Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/740/2024 du 15.10.2024 ( RECUSE ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/59/2024 ACPR/740/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 15 octobre 2024 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
requérant,
et
C______, juge, p.a. Tribunal des mineurs, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève,
citée.
EN FAIT :
A. Par courriel sécurisé, reçu le 9 août 2024, A______ demande la récusation de C______, Procureure ayant instruit, jusqu'au 4 novembre 2016, la procédure P/1______/2015.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Par acte d'accusation du 18 avril 2024, A______ a été renvoyé en jugement devant le Tribunal correctionnel pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée et abus de confiance aggravé, notamment suite à la plainte pénale déposée à son encontre par D______ INC et E______ LTD.
b. Les débats ont été fixés du 2 au 6 décembre 2024.
c. Le 28 juin 2024, A______ a présenté ses réquisitions de preuves à la Présidente du Tribunal correctionnel.
d. Le 22 juillet 2024, les parties plaignantes ont déposé leurs réquisitions et conclusions civiles, accompagnées d'un chargé de pièces.
e. Le lendemain, elles ont fait porter un exemplaire de ces documents à l'étude du conseil du prévenu.
f. Par courriers des 16 et 25 juillet 2024, la Présidente du Tribunal correctionnel a rejeté les réquisitions de preuves susmentionnées.
g. Dans sa lettre adressée, le 9 août 2024, à la Présidente du Tribunal correctionnel et à la Chambre de céans, A______ a sollicité la récusation de C______.
Il a expliqué que son avocat avait, le 5 précédent, "décidé de prendre un moment pour l'étude des conclusions civiles et a parcouru les documents qui lui avaient été remis le 23 juillet 2024". Son conseil avait alors découvert – en pièce 99 – des notes d'honoraires de l'étude F______, alors chargée de la défense des intérêts des parties plaignantes, avant qu'elle ne renonce à son mandat dans le cadre d'un conflit d'intérêts qu'il avait soulevé à l'époque. Les notes d'honoraires, annexées aux conclusions civiles, faisaient mention de onze entretiens téléphoniques, entre le 12 janvier et le 26 septembre 2016, entre les avocats de cette étude – représentant les parties plaignantes – et C______ ou le Ministère public. Le soir même, son avocat avait adressé un mail à sa collaboratrice pour lui demander de "vérifier rapidement si des notes au dossier pénal, car délai pour récusation 6-7 jours max". Il s'est avéré qu'aucune note de la Procureure retranscrivant l'objet et le contenu des entretiens téléphoniques n'avait été versée au dossier.
C. À l'appui de sa demande de récusation, A______ allègue n'avoir pas agi tardivement car il ne pouvait être exigé que son conseil prenne connaissance, à réception [le 23 juillet 2024], des conclusions civiles [33 pages] et des pièces produites [412 pages]. Sa demande de récusation avait été déposée dans le délai maximal de sept jours à compter de cette date. La procédure était "inactive", l'acte d'accusation ayant été établi et les débats fixés. En outre, le dossier ne comportait aucun indice du motif de récusation [les entretiens téléphoniques] de sorte que "rien ne commandait, à quatre mois du procès, de se jeter prioritairement dans l'examen de ces quelques 400 pages reçues quelques jours plus tôt". Il devait ainsi être retenu qu'il avait découvert la cause de récusation le 5 août 2024 et avait agi "sans délai" le 9 suivant.
EN DROIT :
1. Partie à la procédure, en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du Ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP).
2. 2.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP).
Même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3).
Les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six ou sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation. Dans l'examen du respect des exigences de l'art. 58 al. 1 CPP, il convient notamment de prendre en compte les circonstances d'espèce ainsi que le stade de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_65/2022 du 18 mars 2022 consid. 3.1.); considérer que le droit de demander la récusation est perdu doit être apprécié avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_647/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.1.). En particulier, selon notamment la fréquence des actes d’instruction, on peut se montrer plus large dans le temps de réaction lorsque le moment déterminant intervient dans une phase moins active de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_227/2013 du 15 octobre 2013 consid. 2.1).
Il incombe à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêts du Tribunal fédéral 1B_283/2022 du 29 novembre 2022 consid. 4.3 et 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3 et les arrêts cités).
2.2. En l'occurrence, le requérant considère avoir respecté les réquisits temporels en agissant dans les quatre jours après la découverte, par son conseil, de la cause de récusation alléguée.
À bien le suivre, le moment déterminant dépend de celui où son avocat a décidé de consulter les pièces reçues.
Ce raisonnement ne peut être suivi.
Les éléments sur lesquels se fonde la demande de récusation se trouvaient en mains de l'avocat depuis le 23 juillet 2024. Celui-ci avait ainsi, dès ce moment-là, la possibilité de soulever un éventuel motif de récusation. Contrairement à ce qu'affirme le requérant, la procédure n'était pas "inactive" puisqu'il a déposé ses réquisitions de preuves le 28 juin 2024 et les parties plaignantes le 22 juillet suivant. Peu importe, en outre, que le dossier ne comportait, au préalable, aucun indice et que les pièces étaient volumineuses. De toute façon, un examen rapide était suffisant, ce qui n'est – au demeurant – pas contesté puisque le conseil du requérant dit avoir seulement eu besoin de parcourir les pièces pour découvrir le motif de récusation allégué. Enfin, le requérant ne soutient nullement avoir été empêché de prendre connaissance des pièces remises, dès leur réception ou dans les jours qui ont suivi.
On ne voit donc pas ce qui l'aurait empêché d’en prendre connaissance en temps utile et d’agir en récusation dans un délai plus bref qu’il ne l’a fait.
En laissant s'écouler deux semaines depuis la communication des pièces, le requérant a agi tardivement et, en n’invoquant que le 9 août 2024 une éventuelle cause de récusation qu’il lui eût été aisé de découvrir bien plus tôt que le 5 août précédent, il a agi contrairement à la bonne foi.
Partant, sa requête est irrecevable.
3. Au vu de ce qui précède, il n’y avait pas à demander à la citée de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2. et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références).
4. Le requérant, qui n'a pas gain de cause, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 59 al. 4 et 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare la requête en récusation irrecevable.
Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant (soit pour lui, son conseil), à la citée, et au Ministère public.
Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/59/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 715.00 |
Total | CHF | 800.00 |