Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/734/2024 du 11.10.2024 ( RECUSE ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/69/2024 ACPR/734/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 11 octobre 2024 |
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,
requérante,
et
B______, interprète, ______ [GE],
cité.
Vu :
- la procédure pénale P/1______/2021 dirigée contre A______, pour diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP);
- l'audience du 16 mai 2022 devant le Ministère public, lors de laquelle B______ a fonctionné en qualité d'interprète en anglais;
- l'audience de jugement du 2 septembre 2024 devant le Tribunal de police;
- la demande de récusation formée à l'ouverture des débats par A______ à l'encontre de B______, appelé à fonctionner comme interprète devant le Tribunal de police.
Attendu que :
- le 16 mai 2022, devant le Ministère public, A______ a expressément accepté que B______ œuvre comme interprète. Elle était alors assistée de son conseil;
- à l'issue de ladite audience, elle a demandé à ce que le procès-verbal lui soit relu et traduit entièrement. Après l'avoir relu elle-même, elle a refusé de le signer en soutenant que certaines déclarations de la partie plaignante n'auraient pas été retranscrites correctement;
- le 2 septembre 2024, devant le Tribunal de police, A______ a demandé la récusation de B______ au motif qu'il avait été interprète dans son procès civil en 2017 et qu'il avait signé le procès-verbal de l'audience du 16 mai 2022 malgré des inexactitudes factuelles et quand bien même il "savait que le Procureur ne lui avait pas permis de le traduire entièrement".
Considérant, en droit, que :
- le Code de procédure pénale ne désigne pas l'autorité compétente pour trancher une demande de récusation visant un traducteur-interprète. Le Tribunal fédéral a comblé la même lacune au sujet de la demande de récusation d'un expert désigné par le ministère public en appliquant par analogie l’art. 59 al. 1 let. b CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1);
- la Chambre de céans a fait application de cette jurisprudence au traducteur-interprète, l'art. 68 al. 5 CPP renvoyant aux dispositions relatives aux experts, y compris à l'art. 183 al. 3 CPP traitant des motifs de récusation (ACPR/799/2017 du 22 novembre 2017 consid. 1. ; cf. aussi L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 10 ad art. 68);
- la Chambre de céans est donc compétente pour statuer sur la demande de récusation du traducteur-interprète;
- selon l'art. 58 al. 1 CPP, la demande de récusation doit être présentée sans délai par la partie dès qu'elle a connaissance du motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP);
- même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3) ; la jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs (arrêt du Tribunal fédéral 1B_630/2020 du 23 mars 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités), mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 3 ad art. 58 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016 consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2);
- il incombe à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêt du Tribunal fédéral 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3.);
- en l'occurrence, la demande de récusation porte sur la désignation de B______ en qualité d'interprète lors de l'audience du Tribunal de police du 2 septembre 2024;
- le reproche selon lequel le cité aurait acquis des informations lors d'une procédure civile antérieure n'a manifestement pas été découvert au moment des débats précités puisque l'intéressé avait déjà œuvré à l'audience du 16 mai 2022 devant le Ministère public, sans que la requérante n'ait émis d'objection sur ce point;
- il en est de même du grief relatif à de prétendus manquements du cité lors de l'audience du 16 mai 2022, dès lors qu'aucun motif de récusation n'a été soulevé dans les jours qui ont suivi;
- partant, la requête en récusation – formée plus de deux ans après l'audience du 16 mai 2022 –, s'avère manifestement tardive et doit, pour ce motif, être déclarée irrecevable;
- au vu de ce qui précède, il n’y avait pas à demander au cité de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2. et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références);
- la requérante, qui n'a pas gain de cause, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 59 al. 4 et 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare la requête irrecevable.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure, arrêtés à CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et à B______.
Le communique pour information au Ministère public, au Tribunal de police et à la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/69/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- demande sur récusation (let. b) | CHF | 715.00 |
Total | CHF | 800.00 |