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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18774/2024

ACPR/701/2024 du 30.09.2024 sur OMP/18075/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE
Normes : CPP.132.al1.letb; CPP.132.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18774/2024 ACPR/701/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 30 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 27 août 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 août précédent, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de lui nommer un avocat d'office.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance, à ce qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et Me B______ nommée d'office, avec effet rétroactif au 26 août 2024 – date du dépôt de la demande – subsidiairement, à l'octroi d'une indemnité de CHF 2'250.- pour la rédaction du recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est notamment reproché à A______, né le ______ 1999, originaire de Tunisie, d'avoir:

·           à Genève, le 12 mai 2024, alors qu'il se trouvait dans le Tabac C______, sis rue 1______ no. ______, dérobé sur le comptoir le téléphone portable de marque D______ appartenant à E______, qui l'avait oublié;

·           entre le 27 juin 2021, lendemain de sa dernière condamnation, et le 14 août 2024, date de son interpellation, séjourné et travaillé – comme peintre, pour un salaire mensuel net de CHF 2'000.- en Suisse – sans les autorisations nécessaires;

·           le 14 août 2024, alors qu'il cheminait sur la rue du Stand, en direction du Sentier des Saules, détenu sur lui 234,5 grammes de stupéfiants – de la résine de cannabis et de la marijuana – outre une petite balance.

b. Entendu par la police le 14 août 2024, A______, s'exprimant en français et ayant renoncé à la présence de Me F______, qui n'avait pas pu être jointe, a contesté s'adonner à un trafic de stupéfiants. Il consommait deux à trois joints les jours où il travaillait et jusqu'à sept lors de ses jours de congé. La drogue retrouvée sur lui, acquise aux Grottes, était destinée à sa propre consommation. Il lui arrivait d'en partager avec ses amis. Confronté aux photographies issues des caméras de surveillance du Tabac C______, il a contesté avoir pris le téléphone de E______.

c. Devant le Ministère public le lendemain, A______ – ayant renoncé à demander la désignation d'un avocat d'office et accepté de s'exprimer hors la présence d'un défenseur – a admis avoir pris le téléphone de E______ qu'il avait vendu le lendemain pour se nourrir. Il a admis séjourner et travailler en Suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires. Il n'avait pas quitté la Suisse depuis son arrivée. Il travaillait sur appel, "au gris". Son revenu oscillait entre CHF 50.- et CHF 2'000.- par mois.

d.a. A______ a été condamné, par ordonnance pénale du 15 août 2024, à une peine privative de liberté de 120 jours, dont à déduire deux jours de détention avant jugement, pour appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP), ainsi qu'infractions aux art. 19 al. 1 let. d LStup et 115 al. 1 let. b et c LEI en lien avec les faits ayant donné lieu à son interpellation du 14 aout 2024. Il a été sanctionné en outre par une amende de CHF 100.- pour sa consommation de stupéfiants.

d.b. Il a fait opposition et sollicité l'assistance judiciaire.

d.c. Le 27 août 2024, le Ministère public a rendu une ordonnance de maintien de son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

e. S'agissant pour le surplus de sa situation personnelle, A______ est célibataire, sans enfant.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, il a été condamné:

·           le 15 juin 2020, par le Tribunal des mineurs, à une peine privative de liberté de 20 jours, avec sursis et délai d'épreuve de six mois, pour vol simple (art. 139 ch. 1 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), contravention à la LStup (art. 19a al. 1 LStup) et tentative de vol simple (art. 22 al. 1 CP cum art. 139 ch. 1 CP);

·           le 12 août 2020, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, avec sursis – révoqué le 26 juin 2021 –, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

·           le 8 décembre 2020, par le Tribunal de police, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

·           le 26 juin 2021, par le Ministère public, à une peine pécuniaire d'ensemble de 120 jours-amende, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait. A______ était donc à même de se défendre efficacement seul. La cause était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors qu'il n'était pas passible d'une peine privative de liberté de plus de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir son opposition à la décision d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, confirmée le 30 août 2024 par le Tribunal administratif de première instance, dans le cadre de laquelle il avait obtenu l'assistance judiciaire, les conditions de l'indigence et des chances de succès ayant été admises.

Dans l'ordonnance attaquée, le Ministère public n'avait, à juste titre, pas remis en cause son indigence, dans la mesure où il ne travaillait plus depuis le début de l'été et allait commencer une formation non rémunérée auprès de l'Université ouvrière genevoise. Il était sans revenu.

