins (R______ et S______) et d'obtenir des documents en lien avec les sociétés T______ LDA et U______ [architectes].

q. Les mesures de substitution ont régulièrement été prolongées par ordonnances du TMC des 30 janvier et 2 mai 2024, en dernier lieu au 1er août 2024.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que le risque de collusion demeurait tangible, au vu des dénégations de A______, vis-à-vis des parties plaignantes, qu'il connaissait, et d'anciens employés qui revêtaient la qualité de témoins, lesquels n'avaient pas encore été entendus ou pas entendus contradictoirement, en particulier R______, S______, Q______ [qui devrait être entendue le 31 octobre 2024], I______ et V______, de sorte qu'il convenait d'éviter que le prévenu ne puisse influencer leurs déclarations.

Cette mesure était particulièrement peu contraignante et parfaitement justifiée au vu des dénégations du prévenu et des confrontations à venir, de sorte qu'on ne voyait pas quel dommage concret il subirait du fait de la prolongation de l'interdiction de contact avec toutes les personnes concernées par la présente procédure, lui-même affirmant qu'il n'avait conservé aucun contact avec les anciens employés des sociétés concernées.

Indépendamment des "vices dans la procédure d'entraide" dénoncés par la défense, il était douteux que l'interdiction de contact vis-à-vis de Q______ pût constituer une mesure de contrainte restreignant la liberté individuelle du prévenu au sens de l'art. 14 al. 1 let. a de la Convention européenne d'extradition (CEExtr), ce que le précité ne prétendait pas.

D.           a. Dans son recours, A______ reproche au TMC d'avoir violé le principe de la spécialité, consacré par l'art. 14 al. 1 CEExtr. En effet, dans son raisonnement sur le bien-fondé des mesures de substitution, le juge précédent se fondait sur les charges en lien avec la plainte de Q______. De même, en retenant que l'instruction se poursuivait, le TMC faisait référence à la seconde demande d'extension de l'extradition, alors qu'elle ne faisait pas partie de l'instruction, puisque la procédure d'extension de l'extradition n'était "pas terminée", et que le Ministère public n'était donc pas habilité à instruire ces faits. C'était en effet à tort que l'Office fédéral de la justice et les autorités italiennes se référaient à l'audience du 13 octobre 2023 pour affirmer, "de manière parfaitement erronée", qu'il s'était vu notifier ces nouvelles charges, dès lors que "l'audience du 13 octobre 2023 n'a[vait] pas eu pour objet de [lui] signifier les charges retenues dans le mandat d'arrêt complémentaire du 1er novembre 2023", mais sur les préventions antérieures. Partant, les faits visés par le mandat d'arrêt du 1er novembre 2023 ne pouvaient justifier le prononcé d'une prolongation des mesures de substitution.

En outre, les conditions de l'art. 221 al. 1 CPP n'étaient plus remplies. Alors que les mesures de substitution étaient en vigueur depuis 18 mois, les charges contre lui ne s'étaient pas renforcées. Le Ministère public n'avait tenu qu'une seule audience, le 13 octobre 2023, pour l'entendre sur les charges complémentaires ayant fait l'objet de la première extension de l'extradition, sans qu'elles ne s'en trouvent concrètement intensifiées. Par ailleurs, les auditions invoquées par le Ministère public et l'analyse de la documentation reçue des Offices de poursuites avaient déjà été invoquées à l'appui de la précédente demande de prolongation. Quant à la commission rogatoire, au vu du temps écoulé, elle ne pouvait plus justifier une prolongation des mesures de contrainte.

Au surplus, les risques de fuite, réitération et collusion n'étaient plus réalisés. S'agissant de ce dernier risque, il avait déjà été "confronté aux parties plaignantes" et il n'existait aucun lien concret avec les anciens employés de C______ SA, D______ SA ou E______ SA, ces sociétés n'étant plus actives depuis 2019. La future audition de Q______ ne pouvait pas être retenue, puisque le Ministère public n'était en l'état pas habilité à instruire la plainte de cette dernière, pour les raisons exposées.

Au vu du temps écoulé, la prolongation violait le principe de la proportionnalité.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et se réfère aux développements de l'ordonnance querellée, le recours du prévenu n'appelant pas d'observations particulières.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

d. Le recourant renonce à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant estime que les charges ne se sont pas renforcées.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       En l'espèce, le recourant a été placé en détention provisoire, en juillet 2022, sur la base de soupçons – d'escroquerie, abus de confiance, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et gestion fautive – énoncés dans le mandat d'arrêt du 8 juin 2022, qui a fondé son extradition depuis l'Italie.