La cause présentait des difficultés objectives et subjectives justifiant la désignation d'un défenseur d'office. Il avait fait opposition à l'ordonnance pénale car il contestait avoir participé à un quelconque trafic de stupéfiants – admettant uniquement une consommation – et s'être approprié le téléphone de la plaignante "comme il l'a[vait] indiqué à la police lors de son audition et contrairement à ce qu'il a[vait] indiqué au Ministère public". Si seule une contravention devait être retenue à son encontre, cela influencerait le droit applicable et le type de peine, soit des nuances juridiques qui ne pouvaient pas être connues de simples justiciables. Sa condamnation – à une peine privative de liberté de 120 jours et une amende de CHF 100.-, pouvant être convertie en un jour de peine privative de liberté de substitution, soit un total de 121 jours dépassant le seuil prévu par la loi – pourrait être alourdie par le Tribunal de police, considérant notamment ses antécédents.

Enfin, il n'était pas de langue maternelle française, était arrivé en Suisse le 18 août 2019 seulement, et ne connaissait pas le vocabulaire technique, ni juridique. Il n'était ainsi pas en mesure de s'adresser aux autorités par écrit ni de formuler des réquisitions de preuves, dès lors qu'il n'avait jamais été confronté à la plaignante. Il n'était pas en mesure de se défendre seul devant le Tribunal de police, vu notamment la complexité de la question du concours d'infractions. La conformité du droit suisse au droit supérieur se posait par ailleurs, puisqu'il contestait la majorité des infractions. La condamnation du 15 août 2024 avait de plus eu des conséquences importantes sur sa vie, vu le prononcé de l'interdiction de périmètre précitée. En cas de gain de cause, même partiel, dans la procédure pénale, une levée de cette mesure administrative pourrait être sollicitée.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Ni la gravité de la cause ni ses difficultés ne correspondaient au seuil prévu à l'art. 132 CPP.

c. A______ réplique brièvement et persiste intégralement dans ses conclusions.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions: le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

2.2. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

2.3. Les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2; 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1). Aussi, même si le prévenu encourt une peine pouvant dépasser le seuil légal caractérisant les cas de peu de gravité, encore faut-il examiner que la cause présente des difficultés particulières de fait et/ou en droit (arrêts du Tribunal fédéral 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4; 1B_370/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2.3; 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.3).

Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.1.2).  

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1;
139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires dans le cas particulier pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2). 

2.4. En l'espèce, l'indigence du recourant ne semble pas contestée.

La condition de gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP, n'est pas réalisée, vu la condamnation du recourant à une peine privative de liberté de 120 jours, quand bien même le recourant a formé opposition à l'ordonnance pénale.

Par ailleurs, s'agissant de la difficulté de la cause, les infractions retenues dans l'ordonnance pénale du 10 avril 2024 concernent certes des biens juridiques différents, à savoir le patrimoine (appropriation illégitime), la santé (LStup) et la sécurité publiques (LEI). Toutefois, au regard des faits, le recourant a pu donner sa version devant la police et le Ministère public. Il a pu apporter, seul, les explications utiles. Il a ainsi admis s'être approprié le téléphone portable de la plaignante. Le fait qu'il puisse être amené à être confronté à cette dernière devant le Tribunal de police pas plus que l'éventuel dépôt de conclusions civiles de celle-ci n'y changent quoi que ce soit. Il conteste toute participation à un trafic de stupéfiants, portant sur 234,5 grammes au total de résine de cannabis et de marijuana, qu'il détenait au moment de son interpellation. Il n'est toutefois aucunement complexe de soutenir sans l'aide d'un avocat, comme il le fait, qu'il détenait cette drogue pour sa consommation. Quant aux infractions à l'art. 115 LEI, il a été condamné à plusieurs reprises pour infractions à l'art. 115 al. 1 let. b LEI, de sorte qu'il connaît les conditions d'application de cette disposition. Enfin, il concède lui-même qu'il bénéficie de l'assistance judiciaire gratuite dans le cadre de la procédure administrative en lien avec l'interdiction de périmètre qui lui a été notifiée.

L'absence d'un interprète et d'un avocat à chacune de ses auditions est un élément supplémentaire permettant de retenir que, quand bien même le recourant n'est pas de langue française maternelle ni n'a de quelconque formation, il est en mesure de défendre ses intérêts sans l'assistance d'un avocat, dans cette cause qui, comme déjà dit, ne revêt pas de difficultés, en fait ou en droit.

La condition de la complexité de la cause n'est donc pas davantage réalisée, de sorte que c'est à juste titre que le Ministère public a refusé de mettre le recourant au bénéfice d'une défense d'office.

3.             Infondé, le recours sera rejeté.

4. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).