Depuis lors, il a fait l'objet de nouvelles charges – pour abus de confiance, gestion déloyale, escroquerie, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, gestion fautive, violation de l'obligation de tenir une comptabilité, vol, voire soustraction d'une chose mobilière, et faux dans les titres – ayant fait l'objet du mandat d'arrêt du 24 août 2022, et de la première extension de l'extradition.

Puis, il a fait l'objet de nouvelles charges, par suite de la plainte du 15 mai 2023 – pour appropriation illégitime, vol, escroquerie, violation d'une obligation d'entretien et infractions à la LAVS et la LPP –. Sur ce point, c'est en vain, et à tort, que le recourant allègue que les charges découlant de cette plainte ne lui auraient pas été signifiées avant la demande d'extension de l'extradition, puisqu'une audition conforme à l'art. 52 al. 2 et 3 EIMP leur a bel et bien été consacrée, le 13 octobre 2023 [à 8h50]. Que le Ministère public ait ensuite décidé de renouveler cette audience, le 19 septembre 2024, n'enlève rien à la portée de la précédente, auxquelles les autorités fédérales et italiennes, se sont d'ailleurs, à bon droit, référées. Le TMC pouvait donc tenir compte de ces (nouvelles) charges dans l'ordonnance querellée, les autorités italiennes ayant autorisé l'extension de l'extradition en février 2024.

C'est donc inopportunément, voire de manière téméraire, que le recourant clame l'absence de renforcement des charges retenues contre lui depuis son arrestation.

De même, il existe bel et bien des actes d'instruction en cours, auxquels le Ministère public, et le TMC à sa suite, pouvaient se référer.

3.             Le recourant estime ne présenter aucun risque de fuite, collusion et réitération.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, l'ordonnance querellée se limite à prolonger l'interdiction de contact, destinée à pallier le risque de collusion retenu par le TMC. On peine dès lors à comprendre pour quel motif le recourant persiste à contester tout risque de fuite et de réitération, pour lesquels les mesures précédemment ordonnées ont été levées.

L'ordonnance querellée fait interdiction au prévenu de prendre contact avec les participants à la procédure ou toute personne pouvant être entendue en qualité de témoin, notamment les employés de C______ SA, D______ SA et E______ SA. En l'occurrence, que ces sociétés ne soient plus actives n'enlève rien au risque de collusion qui persiste avec leurs employés, pour les actes qui sont reprochés au recourant en lien avec son activité d'administrateur. L'écoulement du temps ne modifie en rien l'intensité du risque, pour les personnes non encore entendues. Que le Portugal n'ait pas (encore) répondu à la demande de commission rogatoire n'abolit pas le risque de collusion avec les témoins devant être interrogés. C'est également à bon droit que le TMC a retenu – dans ses considérants mais pas dans le dispositif – un risque de collusion avec la plaignante Q______, laquelle doit être entendue fin octobre 2024.

Les griefs du recourant seront donc rejetés.

4.             Le recourant invoque encore une violation du principe de la proportionnalité.

4.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

4.2.       En l'occurrence, le recourant a été libéré début août 2022 et les mesures de substitution ordonnées alors ont progressivement été levées, pour n'en retenir qu'une seule. Cette seule mesure encore en force est une interdiction de contact avec des témoins et les parties à la procédure. Le recourant ne dit mot sur le préjudice que cette mesure lui causerait. Si, sur le principe, et dans la mesure du possible, une mesure de contrainte doit être limitée dans le temps pour ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales d'un prévenu, on ne voit pas en quoi une interdiction de contact avec des personnes que le recourant dit de toute manière ne pas souhaiter contacter le léserait dans l'un de ses droits constitutionnels. Il ne le soutient d'ailleurs pas.

En outre, le recourant est particulièrement malvenu de se plaindre de la durée de la mesure querellée, alors qu'il s'est opposé aux deux demandes d'extradition complémentaires. S'il avait certes le droit de s'y opposer, il doit en revanche supporter les conséquences de cette posture, en particulier l'allongement de la procédure – et donc de l'interdiction de contact – rendue nécessaire par les actes requis à l'étranger et la persistance du risque de collusion.

Pour ces raisons, l'ordonnance querellée ne viole nullement le principe de la proportionnalité.

5.             Le recours, mal fondé, sera ainsi rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2.       En l'occurrence, bien qu'il s'agisse ici d'un premier recours, dans une procédure ouverte il y a quatre ans et ayant vu l'arrestation – et la mise en liberté – du prévenu il y a plus de deux ans, cette démarche, au vu des griefs invoqués, était manifestement dénué de chances de succès, pour les raisons expliquées ci-dessus et dont une partie lui avait déjà été expliquée par l'autorité précédente. Il n'y a donc pas à verser d'indemnité au défenseur d'office pour un tel acte.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/8882/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

Total

CHF

985.00